18
juillet
2024
Jugement éclair : pas de contrefaçon pour le sac DEMI-LUNE
Author:
TAoMA
Le 7 juin 2024, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision dans une affaire opposant la société Atelier de Production et de Création (APC) aux sociétés Monoprix et Monoprix Exploitation concernant des faits de contrefaçon de droit d’auteur, de modèle déposé, ainsi que des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire.
La société APC, ayant déposé le 14 octobre 2013 un modèle de sac nommé « DEMI-LUNE », qui a rencontré un grand succès en France et à l’étranger, a constaté que les sacs commercialisés par les sociétés Monoprix reproduisaient les caractéristiques originales et l’impression d’ensemble de ce sac, incluant « sa forme et ses proportions ainsi que celles de la bandoulière », mais reprenaient également l’empreinte de la personnalité de son auteur.
De plus, la société APC a affirmé, devant le Tribunal, que la commercialisation de ces copies serviles générait un risque de confusion, constituant ainsi des actes de concurrence déloyale.
En conséquence, la société APC a mené des opérations de saisie-contrefaçon et a fait assigner les sociétés Monoprix pour faire cesser la production et la commercialisation de ces produits et obtenir réparation des préjudices commerciaux subis.
LA DÉFENSE DES PARTIES MISES EN CAUSE
Les sociétés Monoprix ont contesté les accusations émises par la société APC en invoquant que :
– le modèle « DEMI-LUNE » déposé par la société APC et les produits qu’elles commercialisent comportent des différences importantes.
– le sac « DEMI-LUNE » n’est pas original au motif que les caractéristiques revendiquées sont inhérentes à la forme du sac et parfaitement connues dans cette industrie (notamment aux vus des antériorités).
– la vente d’un produit similaire n’est pas nécessairement constitutive d’un acte de concurrence déloyale en ce qu’ils visent des consommateurs différents et utilisent des canaux de distribution différents.
Modèle déposé par la société AP
Modèle antérieur
DÉCISION DU TRIBUNAL
Après avoir tranché sur la validité du modèle de sac « DEMI-LUNE » en faveur de la société APC, le Tribunal s’est penché sur la possible contrefaçon du modèle, la violation des droits d’auteur et la présence d’actes de concurrence déloyale et parasitaire.
Tout d’abord, il a conclu que la comparaison des modèles des deux parties n’indiquait aucune contrefaçon, ces derniers se distinguant par « des éléments visuellement importants ».
Ensuite, il a évalué que les caractéristiques revendiquées par la société demanderesse relevait d’un « travail stylistique de qualité mais non un effort créatif concrétisé par une apparence singulière qui viendrait révéler l’empreinte de la personnalité » et refuse donc la qualification d’œuvre originale protégée par le droit d’auteur pour le modèle de sac « DEMI-LUNE ».
Enfin, sur la question de la concurrence déloyale et parasitaire, le tribunal a admis une ressemblance élevée pour certains des modèles des sociétés Monoprix mais a refusé la qualification de copie servile. Il a ajouté, en outre, que les faits n’avaient pas été réitérés. À cet égard, il a admis une « absence de risque de confusion pour la clientèle entre les modèles « DEMI-LUNE » de la société APC et les modèles « DEMI-LUNE » des sociétés Monoprix » écartant ainsi la caractérisation d’acte de concurrence déloyale et parasitaire, la société APC n’ayant pas démontré des investissements significatifs ou une notoriété suffisante pour établir un acte de parasitisme.
Ce jugement du Tribunal judiciaire de Paris renforce ainsi les exigences de protection de création – une création peut valablement être protégée par le biais d’un dessin & modèle tout en se voyant refuser une protection au titre du droit d’auteur. De plus, le Tribunal éclaircit les limites des pratiques de concurrence au sein de l’industrie.
L’affaire n’était finalement pas dans le sac pour APC.
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Elsa OLCER
Juriste Stagiaire
Jean-Charles NICOLLET
Conseil en Propriété Industrielle Associé
(1) Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 2e sect., 7 juin 2024, n° 21/15173
01
juillet
2024
Louis Vuitton remporte la victoire contre « Pooey Puitton » : Quand la parodie tourne mal !
Author:
TAoMA
Le 25 avril 20241, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision significative dans l’affaire opposant Louis Vuitton Malletier (LV) à MGA Entertainment et plusieurs autres sociétés concernant des faits de contrefaçon de marques et de parasitisme.
Louis Vuitton, célèbre pour ses produits de maroquinerie de luxe et ses accessoires, a découvert que des sacs commercialisés sous le nom de « Pooey Puitton » reproduisaient de manière illicite plusieurs éléments distinctifs de ses propres produits. Ces éléments incluaient notamment les motifs multicolores, les anses, les enchapes hexagonales, et les anneaux dorés, caractéristiques emblématiques de la marque Louis Vuitton. Ayant acquis ces produits dans un magasin Toys « R » Us et constaté leur vente sur divers sites marchands, LV a mené plusieurs saisies-contrefaçons et engagé une action en justice pour faire cesser ces agissements et obtenir réparation des préjudices subis.
