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octobre
2018
Brexit – Marques, dessins et modèles de l’Union Européenne : Deal ou pas deal ?
Mise à jour du 28/10/2019
Suite à un nouveau report du Brexit, le Royaume-Uni devrait quitter l’Union européenne le 31 janvier 2020 et deviendra ainsi un pays tiers. Quel que soit le scénario envisagé, cela perturbera considérablement la protection des Marques, Dessins et Modèles, au Royaume-Uni.
L’Union européenne et le Royaume-Uni ont négocié un accord de retrait mais son adoption par le parlement britannique est incertain et pourrait entrainer un Brexit sans accord.
L’HYPOTHÈSE D’UN BREXIT AVEC ACCORD
L’accord négocié prévoit une période de transition qui débuterait à la date de retrait. Pendant la période de transition, les règles de l’Union européenne, telles qu’elles continuent d’évoluer, s’appliqueront au Royaume-Uni, bien qu’il n’ait plus vocation à participer à la gouvernance ou à la prise de décision des institutions, organes de l’Union européenne.
Pour autant, bien que des progrès aient été réalisés, d’importantes questions restent en suspens, notamment le maintien de la protection, au Royaume-Uni, des marques et dessins et modèles de l’Union européenne. Sur ce point, le projet de retrait envisage une solution de sauvegarde des droits précédemment acquis. Il prévoit que le titulaire d’un droit de propriété industrielle enregistré avant la fin de la période de transition devient, sans réexamen, titulaire d’un droit de propriété industrielle comparable, enregistré et exécutoire au Royaume-Uni. Cela signifie que le titulaire d’une marque de l’Union européenne enregistrée conformément à la législation européenne devient titulaire d’une marque au Royaume-Uni, composée du même signe, pour les mêmes produits et services. La même solution étant retenue en ce qui concerne les dessins et modèles de l’Union européenne.
S’agissant de la sauvegarde de la date de dépôt ou de priorité, la marque ainsi transposée bénéficiera de la date de dépôt ou de la date de priorité de la marque de l’Union européenne.
L’HYPOTHÈSE D’UN BREXIT SANS ACCORD
Bien évidemment, de telles dispositions n’ont vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse où l’accord de retrait serait approuvé par l’Union européenne et le Royaume-Uni.
En cas de « No deal », le Gouvernement Britannique a d’ores et déjà préparé un programme permettant d’obtenir une protection au Royaume-Uni sur la base de marques, dessins et modèles européens. Plus précisément, les titulaires d’une marque de l’Union européenne ou d’un dessin et modèle enregistré se verront accorder un nouveau droit équivalent sur le territoire du Royaume-Uni, de manière rapide et à moindre coûts. Ce sont ainsi plus de 1,7 millions de marques et dessins et modèles qui seront enregistrées.
S’agissant des demandes de marques ou dessins et modèles pendantes devant l’EUIPO, il est prévu que les déposants disposeront d’un délai de neuf mois à compter de la date de sortie pour demander à l’Office national du Royaume-Uni une protection, tout en conservant la date de la demande de l’Union européenne.
EXECUTION DES DÉCISIONS DES JURIDICTIONS ANGLAISES
Par ailleurs, il est important de noter que le Brexit aura des conséquences non négligeables sur l’exécution des décisions rendues par les tribunaux du Royaume-Uni. En effet, le départ du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne ne permettra plus de rendre les décisions des tribunaux britanniques exécutoires de plein droit sur le territoire de l’Union européenne et notamment la France.
Néanmoins, dans le cas de l’adoption de l’accord négocié, les décisions rendues par les tribunaux britanniques dans des procédures judiciaires débutées avant la fin de la période de transition seront exécutoires.
Par conséquent, en cas de litige international, une stratégie relative à la compétence juridictionnelle internationale devra être mise en place, afin d’éluder les complications liées à la compétence des tribunaux britanniques.
TAoMA Partners se tient régulièrement informé de la situation et nous ne manquerons pas de vous faire part de toute évolution.
22
octobre
2018
Taittinger : marque renommée, valeur économique… Quand les noms de famille concentrent toutes les convoitises
Author:
teamtaomanews
Après les conflits portant sur les noms des créateurs de mode (cf. news HMV « nouveau conflit entre un créateur de mode et la société titulaire de la marque reprenant son nom – la Cour de cassation se penche, entre autres, sur la validité de la cession consentie, dans terme, sur un nom patronymique »), c’est au tour du monde du champagne d’être secoué par une affaire liée au business juteux des « grands noms ».
