14
novembre
2022
La forme du « Saddle bag » de Dior refusée à l’enregistrement pour absence de caractère distinctif
La protection par le droit des marques peut s’avérer très utile pour les entreprises du secteur de l’industrie du luxe notamment, en complément d’une protection par le droit des dessins et modèles.
En effet, lorsque l’apparence d’un produit présente une certaine particularité, il est possible pour son créateur de déposer une marque dite « bidimensionnelle » ou « tridimensionnelle » selon les cas. Cet outil juridique a l’avantage de conférer un droit de propriété intellectuelle illimité sur cette forme, sous réserve d’une exploitation sérieuse par son titulaire.
Toutefois, afin d’éviter d’octroyer un monopole sur une forme quelconque au détriment des concurrents, l’examen par les Offices d’une telle demande est soumis aux mêmes conditions que pour les autres catégories de marques et fait l’objet d’une appréciation stricte par les examinateurs. En effet, une marque de forme est notamment refusée à l’enregistrement si elle est :
Dépourvue de caractère distinctif 1. Le signe doit permettre d’identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé et donc de les distinguer des entreprises concurrentes.
Constituée exclusivement par la forme/les caractéristiques du produit 2 :
• imposée par la nature de ce même produit ;
• nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ;
• qui donne une valeur substantielle au produit.
Ces conditions constituent des motifs absolus de refus à l’enregistrement d’une marque. Dans une décision récente 3,, la chambre des recours de l’EUIPO s’est prononcée sur l’absence de distinctivité de la demande de marque 3D du « Saddle Bag » de Dior. Cette décision vient illustrer l’appréciation du caractère distinctif de cette typologie particulière de marque.
La société Christian Dior Couture a déposé une demande de marque 3D portant sur la forme de son célèbre « Saddle bag » – créé en 1999 par John Galliano – le 24 mars 2021, pour désigner des produits en classes 9 et 18. La marque demandée était notamment représentée comme suit au moment du dépôt :
Après avoir essuyé un premier refus partiel devant l’EUIPO le 11 novembre 2021 sur le fondement de l’Article 7 paragraphe 1, point b) du RMUE, la demanderesse a formé un recours en appel contre cette décision.
Une fois saisie, la chambre des recours a alors estimé que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, dès lors qu’elle est constituée d’une combinaison d’éléments qui sont « typiques » des produits concernés en classe 18, à savoir les « Sacs, sacs à main, pochettes (maroquinerie), trousses de voyage (maroquinerie), trousses de toilette et de maquillage (vides) ». De ce fait elle a considéré que la marque 3D ne pouvait pas diverger, dans son ensemble et de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur de la maroquinerie.
Pour rappel, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, qui est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif.
D’après l’Office, il est notoire que ce secteur soit caractérisé par une multitude et une abondance de formes auxquelles le public est régulièrement exposé. L’examinateur avait notamment considéré que le signe demandé était « la forme d’un sac à main, d’une sacoche, d’une housse, d’un étui, d’une pochette voire d’une trousse qui pourrait être fabriquée en cuir/peau d’animal ».
La forme du « Saddle bag » ne peut donc remplir sa fonction essentielle d’origine, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale des produits en cause et notamment les articles de maroquinerie susmentionnés en classe 18, afin de les différencier des entreprises concurrentes.
En revanche, l’Office a annulé le refus pour les produits de la classe 9 (Lunettes de vue, etc) et certains produits de la classe 18 (Cuir et imitation du cuir; peaux d’animaux et fourrures, etc), considérant que ces produits ne prendraient pas la forme de la marque en cause ou une forme similaire.
Ainsi, la chambre des recours de l’EUIPO a confirmé la décision de l’examinateur et a refusé partiellement l’enregistrement de la marque 3D de Dior, portant sur la forme du « Saddle Bag » pour absence de caractère distinctif.
Ce n’est pas la première fois que Dior rencontre des difficultés pour obtenir la protection de la forme de son sac, puisque le 9 mars 2021, l’USPTO (l’Office américain des marques et des brevets) a refusé l’enregistrement de cette demande pour les mêmes motifs.
Ainsi, la protection des marques 3D n’est pas chose aisée pour les déposants et notamment pour les grandes maisons de luxe, afin de ne pas créer un monopole sur une forme et donc un avantage concurrentiel en faveur d’un seul opérateur économique.