La société LV a soutenu que les sacs « Pooey Puitton » reproduisaient des éléments distinctifs de ses produits protégés par des marques enregistrées. Elle a invoqué l’article 9 du Règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne, et l’article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, affirmant que l’usage des signes litigieux sans son consentement tirait indûment profit de la renommée de ses marques et leur portait préjudice.
Que soutiennent les sociétés mises en cause ?
Les sociétés mises en cause ont contesté les accusations, soulignant les différences entre les produits litigieux et ceux de Louis Vuitton.
Elles ont argué :
– que les produits « Pooey Puitton » font partie d’une gamme appelée « Poopsie » destinée aux enfants, très éloignée des produits de luxe de Louis Vuitton ;
– que les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles sont trop importantes pour créer un lien dans l’esprit du public de nature à constituer une atteinte à une marque renommée ;
– que la comparaison des signes et produits concernés ne révèle aucune similarité ;
– que les produits sont différents car ils n’ont pas la même nature, fonction et destination, la société LV ne fabriquant ni ne commercialisant aucun jeu ou jouet pour enfants ;
– que les modes de distribution sont différents,
– de même que les prix,
– que le public ciblé est l’enfant prescripteur d’achat.
Les défenderesses ont également soutenu que le produit « Pooey Puitton » relevait de la parodie, visant à faire un clin d’œil humoristique et non à imiter ou à tirer profit de la marque Louis Vuitton. Elles ont argué que la parodie est une forme d’expression reconnue, souvent utilisée pour se moquer de manière inoffensive, et non pour porter atteinte à la renommée ou au caractère distinctif d’une marque.
En complément, les défenderesses ont invoqué la liberté d’expression, affirmant qu’elles avaient le droit de créer et commercialiser des produits humoristiques. Elles ont soutenu que leur intention n’était pas de tromper les consommateurs ni de tirer indûment profit de la renommée de Louis Vuitton, mais simplement de jouer sur les mots et les images de manière créative.
Les arguments n’ont pas convaincu le Tribunal judiciaire de Paris
Après avoir aisément retenu la renommée des marques de Louis Vuitton, le Tribunal se penche sur l’évaluation de l’atteinte à leur renommée en évaluant (i) le préjudice porté au caractère distinctif de la marque, (ii) le préjudice porté à la renommée de la marque, et (iii) le profit indûment tiré de celle-ci.
Il en conclut que l’utilisation des signes contestés affaiblit le pouvoir distinctif des marques Louis Vuitton et nuit à leur renommée. Il souligne que les signes sont suffisamment similaires pour que le public concerné par le jouet « Pooey Puitton », incluant certains clients de la société Louis Vuitton, établisse un lien, même s’il existe une différence entre les produits en cause. Les marques de la demanderesse bénéficient d’une renommée exceptionnelle et d’un caractère distinctif très fort, ce qui rend probable ce rapprochement, même sans confusion directe.
Le Tribunal judiciaire de Paris a également évalué la perception du public pertinent, incluant à la fois les consommateurs de produits de luxe de Louis Vuitton et les acheteurs de jouets. Il a jugé que même si les acheteurs de jouets étaient principalement des enfants, les parents, en tant qu’acheteurs finaux, seraient sensibles à la similitude entre les signes et pourraient être influencés négativement par l’association des marques. Le tribunal a ainsi reconnu que l’atteinte à la renommée et au caractère distinctif de la marque Louis Vuitton s’appréciait par rapport à ses clients et non uniquement par rapport aux acheteurs des produits litigieux.
Ainsi, le Tribunal conclut que les produits « Pooey Puitton » tirent indûment profit de la renommée des marques Louis Vuitton car « il s’agit bien pour les défenderesses de tenter de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier, auprès du consommateur moyen des produits Pooey Puitton, normalement informé et raisonnablement attentif, c’est-à-dire principalement un adulte qui achète des jouets, du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige des marques Louis Vuitton et d’exploiter sans compensation financière, dans le but purement commercial de faciliter leurs ventes, l’effort commercial déployé par la société LV pour créer et entretenir l’image de celle-ci » . Le fait d’associer un produit de luxe à une parodie scatologique a été jugé préjudiciable à l’image de raffinement et d’exclusivité de Louis Vuitton.
L’exception de parodie ne fonctionne pas non plus
Bien qu’il ait reconnu l’importance de la liberté d’expression et le droit à la parodie, le Tribunal a jugé que ces principes ne pouvaient justifier une atteinte aux droits de propriété intellectuelle de LV.