Les membres de la famille champenoise Taittinger, regroupés au sein d’une société commercialisant du champagne sous une marque éponyme, ont cédé leurs parts sociales, s’engageant auprès de l’acquéreur (la société Taittinger CCVC) à ne pas faire usage de leur nom pour désigner des produits en concurrence avec l’activité cédée.
Un des membres de la famille s’est pourtant relancé dans la production de champagne sous la marque « Virginie T », au moyen notamment d’un site internet et plusieurs noms de domaine redirigeant vers celui-ci et contenant le nom « Taittinger ».
Invoquant l’utilisation commerciale du nom « Taittinger » pour la vente et la promotion du champagne « Virginie T », et la mise en œuvre d’une communication systématique axée sur ce nom de famille et sur l’image de la marque « Taittinger », la société Taittinger CCVC a assigné la titulaire de la marque « Virginie T » en violation de la convention de cession de ses titres, atteinte à sa marque renommée ainsi qu’en parasitisme et concurrence déloyale.
Alors que la cour d’appel avait condamné l’héritière Taittinger sur le fondement de la convention et avait débouté la requérante de ses autres demandes, la Cour de cassation prend le contrepied total de cette décision.
Sur la violation de la clause d’interdiction du nom Taittinger :
Madame Taittinger ayant mandaté son père, qui avait lui-même sous-mandaté deux personnes pour réaliser cette cession, la Cour de cassation décide que « le mandat de vente, qui autorisait, en termes généraux, le mandataire à souscrire à tout engagement ou garantie n’emportait pas le pouvoir, pour celui-ci, de consentir une interdiction ou une limitation de l’usage, par son mandant, de son nom de famille, constitutives d’actes de disposition ». L’arrêt de cour d’appel qui l’avait condamnée pour avoir enfreint la convention de cession est donc cassé.
Sur l’atteinte à la marque renommée « TAITTINGER »
La renommée de la marque « TAITTINGER » n’étant pas contestée, et la cour d’appel ayant relevé que « le consommateur normalement avisé était conduit à établir un lien entre les propos imputés à [Mme Taittinger]…, incriminés comme usages, et la marque invoquée », elle ne l’avait cependant pas condamnée, au motif qu’elle « ne [tirait] indûment aucun profit de la renommée de ladite marque, ni ne [portait] préjudice à sa valeur distinctive ou à sa renommée en rappelant son origine familiale, que son nom [suffisait] à identifier, son parcours professionnel ou son expérience passée, même agrémentés de photographies ».
La Cour de cassation censure cette interprétation et souligne que « l’existence éventuelle d’un juste motif à l’usage du signe n’entrait pas en compte dans l’appréciation du profit indûment tiré de la renommée de la marque, mais [devait] être appréciée séparément, une fois l’atteinte caractérisée ».
Sur le parasitisme
Concernant le parasitisme, la cour d’appel de Paris avait également rejeté la demande de la société Taittinger au motif qu’il n’était pas démontré en quoi l’adoption d’une dénomination sociale et d’un nom commercial en tant que tels traduirait à eux seuls les efforts et les investissements, notamment promotionnels, de la société.
Cependant, la Cour rappelle que les valeurs économiques pouvant être parasitées comportent certes les efforts, le savoir-faire ou les investissements consentis, mais également la notoriété acquise. Ainsi, la cour d’appel aurait dû prendre en considération le prestige et la notoriété acquis, et non contestés, de la dénomination sociale et du nom commercial de la société Taittinger CCVC.
Référence et date : Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, n°16-23694
Lire l’arrêt sur Legifrance
22
octobre
2018
Nouveau conflit entre un créateur de mode et la société titulaire de la marque reprenant son nom : la Cour de cassation se penche, entre autres, sur la validité de la cession consentie, sans terme, sur un nom patronymique
Cette affaire n’est pas la première à illustrer le véritable business engendré par les noms de designers de mode (on se souvient notamment de la « saga Ines de la Fressange », à l’issue de laquelle l’ancienne mannequin avait perdu ses droits sur sa marque éponyme).
Dans un long arrêt, la Cour de cassation vient à nouveau de statuer sur cette problématique, ce qui lui donne l’occasion de traiter de sujets classiques en droit des marques, mais également de se pencher sur cette pratique spécifique au milieu de la mode, qui consiste à céder son nom à une société chargée d’en assurer l’exploitation.