Margaux Maarek
Juriste
(1) Article 7, paragraphe 1, point b), du Règlement sur la marque de l’Union européenne : « 1. Sont refusés à l’enregistrement : (…) (b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif (…) » ;
(2) Article 7, paragraphe 1, point e), du Règlement sur la marque de l’Union européenne : « 1. Sont refusés à l’enregistrement : (…) (e) les signes constitués exclusivement : (i) par la forme, ou une autre caractéristique, imposée par la nature même du produit ; (ii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique; (iii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, qui donne une valeur substantielle au produit ; (…) » ;
(3) EUIPO, Décision de la Deuxième chambre de recours du 7 septembre 2022, affaire R 32/2022-2 ;
11
juillet
2022
Wonder woman c/ wonder mum : première défaite pour la super-héroïne de la ligue des justiciers
Author:
admingih092115
Dans une décision du 2 mars dernier, la Haute Cour de Justice du Royaume-Uni a confirmé l’absence de risque de confusion entre la marque WONDER WOMAN, appartenant à la société américaine DC Comics et la demande de marque WONDER MUM déposée par la société Unilever.
Quel est le contexte ?
En 2019, Unilever a déposé une demande de marque WONDER MUM pour des produits cosmétiques. La même année, DC Comics a déposé une opposition à l’encontre de cette demande de marque sur la base de sa marque antérieure WONDER WOMAN. Dans le cadre de cette opposition, plusieurs motifs ont été invoqués, y inclus la réputation acquise par la marque antérieure WONDER WOMAN sur le territoire britannique.
En juin 2021, l’Office des marques local (UKIPO) a rejeté l’ensemble des motifs d’opposition présentés par DC Comics. La société américaine a donc interjeté appel de cette décision devant la Haute Cour de Justice du Royaume-Uni dans le but d’obtenir le refus de la marque WONDER MUM à l’enregistrement.
Pour quelles raisons la Haute Cour a-t-elle rejeté l’appel formé par DC Comics ?
Dans un premier temps, la Haute Cour a estimé que le faible degré de similitudes conceptuelles entre les marques n’est pas suffisant pour caractériser un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. Par ailleurs, cette juridiction a également considéré que les preuves fournies par DC Comics sont insuffisantes pour établir la réputation de la marque WONDER WOMAN auprès du public britannique. En effet, l’ensemble des preuves fournies par DC Comics portaient essentiellement sur de simples déclarations, sans aucune donnée chiffrée permettant précisément d’identifier les recettes liées à la marque WONDER WOMAN au Royaume-Uni. Enfin, la dernière difficulté résidait dans le fait qu’il n’y ait aucune preuve claire permettant de démontrer que les consommateurs britanniques perçoivent WONDER WOMAN comme une marque, et non comme le titre d’une œuvre ou le nom d’une super-héroïne mondialement connue.
Cet épisode de la saga WONDER WOMAN souligne une nouvelle fois l’importance de la spécificité des preuves d’usage. Cette décision rappelle par ailleurs la complexité de la protection des marques portant sur des personnages fictifs. Ces marques doivent être utilisées aux fins d’identifier l’origine commerciale des produits et services couverts. Se fonder simplement sur la popularité de cette super-héroïne en tant qu’œuvre artistique sans preuves concrètes n’apparait pas suffisant.
En conclusion, la bataille continue pour les super-héros !
Juliette Parisot
Stagiaire – Pôle CPI
Gaëlle Bermejo
Conseil en Propriété Industrielle
21
janvier
2022
L’AC Milan perd son match (et sa marque) devant le TUE
Author:
teamtaomanews
Les Allemands ont remporté un match judiciaire en droit des marques contre les Italiens (3-0) dans une affaire opposant l’Associazione Calcio Milan SpA (AC Milan), célèbre club de football, à la société de droit allemand InterES Handels- und Dienstleistungs Gesellschaft mbH & Co. KG.
La première mi-temps a débuté le 6 avril 2017 avec une opposition formée devant l’Office européen des marques (EUIPO) par cette société allemande, sur la base de sa marque verbale allemande MILAN, enregistrée notamment en classe 16, à l’encontre d’une demande de marque du club de football Italien.
Ce dernier, par une demande de marque internationale désignant l’Union européenne n°1329545, souhaitait protéger sa marque semi-figurative (ACM 1899 AC MILAN) dans les vingt-sept États de l’Union pour des produits en classe 16 de la Classification de Nice, à savoir : « Papier ; carton ; couvertures de livres ; colle pour la papeterie ou le ménage ; articles de papeterie ; papier à copier [articles de papeterie] ; papier à lettres ; [articles de papeterie] ; marqueurs ; agrafes de bureau ; fournitures pour le dessin ; fournitures pour l’écriture ; fournitures scolaires ; gommes à effacer ; encres ; correcteurs liquides ; gabarits [articles de papeterie] ; crayons ; crayons fusains ; crayons d’ardoise ; mines de crayon ; stylos [articles de bureau] ; plumes d’acier ; porte-crayons ; porte-mines ; porte-plume ; billes pour stylos à bille ; instruments d’écriture ; instruments de dessin ; carnets ; tampons encreurs ; taille-crayons ; tire-lignes ».
La société allemande obtient une première fois gain de cause par une décision rendue le 30 novembre 2018, dans laquelle l’EUIPO a reconnu l’opposition justifiée dans son intégralité.