En particulier, le Tribunal judiciaire de Paris a estimé que l’usage des signes contestés par les défenderesses n’était pas justifié par un motif légitime. Bien que la parodie puisse être protégée, elle ne doit pas porter atteinte au caractère distinctif ou à la renommée d’une marque établie.
Enfin, il affirme que la liberté d’expression doit être équilibrée avec les droits de propriété intellectuelle. Cependant, dans ce cas, les droits de LV en tant que titulaire de marques renommées prévalent sur le droit des défenderesses à l’expression humoristique parodique.
En conclusion, le Tribunal a retenu que les marques de LV jouissaient d’une renommée exceptionnelle et que les défenderesses avaient indûment tiré profit de cette renommée à travers la contrefaçon et le parasitisme.
Ce jugement réaffirme ainsi l’aura incontestée et l’influence prééminente des marques Louis Vuitton sur le marché mondial !
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Gaelle Loinger
Conseil en Propriété Industrielle Associée
Emeline Jet
Avocate à la Cour
(1) Tribunal Judiciaire de Paris, 3e ch., 1re sect., 25 avril 2024, n°19/01735
21
mai
2024
Le tabouret Tam Tam, une protection qui tient debout devant la Cour d’appel
Author:
TAoMA
Dans un arrêt du 22 février 2024, la Cour d’appel de Lyon a confirmé le caractère original du tabouret « TAM TAM » et condamné les sociétés LaFoir’Fouille et FF Digital en contrefaçon de droit d’auteur et en concurrence parasitaire.
La société Stamp, détentrice des droits d’auteur sur le célèbre tabouret « Tam Tam » conçu en 1968 par le designer Henry Massonnet, a assigné en contrefaçon de droit d’auteur et en concurrence déloyale les sociétés La Foir’Fouille et FF Digital pour avoir reproduit et commercialisé des modèles de tabourets reprenant les caractéristiques du tabouret « Tam Tam », et pour avoir réalisé une campagne publicitaire faisant directement écho à son produit.
En première instance, le Tribunal judiciaire de Lyon a reconnu le caractère original du tabouret « Tam Tam » et sa protection au titre du droit d’auteur. Toutefois, la société Stamp a été déboutée de ses demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon, le Tribunal estimant que les preuves apportées n’étaient pas suffisantes pour établir l’imitation ou la reproduction des caractéristiques originales du tabouret par les défenderesses.
Après s’être ménagée de nouveaux moyens de preuves, la société Stamp a eu gain de cause en appel.
En effet, la Cour d’appel de Lyon a réaffirmé que le caractère original du tabouret « Tam Tam » tenait dans la combinaison spécifique de trois éléments :
• Sa forme en diabolo ;
• L’emploi de la matière plastique ;
• Les parties jumelles démontables et emboîtables.
Elle souligne que cette combinaison d’éléments ne répond pas à des contraintes techniques, et qu’au contraire, elle reflète bel et bien la personnalité de l’auteur.
Ainsi, sur la base des nouveaux éléments de preuves produites par l’appelante, elle condamne les sociétés La Foir’Fouille, FF Digital et Directusine (fabricante du produit) en contrefaçon de droit d’auteur.
S’agissant de la concurrence parasitaire, la Cour a jugé que la référence directe au tabouret « Tam Tam » dans le slogan publicitaire des intimées, constituait « l’une des déclinaisons les plus pures qui soient du comportement parasitaire ». En effet, les intimées utilisaient l’argument publicitaire suivant « 5 euros le tabouret, vous n’aurez qu’à dire que vous l’avez acheté dans une boutique design ».
Cet arrêt rappelle qu’il n’est pas possible de copier impunément les créations d’autrui, et personne n’en tombera de sa chaise.
Delphine Monfront
Avocate à la Cour
31
janvier
2023
Imiter n’est pas créer : Attention au boomerang !
Author:
TAoMA
Bijoux de fantaisie : la concurrence fait rage. En quelques années, le marché des bijoux de fantaisie s’est fortement développé et il peut parfois être difficile de se distinguer de la concurrence, en particulier compte-tenu de l’encombrement créatif dans le secteur. Cet encombrement créatif a joué en faveur de la société Atiwell, dans le cadre de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, le 2 novembre 20221.
La société Zag bijoux a assigné la société Atiwell le 26 avril 2019, pour des actes de concurrence déloyale et parasitaire liés à la commercialisation de bijoux en apparence identiques aux modèles de ses propres collections, mais de qualité médiocre et de moindre prix.
Le Tribunal de commerce de Bobigny a débouté la société Zag bijoux de ses demandes par jugement en date du 17 novembre 2020. En particulier, le Tribunal de commerce de Bobigny a considéré que les bijoux commercialisés par la société Zag Bijoux relevaient plus de la fantaisie commune que de produits originaux. Dans ce contexte, la société Atiwell pouvait s’en inspirer, sans contrevenir aux usages honnêtes et loyaux qui doivent présider à la vie des affaires.
