Couverture des romans de Fred Vargas, une sombre histoire de droits d’auteur…

Depuis le départ, en 2014, de l’auteure Fred Vargas de la maison d’édition Viviane Hamy, au sein de laquelle ses romans étaient publiés dans la collection « Chemins Nocturnes », pour rejoindre Flammarion, une bataille judiciaire est née entre les deux maisons d’éditions.

En effet, selon l’ancienne éditrice de la romancière à succès, la maquette de la couverture du premier ouvrage publié chez son concurrent reprenait les codes de sa collection « Chemins Nocturnes » à savoir :

=> un encadrement de couleur blanche à bordure fine sur fond noir mat ;

=> le nom de l’auteur, en lettres blanches capitales, centré et placé sur entête de la couverture, surmonté d’une ligne blanche à bordure fine ;

=> un titre en lettre blanches capitales, centré, compris dans l’encadrement de couleur blanche à bordure fine, placé au-dessus d’une illustration ;

=> une illustration en noir et blanc, dans un style vaporeux et/ou lugubre centrée, comprise dans l’encadrement de couleur blanche à bordure fine, illustrant de manière originale le sujet du roman ;

=> un format semi-poche.

Or, elle estimait que ces caractéristiques étaient le résultat d’un parti pris esthétique ayant pour objectif de susciter un sentiment de confinement, d’incertitude, de perte de repère ou de réalité, permettant à la maquette d’accéder à une protection au titre du droit d’auteur.

Leur reprise était alors, aux dires des éditions Viviane Hamy, constitutive de contrefaçon, voire de concurrence déloyale et parasitisme.

 

Nous vous laissons apprécier les caractéristiques de chaque couverture, avant de vous dévoiler l’issue du litige…

Couverture d’un ouvrage de Fred Vargas paru aux éditions Viviane Hamy

Couverture du premier ouvrage de Fred Vargas paru aux éditions Flammarion

Exemple de couverture des éditions Gli Adelphi

 

Un jugement du tribunal de grande instance de Paris l’a déboutée de toutes ses prétentions. Elle a donc interjeté appel, mais la cour a fait sienne les conclusions des juges de première instance, en estimant que :

=> La maquette de couvertures des ouvrages de la collection « Chemins Nocturnes » n’étaient pas protégeables au titre du droit d’auteur.

En effet, elle remarque, d’une part, que tous les éléments opposés sont banals pour des illustrations de romans policiers, et n’expriment donc aucune originalité et, en tout état de cause, la demanderesse ne s’est pas attardée sur certaines caractéristiques notables de l’œuvre revendiquée (tels que la présence du titre de la collection et du logo en forme de chat stylisé) qui ne sont pas reproduites dans la maquette d’ouvrage des éditions Flammarion.

=> La concurrence déloyale et le parasitisme ne sont pas constitués, au motif qu’il n’existe aucun risque de confusion entre les deux maquettes de couverture (la seconde étant par ailleurs ouvertement inspirée de celle d’une autres maison d’édition, Gli Adelphi, qui avait cédé ses droits à Flammarion), du fait des différences évidentes entre ces dernières (notamment proportion de la couverture protégée par l’image, nombre de sous divisions du rectangle central, présence du logo et du nom de la collection, etc.). En outre, l’appelante n’est pas parvenue à apporter la preuve de ses investissements.

Le fait que des commentateurs aient pu noter une « certaine continuité » entre les ouvrages ne serait alors dû qu’au qu’à la grande notoriété de l’auteure.

 

Malgré cette victoire, il est notable que les couvertures des ouvrages suivants de Fred Vargas publiés chez Flammarion ont quelque peu évolué :

 

Enfin,  on remarquera que la décision peut être rapprochée de litiges concernant la protection de maquettes de couverture de magazines, cas dans lesquels les juges estiment en général que pour être protégée, la couverture doit présenter « une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique qui porte l’empreinte de la personnalité de son auteur »[1] ou être « constituée d’une maquette spécifique et constante, répondant à une charte graphique et typographique, constitue, dans la mesure où se trouve caractérisée l’originalité qui la qui la distingue de celle de ses concurrents, une œuvre de l’esprit susceptible de bénéficier de la protection instituée (au titre du droit d’auteur) »[2].

 

Willems Guiriaboye
Stagiaire

Anita Delaage
Avocate

Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 1, 24 septembre 2019, n°17/19205
Décision non publiée, communiquée sur demande à contact@taoma-partners.fr

[1] CA Paris, 21 sept. 2012, n°10/11630

[2] CA Paris, 21 févr. 2007, n°06/07885