Mécontent de cette décision, le club de football italien, dans le cadre d’une seconde mi-temps, a formé un recours. Mais la deuxième chambre de recours de l’EUIPO le rejette et confirme la décision de la division d’opposition dans son intégralité.
Le Milan AC tente alors une dernière attaque devant le Tribunal de l’Union européenne (TUE) en contestant l’appréciation des preuves d’usage de la marque antérieure réalisée par la chambre de recours, y compris celle de l’altération du caractère distinctif de la marque antérieure telle qu’enregistrée.
Il ajoute que la chambre de recours n’a pas pris en compte la renommée de la demande de marque contestée aux fins de l’appréciation du risque de confusion, notamment en ce qui concerne les similitudes conceptuelles entre les signes.
Le TUE, par une décision en date du 10 novembre 2021, marque un coup d’arrêt au match et confirme la victoire de la société allemande. En effet, il juge que l’usage sérieux de la marque antérieure, ainsi que le risque de confusion entre les marques en cause, a été dûment démontré et justifié.
Sur l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée
D’une part, le TUE confirme que les preuves d’usage produites par la société allemande sont suffisantes pour établir l’usage sérieux de la marque antérieure en Allemagne.
Les pièces fournies par la société allemande (factures, catalogues…), prises dans leur ensemble, permettent de démontrer qu’elle s’est efforcée de maintenir ou acquérir une position commerciale sur le marché en cause, étant précisé, par ailleurs, que le TUE confirme la jurisprudence constante selon laquelle des pièces datées en dehors de la période pertinente peuvent être prises en compte pour apporter la preuve d’une exploitation commerciale réelle et sérieuse de la marque.
D’autre part, le TUE suit le raisonnement de la chambre de recours de l’EUIPO selon lequel l’usage qui est fait de la marque antérieure sur le marché n’altère pas le caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée, à savoir sous une forme verbale.
En effet, l’ajout d’un élément figuratif représentant la tête d’un oiseau, bien que non négligeable, demeure secondaire dans l’impression d’ensemble dès lors que, pour une partie du public pertinent, il vient renforcer la signification du mot « MILAN » et, en tout état de cause, il est constant que les éléments figuratifs ont une importance moindre du point de vue du consommateur.
Sur l’appréciation du risque de confusion
Tout en contestant les ressemblances visuelles et phonétiques entre les marques, l’AC Milan a tenté une attaque assez intéressante sur le terrain de l’appréciation conceptuelle.
En effet, l’AC Milan faisait notamment valoir que le public pertinent associera la marque demandée au célèbre club de football italien, entraînant ainsi des différences conceptuelles entre les signes susceptibles de neutraliser les ressemblances visuelles et phonétiques.
Une telle approche n’est pas nouvelle dans le domaine footballistique puisque, dans le cadre de l’Affaire MESSI, opposant les marques MESSI et MASSI, l’argument avait été retenu par le TUE, dans une décision confirmée par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) [1].
Néanmoins, dans le cas présent, le TUE semble poser une limite à cette jurisprudence, confirmée par la suite dans le cadre d’une affaire impliquant la marque patronymique de la célèbre chanteuse MILEY CYRUS [2]. Le TUE répond que « seule la renommée de la marque antérieure, et non celle de la marque demandée, doit être prise en compte pour apprécier si la similitude des produits désignés par deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion ».
Si l’argument semble favorable aux noms patronymiques célèbres, tel ne semble donc pas le cas pour certains organismes, comme ce célèbre club de football.
Le match juridique Italie-Allemagne finit ainsi par trois buts au bénéfice des Allemands et la demande de marque semi-figurative ACM 1899 AC MILAN n° 1329545 est donc rejetée à l’enregistrement pour les produits qu’elle désigne en classe 16.
Leila Zorkot
Stagiaire juriste
Baptiste Kuentzmann
Juriste
[1] CJUE, 17 septembre 2020, Affaires jointes C-449/18 P et C-474/18 P
[2] TUE, 16 juin 2021, Affaire T-368/20
Lire la décision sur le site Curia
12
novembre
2021
Marque de champagne : l’abus procédural peut nuire à la santé
Author:
teamtaomanews
Le Tribunal judiciaire de Paris a récemment rendu une décision en matière de contrefaçon et, subsidiairement, de concurrence déloyale et de parasitisme, qui sonne comme un avertissement contre l’instrumentalisation de la justice à des fins d’éviction de concurrents. La décision est devenue définitive.
Cette affaire opposait deux sociétés productrices de vins de Champagne situées dans le même village : la société CHAMPAGNE ANDRE CLOUET, demanderesse, qui commercialise du champagne sous cette même appellation et la société CALX qui en commercialise sous le nom « LUCIEN COLLARD ».
