08
mars
2022
TAoMA Partners fait son entrée dans le classement international WTR 1000 !
Toute l’équipe de TAoMA Partners est très fière de faire son entrée dans le classement 2022 WTR 1000, édité par World Trademark Review !
« TAoMA Partners fait sa première apparition dans le WTR 1000 pour 2022 grâce aux éloges enthousiastes de ses clients – à la fois pour le cabinet dans son ensemble et pour ses praticiens vedettes. «
En effet, si le cabinet est classé parmi les meilleurs français, 3 de nos associés sont également distinguées à titre individuel :
Gaëlle Loinger-Benamran: « Gaëlle not only is perfectly aware of the law and its development, but knows how to adapt to any type of client, assessing the right level of risk they are willing to take. She has a problem-solving mindset and approach, is articulate, and takes the time to make sure everything is crystal clear for everyone. »
Anne Messas : « Anne provides sound legal advice and gets great results for her clients. »
Malaurie Pantalacci : « Malaurie is recommended for her professionalism, her ability to understand our issues and find solutions, and the clarity of her explanations and recommendations. She listens to our problems and works to understand our company. »
Nous tenons à remercier nos clients et partenaires pour leur confiance !
10
février
2022
Biens, services et contenus numériques : satisfaits ou remboursés ?
Author:
teamtaomanews
Bonne nouvelle pour les geeks ! L’Ordonnance n°2021-1247 du 29 septembre 2021, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, étend le domaine de la garantie légale de conformité aux biens contenant des éléments numériques ainsi qu’aux services et contenus numériques.
En parallèle, le vendeur professionnel serre les dents : cette extension s’accompagne d’un renforcement de ses obligations à l’égard du consommateur, notamment son obligation précontractuelle d’information.
À quoi s’applique cette garantie ?
Jusqu’alors, seuls les biens physiques et les contrats de vente bénéficiaient de la garantie légale de conformité. Désormais, sont susceptibles d’en bénéficier les contrats conclus entre un vendeur professionnel et un consommateur ayant pour objet la fourniture :
d’un bien comportant des éléments numériques comme un objet connecté telle qu’une montre intelligente.
d’un service numérique comme une application de réseau social ou une plateforme VOD.
d’un contenu numérique comme le téléchargement d’un fichier vidéo, d’un enregistrement audio ou un jeu numérique.
Comment appliquer la notion de conformité au e-commerce B2C ?
La garantie légale de conformité permet de s’assurer que le vendeur professionnel délivre un bien conforme au contrat ainsi qu’à l’usage qui en est attendu par le consommateur.
Le Code de la consommation liste les principaux critères de la conformité au contrat en matière de biens, services et contenus numériques[1] lesquels doivent notamment :
correspondre avec la description, au type, à la quantité et à la qualité notamment en ce qui concerne la fonctionnalité, la compatibilité, l’interopérabilité ou toute autre caractéristique prévue au contrat.
être propres à tout usage spécial recherché par le consommateur.
être délivrés avec tous les accessoires et les instructions d’installation.
être mis à jour conformément au contrat.
Attention aux données personnelles ! Professionnels responsables de traitement, soyez vigilants. Tout manquement dans le traitement des données personnelles peut être considéré comme un défaut de conformité du bien, du contenu ou du service fourni s’il entraîne le non-respect d’un ou de plusieurs critères de conformité[2].
Quelles sont les conséquences du défaut de conformité ?
En cas de non-conformité, le consommateur a le choix de la sentence à l’égard du professionnel :
Il peut faire procéder à une exécution forcée en nature et a le droit à la mise en conformité du bien par réparation ou remplacement ou, à défaut, à la réduction du prix ou à la résolution du contrat.
ou se prévaloir d’une exception d’inexécution c’est-à-dire qu’il a le droit de suspendre le paiement de tout ou partie du prix ou la remise de l’avantage prévu au contrat jusqu’à ce que le vendeur ait satisfait aux obligations qui lui incombe.
Quelle est la durée de la garantie légale de conformité ?
Les délais de la garantie légale de conformité étendue sont différents selon que le défaut de conformité affecte :
un bien comportant des éléments numériques pour lequel le délai de garantie est de 2 ans suivant l’achat, la réparation ou le remplacement du produit.
un contenu ou un service numérique pour lequel la durée de la garantie est de 2 ans pour une fourniture unique de contenus numériques, de la durée de l’abonnement pour les services continus.