Mécontente de cette décision, la société Zag Bijoux a porté l’affaire devant la Cour d’appel de Paris qui a confirmé le jugement.
En effet, et après une analyse minutieuse des modèles de bijoux de la société Zag bijoux, la Cour d’appel conclu qu’il existe des différences certaines entre les bijoux en cause et, par ailleurs, elle constate que de nombreux modèles de bijoux de la société Zag bijoux s’inscrivent dans la tendance du marché et, de surcroît, s’inspirent fortement de modèles protégés antérieurement au titre du droit des dessins et modèles, par d’autres concurrents.
La Cour en conclut que
• Il ne peut y avoir de risque de confusion entre les modèles de bijoux en cause, dès lors que la société Zag Bijoux s’est elle-même inspirée de modèles tombés dans le domaine public et/ou appartenant à la tendance actuelle du secteur. De même la Cour d’appel écarte également l’existence d’un effet de gamme sur cette base, puisque les éléments repris sont usuels et banals dans le secteur de la bijouterie ;
• La société Zag Bijoux ne justifie pas d’une valeur individualisée dont il résulterait des efforts créatifs, ainsi que des investissements. La concurrence déloyale et parasitaire est donc également rejetée par la Cour d’appel de Paris.
Cet arrêt, qui s’inscrit dans la jurisprudence actuelle, laisse entendre que les créations qui proviennent de l’imitation et/ou sont inspirées de la tendance du secteur ne peuvent pas être protégées par l’action en concurrence déloyale ou parasitaire. On doit préciser que ces créations ne seraient pas, a fortiori, protégées par le droit d’auteur.
Baptiste Kuentzmann
Conseil en Propriété Industrielle
(1) Cour d’appel de Paris, Pôle 5 chambre 1, 2 novembre 2022, n°21/00039 ;
05
juillet
2021
Tintin et le temple de l’exception de parodie
Author:
teamtaomanews
L’artiste Xavier Marabout a réalisé des œuvres d’art mêlant l’univers du peintre Edward Hopper et celui de l’auteur de bande dessinée Hergé à travers la représentation du personnage de Tintin, placé dans des situations saugrenues. L’artiste a fait le choix de représenter le célèbre reporter accompagné de femmes dans des environnements austères, évoquant la mélancolie habituelle des œuvres de Hopper.
La société Moulinsart, titulaire exclusive des droits patrimoniaux de Hergé (à l’exception de l’édition des albums de bande dessinée) a constaté la vente et la commercialisation des œuvres, sur le site internet de Xavier Marabout, adaptant sans autorisation les personnages des Aventures de Tintin.
Cette dernière considérant ces actes comme contrefaisants a assigné Xavier Marabout en contrefaçon de droits d’auteur et en concurrence déloyale et parasitaire devant le Tribunal Judiciaire de Rennes (1).
La question principale abordée dans cette décision est de savoir si Xavier Marabout peut légitimement se prévaloir de l’exception de parodie. Et subsidiairement, s’il y a lieu de considérer que les actes en question sont parasitaires ou déloyaux.
Concernant la question de l’exception de parodie le Tribunal Judiciaire a rappelé le principe selon lequel lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire « 3° sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source ; 4° la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ».
Xavier Marabout invoque cette exception au monopole du droit d’auteur de la société Moulinsart, sans pour autant contester avoir reproduit et adapté sans autorisation des éléments issus des Aventures de Tintin.
Dans un premier temps, le tribunal s’est livré à une analyse précise de chaque critère de l’exception de parodie :
La parodie doit permettre l’identification immédiate de l’œuvre parodiée, ce qui est le cas en l’espèce puisque les personnages de l’œuvre d’origine sont aisément identifiables.
L’œuvre parodique doit se distinguer de l’œuvre originale. En l’espèce, le choix du support – un tableau versus une bande dessinée – permet bien de distinguer l’œuvre parodique de l’œuvre originale.
L’intention humoristique doit être présente et reconnue par le public, l’austérité des œuvres de Hopper est ici plus animée et vient transcender l’impossibilité pour Tintin d’afficher ses sentiments dans des situations burlesques où des femmes aux allures de « bimbos » sont représentées. En outre, le nom des œuvres permet également de démontrer l’approche parodique de l’auteur avec un effet humoristique tel que « Moulinsart au soleil» ou « Lune de miel » faisant écho directement aux œuvres originales de Hergé.