Titulaire de deux marques semi-figuratives, une française de 2013 et une européenne de 2016, la demanderesse reprochait à CALX de commercialiser des vins de Champagne avec des étiquettes qui « présentent une physionomie extrêmement proche de ses marques ». Il faut préciser que les étiquettes litigieuses reproduisent la marque verbale française « LUCIEN COLLARD », du nom de son titulaire, le président de CALX :
Marque européenne de la demanderesse et exemple d’étiquette de la défenderesse
Dans une dispute qu’on devine être une querelle de clocher entre producteurs voisins, la société demanderesse a donc tenté d’agir sur le terrain de la contrefaçon en reprochant à la défenderesse, à l’occasion de son entrée sur un marché scandinave où elle était établie de longue date, l’utilisation non autorisée de sa marque antérieure.
On notera tout d’abord une intéressante requalification par le tribunal d’une fin de non-recevoir en demande reconventionnelle en nullité, dont elle déboute la défenderesse : celle-ci avait tenté de faire déclarer la demanderesse irrecevable à agir sur le fondement de sa marque européenne de 2016, postérieure au droit d’auteur invoqué sur l’étiquette de la défenderesse. Les éléments verbaux des signes en présence étant totalement différents, la demande reconventionnelle est rejetée.
Sur la demande principale en contrefaçon, le tribunal procède à une analyse du risque de confusion et en exclut la possibilité, de façon peu surprenante au vu des données de fait. Il considère que, si les produits désignés sont « pour une très large part identiques », l’élément dominant de la marque antérieur est son élément verbal et qu’il est très différent de celui utilisé par la défenderesse (« André Clouet » vs « Lucien Collard »).
Le caractère onéreux du produit concerné confère au public pertinent « un niveau d’attention un peu plus élevé que pour d’autres boissons alcoolisées ». Cette attention élevée a pour effet de neutraliser les éléments figuratifs différents dans les deux étiquettes, objets de la demande de contrefaçon qui est donc rejetée.
Les demandes relatives à la concurrence déloyale et au parasitisme subissent le même sort.
Le Tribunal reprend une analyse similaire pour comparer les étiquettes en présence et ajoute que les ornements utilisés relèvent d’un « procédé connu, qui a été couramment utilisé par de nombreux exploitants de Champagne » et qui est donc banal.
Le tribunal n’a pas reconnu non plus le parasitisme car la défenderesse a apporté la preuve qu’elle a effectué des investissements pour la conception et le packaging de ses bouteilles à travers une société spécialisée dans l’habillage des vins.
Le caractère radicalement infondé des demandes formulées, ajouté à certains éléments de contexte, a amené le Tribunal à entrer en voie de condamnation pour procédure abusive.
En effet, les parties coexistaient déjà sur le marché depuis quatre ans et la demanderesse n’a allégué un risque de confusion qu’après avoir constaté que sa concurrente avait remporté un appel d’offres sur le marché scandinave, notamment norvégien, où elle était elle-même présente. De plus, la proximité géographique des parties, situées dans une même commune de moins de 1.000 habitants, et leur appartenance à un même secteur d’activité permettent de conclure que la demanderesse avait nécessairement connaissance des étiquettes utilisées par la défenderesse bien avant l’invocation d’une confusion par lettre de mise en demeure en juin 2019.
Le tribunal conclut alors que l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitisme intentée par la demanderesse « n’a été motivée que par sa volonté délibérée d’entraver la société CALX dans le développement de son activité », reconnaissant ainsi le caractère abusif de la procédure et condamnant la demanderesse à 5.000 euros de dommages-intérêts et 15.000 euros d’article 700.
La décision illustre le risque que peuvent prendre les justiciables à tenter d’évincer un concurrent en instrumentalisant des outils légaux et l’institution judiciaire.
Référence et date : Tribunal judiciaire de Paris, 3e chambre, 1e section, 29 juillet 2021, RG n° 19/13569
Décision non publiée, communiquée sur demande à contact-avocat@taoma-partners.fr
Salomé Hafiani Lamotte
Stagiaire – Pôle Avocats
Jérémie Leroy-Ringuet
Avocat à la cour
27
juillet
2021
Mauvaise foi, donc mauvaise pioche pour MONOPOLY : nullité du dépôt à l’identique pour contourner l’obligation de prouver l’usage
Author:
jeremie
La société Hasbro est titulaire de la marque de l’Union européenne MONOPOLY au titre de laquelle elle a effectué plusieurs dépôts enregistrés en 1998, 2009 et 2010. En avril 2010, Hasbro a opéré une nouvelle demande de marque enregistrée en 2011 en classes 9, 16, 28 et 41 qui couvraient des produits et services en partie identiques à la demande de 2010.
Cette dernière marque a été attaquée en nullité par une société croate sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1 sous b) du règlement n° 207/2009 alors applicable, en vertu duquel la nullité est déclarée lorsque le demandeur était de mauvaise foi au moment du dépôt.
Pour rappel, la cause de nullité basée sur la mauvaise foi s’applique « lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celle relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine » (point 33).