Attention à la preuve ! Il existe un régime de présomption de défaut de conformité au bénéfice du consommateur. Pour l’objet connecté, les défauts de conformité qui apparaissent dans le délai de 2 ans sont présumés exister au moment de la délivrance du bien sauf incompatibilité avec la nature du bien. Pour les contenus ou services numériques cette présomption est fixée à 1 an.
Un renforcement des obligations du vendeur professionnel
Une obligation de motiver le refus
Le professionnel n’est pas dans l’obligation de se plier à la volonté du consommateur insatisfait, si la modalité choisie par ce dernier est impossible à réaliser ou qu’elle entraîne des coûts disproportionnés[3].
Mais alors le vendeur professionnel devra être en mesure de justifier les raisons de son refus par écrit, sur un support durable adressé au consommateur.
Une obligation précontractuelle d’information renforcée
Outre cette obligation de motivation, l’extension du régime de conformité légale renforce l’obligation précontractuelle d’information qui pèse sur tout professionnel.
Ainsi, lorsque le bien comporte un contenu ou un service numérique, le vendeur est tenu d’informer le consommateur de la disponibilité des mises à jour de sécurité nécessaires au maintien de la conformité du bien, du service ou contenu numérique et des conséquences liées à la non-installation.
Décharge de responsabilité en cas de défaut d’installation des mises à jour
En revanche, le professionnel ne sera pas responsable des défauts résultant de l’absence d’installation de mises à jour par le consommateur, à condition toutefois que ce dernier ait été dûment informé de leur disponibilité et des conséquences liées à la non-installation.
Le vendeur professionnel de biens, contenus ou services numériques doit donc rédiger ses Conditions Générales de Vente (CGV) avec précision et penser à y inclure une information sur la garantie légale de conformité, sa mise en œuvre et son contenu.
TAoMA Partners demeure à votre disposition pour vous accompagner dans la conformité de vos sites e-commerce et dans la rédaction et l’actualisation de vos Conditions Générales de Vente.
Ludovic de Carné
Avocat à la Cour
Delphine Monfront
Élève-Avocate
Abonnez-vous à la newsletter de TAoMA !
Cet article ne remplace pas une consultation auprès d’un CPI ou d’un avocat, indispensable à la bonne évaluation de vos besoins.
[1] Article L. 217-4 du Code de la consommation Ces critères de conformité au contrat sont complétés par une série de critères énumérés à l’article L. 217-5 du Code de la consommation : il est (i) propre à l’usage habituellement attendu d’un bien de même type, (ii) possède les qualités que le vendeur a présentées au consommateur sous forme d’échantillons ou de modèles, (iii) les éléments numériques qu’il comporte sont fournis selon la version la plus récente au moment de la conclusion du contrat, (iv) délivré avec tous les accessoires, (vi) fourni avec les mises à jour que le consommateur peut légitimement attendre, (vii) correspond à la quantité, à la qualité et aux autres caractéristiques que le consommateur peut légitimement attendre le pour des biens de même type.
[2] Article L. 217-6 du Code de la consommation.
[3] Article L. 217-12 du Code de la consommation.
01
février
2022
La preuve par constat d’achat, oui ! Mais qui peut procéder à l’achat?
Author:
teamtaomanews
Dans notre newsletter du 12 janvier 2021, nous avions rappelé l’importance de la date choisie pour établir les constats d’huissier, lesquels permettent avant tout procès de démontrer la commercialisation d’un produit contrefaisant dans une boutique ou sur un site en ligne.
S’il est fréquent qu’un constat d’huissier soit fourni aux débats, il convient toutefois de s’interroger sur les liens éventuels de dépendance entre la personne qui assiste l’huissier de justice et le requérant.
En effet, dans un arrêt du 16 décembre 2021, la deuxième chambre civile de la Cour d’appel de Douai a rappelé les exigences d’indépendance entre le requérant et le tiers acheteur qui assiste l’huissier instrumentaire.
A l’origine de ce litige, une demande reconventionnelle en concurrence déloyale initiée par la société Vaillant contre la société Cartospé pour des actes de concurrence déloyale commis à son encontre et consistant à ne pas avoir respecté les normes relatives aux emballages.
Au soutien de sa demande, la société Vaillant a fourni un constat d’achat de deux lots de 10 emballages de la société Cartospé, effectué sur le site Internet de cette dernière et établi par huissier de justice à Paris en 2014.
