21
septembre
2023
Droit des marques : un duo explosif entre ROSALÍA et ROZALIYA
De LA FAMA, à DESPECHÁ, la chanteuse espagnole Rosalía ne cesse d’enchaîner les tubes. Toutefois, sur le terrain du droit des marques, le succès se fait attendre.
En effet, à l’instar d’autres chanteuses, Rosalía a cherché à protéger son nom de scène, notamment au niveau de l’Union Européenne. Trois marques ROSALÍA ont été déposées dans différentes classes de produits et services, afin de désigner son activité de chanteuse, mais également pour désigner des produits dérivés, comme des cosmétiques, vêtements…
Une de ces marques est contestée par la société bulgare Raphael Europe Ltd, titulaire de la marque ROZALIYA jewerly for enlightenment, protégée en classes 14 et 18. La société Raphael Europe Ltd invoque l’existence d’un risque de confusion et entre les marques ROSALÍA et ROZALIYA jewerly for enlightenment.
Si l’activité principale de la chanteuse espagnole n’est pas impactée (classes 9 et 41), des produits des classes 14 (bijoux) et 18 (sacs) sont contestés, ce qui crée un risque pour la commercialisation de produits dérivés.
Toutefois, la chanteuse espagnole bénéficie dans ce dossier d’une arme défensive redoutable, la marque antérieure invoquée par la société Raphael Europe Ltd est en effet soumise à obligation d’usage. Elle a ainsi attaqué la marque ROZALIYA jewerly for enlightenment en déchéance totale, dans le but d’éliminer cette antériorité.
La Chambre de l’Annulation n’a que partiellement accueilli son action en déchéance, aussi la chanteuse a formé un recours contre cette décision. La procédure est actuellement en cours.
La chanteuse espagnole dispose de plusieurs arguments susceptibles de jouer en sa faveur, comme la renommée de son nom de scène d’un point de vue conceptuel.
TAoMA Partners suit de près cette affaire dont la note finale devrait être jouée dans les mois à venir 🎶.
Nous pourrons ainsi nous replonger dans les problèmes d’homonymies que peuvent rencontrer certaines célébrités qui cherchent à protéger leur nom de scènes à titre de marque, à l’instar de la chanteuse Katy Perry, également présente dans notre focus spécial musique.
Baptiste Kuentzmann
Conseil en Propriété Industrielle
18
septembre
2023
Nouveau refus de protection de la marque figurative « Rubik’s Cube », jugée déceptive
Le record du monde de résolution du célèbre casse-tête a été une nouvelle fois battu, le 12 juin dernier, avec une résolution en 3,12 secondes.
Ce record s’accompagne d’un nouveau refus de protection, prononcé par l’EUIPO le 21 août 2023.
I – Refus de protection de la marque « Rubik’s Cube » en raison de sa forme nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.
Le 24 octobre 2019, le Tribunal de l’Union Européenne (TUE) concluait une première saga jurisprudentielle en confirmant l’annulation de la marque figurative déposée par la société Rubik’s Brand Ltd et représentant le célèbre jouet, à l’égard des produits de la classe 28 (jeux, jouets, etc.)1.
A cette occasion, le TUE avait considéré que la marque était exclusivement constituée d’une forme nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, constituant un motif de refus absolu par application de l’article 7 paragraphe 1 sous e) du Règlement 2017/10012.
Voir notre article à ce sujet ici.
Fin 2020, la société canadienne Spin Master Corp. annonçait avoir racheté Rubik’s Brand Ltd., et sa filiale britannique Spin Master Toys Uk Limited devenait titulaire de la marque tridimensionnelle suivante :
Peu après, Spin Master Toys Uk Limited essuyait un premier revers en voyant sa marque nouvellement acquise annulée par la Division d’annulation de l’EUIPO, par décision du 25 mars 2022 (n° C 7 527)3.
La solution retenue par l’Office est semblable à celle du TUE en octobre 2019, estimant que la marque contestée est composée exclusivement de la forme nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.
La division d’annulation en a profité pour rappeler qu’une telle marque n’est pas éligible à l’enregistrement quand bien même le titulaire parviendrait à démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage.
Le titulaire de la marque a interjeté appel de cette décision, lequel est actuellement instruit par la Chambre des recours.
II – Nouveau refus de protection de la marque « Rubik’s Cube », cette fois-ci en raison de son caractère déceptif.