Cette notion de mauvaise foi implique une motivation subjective de la personne présentant une demande d’enregistrement de marque, à savoir une intention malhonnête ou un autre motif dommageable qui suggère un comportement s’écartant des principes éthiques ou des usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.
En résumé, cette intention du demandeur, au moment pertinent pour l’apprécier qui est celui du dépôt, est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce.
Concernant la charge de la preuve, la cour rappelle que « c’est au demandeur en nullité qui entend se fonder sur ce motif de nullité qu’est la mauvaise foi qu’il incombe d’établir les circonstances qui permettent de conclure que la demande d’enregistrement a été déposée de mauvaise foi, la bonne foi du déposant étant présumée jusqu’à preuve du contraire » (point 42). Cependant, lorsque l’EUIPO constate que les circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par la demande en nullité sont susceptibles de conduire au renversement de la présomption de bonne foi du déposant, alors il appartient à ce dernier de fournir des explications plausibles concernant les objectifs et la logique commerciale poursuivis par la demande d’enregistrement en question (point 43).
La société requérante considérait que la demande était un dépôt réitéré des marques précédentes dans le but de contourner l’obligation de prouver l’usage réel de ces marques.
En effet, en vertu du droit européen des marques, il n’est pas nécessaire de prouver l’usage ou l’intention d’usage au moment du dépôt. Une fois la marque enregistrée, un délai de grâce de cinq ans est prévu avant que les propriétaires de marques ne soient tenus de prouver l’usage sérieux de leurs marques.
Devant l’EUIPO, Hasbro avait admis que l’un des avantages justifiant le dépôt de la marque contestée reposait sur le fait de ne pas avoir à apporter la preuve de l’usage sérieux de cette marque dans le cadre d’une procédure d’opposition.
De ce fait, la Chambre des Recours de l’EUIPO avait considéré que les éléments de preuve recueillis étaient de nature à démontrer que, pour les produits et les services couverts par la marque contestée qui étaient identiques aux produits et aux services couverts par les marques préalablement enregistrées, la requérante avait été de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.
Cette analyse est confirmée dans son intégralité par le TUE dans sa décision du 21 avril 2021 (TUE, n° T-663/19, Arrêt du Tribunal, Hasbro, Inc. contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, 21 avril 2021). Selon le Tribunal de l’Union européenne, le raisonnement suivi par l’EUIPO fait apparaître sans ambiguïté que c’est non pas le fait de réitérer le dépôt d’une marque de l’Union européenne qui a été considéré comme étant révélateur de la mauvaise foi, mais le fait que les éléments de l’espèce démontraient que cette dernière avait pour objectif de contourner une règle fondamentale du droit des marques de l’Union européenne, concernant la preuve de l’usage, pour en tirer profit au détriment de l’équilibre du régime.
Le TUE décide en tout état de cause que la marque contestée doit être annulée pour tous les produits et services identiques à ceux couverts par les marques antérieures.
Cet arrêt permet donc de rassurer les titulaires de marques européennes dans la mesure où il indique clairement que la réitération d’un dépôt de marques n’est pas interdite en soi, mais que la motivation du nouveau dépôt sera examinée à la loupe pour y déceler des preuves de mauvaise foi.
Lire la décision en ligne sur Eur-Lex
Jérémie LEROY-RINGUET
Avocat à la cour
Dorian SOUQUET
Stagiaire – Pôle CPI
23
avril
2020
Marques : de nouvelles actions disponibles devant l’INPI
Author:
teamtaomanews
Le droit des marques vient de connaître, sous l’impulsion du droit de l’Union européenne (UE), une réforme fondamentale dont le but est d’harmoniser les différents droits nationaux des Etats membres. Un des effets essentiels de l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 est que, depuis le 1er avril 2020, les procédures en annulation de marques françaises ou d’extensions françaises de marques internationales ont été considérablement simplifiées et rendues bien moins onéreuses.
Ces procédures sont celles en nullité pour motifs relatifs, notamment pour atteinte à un droit antérieur (le demandeur considère qu’il était le premier à « occuper le terrain »), ou pour motifs absolus (la marque est invalide, en soi, car descriptive ou contraire à l’ordre public) et celles en déchéance, notamment lorsque le titulaire n’utilise pas sa marque ou qu’elle est devenue le terme usuel pour désigner le produit (par exemple, la marque « Escalator » pour des escaliers mécaniques) :
Alors qu’auparavant les tribunaux judiciaires avaient compétence exclusive pour traiter ces demandes, avec pour conséquence l’application des règles du code de procédure civile et la représentation obligatoire par avocat, cette compétence est désormais partagée avec l’Institut national de la Propriété industrielle (INPI).
Cet article a pour objectif de présenter les nouvelles règles et les avantages de cette réforme.
1/ Où cela se passe-t-il, désormais, et que peut-on faire de nouveau ?