Une absence de risque de confusion : La parodie exige une distanciation comique et un travestissement qui ne doit pas porter une atteinte disproportionnée aux œuvres de l’auteur. Les Aventures de Tintin ont connu une diffusion mondiale considérable par le nombre d’exemplaires vendus, que le public identifie aisément. Les travestissements opérés sont effectués sous forme de tableau permettant de distinguer la représentation classique sous vignette de bande dessinée habituelle de Hergé. Enfin, les inspirations de l’univers de Hopper étant indéniables par les environnements reproduits mais aussi par les titres des œuvres ne peuvent venir caractériser un risque de confusion quelconque.
Dans ces conditions, le Tribunal judiciaire en conclut que les œuvres de Xavier Marabout traduisent une forme d’hommage et accueille l’exception de parodie.
Le tribunal s’est ensuite concentré sur le fait de savoir si la démarche de Xavier Marabout ne s’inscrivait pas dans une démarche purement commerciale et mercantile, s’appropriant ainsi la valeur économique de l’œuvre de Hergé, portant de ce fait atteinte aux droits patrimoniaux de la société Moulinsart.
Faisant une appréciation très concrète des enjeux financiers en comparant les revenus générés par l’œuvre de Hergé et ceux découlant de l’exploitation des tableaux de Xavier Marabout les juges considèrent que les faits allégués de contrefaçon n’engendrent qu’une perte financière minime voire totalement hypothétique pour la société Moulinsart, qui ne peut dès lors s’opposer à la liberté de création.
En conséquence, le Tribunal judiciaire déboute la société Moulinsart de ses demandes au titre du droit d’auteurs en excluant toute faute constitutive de contrefaçon.
Pour ce qui est des demandes en concurrence déloyale ; le tribunal a noté que l’exception de parodie ne peut venir caractériser un comportement fautif parasitaire et que les activités commerciales d’exploitation des produits dérivés de l’œuvre de Tintin par la société Moulinsart ne s’adressent pas à la même clientèle que les œuvres réalisées par Xavier Marabout, et ne peuvent de ce fait constituer une concurrence déloyale.
Ainsi, cette décision parait cohérente et mesurée, notamment au regard des œuvres en question où l’empreinte de l’auteur par l’originalité de ses choix et références permettent de faire prévaloir la liberté d’expression des artistes.
Dorian Souquet
Juriste stagiaire
Anne Laporte
Avocate à la Cour
(1) Tribunal judiciaire de Rennes, 2e chambre civile, 10 Mai 2021, 17/04478 – Société Moulinsart c/ Xavier Marabout
18
mars
2021
Campagne télévisée de ventes promotionnelles : Lidl dans le viseur des enseignes Intermarché et Carrefour
Author:
teamtaomanews
La guerre dans le secteur de la grande distribution fait rage et les deux arrêts rendus par la Cour de Cassation le 16 décembre 2020 [1] en sont le parfait exemple.
Les enseignes Intermarché et Carrefour reprochaient à l’enseigne Lidl d’avoir fait, au cours des années 2015 et 2016, la promotion télévisée de ventes promotionnelles, pratique pourtant interdite par les dispositions du décret relatif à la prohibition des publicités télévisuelles pour des ventes promotionnelles du secteur de la distribution (Article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992) [2].
La Cour d’Appel de Paris avait, par deux arrêts datés de 2019, reconnu que les actes de la société Lidl étaient contraires aux textes précités et l’avait ainsi condamnée pour pratiques commerciales déloyales.
Or, c’était sans compter sur la ténacité du discounter qui se pourvu alors en cassation. Outre le quantum de la condamnation, la société Lidl remettait également en cause la conformité du décret n°92-280 à la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, ainsi que la qualification de ventes promotionnelles.
La Cour de Cassation, par ces deux arrêts en date du 16 décembre 2020, rejette les moyens de la société Lidl au soutien de ces pourvois.
D’une part, la Cour de Cassation retient que l’objectif de l’interdiction édictée par le décret n°92-280 n’est pas de protéger le consommateur mais de préserver l’attractivité des différents médias par rapport à la télévision, afin que la publicité de la grande distribution, qui constitue une source importante de revenus, ne se concentre pas sur les régies publicitaires de chaines de télévision.
Aussi, le décret n°92-280 n’entrant pas dans le champ d’application de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, il n’y avait pas lieu d’examiner sa conformité à ladite Directive et, par voie de conséquence, son applicabilité.
D’autre part, et sur la qualification de vente promotionnelle, la Cour de Cassation relève que les cinq produits mis en avant dans les spots télévisés diffusés par Lidl en avril, mai et juin 2016 n’étaient plus offerts à la vente dans aucun des quatre magasins Lidl visités par les huissiers de justice le 19 juillet 2016.
De même, dans les vingt-deux magasins visités par les huissiers de justice le 8 décembre 2015, la très grande majorité des produits mis en avant dans les spots diffusés de septembre à novembre 2015, étaient absents des rayons des magasins visités.