Parallèlement à son recours, Spin Master Toys Uk Limited s’est attelée au dépôt d’une nouvelle MUE représentant, une fois encore, le célèbre casse-tête :
Forte de sa mauvaise expérience avec la division d’annulation de l’EUIPO, la déposante a décidé de ruser en visant, dans le cadre de cette nouvelle demande d’enregistrement, les « jouets, jeux et articles de jeu ; tout ce qui précède à l’exclusion des produits ayant la forme d’un cube ».
Par ce stratagème, la déposante cherchait manifestement à contourner l’impossibilité de revendiquer l’enregistrement d’une forme exclusivement fonctionnelle.
Mais c’était sans compter l’opiniâtreté de l’Office qui a rejeté l’enregistrement de cette demande sur un autre fondement, celui de l’article 7 paragraphe 1 sous g) du Règlement 2017/10014, sanctionnant les dépôts de nature à tromper le public notamment sur la nature ou la qualité des produits visés5.
Ainsi, la démarche de Spin Master Toys Uk Limited n’était pas dénuée de sens, et lui a bien permis de contourner le motif absolu de refus opposé aux marques antérieures évoquées ci-avant.
Néanmoins, l’Office n’a pas été dupe et a bien cerné cette tentative de contournement de la règlementation et, pour ne pas tomber dans le « piège » du déposant, a décidé de fonder son rejet sur le caractère déceptif de ce dépôt.
On peut s’interroger sur le bien-fondé de cette décision : une marque prenant la forme d’un jouet doit-elle nécessairement proposer dans sa gamme le produit qui est représenté dans son signe, à défaut de quoi elle serait de nature à induire le public en erreur ?
Ou bien cette décision est-elle davantage motivée par la volonté de sanctionner une tentative de contournement qui, bien qu’audacieuse, n’en demeure pas moins quelque peu grossière ?
La décision de l’Office aurait-elle été la même si le signe retenu n’avait pas été aussi iconique que le Rubik’s Cube ?
La décision de l’Office est encore susceptible d’appel, ce casse-tête juridique n’est donc pas à l’abri d’un ultime rebondissement …
Robin Antoniotti
Avocat
(1) Arrêt du Tribunal de l’Union Européenne du 24 octobre 2019, T‑601/17 (lien)
(2) Article 7 paragraphe 1 sous e) du Règlement 2017/1001 : « 1. Sont refusés à l’enregistrement : […] e) les signes constitués exclusivement : i) par la forme, ou une autre caractéristique, imposée par la nature même du produit ; ii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ; iii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, qui donne une valeur substantielle au produit »
(3) Décision de la division d’annulation de l’EUIPO N° C 7 527 contre la marque de l’UE n° 5 696 232
(4) Refus d’enregistrement de la marque de l’Union Européenne n° 018847435
(5) Article 7 paragraphe 1 sous g) du Règlement 2017/1001 : « 1. Sont refusés à l’enregistrement : […] (g) les marques qui sont de nature à tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service »
17
août
2023
La Cour d’appel ne Rhônonce pas à la protection des AOP viticoles !
Author:
teamtaomanews
Il s’agit d’une nouvelle victoire pour les indications géographiques viticoles, et plus particulièrement pour l’appellation Côtes du Rhône.
A l’instar des dernières décisions rendues en matière d’appellations d’origine protégées (AOP) et d’indications géographiques protégées (IGP) viticoles ou même fromagères, cette fois-ci c’est la protection du terme « Rhône » qui vient d’être entérinée par la Cour d’appel de Paris.
A l’origine de ce litige, une action judiciaire introduite par le Syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône et l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) devant le Tribunal Judiciaire de Paris contre le négoce de vins NewRhône Millésimes pour le dépôt et l’usage des marques françaises NEWRHONE No. 4425084 et No. 4425088, enregistrées en 2018 pour des « Vins bénéficiant des appellations d’origines protégées « Côtes du Rhône » et « Côtes du Rhône Villages » y compris les Crus des Côtes du Rhône, et des autres appellations d’origines protégées de la Vallée du Rhône ».
Déboutées en première instance aux motifs que « le terme « Rhône » renvoie au fleuve et non pas aux appellations », les demanderesses ont fait appel de cette décision le 12 mai 2021 devant la Cour d’appel de Paris.
