31
janvier
2023
LOUBOUTIN VS. AMAZON – Le géant de l’e-commerce à côté de ses pompes !
Ces dernières années, les titulaires de droits de marque, et particulièrement les grandes entreprises du luxe et de la mode font face à une recrudescence de la contrefaçon de leurs marques et produits sur les sites de places de marché. Perte importante de chiffre d’affaires et de compétitivité pour ces entreprises, elles subissent avant tout une atteinte à leurs droits de marque. La lutte contre la contrefaçon en ligne s’inscrit alors en priorité absolue pour ces grandes maisons qui ont adopté d’importantes stratégies de défense en ligne.
Elles iront d’abord rechercher la responsabilité dite « primaire » des contrefacteurs directs, à savoir les annonceurs, vendeurs tiers ou encore détenteurs de noms de domaine. Mais les titulaires rencontrent souvent des difficultés à remonter jusqu’à ces contrefacteurs, tant il est complexe de les identifier et de les localiser.
En outre, compte tenu de l’évolution des services proposés par les plateformes en ligne, il n’est plus possible de considérer qu’elles font preuve d’une totale neutralité, ce qui incite les titulaires de droit à engager leur responsabilité (directe et indirecte) lorsque des atteintes sont portées à une marque du fait des activités de ces plateformes et de celles de tiers sur leurs sites Internet.
C’est dans ce contexte que le chausseur français, Christian Louboutin, a formé deux recours au Luxembourg (affaire C-141/21) et en Belgique (C-184-21) contre le géant Amazon, lui reprochant des actes de contrefaçon caractérisés par la présence d’annonces relatives à des chaussures à semelles rouges publiées par des vendeurs tiers sur son site Internet, ainsi que le stockage et l’expédition de ces marchandises.
Les Cours nationales ont alors saisi la CJUE de deux questions préjudicielles portant sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2 du Règlement 2017/1001, afin de savoir si l’exploitant d’une place de marché peut être tenu directement responsable de l’atteinte aux droits du titulaire d’une marque, qui résulte d’offres à la vente de produits contrefaisants émanant de vendeurs tiers, du stockage et de l’expédition de ces mêmes produits.
Elles s’interrogent particulièrement sur le point de savoir si, dans la perception d’un internaute normalement informé et raisonnablement attentif, cet exploitant a joué un rôle actif dans l’élaboration de cette publicité ou si celle-ci peut être perçue comme faisant partie de sa propre communication commerciale.
Dans sa décision du 22 décembre 2022, la Cour renvoie aux apports des arrêts L’Oréal C-324/09 du 12 juillet 2011 (C-324/09) et Coty Germany C-567/18 du 2 avril 2020 aux termes desquels elle avait considéré que les places de marché en cause n’avaient pas fait un usage des signes dans le cadre de leur propre communication commerciale et donc que leur responsabilité n’était pas susceptible d’être engagée.
La Cour rappelle ainsi que « faire usage », au sens du droit des marques, implique un comportement actif et une maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage.
Elle souligne néanmoins que les circonstances d’espèce de ces décisions sont différentes : l’exploitant ne faisait pas la promotion de ses propres produits sur son site Internet, il n’avait pas connaissance du caractère contrefaisant des produits et leur expédition était réalisée par des prestataires externes.
Pour déterminer si l’usage du signe contrefait correspondait à une communication commerciale d’Amazon pour son propre compte, la Haute cour estime qu’il convient d’identifier si l’annonce est susceptible de créer un lien entre les services offerts par la plateforme et le signe Louboutin : l’utilisateur étant alors susceptible de croire qu’Amazon commercialise en son nom et pour son propre compte le produit contrefaisant.
À ce titre, la Cour détaille les circonstances dans lesquelles un lien entre le signe contrefait et les services fournis par cette plateforme est susceptible d’être créé et renforcé aux yeux des utilisateurs :
• L’exploitant recourt à un mode de présentation uniforme de ses propres offres et de celles des vendeurs tiers sans distinction en fonction de leur origine, tout en faisant apparaître son propre logo ;
• La nature et l’ampleur des services fournis par l’exploitant permettent de caractériser son implication (traitement des questions des utilisateurs, stockage, expédition et gestion des retours).
