28
juin
2019
Parodie : Le Point fait rire la Cour de cassation
Author:
teamtaomanews
Le 19 juin 2014, le journal Le Point publiait un numéro dont la Une représentait, sous l’intitulé « Corporatiste intouchables, tueurs de réforme, lepéno-cégétistes… Les naufrageurs – la France coule, ce n’est pas leur problème », un buste de Marianne à demi submergé.
Il est cependant apparu que le journal n’avait pas recherché l’autorisation de l’auteur de la sculpture apparaissant dans ce photomontage, Alain Gourdon, dit Aslan, avant de procéder à la publication. Le sculpteur étant décédé, son épouse (investie de l’ensemble de ses droits) a assigné le Point en contrefaçon. Après le rejet de sa demande par les juges du fond, c’est la Cour de Cassation qui, par un arrêt du 22 mai 2019, a définitivement mis fin aux prétentions de la demanderesse.
Dans sa décision, la Cour marque son accord avec la qualification de parodie donnée à la Une de l’hebdomadaire par la cour d’appel. En effet, l’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle indique que « lorsqu’une œuvre est divulguée, l’auteur ne peut interdire […] 4° la parodie, le pastiche ou la caricature, compte tenu des lois du genre », ces dernières n’étant pas définies légalement.
La Cour de Justice de l’Union Européenne[1] avait déjà apporté un éclairage sur les caractéristiques que devaient présenter une œuvre pour pouvoir être considérée comme une parodie, à savoir :
Évoquer une œuvre existante, tout en présentant des différences perceptibles par rapport à celle-ci ;
Constituer une manifestation d’humour ou une raillerie.
En revanche, elle avait souligné que la notion de « parodie » n’était pas soumise à des conditions selon lesquelles elle devrait présenter un caractère original propre, pouvoir raisonnablement être attribuée à une personne autre que l’auteur de l’œuvre originale, porter sur l’œuvre originale ou mentionner la source de l’œuvre parodiée.
S’agissant d’une notion autonome du droit de l’Union, c’est à la lumière de cette interprétation que la Cour de cassation s’est prononcée, validant la décision de la cour d’appel, qui avait relevé :
L’absence de tout risque de confusion avec l’œuvre originale, du fait des éléments propres ajoutés par le photomontage ;
L’existence d’une « métaphore humoristique du naufrage prétendu de la République » qui résultait dudit montage, peu important le caractère sérieux de l’article qu’il illustrait,
Sans chercher à savoir, en revanche, si la parodie portait sur l’œuvre elle-même, ce critère ayant été écarté par la CJUE.
Date et référence : Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 mai 2019, n°18-12718
Lire la décision complète sur Legifrance
[1] CJUE, 3 septembre 2014, Deckym, C-201/13
20
juin
2019
La CNIL confirme son pouvoir de sanction sans mise en demeure : condamnation de SERGIC à 400 000 euros pour violation grave de l’obligation de sécurité
Author:
teamtaomanews
Fin Avril, le Conseil d’État confirmait la capacité de la CNIL à sanctionner les violations des règles de sécurité des données personnelles sans forcément recourir à une préalable mise en demeure destinée à laisser la possibilité au contrevenant de corriger son comportement (note : voir notre news sur l’affaire OPTICAL CENTER).
Dans sa délibération du 28 mai 2019, l’autorité de contrôle confirme sa volonté d’exercer ce pouvoir.
L’entreprise ciblée est la société SERGIC, spécialisée dans le secteur immobilier qui avait fait l’objet d’une plainte par un utilisateur, étonné que la simple modification d’un nombre dans l’adresse URL du site web de la société lui permette d’accéder aux dossiers et pièces justificatives de candidats à la location.
Un contrôle en septembre 2018 met en lumière un manquement flagrant à la sécurité des données sur le plan du volume des données concernées et de la durée de la violation. Il est en effet question du téléchargement de plus de 9000 documents incluant « des copies de cartes d’identité, de cartes Vitale, d’avis d’imposition, d’actes de décès, d’actes de mariage, d’attestations d’affiliation à la sécurité sociale, d’attestations délivrées par la caisse d’allocations familiales, d’attestations de pension d’invalidité, de jugements de divorce, de relevés de compte, de relevés d’identité bancaire et de quittances de loyers ».
En outre malgré un signalement antérieur, le défaut de protection des données a persisté pendant une durée de plus de 6 mois avant que des mesures y mettent un terme.
Enfin la violation est aggravée par le fait que, de l’aveu de la société, les données des candidats à la location ne sont pas effacées une fois leur dossier classé et la candidature acceptée ou refusée.
Dans sa délibération du 28 mai, la CNIL constate donc un manquement à l’article 32(1) du RGPD, concernant les mesures raisonnables de protection des données. Elle insiste sur la durée du manquement, sur le grand nombre et l’aspect sensible et intime des données laissées sans protection.
En outre, la CNIL constate une violation des dispositions de l’article 5-1-e) du règlement relatif à la proportionnalité des délais de conservation des données ; pour l’autorité de contrôle, la société incriminée a aggravé son cas en conservant bien au-delà de la finalité originale les données relatives aux candidats n’ayant pas accédé à la location, qui auraient dû être supprimées dès la clôture de leur dossier.
Au vu de la gravité de ces manquements et du manque de diligence de la société dans leur gestion, la CNIL condamne cette dernière au paiement d’une amende de 400 000 euros, et à la publication de ladite sanction, sans mise en demeure préalable, et donc sans permettre à SERGIC de corriger les errements avant de décider de la sanction.
A ce sujet, la CNIL rappelle dans sa délibération qu’une mise en demeure n’est aucunement rendue obligatoire par les dispositions de la loi informatique et libertés de 1978 qui régit son action. Cette décision est ainsi à placer dans la continuité de l’affaire OPTICAL CENTER.