Le 26 mai dernier [1], la troisième chambre de la Cour d’appel de Paris a prononcé la nullité des marques susvisées pour l’intégralité des produits désignés, et interdit l’exploitant NewRhône Millésimes « dans un délai de 45 jours à compter de la signification du présent arrêt (…) de faire usage du signe « Newrhône » pour désigner des vins, le commerce des vins ou leur promotion ».
A la lumière de l’arrêt Champanillo rendue par la CJUE en décembre 2021, la Cour d’appel de Paris rappelle l’importance de la notion d’« évocation », et plus précisément le fait que « le critère déterminant est celui de savoir si le consommateur, en présence d’une dénomination litigieuse, est amené à avoir directement à l’esprit, comme image de référence, la marchandise couverte par l’AOP (…) ».
La Cour considère ainsi que « ces signes incorporent en partie les appellations protégées « Côtes du Rhône » et « Côtes du Rhône Villages », en l’occurrence le terme ‘Rhône’, qui en constitue l’élément dominant, les termes ‘Côtes’ et «’Villages’» constituant des termes communs et secondaires, contrairement au terme ‘ Rhône’ qui sera identifié par le consommateur européen moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé comme se rapportant à des vins d’appellation protégée, répondant à des critères définis par un cahier des charges ».
Elle poursuit par ailleurs – avec ce qui pourrait être considéré comme l’attendu fondamental de cette décision – en précisant qu’« un vin conforme à un cahier des charges et bénéficiant d’une appellation d’origine ne peut faire usage de celle-ci que sous sa forme enregistrée, tout autre usage n’étant pas autorisé, qu’il s’agisse d’une imitation ou d’une évocation et que cette imitation ou évocation porte sur l’un ou l’ensemble des composants d’une appellation ».
A l’instar des dernières décisions judiciaires ou administratives rendues en matière d’atteintes portées à des AOP et à des IGP, cette décision de justice vient de nouveau préciser les contours de leur protection, et renforcer la réglementation de leur utilisation.
Gaëlle Bermejo
Conseil en Propriété Industrielle
[1] Cour d’appel de Paris, 26 mai 2023 – RG n° 21/09232, Pôle 5 Chambre 2
08
août
2023
Cession de droits de propriété intellectuelle : si c’est gratuit, c’est notarié
Author:
teamtaomanews
Les droits de propriété intellectuelle peuvent faire l’objet d’une cession par contrat, que ce soit à titre onéreux ou bien à titre gratuit.
Après s’être prononcé en 2022 sur la cession d’une marque à titre gratuit (dont vous pouvez retrouver la news de TAoMA ici) [1], le Tribunal judiciaire de Paris semble confirmer son approche dans une ordonnance de référé rendue le 12 avril 2023 [2], s’agissant cette fois-ci de droits d’auteur.
Guerre et PI
Le demandeur est un ancien militaire de l’armée russe, qui a participé à l’invasion de l’Ukraine. Après avoir été blessé sur le front puis rapatrié en Russie, il a diffusé sur le réseau social VKontakte son témoignage intitulé « ZOV », qui signifie « l’appel ». Ce terme a notamment été peint sur des chars russes lors de l’invasion.
Ayant dû fuir la Russie pour la France, il a décidé de céder à titre gratuit et par acte sous seing privé ses droits d’auteur sur son manifeste à une association, en septembre 2022.
Cette association a elle-même conclu un contrat de cession de droits d’auteur avec la société d’édition Albin Michel, pour la publication de l’œuvre en format imprimé et électronique. Conformément à ce contrat, un livre intitulé « ZOV : L’homme qui a dit non à la guerre » a été publié en novembre 2022 en France.
L’association et la société d’édition ont alors été assignées devant le Tribunal judiciaire de Paris par l’ex militaire. Elles ont ensuite été assignées en référé pour que soit réalisé le placement sous séquestre conservatoire des recettes générées par l’ouvrage, dans l’attente du rendu d’une décision au fond.
Le sort de la cession gracieuse de droits de propriété intellectuelle à nouveau face aux juges
Rappelant les dispositions de l’article 931 du code civil (prévoyant que « tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité »), le juge des référés a constaté que le contrat conclu entre l’ex militaire et l’association emporte « explicitement cession « gratuite » de droits d’auteurs », et qu’il est « donc possible que cet acte conclu sous seing privé soit nul ».
Le juge des référés ne peut rendre une décision sur le fond de l’affaire mais uniquement sur des mesures provisoires. Ainsi, il ne fait ici que « supposer » la nullité de l’acte laissant au juge du fond trancher la question.