Or, comme l’a relevé la Cour d’appel de Douai, il résulte du procès-verbal de l’huissier instrumentaire que la personne qui a procédé à l’achat de cartons est Mme X., alors élève-avocat du cabinet Linklaters lui-même avocat de la société Vaillant, requérante, laquelle n’a pas fait pas état de cette qualité lors de l’achat mais a au contraire, fait état de l’adresse d’une société de gestion immobilière située 32 rue de Malte à Paris 70011 ainsi que d’une adresse Gmail personnelle et non pas des coordonnées du cabinet Linklaters étant ajouté que l’huissier constatant ne mentionne pas plus la qualité de Mme X. Il en résulte que le constat d’achat du 26 mai 2014 n’a pas été réalisé par une personne indépendante de la partie requérante et doit être annulé de même que les actes subséquents des 13 et 26 juin 2014[1].
Rappelons que si l’huissier de justice se borne le plus souvent à constater l’achat de l’article litigieux par un tiers acheteur, ce dernier doit toutefois être indépendant de la partie requérante.
Cette condition d’indépendance a notamment été rappelée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 25 janvier 2017[2].
A la lumière de l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 9 du code de procédure civile, la Cour a rappelé que le droit à un procès équitable (…) commande que la personne qui assiste l’huissier instrumentaire lors de l’établissement d’un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante.
Ce nouvel arrêt vient renforcer les exigences d’indépendance entre le tiers acheteur et le requérant, démontrant de nouveau la grande sévérité des juges en matière de constats d’huissier.
Ainsi, si l’utilité des constats d’huissier n’est plus à démontrer en raison de leur force probante reconnue par les tribunaux, il convient toutefois d’être particulièrement vigilant sur le choix du tiers acheteur, sous peine de rejet de ce mode de preuve par les juridictions.
Gaëlle Bermejo
Juriste
[1] Cour d’appel de Douai, ch. 2 – sec. 1, arrêt du 16 décembre 2021 – Cartospé-Packaging / Cartonnage Vaillant & Astra Inks (arrêt)
[2] Cour de cassation, arrêt du 25 janvier 2017, pourvoi n° 15-25.210
21
janvier
2022
L’AC Milan perd son match (et sa marque) devant le TUE
Author:
teamtaomanews
Les Allemands ont remporté un match judiciaire en droit des marques contre les Italiens (3-0) dans une affaire opposant l’Associazione Calcio Milan SpA (AC Milan), célèbre club de football, à la société de droit allemand InterES Handels- und Dienstleistungs Gesellschaft mbH & Co. KG.
La première mi-temps a débuté le 6 avril 2017 avec une opposition formée devant l’Office européen des marques (EUIPO) par cette société allemande, sur la base de sa marque verbale allemande MILAN, enregistrée notamment en classe 16, à l’encontre d’une demande de marque du club de football Italien.
Ce dernier, par une demande de marque internationale désignant l’Union européenne n°1329545, souhaitait protéger sa marque semi-figurative (ACM 1899 AC MILAN) dans les vingt-sept États de l’Union pour des produits en classe 16 de la Classification de Nice, à savoir : « Papier ; carton ; couvertures de livres ; colle pour la papeterie ou le ménage ; articles de papeterie ; papier à copier [articles de papeterie] ; papier à lettres ; [articles de papeterie] ; marqueurs ; agrafes de bureau ; fournitures pour le dessin ; fournitures pour l’écriture ; fournitures scolaires ; gommes à effacer ; encres ; correcteurs liquides ; gabarits [articles de papeterie] ; crayons ; crayons fusains ; crayons d’ardoise ; mines de crayon ; stylos [articles de bureau] ; plumes d’acier ; porte-crayons ; porte-mines ; porte-plume ; billes pour stylos à bille ; instruments d’écriture ; instruments de dessin ; carnets ; tampons encreurs ; taille-crayons ; tire-lignes ».
La société allemande obtient une première fois gain de cause par une décision rendue le 30 novembre 2018, dans laquelle l’EUIPO a reconnu l’opposition justifiée dans son intégralité.
Mécontent de cette décision, le club de football italien, dans le cadre d’une seconde mi-temps, a formé un recours. Mais la deuxième chambre de recours de l’EUIPO le rejette et confirme la décision de la division d’opposition dans son intégralité.
Le Milan AC tente alors une dernière attaque devant le Tribunal de l’Union européenne (TUE) en contestant l’appréciation des preuves d’usage de la marque antérieure réalisée par la chambre de recours, y compris celle de l’altération du caractère distinctif de la marque antérieure telle qu’enregistrée.
Il ajoute que la chambre de recours n’a pas pris en compte la renommée de la demande de marque contestée aux fins de l’appréciation du risque de confusion, notamment en ce qui concerne les similitudes conceptuelles entre les signes.