La réforme a transféré des compétences des juridictions judiciaires vers l’INPI, et a supprimé l’exigence d’intérêt à agir pour certaines actions, accroissant ainsi les possibilités d’obtenir la radiation d’une marque des registres. Parallèlement, la réforme octroie de nouvelles possibilités de défense au titulaire de la marque contestée contre l’auteur de la demande de nullité.
Les nouvelles règles de compétence : où agir ?
Les actions en déchéance pour non-usage, qui permettent d’obtenir la radiation des registres d’une marque enregistrée mais non utilisée par son titulaire, peuvent désormais être formées directement devant l’INPI alors qu’auparavant, elles ne pouvaient être engagées que devant celui des dix tribunaux compétents en matière de marques nationales correspondant au domicile du titulaire de la marque.
Il en va de même pour les actions en annulation pour motif relatif ou pour motif absolu.
Le tableau ci-après récapitule les nouvelles règles de compétence et celles restant inchangées :
Ces nouvelles règles de compétence pourront donner lieu à des stratégies contentieuses et des choix d’opportunité : si la compétence d’un tribunal judiciaire est recherchée, elle peut être obtenue en ajoutant dans l’assignation des demandes relatives à la contrefaçon ou bien en ajoutant au fondement de la marque antérieure celui d’un autre droit d’auteur antérieur : dans ce cas, la compétence judiciaire l’emporte sur la compétence de l’INPI.
Inversement, une partie qui souhaiterait faire des économies pourrait, si elle estime que c’est son intérêt, renoncer à ses demandes en contrefaçon et simplement demander l’annulation d’une marque directement devant l’INPI, s’épargnant ainsi des coûts procéduraux plus élevés devant une juridiction judiciaire.
Les nouvelles règles d’intérêt à agir : qui peut agir ?
Les stratégies contentieuses seront également influencées par le fait nouveau que la demande principale en déchéance, passant des juridictions judiciaires à l’INPI, n’est plus soumise à intérêt à agir : le demandeur qui veut obtenir la déchéance d’une marque qu’il estime non utilisée par son titulaire ne devra plus, par exemple, prouver qu’il dispose d’un droit antérieur sur un signe identique ou similaire et pour des produits identiques ou similaires à ceux dont il demande la déchéance.
Hormis les actions fondées sur un motif absolu et les actions en déchéance, toutes les autres actions et demandes, qu’elles soient formées devant l’INPI ou devant un juge, impliquent la démonstration d’un intérêt à agir, y compris la demande reconventionnelle en déchéance, c’est-à-dire la réplique faite par un défendeur au titulaire d’une marque qui agit en contrefaçon devant un tribunal :
En d’autres termes, une partie qui veut obtenir l’annulation d’une marque, sans disposer d’un droit antérieur ou en visant l’annulation totale de la marque (c’est-à-dire pour des produits et services qu’elle n’exploite pas elle-même), pourra désormais la demander devant l’INPI.
Les moyens de défense : que peut faire le titulaire de la marque contestée ?
En défense, le titulaire de la marque contestée peut soulever plusieurs moyens :
Il peut tout d’abord contester l’intérêt à agir du demandeur, lorsque celui-ci peut être requis.
Il peut ensuite soulever la prescription (mais seulement dans le cas de l’invocation d’une marque antérieure notoire) ou la forclusion par tolérance dans le cadre des actions en nullité pour droit antérieur.
Il peut également demander à ce que l’action soit déclarée irrecevable :
En l’absence de caractère distinctif de la marque antérieure au moment du dépôt de la marque contestée, même s’il a été acquis postérieurement ;
En l’absence de renommée de la marque antérieure au moment du dépôt de la marque contestée, quand le fondement invoqué est la marque renommée, même si la renommée a été acquise postérieurement.
Cette irrecevabilité ne présente aucun caractère automatique mais doit être soulevée en défense par le titulaire de la marque contestée.
Enfin et surtout, il peut exiger du demandeur à la nullité d‘une marque pour motif relatif qu’il prouve qu’il a fait un usage sérieux de sa marque antérieure au cours des cinq années qui précèdent la demande en nullité. En outre, si la marque antérieure a été enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de dépôt ou de priorité de la marque contestée, il devra également rapporter la preuve d’un usage de cette marque antérieure dans les cinq ans précédant le dépôt ou la date de priorité de la marque contestée.
Dans une telle hypothèse, donc, le demandeur peut être contraint de prouver un usage de sa marque antérieure au cours de deux périodes de référence différentes, pouvant parfois se confondre ou se chevaucher.
Par exemple, si le titulaire d’une marque enregistrée en 2002 demande, le 15 mai 2020, la nullité d’une marque déposée le 15 juin 2012, le titulaire de la marque antérieure devra prouver, sur demande du défendeur, l’usage sérieux de sa marque entre le 15 mai 2015 et le 15 mai 2020 et entre le 15 juin 2007 et le 15 juin 2012. Si le dépôt de la marque antérieure est intervenu beaucoup moins longtemps avant celui de la marque postérieure, la période pour laquelle l’usage doit être prouvé est réduite d’autant.