Le séquestre provisoire des recettes issues du livre a en conséquence été ordonné, dans l’attente d’une décision au fond. Les juges du fond devraient, selon toute vraisemblance, prononcer la nullité de la cession des droits d’auteur à titre gratuit, qui aurait dû être réalisée par acte notarié pour pouvoir être valide.
Il est ainsi rappelé que la propriété intellectuelle, tant s’agissant de cession gracieuse de marque que de droit d’auteur, ne déroge pas aux règles du droit commun de la donation entre vifs.
La cession à titre gratuit de droits de propriété intellectuelle est juridiquement considérée comme une donation et doit être passée devant notaire, sous peine de nullité.
Cette solution réitérée semble sceller le sort de cette pratique répandue, notamment pour les cessions de marque.
Arthur Burger
Stagiaire juriste
Jean-Charles Nicollet
Associé – Conseil en Propriété Industrielle
[1] Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch, 8 février 2022, n° 19/14142
[2] Tribunal judiciaire de Paris, 12 avril 2023, n° 23/50949
31
janvier
2023
🖼 Napoléon ne se fera pas tirer le portrait
La société néerlandaise TREND DEVELOPMENT a déposé auprès de l’EUIPO plus d’une dizaine de marques figuratives représentant le visage de personnages historiques tels que Napoléon, Kant ou encore Mozart.
Malheureusement pour l’entreprise, l’EUIPO dans une décision du 15 décembre 2021 a rejeté les différentes demandes jugeant que ces portraits ne remplissaient pas la condition de caractère distinctif nécessaire à une marque.
En effet, selon l’office, bien que chaque visage soit unique, cela ne signifie pas qu’il est immédiatement perçu comme une indication de l’origine commerciale des produits et services. Autrement dit, reconnaitre n’est pas pareil à distinguer par l’origine.
Aussi, pour autant que le consommateur soit familier avec l’apparence des personnages visés par les différents dépôts, l’office est d’avis que le signe ne sera pas utilisé et perçu comme un signe distinctif mais une œuvre d’art.
Jade de Lumley Woodyear
Stagiaire juriste
Anne Laporte
Avocate
31
janvier
2023
👑 Couronnement raté pour Mariah Carey…
L’interprète mondialement connu de « All I want for Christmas is you », Mariah Carey, a déposé le 10 mars 2021 trois demandes de marques devant l’USPTO. Les marques en question : « Queen of Christmas », « QOC » et « Princess Christmas » désignant notamment des produits cosmétiques, des parfums ou encore lunettes de soleil.
Cette tentative d’auto-proclamation n’est pas passée inaperçue. Une de ses rivales, la chanteuse Elizabeth Chan a aussitôt formé opposition contre ses demandes considérant que Mariah Carey ne pouvait se revendiquer comme la seule et unique reine de Noël. Pour fonder cette opposition, la chanteuse se base notamment sur un titre qu’elle a sorti en 2021 « The Queen of Christmas ».
Mariah Carey n’ayant pas répondu à l’opposition de Elisabeth Chan, les demandes de marques ont été rejetées par l’USPTO le 15 novembre 2022. Pas de couronnement pour Mariah Carey…
Jade de Lumley Woodyear
Stagiaire juriste
Anne Laporte
Avocate
29
novembre
2022
Bataille des NFT : 1-0 pour la Juventus !
Author:
admingih092115
Il n’est plus nécessaire de présenter la Juventus de Turin, même pour les profanes en matière de foot !
Si la Juve, pour les intimes, se bat au quotidien sur les terrains de foot, elle n’est pas en reste quand il s’agit de défendre ses droits devant les tribunaux, et avec un certain succès.
Dans le cadre de l’une des premières décisions en Union européenne dans le domaine, la Juve l’a emporté haut la main contre des cartes numériques à jouer authentifiées par NFT.
Petit résumé de la compétition
En 2021, la société Blockeras s.r.l a obtenu l’accord de différents joueurs actifs ou à la retraite pour lancer le projet Coin Of Champion consistant en la réalisation de cartes à jouer à leur effigie et authentifiées par NFT.
L’une des cartes représentait l’ancien avant-centre Bobo VIERI portant son ancien maillot de la Juve.
En 2022, Blockeras lance la commercialisation de ses cartes entrainant l’attaque de la Juventus.