Dans ces circonstances, la CJUE estime que l’exploitant d’une place de marché est susceptible d’être considéré comme faisant lui-même usage d’un signe identique à une marque de l’Union européenne pour des produits identiques proposés à la vente par des vendeurs tiers et par conséquent, d’être reconnu comme responsable direct d’actes de contrefaçon.
À ce stade, la Cour ne tranche pas le litige car il ne lui appartient pas de déterminer si Amazon a fait un usage contrefaisant des signes en cause.
Il incombera donc aux juridictions nationales Belge et Luxembourgeoise de se prononcer conformément à la position de la Cour.
Il s’agit, d’ores et déjà, d’une première victoire pour les titulaires de droit en matière de lutte contre la contrefaçon de marque. Reste à savoir si la jurisprudence future s’inscrira dans cette lignée.
Cette décision s’inscrit dans un contexte global de responsabilisation des plateformes au niveau européen et ouvre la voie vers une nouvelle jurisprudence en la matière.
En effet, après une évolution non-négligeable en matière de droit d’auteur par l’adoption de la directive (UE) 2019/790, le Parlement européen et le Conseil ont très récemment adopté le Règlement Digital Service Act (DSA), qui vient renforcer les obligations des plateformes en lignes et moteurs de recherche afin de lutter contre les contenus illicites et notamment contre la contrefaçon en ligne (remplace et modifie la directive 2000/31 sur le commerce électronique devenue dépassée).
Un changement de paradigme est en cours, tant d’un point de vue législatif que jurisprudentiel.
Margaux Maarek
Juriste
Sources :
• Décision du 22 décembre 2022
• https://www.village-justice.com/articles/nouvelle-saisine-cjue-amazon-est-responsable-pour-vente-sur-plateforme,39324.html
• https://www.actualitesdudroit.fr/browse/affaires/immateriel/39441/market-place-usage-d-un-signe-contrefaisant-sur-un-marche-en-ligne
• https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=DB78F7914456E863F6A501DDA16A86E4?text=&docid=268788&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=17357
• https://entreprendre.service-public.fr/actualites/A16089
• https://blip.education/responsabilite-des-plateformes-en-cas-de-contrefacon-apports-des-conclusions-de-lavocat-general-dans-les-affaires-louboutin-contre-amazon-c-148-21-et-c-184-21-par-jerome-tassi
• https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2022-12/cp220213fr.pdf
31
janvier
2023
🖼 Napoléon ne se fera pas tirer le portrait
La société néerlandaise TREND DEVELOPMENT a déposé auprès de l’EUIPO plus d’une dizaine de marques figuratives représentant le visage de personnages historiques tels que Napoléon, Kant ou encore Mozart.
Malheureusement pour l’entreprise, l’EUIPO dans une décision du 15 décembre 2021 a rejeté les différentes demandes jugeant que ces portraits ne remplissaient pas la condition de caractère distinctif nécessaire à une marque.
En effet, selon l’office, bien que chaque visage soit unique, cela ne signifie pas qu’il est immédiatement perçu comme une indication de l’origine commerciale des produits et services. Autrement dit, reconnaitre n’est pas pareil à distinguer par l’origine.
Aussi, pour autant que le consommateur soit familier avec l’apparence des personnages visés par les différents dépôts, l’office est d’avis que le signe ne sera pas utilisé et perçu comme un signe distinctif mais une œuvre d’art.
Jade de Lumley Woodyear
Stagiaire juriste
Anne Laporte
Avocate
31
janvier
2023
🕵️♂️ Fin de l’American Dream pour Mickey Mouse et Sherlock Holmes
Author:
TAoMA
L’heure de la retraite a ou va bientôt sonner pour certains de nos personnages de fiction préférés.
D’après la loi sur le droit d’auteur aux Etats-Unis, les droits de propriété intellectuelle sur les œuvres artistiques expirent 95 ans après la première publication.
Ainsi, ce 1er janvier 2023 il était l’occasion de compter ses trimestres pour les œuvres divulgués en 1927. Résultat, Les Archives de Sherlock Holmes contenant notamment des ouvrages tels que La Pierre de Mazarin, Le Vampire du Sussex ou encore Les Trois Pignons tombent dans le domaine public.
Contrairement à Sherlock Holmes, Mickey Mouse n’a pas fini de cotiser pour Walt Disney. En effet, le dessin originel de la souris date de 1928 et est encore protégé par le droit d’auteur pour une année. Même si la fin approche, Mickey restera protégé par le droit des marques, la firme pourra donc continuer de jouir de droit de propriété intellectuelle sur la souris.