En 2011, Christian Lacroix signe pour une maison de décoration une collection de meubles et luminaires, commercialisée sous la dénomination « Designed by Mr Christian Lacroix ». La société CHRISTIAN LACROIX (avec laquelle le couturier ne collabore plus depuis 2009, mais avec laquelle il avait signé en 1987 un contrat l’autorisant à utiliser son nom), titulaire d’une marque française et d’une marque européenne éponymes pour désigner notamment des tissus et revêtements pour la maison, adresse à la maison de décoration une mise en demeure de cesser toute communication sous cette expression.
Face au refus de cette dernière, elle entreprend de déposer une nouvelle marque européenne « Christian Lacroix » pour désigner plus spécifiquement des lampes (classe 11), des meubles (classe 20), et des bougies (classe 4) et l’assigne en contrefaçon de ses marques et atteinte à leur renommée. La maison de décoration et Monsieur Lacroix soulèvent en défense la nullité des marques européennes, la plus ancienne du fait de la nullité de l’accord portant sur l’utilisation du nom de Monsieur Christian Lacroix et la plus récente pour dépôt frauduleux, ainsi que l’absence de contrefaçon de la marque française pour dissemblance entre les produits vendus sous cette dernière et ceux commercialisés dans la collection « Designed by Mr Christian Lacroix », arguments accueillis favorablement par la Cour d’appel de Paris. La société CHRISTIAN LACROIX se pourvoit alors en cassation.
Sur le dépôt frauduleux
Concernant le dépôt frauduleux de la marque européenne de 2011, la société CHRISTIAN LACROIX estime que les facteurs pertinents au cas d’espèce sont censés démontrer sa bonne foi : elle considère notamment que ce dépôt avait pour objet de protéger un de ses licenciés, à qui elle avait concédé en 2009 le droit d’utiliser le signe « Christian Lacroix » pour des produits d’ameublement. Mais la Cour ne suit pas ce raisonnement et juge que la production de ce contrat de licence, qui ne concerne d’ailleurs que des papiers muraux, coussins et couvertures, ne suffit pas à démontrer sa bonne foi, ni à expliquer sa carence depuis 2009 à obtenir un titre protégeant les produits réalisés par son licencié. C’est pourquoi elle estime que le dépôt en classe 20 de la marque a bien été effectué, non pas pour distinguer les produits en identifiant leur origine, mais pour permettre à la société de l’opposer dans le cadre de l’action en contrefaçon introduite contre la maison de décoration. En revanche, la Cour décide que la cour d’appel n’a pas précisé en quoi le dépôt a été fait de mauvaise foi concernant les classes 4 et 11.
Sur la contrefaçon
Concernant l’absence de contrefaçon de la marque française déposée en 1987, la Cour valide, sans grande surprise, l’interprétation de la cour d’appel qui avait analysé les produits protégés (tissus et tissus pour la maison) comme étant différents des lampes et meubles vendus par la maison de couture. Quant à la renommée de ladite marque, la Cour relève qu’elle doit s’apprécier à la date d’exploitation du signe litigieux, à savoir 2011, soit 2 ans après la cessation des activités de haute couture de la société CHRISTIAN LACROIX, qui n’avait pas conservé aux yeux du public une renommée lui permettant de bénéficier de la protection élargie de telles marques.
Sur la nullité
Enfin, la première marque européenne (déposée en 2008 par la société) avait été annulée au motif que le contrat de 1987, en ce qu’il ne comportait aucun terme et se heurtait en conséquence à la prohibition des engagements perpétuels, était nul, ce qui rendait Monsieur Lacroix légitime à faire grief à la société CHRISTIAN LACROIX d’avoir déposé la marque litigieuse sans son consentement. Néanmoins, la Cour de cassation estime qu’il ne s’agissait pas d’un engagement perpétuel, mais d’un engagement à exécution successive, qui n’était donc pas nul, mais simplement résiliable unilatéralement.
En conséquence, la cour d’appel de Paris, qui devra à nouveau statuer sur le litige au fond, devra cette fois-ci prendre en compte la marque européenne déposée en 2008 par la société CHRISTIAN LACROIX (pour protéger des produits en cuir, vêtements et divers revêtements pour la maison –tapis, papiers peints, etc.) et, à moins qu’elle ne justifie en quoi ce dépôt aurait également été frauduleux, la marque déposée en 2011 (pour protéger des bougies et des lampes). Cela permettra lui permettra-t-elle de conclure à la contrefaçon par le couturier et son partenaire commercial ? Affaire à suivre…
Référence et date : Cour de cassation, chambre commerciale, 8 février 2017, n°14-28.232 (société CHRISTIAN LACROIX c. SICIS)
Lire l’arrêt sur Legifrance