30
avril
2024
L’ARA au secours de l’accès à la justice ?
Non ce n’est pas un nom d’oiseau. C’est l’acronyme de Audiences de Règlement Amiable lancées en janvier 2023 par le décret n°2023-686.
Après les recommandations du rapport Sauvé, qui souligne l’importance des méthodes alternatives de règlement des différends (MARD), le droit bouge et les mentalités aussi.
La médiation prend un réel essor, les juges commencent à devenir les meilleurs prescripteurs de médiation. Mais saviez-vous que les juges eux-mêmes peuvent aider les parties à trouver un accord ?
La mission de conciliation attribuée au juge est ancienne, mais elle a été peu exploitée jusqu’à récemment. Les juges préfèrent désigner des médiateurs ou conciliateurs tiers, en partie à cause des craintes concernant l’impartialité et le respect du contradictoire.
Le lancement des ARA peut lever certaines de ces barrières.
L’ARA est une audience spéciale où un juge tente de concilier les parties, en présence de leur avocat. Cette audience vise à offrir une résolution du litige qui ne se limite pas seulement à l’aspect juridique mais embrasse les enjeux économiques et relationnels.
L’ARA est initiée par le juge en charge du litige, mais il renvoie l’affaire à un juge responsable de l’ARA qui, de son côté, ne participe pas à la formation de jugement du dossier pour éviter tout conflit d’intérêts. Cette séparation stricte vise à maintenir l’impartialité du juge et la confiance des parties dans le processus.
L’ARA peut être organisée à n’importe quel stade de la procédure, et interrompt l’instance en cours. Elle est réservée aux litiges portant sur des droits dont les parties ont la libre disposition et se tient dans un cadre confidentiel.
Une ARA ne prévoit pas de durée fixe mais est censée être suffisamment concise pour ne pas prolonger inutilement la procédure judiciaire. Les parties, assistées par leurs avocats, doivent comparaître et peuvent à tout moment, parvenir à un accord qui peut être formalisé et rendu exécutoire.
Si aucun accord n’est atteint, l’ARA peut être clôturée sans recours, et le litige revient dans le circuit judiciaire traditionnel.
Les ARA représentent une évolution significative dans la gestion des litiges en France.
En plaçant le juge au centre des MARD, ce dispositif offre une alternative concrète à la judiciarisation excessive, avec une potentielle réduction des coûts et des délais pour les justiciables.
Toutefois, le succès des ARA est encore très mitigé. Il dépend de l’accueil par les juridictions, qui se heurtent à des questions de moyens, d’organisation.
La surcharge des tribunaux et le manque de ressources rendent le travail des juges et greffiers de plus en plus impossible, les procédures s’allongent et les justiciables se plaignent d’un coût de la justice parfois rédhibitoire.
Tout cela doit inciter tous les acteurs à réévaluer le rôle de la justice dans notre société.
Il est essentiel d’encourager toute approche de règlement amiable, qui aide à désengorger les tribunaux, à réduire la judiciarisation des conflits et à restaurer un réel accès à la justice.
Juliette Danjean
Stagiaire juriste
Anne Messas
Avocate – Associée
22
novembre
2022
Qui va présider et siéger au Conseil national de la médiation ?
C’est le décret du 25 octobre 2022 qui précise le fonctionnement du Conseil national de la médiation. En quelques mots :
➡️ la loi du 22 décembre 2021, dite pour la confiance dans l’institution judiciaire, avait institué le Conseil national de la médiation.
Ce décret vient préciser la composition et les modalités de fonctionnement de cette nouvelle institution.
➡️ Le Conseil national de la médiation a plusieurs objectifs,
👉rendre des avis dans le domaine de la médiation
👉proposer aux pouvoirs publics des mesures propres à l’améliorer,
👉proposer un recueil de déontologie de la pratique de la médiation,
👉proposer des référentiels nationaux de formation des médiateurs
👉faire toute recommandation sur la formation
👉émettre des propositions sur les conditions d’inscription des médiateurs.
➡️ Les 27 membres du Conseil national de la médiation sont nommés par arrêté du ministre dont ils relèvent. La durée des mandats est de trois ans renouvelables une fois.