Élémentaire mon cher Mickey !
Jade de Lumley Woodyear
Stagiaire juriste
Anne Laporte
Avocate
31
janvier
2023
Un contrat de franchise qui porte bien son nom
Dans l’univers du luxe, tout n’est pas calme et volupté.
La Cour d’appel de Paris a été témoin de cela dans une affaire qui met en jeu la diffusion des produits de la marque Elie Saab. Dans un arrêt du 9 novembre 2022 la Cour a rappelé que l’absence de remise d’un Document d’Information Précontractuelle (DIP) au franchisé, ne permet pas de caractériser automatiquement une réticence dolosive et un manquement contractuel de la part du franchiseur envers ses obligations précontractuelles.
Le DIP est la somme d’information obligatoirement communiquée par le franchiseur dans le cadre d’un contrat de franchise. Imposé par la loi Doubin depuis 1989, il doit être remis par le franchiseur à son franchisé au moins 20 jours avant la signature du contrat ou avant tout versement d’argent dans le cadre d’un précontrat de réservation de zone (Article L330-3 du Code de commerce).
Ce document a pour objectif de s’assurer que le franchisé signe le contrat de franchise en pleine connaissance de cause après avoir pris connaissance de toutes les informations nécessaires avant son plein engagement. Le franchiseur s’engage à fournir tout ce qui est nécessaire à la mise en place d’une collaboration basée sur la transparence et la sincérité.
Dans cette affaire, la société DJ Couture avait conclu un contrat de franchise avec la société SIM Licensing, en mars 2012 concédant l’exclusivité de la distribution de la marque Elie Saab sur une partie du territoire de la Suisse. Elle a résilié le contrat trois ans plus tard et a demandé la réparation du préjudice causé par la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur.
Pour cela, elle s’est fondée entre autres, sur la réticence dolosive, et des manquements précontractuels du franchiseur pour s’être abstenu de la renseigner en toute loyauté et transparence sur les coûts réels des travaux d’aménagement de la boutique dont elle était la franchisée.
Par deux décisions du 31 octobre 2018 et 3 février 2020, le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société DJ Couture de sa demande qui a été portée ensuite en appel.
La Cour a confirmé sur ce point la décision du Tribunal de commerce du 31 octobre 2018, en retenant que « si le franchiseur n’avait effectivement pas fourni de document d’information précontractuelle (DIP) comme l’impose la loi française choisie par les parties au contrat de franchise (…) la société DJ Couture ne démontre pas en quoi l’absence de ce document avait vicié son consentement ni de la réalité d’une réticence dolosive du franchiseur ou de grossières erreurs de sa part lors de la phase précontractuelle sans lesquelles la société DJ Couture n’aurait pas contracté »
Par cette décision, la Cour d’appel rappelle un principe constant1 : en l’absence de document d’information pré contractuelle ou si celui-ci est incomplet, la nullité du contrat n’est pas automatique. Pour l’obtenir, le franchisé doit prouver que son consentement a été vicié.
A contrario, le dol est retenu lors d’un mensonge délibéré, entrainant la nullité du contrat2.
Dans cet arrêt, la Cour relève que malgré l’absence de « DIP », il y a bien eu des échanges d’informations entre les Parties.
En effet, le franchiseur soumet aux débats des courriels où il communique des informations relatives au contrat de franchise qui permettraient au franchisé de développer au mieux sa franchise. Ces informations comprennent des exigences sur la taille recommandée du magasin, sur les frais de design, et, sur la base de son expérience, les coûts de décoration et du mobilier de la boutique, ainsi que sur le personnel nécessaire à la bonne tenue de la boutique.
Par ailleurs, le franchisé a obtenu, à l’occasion d’un rendez-vous demandé par lui auprès du franchiseur, des informations complémentaires sur le contrat de franchise.
Enfin, le franchisé n’a jamais fait lors de ces échanges « d’injonction de communiquer » des documents ou informations supplémentaires sur l’aménagement de la boutique.
La Cour retient que ces échanges ne démontrent pas de manœuvres dolosives de la part du franchiseur visant à dissimuler intentionnellement des informations, ni de déloyauté particulière pour la communication d’information dans le secteur confidentielle de la haute-couture.