Dans le cas d’une marque postérieure déposée le 15 avril 2019 et d’une demande en nullité déposée le 15 mai 2020, les périodes se chevauchent puisque la première est située entre le 15 mai 2015 et le 15 mai 2020 et la seconde entre le 15 avril 2014 et le 15 avril 2019 : il en résulte, en pratique, une « période continue » entre le 15 avril 2014 et le 15 mai 2020 :
L’ensemble de ces moyens fera l’objet d’une réponse dans la décision finale de l’INPI.
2/ Comment cela se passe-t-il et combien de temps peuvent durer ces procédures ?
Les règles procédurales applicables devant les juridictions judiciaires ne sont pas les mêmes que celles qui régissent les nouvelles actions ouvertes devant l’INPI. Elles devraient permettre un traitement plus rapide des procédures.
Introduction de l’action
L’action en nullité ou en déchéance devant l’INPI est initiée au moyen d’un formulaire en ligne identifiant :
La marque contestée,
Les droits antérieurs invoqués, dans le cas d’une demande de nullité pour motif relatif,
L’identité de la partie demanderesse
Et l’étendue de l’annulation demandée (tous les produits et services ou seulement certains d’entre eux).
Le demandeur doit joindre également la preuve du paiement de la redevance INPI dont le montant est de 600 euros (ce montant ne comprenant pas les honoraires de l’avocat ou du conseil en propriété industrielle), auxquels il faut éventuellement ajouter 150 euros par droit antérieur additionnel invoqué dans une action en annulation pour motif relatif. Aucun nouveau droit ne peut être invoqué postérieurement à l’introduction de l’action : il convient donc de bien réfléchir dès le début à la totalité des droits invocables. Il sera en revanche possible de retrancher certains de ces droits ainsi que certains des produits et services visés par la demande d’annulation, tout du long de la procédure.
Dans tous les cas, sauf celui de l’action en déchéance pour non-usage, pour lequel ce n’est pas obligatoire, le demandeur joint également des observations exposant les motifs de la demande d’annulation de tout ou partie de la marque (précisant par exemple en quoi la marque antérieure est similaire ou identique, quant à son signe et à ses produits et services, à la marque postérieure).
Enfin, l’action devant l’INPI ne peut être que soit une action en nullité soit une action en déchéance : il est impossible de cumuler les fondements au sein d’une seule et même action, alors que c’était possible jusque récemment devant les juridictions judiciaires, les plaideurs demandant indifféremment la nullité pour droits antérieurs et la déchéance pour non-usage, par exemple, et pas nécessairement l’une à titre subsidiaire de l’autre, sans que cela ne constitue une cause d’irrecevabilité.
Ce changement invite donc les demandeurs à concentrer leurs actions et à mieux définir leurs stratégies en amont, même si la réforme ne leur interdit pas de former deux actions parallèles sur deux fondements différents, d’autant plus que le coût de ces actions est très limité.
Déroulé de la procédure : la phase d’instruction
Une fois la demande envoyée, l’INPI dispose d’un mois pour examiner la recevabilité de l’action et pour notifier le titulaire de la marque contestée, ce qui déclenche une série de délais : un premier délai de deux mois pour que le titulaire communique ses premières observations en réponse, suivi de plusieurs délais d’un mois pour permettre aux parties d’échanger des observations écrites et des pièces, s’ils le souhaitent : deux jeux d’observations pour le demandeur et trois pour le titulaire, les dernières observations ne pouvant ni soulever de nouveaux moyens ni joindre de nouvelles preuves d’usage.
Si une des parties décide de ne pas ou ne plus faire usage de son droit de présenter des observations, la phase d’instruction peut se terminer rapidement – à cette réserve que le titulaire d’une marque dont la déchéance pour non-usage est demandée pourra toujours présenter deux jeux d’observations et de preuves d’usage, même en l’absence de réponse du demandeur.
À tout moment, chacune des parties, ou l’INPI lui-même, peut demander la tenue d’une audience orale qui interviendra à l’issue de la phase écrite.
Enfin, les parties peuvent suspendre à tout moment la procédure, d’un commun accord, pour trois périodes de quatre mois.
Décision et appel
La décision intervient dans les trois mois suivant la fin de la phase d’échanges entre les parties. L’absence de décision revient à une décision de rejet de l’action.
La procédure devant l’INPI peut donc théoriquement durer entre six mois et un an, si l’on imagine qu’aucune suspension n’est demandée.
La décision peut mettre à la charge de la partie perdante une partie ou la totalité des frais de la procédure, à la demande de la partie gagnante, mais seulement si l’action est totalement gagnée ou perdue : les frais demeurent à la charge de chacune des parties si, par exemple, la décision annule seulement une partie des produits et services visés par le demandeur.
