24
septembre
2024
Le crocodile perd ses dents : Lacoste vaincu par CROCODOG
Author:
TAoMA
Lacoste essuie un revers dans sa bataille pour protéger sa célèbre marque de crocodile. Le 31 juillet 20241, l’EUIPO a rejeté l’opposition de Lacoste contre la marque CROCODOG désignant des produits pour animaux domestiques.
Lacoste, invoquant les articles 8(1)(b) et 8(5) du règlement sur la marque de l’Union européenne (RMUE), soutenait que la marque CROCODOG présentait une similitude avec ses marques figuratives de crocodile, en invoquant un risque de confusion et un détournement de notoriété.
Les différences visuelles et conceptuelles : au cœur de la décision
Dans cette décision, l’EUIPO a rappelé que l’impression globale d’un signe est déterminante pour évaluer la similitude. Bien que le composant verbal ait généralement un poids plus fort, cela n’est pas systématique. Ici, l’élément figuratif de CROCODOG, un animal imaginaire mêlant un crocodile et un chien, a joué un rôle central. Ce croc-chien se distingue par sa taille, sa position et son contenu hautement imaginatif.
En comparaison, les marques de Lacoste représentent un crocodile de façon réaliste, avec des détails anatomiques fidèles. L’EUIPO a estimé que ces représentations réalistes d’un crocodile et l’animal hybride de CROCODOG ne partagent pas de caractéristiques visuelles ou contours similaires. De plus, bien que les deux signes contiennent une tête de crocodile, leurs différences conceptuelles ont suffi à écarter tout risque de confusion ou d’association dans l’esprit du public.
L’impact pour les propriétaires de marques
Cette décision montre que, même pour des marques ayant une forte renommée comme Lacoste, il est essentiel que les signes soient visuellement et conceptuellement similaires pour soutenir une opposition. La notoriété seule ne peut pas surmonter des différences majeures. L’EUIPO a jugé que les divergences entre le crocodile réaliste de Lacoste et l’animal hybride de CROCODOG étaient suffisamment marquées pour rejeter l’opposition.
Malgré le rejet de cette opposition, Lacoste conserve ses possibilités de recours.
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Gaëlle Loinger-Benamran
Conseil en Propriété Industrielle Associée
1) EUIPO, Division d’Opposition, Opposition No. B 3 203 568, 31/07/2024
10
septembre
2024
Dépôts répétitifs pour échapper à l’obligation d’usage : quasi-présomption de mauvaise foi
Quand Mick Jagger fait les frais d’une stratégie de dépôt périlleuse en matière de marque et perd (une partie) de ses droits portant sur sa marque éponyme pour cause de mauvaise foi.
En France et en Europe, une marque bénéficie d’une période de grâce de 5 ans. Passé ce délai, le titre est susceptible de déchéance s’il n’est pas exploité sérieusement.
Pour échapper à cette sanction, certains titulaires tentent de redéposer la même marque tous les 5 ans. Cette pratique est toutefois de plus en plus sanctionnée par les offices de marques. Et la notoriété du titulaire ou de sa marque n’est dans ce cas pas de nature à l’exonérer de sa mauvaise foi.
L’affaire qui a mis en lumière l’existence de dépôts récurrents de la marque Mick Jagger
En 2018, la société danoise de restauration rapide Jagger Junk dépose une demande de marque européenne pour des produits alimentaires et des services de restaurant. Musidor BV, la société qui gère les droits des Rolling Stones, s’oppose à cette demande sur le fondement de sa marque antérieure « Mick Jagger », laquelle est également enregistrée pour des services de restauration, de bar et de café.
Mick Jagger obtient gain de cause, mais Jagger Junk n’entend pas en rester là.
Si la marque MICK JAGGER qui lui a été opposée date de 2016 et n’est, à l’époque, pas encore soumise à l’obligation d’usage, il se trouve que Musidor est également titulaire de plusieurs autres marques européennes MICK JAGGER désignant des services pour certains identiques à ceux de la marque invoquée, mais plus anciennes (1998 & 2012) et donc soumises à l’obligation d’usage.
Jagger Junk y voit un motif d’annulation de la marque MICK JAGGER de 2016, qui a été déposé après l’expiration de la période de grâce des marques antérieures (dans l’unique but selon elle de maintenir les droits en vigueur sans avoir à justifier de leur usage). C’est ainsi que la société danoise a introduit l’action en annulation sur le fondement de l’article 59(1)(b) RMUE, qui a donné lieu à la décision de l’EUIPO en date du 13 juin 2024.
L’action en nullité à l’encontre de la marque Mick Jagger sur le fondement de la mauvaise foi
Les textes ne donnent aucune définition juridique précise du concept de « mauvaise foi », qui est ouvert à différentes interprétations. La mauvaise foi est un état subjectif fondé sur les intentions du demandeur lors du dépôt de la marque.
Les Directives de l’EUIPO précisent notamment que la mauvaise foi peut être caractérisée lorsque le titulaire tente d’étendre artificiellement la période de grâce pour défaut d’usage, par exemple en déposant une demande réitérée portant sur une MUE antérieure, afin d’éviter de perdre un droit pour défaut d’usage1.
En l’espèce, c’est précisément le cœur du débat dans l’affaire Mick Jagger : en cherchant à protéger la même marque trois fois sur une période d’une vingtaine d’années, Musidor s’est vu reprocher une intention malhonnête en tentant ainsi de prolonger indûment le délai de grâce de 5 ans pour prouver l’usage de ses marques.