En effet, cette dernière est titulaire de nombreuses marques dont les marques verbales JUVE, JUVENTUS et une marque figurative représentant son célèbre maillot à rayures noires et banches portant 2 étoiles.
La Juve découvrant la production (mintage), la publicité et la mise en vente des cartes authentifiées par NFT contenant ses marques sans son autorisation, elle saisit la cour de première instance de Rome dans le contexte d’une « injonction préliminaire ». Elle considère que ces cartes constituent des actes de contrefaçon de ses marques et de concurrence déloyale.
Pour sa défense, Blockeras fait notamment valoir que les marques invoquées n’étaient pas enregistrées pour les produits virtuels téléchargeables !
Tableau des scores
La cour de première instance de Rome relève que les marques concernent l’équipe de foot italienne la plus performante qui a remporté le plus de compétitions.
Par ailleurs, la Juve a une activité de merchandising généralisée dans différents secteurs (vêtements, jeux, etc.) aussi bien sur le web que dans des magasins physiques dans différentes villes d’Italie.
Ainsi, l’usage de l’image de Bobo VIERI, portant son maillot de la Juve, entraine un usage des marques sans autorisation de la Juventus. Il s’agit d’un usage à des fins purement commerciales et l’autorisation de Bobo VIERI d’exploiter son image portant son maillot devait également faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès du célèbre club de foot puisque la réputation de ses marques contribue à la valeur de la carte numérique authentifiée par NFT.
Quant à l’argument de Blockeras selon lequel les marques ne sont pas protégées en classe 9 pour des produits virtuels, la cour l’écarte d’un revers du pied. En effet, elle note que les marques désignent différents produits, notamment en classe 9, qui sont liés aux « publications électroniques téléchargeables ».
De plus, elle précise que la Juve est active dans le monde des crypto jeux, des crypto monnaies et des NFT notamment via des accords avec la société française Sorare.
Elle en conclut donc que la création et la commercialisation des cartes numériques par Blockeras portent atteinte aux marques de la Juve.
Commentaire (non sportif)
En juin dernier, l’Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO) a publié ses « guidelines » relatives aux NFT dans lesquelles il estime que ces derniers relèvent de la classe 9 « parce qu’ils sont traités comme du contenu ou des images numériques ». Il en ressort donc une présomption que les marques pour des produits physiques doivent également être déposées pour les produits virtuels si leurs titulaires souhaitent être protégés pour ces derniers.
Cette décision de la cour de première instance de Rome semble également aller dans ce sens puisqu’elle reconnait la similarité entre les cartes virtuelles authentifiées par NFT avec les « publications électroniques téléchargeables » auxquelles des produits désignés par les marques de la Juventus sont liés. Il est vrai que la cour retient également l’activité marquée de la Juve dans le domaine des crypto jeux et crypto monnaies pour renforcer le risque de confusion dans l’esprit du public.
Néanmoins, si les marques de la Juve n’avaient pas désigné des produits liés aux publications électroniques téléchargeables, nous pouvons nous demander si la cour aurait eu le même raisonnement malgré l’activité du club de foot dans ces nouvelles technologies.
Face aux incertitudes actuelles liées aux NFT, il est donc fortement recommandé d’étendre la protection de ses marques aux produits virtuels, au moins par précaution.
N’hésitez pas à nous contacter pour en discuter et mettre en place une stratégie de marque adaptée à vos besoins !
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
14
novembre
2022
La forme du « Saddle bag » de Dior refusée à l’enregistrement pour absence de caractère distinctif
La protection par le droit des marques peut s’avérer très utile pour les entreprises du secteur de l’industrie du luxe notamment, en complément d’une protection par le droit des dessins et modèles.
En effet, lorsque l’apparence d’un produit présente une certaine particularité, il est possible pour son créateur de déposer une marque dite « bidimensionnelle » ou « tridimensionnelle » selon les cas. Cet outil juridique a l’avantage de conférer un droit de propriété intellectuelle illimité sur cette forme, sous réserve d’une exploitation sérieuse par son titulaire.
Toutefois, afin d’éviter d’octroyer un monopole sur une forme quelconque au détriment des concurrents, l’examen par les Offices d’une telle demande est soumis aux mêmes conditions que pour les autres catégories de marques et fait l’objet d’une appréciation stricte par les examinateurs. En effet, une marque de forme est notamment refusée à l’enregistrement si elle est :
Dépourvue de caractère distinctif 1. Le signe doit permettre d’identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé et donc de les distinguer des entreprises concurrentes.