La haute-couture peut Voguer tranquillement…
Emeline Jet
Elève-avocate
Anne Messas
Avocate
(1) Cass. com., 10 févr. 1998, n° 95-21.906 ; Cass. 1re civ., 3 nov. 2016, n° 15-24.886
(2) Cass. 1re civ., 3 nov. 2016, n° 15-24.886 : A titre d’exemple, il avait été décidé qu’en occultant les raisons de l’échec du précédent franchisé ainsi que les répercussions qui en ont découlé sur le secteur au regard de la réputation commerciale de l’enseigne, en procédant à une présentation erronée du réseau et en opérant une transmission erronée des chiffres prévisionnels, le franchiseur a enfreint son obligation de sincérité sur des données nécessairement déterminantes au regard du consentement du franchisé et que les informations transmises, par leur caractère erroné et dénué de sérieux, sont révélatrices de la volonté délibérée de la société SDAR de tromper le consentement de son cocontractant.
31
janvier
2023
Imiter n’est pas créer : Attention au boomerang !
Author:
TAoMA
Bijoux de fantaisie : la concurrence fait rage. En quelques années, le marché des bijoux de fantaisie s’est fortement développé et il peut parfois être difficile de se distinguer de la concurrence, en particulier compte-tenu de l’encombrement créatif dans le secteur. Cet encombrement créatif a joué en faveur de la société Atiwell, dans le cadre de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, le 2 novembre 20221.
La société Zag bijoux a assigné la société Atiwell le 26 avril 2019, pour des actes de concurrence déloyale et parasitaire liés à la commercialisation de bijoux en apparence identiques aux modèles de ses propres collections, mais de qualité médiocre et de moindre prix.
Le Tribunal de commerce de Bobigny a débouté la société Zag bijoux de ses demandes par jugement en date du 17 novembre 2020. En particulier, le Tribunal de commerce de Bobigny a considéré que les bijoux commercialisés par la société Zag Bijoux relevaient plus de la fantaisie commune que de produits originaux. Dans ce contexte, la société Atiwell pouvait s’en inspirer, sans contrevenir aux usages honnêtes et loyaux qui doivent présider à la vie des affaires.
Mécontente de cette décision, la société Zag Bijoux a porté l’affaire devant la Cour d’appel de Paris qui a confirmé le jugement.
En effet, et après une analyse minutieuse des modèles de bijoux de la société Zag bijoux, la Cour d’appel conclu qu’il existe des différences certaines entre les bijoux en cause et, par ailleurs, elle constate que de nombreux modèles de bijoux de la société Zag bijoux s’inscrivent dans la tendance du marché et, de surcroît, s’inspirent fortement de modèles protégés antérieurement au titre du droit des dessins et modèles, par d’autres concurrents.
La Cour en conclut que
• Il ne peut y avoir de risque de confusion entre les modèles de bijoux en cause, dès lors que la société Zag Bijoux s’est elle-même inspirée de modèles tombés dans le domaine public et/ou appartenant à la tendance actuelle du secteur. De même la Cour d’appel écarte également l’existence d’un effet de gamme sur cette base, puisque les éléments repris sont usuels et banals dans le secteur de la bijouterie ;
• La société Zag Bijoux ne justifie pas d’une valeur individualisée dont il résulterait des efforts créatifs, ainsi que des investissements. La concurrence déloyale et parasitaire est donc également rejetée par la Cour d’appel de Paris.
Cet arrêt, qui s’inscrit dans la jurisprudence actuelle, laisse entendre que les créations qui proviennent de l’imitation et/ou sont inspirées de la tendance du secteur ne peuvent pas être protégées par l’action en concurrence déloyale ou parasitaire. On doit préciser que ces créations ne seraient pas, a fortiori, protégées par le droit d’auteur.
Baptiste Kuentzmann
Conseil en Propriété Industrielle
(1) Cour d’appel de Paris, Pôle 5 chambre 1, 2 novembre 2022, n°21/00039 ;
31
janvier
2023
👑 Couronnement raté pour Mariah Carey…
L’interprète mondialement connu de « All I want for Christmas is you », Mariah Carey, a déposé le 10 mars 2021 trois demandes de marques devant l’USPTO. Les marques en question : « Queen of Christmas », « QOC » et « Princess Christmas » désignant notamment des produits cosmétiques, des parfums ou encore lunettes de soleil.