Pour échapper à cette demande d’annulation, le titulaire des marques a tenté d’invoquer le fait que la dernière marque MICK JAGGER de 2016 désignait en outre de nouveaux produits que justifiait la stratégie de diversification des produits proposés sous la marque.
La solution retenue par l’EUIPO
Aux termes de la décision de la division d’annulation en date du 13 juin 2024 :
• Pour les nouveaux produits et services, la demande de marque n’a pas été déposée dans l’intention de contourner les conditions d’usage, mais plutôt de poursuivre des objectifs commerciaux légitimes de diversification des produits et services proposés sous la marque.
• Pour les produits et services identiques à ceux désignés dans les deux marques antérieures (et notamment les services de restaurant, bar et café), la demande de marque a clairement pour objet de prolonger la période de grâce de cinq ans des marques antérieures.
Il semble que M. Jagger n’ait jamais exploité sa marque pour des services de restauration ou de bar, alors qu’il a eu près de 20 ans pour entreprendre un tel usage. Il ne pouvait donc se retrancher derrière le simple fait que sa marque de 2016 désignait par ailleurs de nouveaux produits et services pour tenter d’écarter la suspicion de mauvaise foi, dans la mesure où l’intention réelle était de prolonger indûment la protection conférée par la marque sans usage effectif.
Ainsi, cette décision marque une avancée dans la lutte contre les dépôts réitérés abusifs, clarifiant les circonstances dans lesquelles un dépôt peut être considéré comme effectué de mauvaise foi. Elle réaffirme l’importance de l’appréciation globale des intentions du titulaire et des circonstances objectives entourant le dépôt d’une marque, en s’appuyant sur une jurisprudence bien établie.
Musidor avait tenté de soutenir que l’intérêt du chanteur de déposer une marque pour une liste plus étendue de produits et services était parfaitement justifié par la renommée dont il jouit depuis des décennies.
Cela n’a cependant pas empêché l’office de retenir la mauvaise foi dont a fait preuve le chanteur en déposant des demandes successives portant sur le même signe. L’EUIPO a ainsi maintenu une approche stricte, en insistant sur la nécessité de démontrer une intention commerciale honnête et ce malgré la célébrité de la personne concernée.
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Laurine Janin-Reynaud
Avocate associée
1) 13/12/2012, T-136/11, Pelikan, EU:T:2012:689, § 27
05
septembre
2024
Tempête sous le K-WAY
Author:
TAoMA
Par une décision du 4 juillet 2024, la Division d’Opposition de l’Office de l’Union européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) a accueilli favorablement l’opposition formée par K-Way S.p.A. contre la demande de marque de l’Union européenne figurative n°18 808 453, déposée par la société Ikara Pro-Sandiego SL pour des produits de la classe 25 (ie : vêtements de sport, tenues d’arts martiaux, et uniformes).
K-Way fonde son opposition sur sa marque figurative européenne no 11 396 521, renommée notamment dans le domaine des vêtements de sport et de loisirs en France, en Italie et au Benelux. K-Way s’appuie sur les articles 8(1)(b) et 8(5) du RMUE pour justifier de son opposition afin d’empêcher Ikara de profiter indûment de la réputation et de l’image solidement établie de la marque K-Way en Europe.
LES ARGUMENTS DE K-WAY
K-Way a basé son opposition sur le fait que la marque d’Ikara, bien que différente sur le plan verbal, présentait des similitudes notables dans ses éléments figuratifs, susceptibles de créer un lien dans l’esprit du public entre les deux marques.
K-Way a démontré que sa marque jouit d’une réputation solide, acquise par des décennies d’utilisation intensive, des investissements significatifs dans le marketing, et des collaborations de co-branding avec d’autres marques de renom.
Enfin, elle a soutenu que l’association visuelle entre les deux marques pourrait permettre à Ikara de tirer avantage de la réputation et du caractère distinctif de K-Way, créant ainsi un cas de parasitisme commercial.
LA DECISION DE L’EUIPO
La Division d’Opposition a d’abord reconnu la réputation de la marque K-Way, en particulier dans le domaine des vêtements de sport et de loisirs. Elle a également souligné que la protection accordée par l’article 8(5) du RMUE s’applique même en l’absence de confusion, si le public est susceptible de faire un lien entre les marques, lien qui pourrait porter atteinte à l’image ou à la réputation de la marque antérieure.
Après avoir examiné les éléments de preuve, l’EUIPO a conclu que, bien que les marques diffèrent sur le plan verbal, les similitudes figuratives étaient suffisamment significatives pour que le public puisse associer les deux marques. Cette association, selon la Division d’Opposition, risquait de conférer à Ikara un avantage commercial injuste en exploitant la notoriété de K-Way, sans cause légitime.
En conséquence, l’EUIPO a rejeté la demande de marque d’Ikara pour les produits contestés.
Cette décision réaffirme l’importance de la protection des marques de renom contre toute forme de parasitisme commercial et souligne que même une similitude faible, mais perceptible, entre deux marques peut suffire à établir un risque de préjudice ou d’avantage indu.
En protégeant sa marque, K-Way a réussi à garder sa réputation à l’abri des intempéries.
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Mélissa CASSANET
Conseil en Propriété Industrielle Associée
Elsa OLCER
Juriste Stagiaire
(1) EUIPO, Division d’Opposition, 4 juillet 2024, n° B 3 193 750