Quand l’originalité devient flou, zoom sur le préjudice économique !

Les photographies peuvent faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur, sur le fondement de l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code : (…) 9° Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie. ».

Cependant, pour bénéficier de cette protection, la photographie doit répondre à la condition jurisprudentielle d’originalité, comme le rappelle un jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Rennes le 6 mai 20241.

En l’espèce, un photographe professionnel avait photographié un bateau de croisière, « Le Chateaubriand », à la demande de son propriétaire. Des années plus tard, ce cliché a été utilisé sans son autorisation dans plusieurs articles publiés par le journal Ouest France.

Malgré une tentative de règlement amiable, le photographe avait assigné la société Ouest France pour contrefaçon de droit d’auteur, et subsidiairement, pour faute délictuelle (sur le fondement de l’article 1240 du code civil).

Le Tribunal conteste l’originalité de la photo afin de rejeter l’action en contrefaçon de droits d’auteur.

Le Tribunal judiciaire a étudié l’originalité de la photographie pour déterminer si elle pouvait bénéficier de la protection offerte par le droit d’auteur. A ce titre, il revenait au photographe de démontrer que sa création était le résultat d’un choix personnel et qu’elle portait ainsi l’empreinte de sa personnalité.

Après une analyse particulièrement minutieuse des choix opérés par le photographe, le Tribunal judiciaire de Rennes a conclu que, malgré les efforts entrepris pour capturer l’image, ceux-ci ne suffisent pas à établir l’originalité, puisqu’ils relèvent d’un savoir-faire technique. En effet, les choix du photographe, notamment l’attente de conditions météorologiques favorables ou le cadrage, sont jugés trop communs ou évidents pour conférer à la photographie un caractère unique ou original.

Par conséquent, la photographie n’a pas été jugée éligible à la protection par le droit d’auteur – faute d’originalité, et les demandes de contrefaçon à ce titre ont été rejetées.

Toutefois, le tribunal reconnaît un préjudice économique, réparé sur le fondement de la responsabilité civile.

Subsidiairement, le photographe invoquait un préjudice économique résultant de l’utilisation non consentie et non rémunérée de sa photographie.

Le Tribunal judiciaire a ainsi reconnu que le photographe avait subi un manque à gagner. En effet, en utilisant son travail sans consentement, ni compensation, le journal Ouest France lui a causé un préjudice économique, indépendamment de tout préjudice moral ou patrimonial.

Les juges du fond ont donc prononcé une indemnisation forfaitaire à hauteur de 1.500 € pour cet usage non autorisé, une somme fixée « au regard des redevances habituellement pratiquées en matière de photographie, s’agissant des quatre utilisations frauduleuses ». Ouest France a également été condamné à lui verser la somme de 3.000 v au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision rappelle, une fois de plus, les strictes conditions requises pour qu’une photographie soit protégée par le droit d’auteur. Mais elle admet qu’une autre voie d’indemnisation est possible pour les photographes : lorsque leurs clichés ne peuvent bénéficier de la protection par le droit d’auteur, ils ne peuvent pour autant être reproduits sans compensation !

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Laurine Janin-Reynaud
Avocat à la Cour
Associée

Juliette Danjean
Juriste stagiaire

1) TJ Rennes, 2e ch. civ., 6 mai 2024, n° 22/01433.