Or, selon la doctrine de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, doivent être qualifiées de promotions, les opérations caractérisées par une exposition à la vente en magasin inférieures à quinze semaines.
D’autres éléments factuels ont, par ailleurs, convergé vers une qualification de ventes promotionnelles et, notamment, le fait que :
l’essentiel des ventes étaient intervenues dans les deux à quatre premières semaines de commercialisation ;
le niveau de stock était quasiment atteint à l’issue de la quatrième semaine de vente ;
aucun réassort n’avait été effectué à l’issue de la quatrième semaine de commercialisation.
La Cour de cassation confirme donc l’analyse des juges du fond qui ont retenu que les opérations commerciales litigieuses en question étaient des opérations de promotion dont la publicité par voie de télévision était interdite par l’Article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992.
La société Lidl est ainsi condamnée à réparer le préjudice résultant de ces pratiques commerciales déloyales à hauteur de 9,7 millions d’euros.
Cette nouvelle condamnation s’ajoute à une longue liste d’affaires impliquant le discounter d’origine allemande, dont une décision récente des tribunaux espagnols qui l’a condamné pour contrefaçon du brevet Thermomix de la société allemande Vorweck pour son robot CUISINE CONNECT. Une procédure identique est actuellement pendante devant les tribunaux français et nous ne manquerons pas de vous faire part de son issue dans le cadre d’une prochaine TAoMA News.
Dorian Souquet
Juriste Stagiaire
Baptiste Kuentzmann
Juriste
[1] Cour de Cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2020, 19-16.760 – Cour de Cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2020, 19-12.820.
Décision non publiée, communiquée sur demande à contact-cpi@taoma-partners.fr
[2] Article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 : « Est interdite la publicité concernant, d’une part, les produits dont la publicité télévisée fait l’objet d’une interdiction législative et, d’autre part, les produits et secteurs économiques suivants : (…) – distribution pour les opérations commerciales de promotion se déroulant entièrement ou principalement sur le territoire national, sauf dans les départements d’outre-mer et les territoires de la Polynésie française, des îles Wallis et Futuna, dans la collectivité départementale de Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. Au sens du présent décret, on entend par opération commerciale de promotion toute offre de produits ou de prestations de services faite aux consommateurs ou toute organisation d’événement qui présente un caractère occasionnel ou saisonnier, résultant notamment de la durée de l’offre, des prix et des conditions de vente annoncés, de l’importance du stock mis en vente, de la nature, de l’origine ou des qualités particulières des produits ou services ou des produits ou prestations accessoires offerts »
18
janvier
2021
Taittinger : la fin d’une saga pétillante
Author:
teamtaomanews
Ce début d’année, certes peu festif, nous amène à revenir sur une affaire qui nous rappelle une nouvelle fois les enjeux essentiels attachés aux marques patronymiques des maisons de luxe, que ce soit dans le monde de la mode (affaires Ines de la Fressange ou Christian Lacroix) ou, comme c’est le cas en l’espèce, du champagne.
Pour rappel, Virginie Taittinger, actionnaire de la société TAITTINGER, produisant et commercialisant du champagne sous une marque éponyme, avait donné mandat à son père de la représenter dans la vente de ses parts sociales dans le cadre d’une cession de contrôle de l’entreprise.
Cet acte de cession prévoyait notamment que les membres de la famille Taittinger ne pourraient plus faire usage de leur nom pour désigner des champagnes.
Or, Madame Taittinger a repris une activité de production de champagne sous la marque « VIRGINIE T » et par le biais notamment de plusieurs noms de domaines contenant le terme « taittinger ». Dans sa communication, elle mentionnait également de manière régulière le champagne Taittinger et son expérience au sein de l’entreprise familiale.
La société ayant acquis l’entreprise et la marque TAITTINGER l’a alors assignée en violation de la convention de cession, atteinte à la marque renommée Taittinger et parasitisme.
Après plusieurs épisodes, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris dans une décision que nous avions commentée.
C’est donc sans surprise que, statuant à nouveau, en formation de renvoi, la même cour d’appel de Paris a repris le raisonnement de la Cour de cassation et définitivement validé les modalités de commercialisation du champagne VIRGINIE T.
Sur la violation de la clause d’interdiction du nom Taittinger
La cour d’appel rappelle qu’un mandat conclu en termes généraux, comme celui donné par Madame Taittinger à son père (qui ne mentionnait que la possibilité, en plus de la vente des titres, de souscrire « à tout engagement ou garantie, et, plus généralement faire le nécessaire selon ce qu’il jugera utile ou approprié »), ne peut porter que sur des actes d’administration, tout acte de propriété, tel qu’une restriction d’usage d’un nom patronymique, nécessitant un mandat exprès.