En l’absence d’appel, la décision rendue par l’INPI est exécutoire. Si la marque est annulée en raison du droit antérieur du demandeur, l’annulation est rétroactive et prend effet à la date de son dépôt : elle est réputée n’avoir jamais existé.
L’annulation rétroactive a un effet sur les tiers (un effet « erga omnes ») : par exemple, si une action en contrefaçon a été initiée antérieurement par le titulaire de la marque annulée contre un tiers, l’action peut devenir sans objet.
A l’inverse, la déchéance prend effet à la date de la demande ou, sur requête du demandeur, à la date à laquelle est survenu le motif de déchéance.
La procédure d’appel
Une fois la décision rendue, les parties ont un mois (hors délais augmentés pour les DROM-COM et les parties résidant à l’étranger) pour faire appel devant celle des dix cours d’appel spécialisées qui est territorialement compétente, à savoir celle correspondant au domicile de la personne qui forme le recours (ou devant la cour d’appel de Paris pour les appelants résidant à l’étranger). La représentation par avocat y est obligatoire.
Contrairement aux appels contre les décisions relatives aux procédures d’opposition, celui contre les décisions relatives aux procédures en annulation est dévolutif : il est possible pour les parties de fournir de nouvelles pièces (y compris des preuves d’usage) et de soulever de nouveaux moyens.
La procédure d’appel en elle-même observe les délais habituels et la décision définitive devrait pouvoir être rendue environ un an après la saisine de la cour. La procédure d’appel durera donc davantage que la procédure devant l’INPI.
La voie du pourvoi en cassation est bien sûr ouverte, y compris au directeur de l’INPI, contre l’arrêt d’appel.
Au lieu de faire appel, est-il possible de redemander la même chose à l’INPI ?
Dans le cas où une marque aurait été validée à la suite d’une action en annulation, cette marque ne devient pas pour autant incontestable.
La règle est la suivante : lorsqu’une action en annulation est introduite 1° entre les mêmes parties ayant la même qualité, 2° avec le même objet et la même cause et 3° lorsqu’une décision définitive a déjà été rendue soit par l’INPI soit par une juridiction judiciaire, alors l’action est irrecevable (c’est le principe de l’autorité de la chose jugée).
A contrario de cette règle, il semble donc théoriquement possible, après une décision définitive validant une marque dont la nullité était demandée sur le fondement d’une marque antérieure, de former une nouvelle action en nullité sur le fondement d’un autre droit, par exemple, un nom de domaine, ou de former une action en déchéance pour non-usage ou pour perte du caractère distinctif.
De même, une action en déchéance ayant donné lieu à une décision de maintien de la marque contestée n’empêche pas de former une nouvelle action en déchéance ultérieurement, puisque la période de référence au cours de laquelle le titulaire doit avoir utilisé la marque ne sera pas la même et qu’il reste possible de déchoir de ses droits le titulaire qui a, par le passé, utilisé sa marque mais ne l’utilise plus.
Bien d’autres situations complexes pourront se produire et créer des difficultés dans le cadre de ces nouvelles actions.
En résumé, voici les avantages de ces nouvelles actions ouvertes depuis le 1er avril 2020 :
Le coût de l’introduction d’une action en annulation ou en déchéance est de seulement 600 euros hors honoraires d’avocat ou de CPI et, dans le cas de l’action en déchéance, il n’est même pas obligatoire de fournir des mémoires argumentatifs, ce qui diminue d’autant plus les coûts procéduraux ;
L’action en nullité, même pour motif relatif, est devenue imprescriptible depuis l’entrée en vigueur de la loi PACTE (sauf si le titulaire de la marque postérieure peut démontrer que le demandeur en a toléré l’usage de bonne foi pendant cinq ans) ;
L’action en déchéance et l’action en nullité pour motif absolu peuvent être introduites devant l’INPI par n’importe qui, même sans intérêt à agir ;
Les actions en nullité introduites devant l’INPI sont encadrées dans des délais relativement courts, les demandeurs pouvant ainsi obtenir une décision bien plus rapidement que devant les tribunaux ;
L’action en nullité pour atteinte à un droit antérieur peut être perçue comme une seconde chance pour les titulaires antérieurs qui n’auraient pas engagé de procédure d’opposition, dès lors que les coûts et modalités de ces deux procédures sont désormais très similaires.
TAoMA Partners, cabinet d’avocats et de conseils en propriété industrielle, est à votre disposition si vous souhaitez en savoir davantage ou profiter de ces nouvelles opportunités.
Malaurie Pantalacci
Conseil en propriété industrielle, Associée
Jérémie Leroy-Ringuet
Avocat à la cour
Remerciements à Blandine Lemoine, juriste et à Jean-Charles Nicollet, Conseil en propriété industrielle, Responsable du Pôle juridique CPI, pour leur aide à la préparation de cet article.