Cette tentative d’auto-proclamation n’est pas passée inaperçue. Une de ses rivales, la chanteuse Elizabeth Chan a aussitôt formé opposition contre ses demandes considérant que Mariah Carey ne pouvait se revendiquer comme la seule et unique reine de Noël. Pour fonder cette opposition, la chanteuse se base notamment sur un titre qu’elle a sorti en 2021 « The Queen of Christmas ».
Mariah Carey n’ayant pas répondu à l’opposition de Elisabeth Chan, les demandes de marques ont été rejetées par l’USPTO le 15 novembre 2022. Pas de couronnement pour Mariah Carey…
Jade de Lumley Woodyear
Stagiaire juriste
Anne Laporte
Avocate
24
janvier
2023
Digital Market Act et Digital Service Act : à quoi correspondent ces Règlements européens visant à réguler internet ?
Author:
TAoMA
Définitivement votés par le parlement européen en juillet 2022, le Règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act ou DMA) et le Règlement sur les services numériques (Digital Services Act ou DSA) ont été publiés respectivement les 12 et 27 octobre 2022.
En apparence différents, ces deux règlements visent à assainir le marché numérique de manière durable, avec deux objectifs distincts, celui de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des géants de l’Internet et celui de lutter contre les contenus illicites en ligne.
Mais que vont-ils concrètement changer ? Quels sont les acteurs concernés ? Pour quelles activités ? Quelles sont les sanctions en cas de non-respect ?
I. Le règlement sur les marchés numériques
Le DMA affiche un objectif clair et limpide : lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des géants de l’Internet (notamment les GAFAM) et corriger les déséquilibres causés par leur domination.
Toutes les entreprises ne sont pas concernées par le DMA. Celui-ci ne cible que les « Gatekeepers », autrement dit, les contrôleurs d’accès à l’entrée d’Internet, les PME étant épargnées par cette qualification. Sont qualifiées de Gatekeepers les plateformes qui :
Ont un chiffre d’affaires ou une valorisation boursière très élevée (plus de 7,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel en Europe dans les 3 dernières années ou une valorisation en bourse d’au moins 75 milliards d’euros durant la dernière année)
Enregistrent un grand nombre d’utilisateurs dans l’UE (plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels actifs et plus de 10 000 professionnels par an pendant les trois dernières années)
Fournissent un ou plusieurs services de plateforme essentiels dans au moins trois pays européens
Le DMA concerne donc les services de plateformes jugés essentiels tels que les services de messagerie, les réseaux sociaux, les moteurs de recherches ou encore les marketplaces.
Pour ce faire, des outils de régulation ex-ante sont mis en place afin de créer une concurrence loyale entres les acteurs, de stimuler l’innovation, la croissance et la compétitivité sur le marché numérique et, enfin, de renforcer la liberté de choix des consommateurs européens.
Parmi ces outils figurent une vingtaine d’obligations (désinstallation facile d’applications préinstallées ; désabonnement à un service de plateforme essentiel aussi simple que l’abonnement, etc.) ou d’interdictions (réutilisation de données personnelles d’un utilisateur à des fins de publicité ciblée sans son consentement explicite ; fait d’imposer des logiciels importants comme un moteur de recherche par défaut à l’installation du système d’exploitation, etc.) que les responsables de traitement devront respecter sous peine d’amende. Toute personne qui s’estime lésée pourra, sur la base de ces obligations ou interdictions, demander, devant les juges nationaux, des dommages et intérêts.
De même, en cas de non-respect du DMA, la Commission Européenne pourra prononcer, à l’égard du Gatekeepers des amendes proportionnelles à son chiffre d’affaires (jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial ou 20% en cas de récidive). Des mesures correctives additionnelles sont prévues en cas de violation systématique (notamment, une cession de parties de l’activité du contrôleur d’accès).
II. Le règlement sur les services numériques
La volonté des législateurs européens, au travers de ce règlement, est de mettre en place un système selon lequel tout ce qui est illégal hors ligne l’est également en ligne.
Le DSA s’applique à toutes les plateformes en ligne qui offrent des biens, contenus ou services sur le marché européen. Cela signifie que même les sociétés étrangères opérant en Europe sont concernées. Parmi ces plateformes, sont notamment visés les fournisseurs d’accès à internet (FAI), les services de cloud, les marketplaces, les réseaux sociaux, les plateformes de partage de contenus, etc.