Après avoir souligné que les enjeux juridiques et financiers de l’opération imposaient à l’acheteur une vérification de l’étendue des pouvoirs des vendeurs et que la disposition litigieuse était tellement défavorable à Madame Taittinger (dont l’expérience professionnelle est étroitement liée à la société Taittinger) qu’il était exclu qu’elle ait accepté, prévu ou même envisagé que son père consentirait à la stipulation d’une telle clause, la cour décide qu’elle ne peut lui être opposée.
Sur l’atteinte à la marque renommée « TAITTINGER »
Il est reproché à Madame Taittinger de faire la communication de son nouveau produit par le biais de nombreuses références à son nom, donc à celui des champagnes TAITTINGER.
La Cour de cassation avait censuré le raisonnement de la cour d’appel, lui reprochant de réaliser un amalgame entre l’analyse de l’atteinte à la marque et l’existence de justes motifs.
Les juges y remédient donc dans ce nouvel arrêt, sans pour autant que l’issue diffère.
Ils retiennent, en substance, qu’elle a bien retiré un avantage de l’association entre son champagne et le champagne Taittinger.
Pour autant, cette dernière, au regard de ses compétences professionnelles, exclusivement développées au sein de l’entreprise familiale, ne peut se voir reprocher d’avoir assuré sa reconversion dans le domaine du champagne. Or, pour ce faire, il est légitime qu’elle fasse état de son nom, de son origine familiale et de son parcours professionnel, la conduisant à évoquer le champagne TAITTINGER. De plus, ils notent qu’elle utilise toujours son nom, dans la promotion de sa nouvelle activité, en l’associant à son prénom.
La demande de ce chef est donc rejetée, ces circonstances constituant un juste motif.
Sur le parasitisme
Une nouvelle fois, la Cour de cassation avait retoqué le premier arrêt d’appel qui ne tenait pas compte, dans son analyse de la valeur économique prétendument parasitée, du prestige et de la notoriété attachés au nom Taittinger.
Dans sa nouvelle décision, la cour d’appel n’a pour autant pas de difficultés à rejeter la demande. En effet, elle indique à nouveau que les mentions par Madame Taittinger du nom commercial de la société adverse étaient justifiées « par la légitime évocation par l’intimée de ses origines familiales et de ses activités passées durant plus de vingt ans au service du champagne TAITTINGER et ne revêtent donc aucun caractère fautif, nonobstant le prestige et la notoriété incontestés acquis par ce nom commercial et cette dénomination sociale ».
Madame Taittinger est désormais libre d’utiliser son nom dans sa communication commerciale.
Fiora FELICIAGGI
Stagiaire Pôle Avocat
Anita DELAAGE
Avocate
Référence et date : Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 1, 3 mars 2020, n° 18/28501
Décision non publiée, communiquée sur demande à contact-avocat@taoma-partners.fr
19
mars
2020
Yuka mise en boîte (de conserve) : une condamnation pour dénigrement
Author:
teamtaomanews
Après les représentants de la filière du sucre, qui étaient parvenus à faire reconnaitre le caractère dénigrant envers le produit « sucre » d’une publicité le représentant sous la forme d’un personnage ridicule[1], c’est au tour de l’industrie des conserves de faire sanctionner une critique des produits qu’elle commercialise, relançant ainsi le débat sur la frontière entre le dénigrement et la critique licite.
Le 23 octobre 2019, la société YUCA, éditrice de l’application mobile YUKA (qui propose un décryptage des étiquettes de produits alimentaires ou cosmétiques et analyse leur impact sur la santé) a publié sur son blog un article qui n’a pas plu aux industriels de l’emballage en conserve. L’article en question, intitulé « Halte aux emballages toxiques ! », comprenait une section « conserves et aluminium : à éviter au maximum », conseillant aux lecteurs d’« éviter au maximum la consommation d’aliments ayant été en contact avec l’aluminium[tels que les] canettes de soda, légumes en conserve, etc. ».
La Fédération Française des Industries des Aliments Conservés (FIAC) soutenait que de tels propos étaient constitutifs d’une publicité trompeuse constituant une pratique commerciale déloyale ainsi que d’un dénigrement des conserves et aliments conservés résultant d’un amalgame trompeur entre aluminium et conserves, et a donc assigné la société YUCA, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil et des articles L121_1 et L121_2 du Code de la consommation.
Si le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a rapidement écarté le grief lié à la publicité trompeuse, estimant que l’article incriminé ne constituait pas une publicité proprement dite pour des produits mais une information générale, il a eu à s’interroger sur la limite entre libre critique et dénigrement fautif.
Conformément à une jurisprudence établie de la Cour de cassation, la juridiction a rappelé que l’acte de dénigrement peut être caractérisé, même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les parties, dès lors qu’il est fait état de la divulgation par l’une d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre.