Le message de la CNIL est clair : pas de rattrapage pour les violations graves, la vigilance des responsables de traitement s’impose au plus fort.
Lire la délibération
17
juin
2019
17 juin 2019 – Le jour « J » pour le droit des marques au Canada
Le Canada a modifié en profondeur sa législation sur le droit des marques. Cette modification entre en vigueur le 17 juin 2019. Parmi les changements importants, nous noterons l’adhésion au Protocole de Madrid, à l’Arrangement de Nice et au Traité de Singapour. Ces traités entrent également en vigueur à l’égard du Canada le 17 juin 2019.
Les modifications prévues par la nouvelle législation canadienne et l’adhésion à ces conventions internationales ont pour but de moderniser et de simplifier le droit des marques canadien. Nous présentons une liste non exhaustive des changements :
Adoption de la classification de Nice
La classification de Nice prévue dans l’Arrangement de Nice divise en 45 classes les produits et services pouvant être désignés dans le cadre d’un dépôt de marque. Les marques canadiennes devront maintenant être déposées en accord avec la classification. L’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) se basera sur cette dernière dans l’examen des marques, y compris celles déposées avant le 17 juin 2019 mais non encore enregistrées.
Changement dans le mode de calcul des taxes
Cette modification est une conséquence à l’adoption de la classification de Nice dans la mesure où les taxes de dépôt et d’enregistrement vont désormais dépendre du nombre de classes désignées.
La division d’une demande de marque
Cette modification a aussi été permise par l’adoption de la classification de Nice. En effet, le déposant aura la possibilité de diviser une marque en plusieurs marques selon les classes désignées. Cette possibilité permettra par exemple d’accélérer le processus d’enregistrement d’une marque pour une ou plusieurs classes pendant que l’enregistrement de la ou des autres classes resterait bloqué par une procédure d’opposition et/ou une lettre officielle.
La nouvelle durée d’une vie d’une marque canadienne
Toutes les marques enregistrées après le 17 juin 2019 le seront pour une durée de 10 ans au lieu de 15 ans. Pour les marques enregistrées antérieurement au 17 juin 2019, c’est lors du renouvellement que la durée de 10 ans sera appliquée.
Nouveaux types de marque
De nouveaux types de marque sont désormais acceptés au dépôt telles que les marques de couleur, les marques sonores ou les marques olfactives.
L’OPIC se réserve le droit d’examiner le caractère distinctif de ces marques. Ainsi, seules les premières décisions de l’Office nous permettront de savoir dans quelle mesure ces nouveaux types de marque seront acceptés au Canada.
Suppression des bases de dépôt pour les marques canadiennes
Toutes les marques admises à l’enregistrement à partir du 17 juin 2019 le seront sous réserve de la seule condition du paiement de la taxe finale d’enregistrement. Il n’aura plus à indiquer de base de dépôt telle que « l’intention d’usage » de la demande de marque sur le marché canadien, nécessitant ensuite le dépôt de preuves de l’usage effectif.
La possibilité du choix entre un dépôt national et un dépôt international
Le déposant d’une marque aura le choix entre un dépôt national ou la désignation du Canada dans le cadre d’une marque internationale.
Élargissement des possibilités de revendication de priorité
Désormais, un déposant d’une marque canadienne peut revendiquer la priorité de n’importe quelle marque antérieure même si elle n’a pas été déposée dans le pays d’origine du déposant.
14
juin
2019
Sanction de la CNIL : pas d’obligation de mise en demeure préalable confirmée par le Conseil d’Etat
Author:
teamtaomanews
Dans un arrêt du 17 avril 2019, l’autorité administrative suprême a refusé d’infirmer les sanctions prises par la CNIL contre la société OPTICAL CENTER, au motif que ces dernières n’auraient pas été précédées d’une mise en demeure permettant à la société de corriger les problèmes.
En 2017, une enquête de la CNIL initiée suite à plusieurs plaintes concernant OPTICAL CENTER a mis à jour le fait que la simple entrée d’URL dans un navigateur permettait l’accès à de nombreuses factures et bons de commande des clients de la société faute de restriction de l’accès aux données par la connexion à un espace personnel.
La CNIL a pris la décision de sanctionner d’une amende de 250.000 euros cette grave faille de sécurité, qui méconnaissait l’article 34 de la Loi Informatique et Libertés, sans mise en demeure permettant à la société de corriger les errements et alors que cette société avait déjà pris les mesures nécessaires à la correction du problème.
Cette décision a été portée devant le Conseil d’Etat qui, dans son arrêt du 17 avril 2019, a confirmé la décision et rappelé que la mise en demeure n’est pas une étape obligatoire préalable à la sanction et que l’article 45 de la loi du 6 janvier 1978 dispose que « Lorsque le manquement constaté ne peut faire l’objet d’une mise en conformité dans le cadre d’une mise en demeure, la formation restreinte peut prononcer, sans mise en demeure préalable et après une procédure contradictoire, les sanctions prévues ».
Le Conseil en déduit la possibilité pour la CNIL d’outrepasser l’étape de la mise en demeure lorsque cette dernière est clairement inutile ; soit que le manquement incriminé ne puisse être corrigé, soit, comme c’était le cas en l’espèce, qu’il y ait déjà été remédié.
Le Conseil d’État réduit toutefois la sanction d’OPTICAL CENTER, en jugeant que la CNIL, ne tenant pas compte de la promptitude de la société à réagir à ses demandes, a prononcé une sanction disproportionnée ; cette dernière sera donc ramenée à 200.000 euros.
Lire la décision complète