Dans cette perspective, le règlement fixe un ensemble de mesures, graduées selon les acteurs en ligne et leur rôle, qui viennent lutter contre les contenus illicites en ligne et incitent les plateformes à se responsabiliser.
Les mesures prévues par ce règlement peuvent être classées selon trois catégories, la lutte contre les contenus illicites, la transparence en ligne et, l’atténuation des risques et réponse aux crises.
D’abord, concernant la première catégorie, un système permettant aux internautes de signaler facilement les contenus illicites devra être mis en place. En ce sens, les plateformes devront coopérer avec des signaleurs de confiance dont les signalements seront traités en priorité. Une fois le contenu illicite signalé, les plateformes devront retirer ou bloquer rapidement le contenu.
Par ailleurs, les marketplaces devront mieux tracer les vendeurs proposant des produits et services ainsi que mieux informer les consommateurs.
Ensuite, concernant la transparence en ligne, les plateformes auront l’obligation d’avoir un système de traitement interne des réclamations. Elles devront également expliquer le fonctionnement des algorithmes qu’elles utilisent pour recommander des contenus publicitaires fondés sur le profil des utilisateurs et, pour les plus grandes plateformes, l’obligation de proposer un système de recommandation de contenus non-fondé sur le profilage.
Enfin, le troisième volet d’obligations concerne les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche dont la liste sera fixée par la Commission européenne. Ils devront entre autres, analyser tous les ans les risques systémiques qu’ils génèrent et effectuer des audits indépendants de réductions des risques sous le contrôle de la Commission. Ils devront également fournir une analyse des risques que posent leurs interfaces lorsqu’une crise émerge (santé publique ou sécurité publique), la Commission pouvant même leur imposer durant un temps limité des mesures d’urgence.
Les sanctions notables semblent pouvoir pousser les entreprises à se plier au respect du règlement. Dans le cas contraire la Commission peut prononcer des amendes allant jusqu’à 6% du chiffre d’affaires annuel mondial des entreprises, voire, en cas de violations graves et répétées, leur interdire d’exercer leur activité sur le marché européen.
Alors que le DMA cible certains acteurs, le DSA à un spectre beaucoup plus large, s’adressant à tous les intermédiaires qui offrent leurs services sur le marché européen (FAI, places de marché, réseaux sociaux…etc). Des règles spécifiques s’appliqueront aux plateformes ayant une audience importante au sein de l’Union européenne (plateforme de plus de 45 millions d’utilisateurs actifs par mois). Inversement, les plus petites plateformes seront quant à elles exemptées de certaines obligations (PME).
Pour ce qui est de leur entrée en vigueur respective, le Règlement DMA serait applicable dès mai 2023, le temps, pour la Commission, de prendre les actes nécessaires à la mise en œuvre des nouvelles règles. Concernant le Règlement DSA, il est entré en vigueur en novembre 2022 avec une applicabilité en février 2024, exception faite pour les très grandes plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche pour qui le règlement serait applicable dès 2023 (4 mois après que la Commission européenne en aura établi la liste).
Les équipes de TAoMA sont à votre disposition pour toute question que vous pourriez avoir sur le sujet ou pour échanger avec vous de ces réformes importantes et impactantes aussi bien pour les sociétés concernées que pour les consommateurs.
Nathan Audinet
Stagiaire Pôle Avocats
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
20
janvier
2023
Replay de l’évènement « Marketing d’influence, métaverse, NFT : nouveaux vecteurs de la contrefaçon ? »
Pour celles et ceux qui n’ont pas pu être là, un replay est à retrouver ci-dessous et sur la chaîne YouTube TAoMA Event ✨ 👇
L’occasion de remercier à nouveau nos brillantes intervenantes :
🎤 Delphine Sarfati – Directrice Générale de l’UNIFAB – Union des Fabricants
🎤 Constance Laennec-Cuny – Responsable Propriété Intellectuelle
🎤 Anne Messas – Avocate et Médiatrice, Associée et co-fondatrice de TAoMA Partners
🎤 Anne LAPORTE – Avocate chez TAoMA Partners et membre de TAoMA Influence , une offre de services spécifique créée et proposée par TAoMA Partners
Le prochain évènement TAoMA aura lieu en mars, on vous en dévoile plus bientôt ! Stay tuned ! 🤓