Constituée exclusivement par la forme/les caractéristiques du produit 2 :
• imposée par la nature de ce même produit ;
• nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ;
• qui donne une valeur substantielle au produit.
Ces conditions constituent des motifs absolus de refus à l’enregistrement d’une marque. Dans une décision récente 3,, la chambre des recours de l’EUIPO s’est prononcée sur l’absence de distinctivité de la demande de marque 3D du « Saddle Bag » de Dior. Cette décision vient illustrer l’appréciation du caractère distinctif de cette typologie particulière de marque.
La société Christian Dior Couture a déposé une demande de marque 3D portant sur la forme de son célèbre « Saddle bag » – créé en 1999 par John Galliano – le 24 mars 2021, pour désigner des produits en classes 9 et 18. La marque demandée était notamment représentée comme suit au moment du dépôt :
Après avoir essuyé un premier refus partiel devant l’EUIPO le 11 novembre 2021 sur le fondement de l’Article 7 paragraphe 1, point b) du RMUE, la demanderesse a formé un recours en appel contre cette décision.
Une fois saisie, la chambre des recours a alors estimé que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, dès lors qu’elle est constituée d’une combinaison d’éléments qui sont « typiques » des produits concernés en classe 18, à savoir les « Sacs, sacs à main, pochettes (maroquinerie), trousses de voyage (maroquinerie), trousses de toilette et de maquillage (vides) ». De ce fait elle a considéré que la marque 3D ne pouvait pas diverger, dans son ensemble et de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur de la maroquinerie.
Pour rappel, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, qui est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif.
D’après l’Office, il est notoire que ce secteur soit caractérisé par une multitude et une abondance de formes auxquelles le public est régulièrement exposé. L’examinateur avait notamment considéré que le signe demandé était « la forme d’un sac à main, d’une sacoche, d’une housse, d’un étui, d’une pochette voire d’une trousse qui pourrait être fabriquée en cuir/peau d’animal ».
La forme du « Saddle bag » ne peut donc remplir sa fonction essentielle d’origine, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale des produits en cause et notamment les articles de maroquinerie susmentionnés en classe 18, afin de les différencier des entreprises concurrentes.
En revanche, l’Office a annulé le refus pour les produits de la classe 9 (Lunettes de vue, etc) et certains produits de la classe 18 (Cuir et imitation du cuir; peaux d’animaux et fourrures, etc), considérant que ces produits ne prendraient pas la forme de la marque en cause ou une forme similaire.
Ainsi, la chambre des recours de l’EUIPO a confirmé la décision de l’examinateur et a refusé partiellement l’enregistrement de la marque 3D de Dior, portant sur la forme du « Saddle Bag » pour absence de caractère distinctif.
Ce n’est pas la première fois que Dior rencontre des difficultés pour obtenir la protection de la forme de son sac, puisque le 9 mars 2021, l’USPTO (l’Office américain des marques et des brevets) a refusé l’enregistrement de cette demande pour les mêmes motifs.
Ainsi, la protection des marques 3D n’est pas chose aisée pour les déposants et notamment pour les grandes maisons de luxe, afin de ne pas créer un monopole sur une forme et donc un avantage concurrentiel en faveur d’un seul opérateur économique.
Margaux Maarek
Juriste
(1) Article 7, paragraphe 1, point b), du Règlement sur la marque de l’Union européenne : « 1. Sont refusés à l’enregistrement : (…) (b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif (…) » ;
(2) Article 7, paragraphe 1, point e), du Règlement sur la marque de l’Union européenne : « 1. Sont refusés à l’enregistrement : (…) (e) les signes constitués exclusivement : (i) par la forme, ou une autre caractéristique, imposée par la nature même du produit ; (ii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique; (iii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, qui donne une valeur substantielle au produit ; (…) » ;
(3) EUIPO, Décision de la Deuxième chambre de recours du 7 septembre 2022, affaire R 32/2022-2 ;
11
juillet
2022
Le TUE n’est pas d’humeur festive, Amsterdam Poppers descriptive
Author:
admingih092115
Si Amsterdam, capitale des Pays-Bas, est connue pour son patrimoine culturel et artistique, ainsi que ses richesses historiques, elle l’est tout autant pour sa vie nocturne et les plaisirs y associés. Ce fait, qualifié de notoire par le Tribunal de l’Union européenne (TUE) dans sa décision du 6 avril 20221, n’a pas joué en faveur de la société Funline International, déposante de la demande de marque AMSTERDAM POPPERS.