En l’espèce, en affirmant que les emballages en conserve étaient toxiques pour la santé, et en conseillant à ses lecteurs d’« éviter au maximum la consommation d’aliments ayant été en contact avec l’aluminium[tels que les] canettes de soda, légumes en conserve, etc. », la société YUCA a bien jeté le discrédit sur les produits commercialisés en conserve.
Restait alors à trancher si les éléments exonérateurs cumulatifs suivants, dégagés par la jurisprudence[2], étaient réunis, auquel cas une condamnation n’aurait pas pu être prononcée :
l’information divulguée se rapporte à un sujet d’intérêt général ;
elle repose sur une base factuelle suffisante ;
son auteur a fait preuve de mesure dans ses propos.
Or, relevant que les conseils de la société YUCA ne distinguaient pas selon la composition des emballages en conserve (sans préciser notamment que 80% de la production des aliments en conserve se fait dans des emballages en fer blanc, contre 20% en aluminium, lesquels comportent en outre systématiquement un revêtement intérieur protecteur), le juge des référés a estimé que l’article ne reposait pas sur une analyse suffisante de la situation.
L’ordonnance retient également que ces préconisations se fondent sur une source unique, en l’espèce un article publié par un nutritionniste, dont les propos sont de plus interprétés de manière extensive. Ainsi, l’auteur de l’article a manqué de mesure par une généralisation abusive et un manque de base factuelle suffisante.
Enfin, la décision souligne que l’impact sur les consommateurs était sensible, leurs commentaires laissant entendre qu’ils avaient trouvé l’article intéressant et la société faisant elle-même la promotion de l’incidence de ses articles sur ses abonnés – le juge des référés remarquant par ailleurs la notoriété de la défenderesse dont l’application compte 12 millions d’utilisateurs.
Par son ordonnance du 5 mars 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a donc ordonné la suppression des passages litigieux dans un délai de cinq jours et sous astreinte de 500€ par jour de retard.
Si la portée de cette décision, intervenue en référé, et qui pourrait donc être remise en cause en cas d’appel ou par une décision au fond est incertaine, il est notable que la société YUCA a obtempéré et l’article a bien été modifié.
Référence et date : Tribunal de commerce de Versailles, ordonnance de référé du 5 mars 2020
Lire la décision sur Legalis
[1]Cour de cassation, chambre commerciale, 30 janvier 2017, n°04-17.203
[2]Voir notamment Cour de cassation, chambre commerciale, 9 janvier 2019, n°17-18.350
01
avril
2019
Divulguer, c’est dénigrer!
Author:
teamtaomanews
La divulgation de l’existence d’une action en justice n’ayant pas donné lieu à une décision de justice peut-elle constituer un acte de dénigrement ?
La Chambre commerciale de la Cour de cassation répond par la positive dans un arrêt rendu le 9 janvier 2019.
La société Keter Plastic, fabricante de produits en plastique dont certains produits sont vendus par la société Plicosa, a assigné en contrefaçon la société Shaf en 2012. Cette action a été rejetée par un jugement rendu en 2013, confirmé par un arrêt rendu en 2015. La société Plicosa a divulgué l’existence de cette action en justice dès 2012 aux distributeurs de la société Shaf.
La société Shaf a alors assigné la société Plicosa en paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale en arguant de l’existence d’une campagne de dénigrement à son encontre. La Cour d’appel a infirmé le jugement rendu en première instance et a rejeté l’action engagée par la société Shaf au motif que la requérante ne démontrait pas le caractère non-objectif, excessif, dénigrant voire mensonger des informations divulguées par la défenderesse.
La société Shaf soutient que la divulgation d’une action en justice, même n’ayant pas donné lieu à une décision de justice, à sa clientèle par la société Plicosa est fautive dès lors qu’elle a conduit plusieurs clients à renoncer à leurs commandes.
La société Plicosa conclut au rejet du pourvoi en indiquant que les messages informant les distributeurs de l’action en justice en contrefaçon n’étaient pas accompagnés de propos mensongers, excessifs, dénigrants ou menaçants susceptibles de constituer un acte de dénigrement.
La Cour de Cassation n’est pas du même avis et casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel, au visa du nouvel article 1240 du code civil, au motif que « la divulgation à la clientèle, par la société Plicosa, d’une action en contrefaçon n’ayant pas donné lieu à une décision de justice, dépourvue de base factuelle suffisante en ce qu’elle ne reposait que sur le seul acte de poursuite engagé par le titulaire des droits, constituait un dénigrement fautif ».
La Cour de cassation clarifie également l’articulation entre la liberté d’expression et le dénigrement fautif en expliquant que l’information qui se « rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure » ne constitue pas un acte de dénigrement.
Cette décision confirme la jurisprudence de la Haute Cour qui considère que la divulgation d’une décision de justice non définitive constitue un dénigrement fautif.[1]
[1] Par ex.Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-10.800