➡️ Les fonctions de membres de ce conseil sont exercées… à titre gratuit…
➡️ le CNM est présidé, de manière alternative, par un conseiller d’État nommé par le vice-président du Conseil d’État ou par un conseiller à la Cour de cassation nommé par le premier président de celle-ci.
Leur mandat de 3 ans n’est pas renouvelable.
➡️ À cette présidence se greffent deux vice-présidents. La première vice-présidence est assurée par un représentant d’associations œuvrant dans le domaine de la médiation, la seconde, par le représentant du conseil national des barreaux.
Anne Messas
Avocate et médiatrice
Nathan Audinet
Stagiaire Pôle Avocats
27
mai
2021
La médiation commerciale internationale, vers de nouvelles perspectives ?
Author:
jcnicollet
Face aux bouleversements commerciaux majeurs engendrés par la pandémie, le besoin de recourir à des modes de résolution rapides des différends se trouve accru.
La « Convention des Nations Unies sur les accords de règlement internationaux résultant de la médiation » est entrée en vigueur au milieu de ce chaos mondial, le 12 septembre 2020. Également connue sous le nom de « Convention de Singapour », son objectif premier est d’encourager le recours à la médiation commerciale internationale.
La Convention de Singapour, un pas capital vers le développement de la médiation commerciale internationale
Ce nouvel instrument international ne prétend pas uniformiser la procédure applicable en matière de médiation mais s’attache plutôt au résultat de ce processus, à savoir l’accord de règlement.
En effet, le texte vise essentiellement à garantir l’efficacité internationale des accords de règlement.
Pour y parvenir, la Convention pose deux nouveaux principes :
Dans un premier temps, elle pose un principe général d’exécution des accords de règlement.
Ce principe permet de faire exécuter les transactions issues d’une médiation internationale, dans un autre État que celui où elles ont été conclues, et selon les règles de procédure en vigueur dans l’État où l’exécution est demandée.
Ainsi, les parties peuvent dorénavant demander l’exécution de leur accord directement dans tout autre État partie à la Convention.
Ce régime d’exécution international comparable à celui d’une sentence arbitrale ou d’un jugement étranger, constitue finalement un traitement de faveur qui se justifie par la nature de l’accord de règlement. En effet, même s’il reste un contrat, il vise principalement à régler un différend et présente donc nécessairement une dimension juridictionnelle.
Dans un second temps, la Convention pose un principe de reconnaissance des accords de règlement.
Ainsi, une partie faisant l’objet d’une action judiciaire peut se reposer sur l’accord de règlement pour contester la demande et prouver que la question a déjà été réglée dans le cadre de celui-ci.
Les accords de règlement se voient ainsi accorder une autorité dans les États parties en dehors de toute procédure d’exécution.
La Convention de Singapour, par ces apports décisifs, a pour but d’établir un cadre juridique harmonisé en matière de médiation, ce qui serait un pas capital vers la promotion de la médiation à l’échelle mondiale.
Son ambition est d’être le pendant de la Convention de New-York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, qui a permis de faciliter considérablement le développement de l’arbitrage commercial international.
Mais nous en sommes loin, le développement de la convention s’avère en pratique contrarié.
La Convention de Singapour, un développement contrarié par le refus de signer de l’Union européenne
Si des nations importantes comme les États-Unis, la Chine, l’Inde (voir la liste des États signataires) ont accepté de ratifier la Convention de Singapour, l’Union européenne tarde à signer.
Ce retard s’explique principalement par le fait que l’Union européenne jouissait déjà de traditions de médiation commerciale bien établies au moment de l’entrée en vigueur de la Convention.
En effet, elle a adopté le 21 mai 2008, une directive n°2008/52/CE portant sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, qui facilite l’exécution des accords écrits issus de la médiation dans l’espace européen.
L’Union européenne craint que la signature de la Convention lui impose des contraintes supplémentaires – le texte exigeant notamment d’apporter la preuve que l’accord de règlement « est issu d’une médiation », ce qui ne peut être fait qu’à l’aide de la signature du médiateur sur ledit accord ou à l’aide de l’attestation de l’institution qui a administré la médiation.
Pour l’instant, l’ambition de la Convention de Singapour est donc compromise par la résistance de l’Union européenne, mais elle est un instrument de référence pour de nombreux autres Etats qui l’ont ratifiée.
Anne MESSAS
Avocate
Mathilde GENESTE
Élève-Avocate