Le 15 décembre 2020, la société de droit américain Funline International a déposé auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) la demande de marque AMSTERDAM POPPERS pour désigner divers produits des classes 3 et 5, y inclus « produits à inhaler à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante ».
L’EUIPO a, dans le cadre de l’examen de cette marque, émis un refus total de protection de la marque sur la base des deux motifs suivants :
La marque AMSTERDAM POPPERS est contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs dès lors qu’elle fait référence à une drogue récréative ;
La marque AMSTERDAM POPPERS est descriptive des « produits à inhaler à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante » dès lors qu’elle sert à décrire la provenance des produits en cause, à savoir une substance récréative provenant de la ville d’Amsterdam.
Sur recours de la société Funline International, la Chambre d’appel de l’EUIPO a confirmé partiellement la décision de refus. En effet, si la Chambre d’appel de l’EUIPO déjuge l’examinateur concernant la contrariété à l’ordre public et aux bonnes mœurs au motif que la consommation de poppers n’est pas prohibée dans les États membres, elle maintient la conclusion selon laquelle la marque AMSTERDAM POPPERS est descriptive pour les « produits à inhaler à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante ».
La demande de marque AMSTERDAM POPPERS a donc été acceptée à l’enregistrement pour l’ensemble des produits qu’elle désigne en classes 3 et 5, exception faite des « produits à inhaler à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante ».
C’était sans compter la détermination de la société Funline International qui a porté l’affaire devant le TUE afin d’obtenir l’annulation de la décision au motif qu’elle violerait l’Article 7, paragraphe 1, sous c), du Règlement 2017/10012.
En effet, la société Funline International considérait que la marque AMSTERDAM POPPERS ne pouvait être considérée comme descriptive dès lors que la ville d’Amsterdam n’était pas connue pour la production de poppers, de sorte qu’il n’existait aucun lien direct entre le lieu géographique et le produit en cause. Par ailleurs, la société américaine affirmait que la combinaison des termes AMSTERDAM et POPPERS était inhabituelle, conférant à l’ensemble un caractère arbitraire au regard des produits objectés.
Le TUE dans sa décision du 6 avril dernier rejette les arguments ci-dessus et confirme la décision de la Chambre d’appel de l’EUIPO.
En ce sens, le TUE rappelle la jurisprudence classique selon laquelle une marque composée de plusieurs termes descriptifs et/ou de termes géographiques peut faire l’objet d’un enregistrement à titre de marque au sein de l’Union européenne, à la condition toutefois que (i) la combinaison ne soit pas elle-même descriptive et (ii) qu’il n’existe pas de lien direct entre le lieu géographique et le produit désigné.
Or, tel n’est pas le cas en l’espèce puisque, contrairement à ce qu’affirme la société Funline International :
le terme AMSTERDAM sera nécessairement associé à la ville du même nom qui est notoirement connue pour sa tolérance concernant l’usage de drogues ;
le terme POPPERS renvoie directement à la nature des produits en cause, à savoir une substance qui est généralement utilisée dans un cadre festif.
Aussi, il existe un lien direct entre le lieu géographique utilisé et les produits objectés, le public pertinent pouvant raisonnablement penser que les produits en cause proviennent d’Amsterdam, ville réputée pour la consommation de ce type de produits.
Au surplus, le TUE considère de manière assez logique que la construction grammaticale de la marque demandée est banale, à tout le moins pour le public anglophone et francophone. La signification descriptive de la marque est effectivement immédiatement perceptible par ce public et ne nécessite pas particulièrement d’efforts intellectuels.
Il n’y aura donc pas de poppers à Amsterdam, le TUE confirme le rejet de la demande de marque AMSTERDAM POPPERS pour les « produits à inhaler à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante ».
Cette décision, en phase avec la jurisprudence classique de l’Union européenne, permet de rappeler les critères de protection des marques descriptives, en particulier quand elles sont composées d’une juxtaposition de termes descriptif et/ou d’un terme géographique. La vigilance reste donc de mise !
Baptiste Kuentzmann
Conseil en Propriété Industrielle
1 Tribunal de l’Union européenne du 6 avril 2022, Funline International c/ Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, Affaire T-680/21 ;
2 « 1. Sont refusés à l’enregistrement: (…) c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci; »
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