Le TUE, par une décision en date du 10 novembre 2021, marque un coup d’arrêt au match et confirme la victoire de la société allemande. En effet, il juge que l’usage sérieux de la marque antérieure, ainsi que le risque de confusion entre les marques en cause, a été dûment démontré et justifié.
Sur l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée
D’une part, le TUE confirme que les preuves d’usage produites par la société allemande sont suffisantes pour établir l’usage sérieux de la marque antérieure en Allemagne.
Les pièces fournies par la société allemande (factures, catalogues…), prises dans leur ensemble, permettent de démontrer qu’elle s’est efforcée de maintenir ou acquérir une position commerciale sur le marché en cause, étant précisé, par ailleurs, que le TUE confirme la jurisprudence constante selon laquelle des pièces datées en dehors de la période pertinente peuvent être prises en compte pour apporter la preuve d’une exploitation commerciale réelle et sérieuse de la marque.
D’autre part, le TUE suit le raisonnement de la chambre de recours de l’EUIPO selon lequel l’usage qui est fait de la marque antérieure sur le marché n’altère pas le caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée, à savoir sous une forme verbale.
En effet, l’ajout d’un élément figuratif représentant la tête d’un oiseau, bien que non négligeable, demeure secondaire dans l’impression d’ensemble dès lors que, pour une partie du public pertinent, il vient renforcer la signification du mot « MILAN » et, en tout état de cause, il est constant que les éléments figuratifs ont une importance moindre du point de vue du consommateur.
Sur l’appréciation du risque de confusion
Tout en contestant les ressemblances visuelles et phonétiques entre les marques, l’AC Milan a tenté une attaque assez intéressante sur le terrain de l’appréciation conceptuelle.
En effet, l’AC Milan faisait notamment valoir que le public pertinent associera la marque demandée au célèbre club de football italien, entraînant ainsi des différences conceptuelles entre les signes susceptibles de neutraliser les ressemblances visuelles et phonétiques.
Une telle approche n’est pas nouvelle dans le domaine footballistique puisque, dans le cadre de l’Affaire MESSI, opposant les marques MESSI et MASSI, l’argument avait été retenu par le TUE, dans une décision confirmée par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) [1].
Néanmoins, dans le cas présent, le TUE semble poser une limite à cette jurisprudence, confirmée par la suite dans le cadre d’une affaire impliquant la marque patronymique de la célèbre chanteuse MILEY CYRUS [2]. Le TUE répond que « seule la renommée de la marque antérieure, et non celle de la marque demandée, doit être prise en compte pour apprécier si la similitude des produits désignés par deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion ».
Si l’argument semble favorable aux noms patronymiques célèbres, tel ne semble donc pas le cas pour certains organismes, comme ce célèbre club de football.
Le match juridique Italie-Allemagne finit ainsi par trois buts au bénéfice des Allemands et la demande de marque semi-figurative ACM 1899 AC MILAN n° 1329545 est donc rejetée à l’enregistrement pour les produits qu’elle désigne en classe 16.
Leila Zorkot
Stagiaire juriste
Baptiste Kuentzmann
Juriste
[1] CJUE, 17 septembre 2020, Affaires jointes C-449/18 P et C-474/18 P
[2] TUE, 16 juin 2021, Affaire T-368/20
Lire la décision sur le site Curia
21
janvier
2022
Parasitisme: Konbini « furious » de la reprise de son format « Fast & Curious »
Difficile de passer à côté des populaires interviews « Fast & Curious » du média Konbini lorsque l’on est présent sur les réseaux sociaux.
Ces vidéos de 2 minutes et 30 secondes présentent une personnalité qui répond, sur un rythme soutenu, à une série de questions sous la forme d’un choix entre deux propositions courtes. La popularité de ce format court et décalé n’a cessé d’augmenter depuis sa création en 2015.
Néanmoins, il n’est pas loisible aux tiers d’en reprendre les caractéristiques. C’est en tout cas ce qu’a décidé le tribunal judiciaire de Paris dans une décision du 1er juillet 2021.
Dans cette affaire, un candidat à une élection municipale, en campagne électorale, avait diffusé sur sa page Facebook une vidéo intitulée « Fast & Cabourg » dans laquelle il se prêtait au jeu de l’interview sous un format identique à celui imaginé par Konbini. Au regard de cette appropriation, la réaction de la société ne s’est pas fait attendre : elle a assigné le candidat sur le fondement du parasitisme afin d’obtenir des dommages et intérêts.
L’action de Konbini contre le candidat est recevable
Afin de se défendre, le candidat attaqué a d’abord tenté de soulever l’irrecevabilité de l’action de la demanderesse, aux motifs qu’il ne serait ni l’auteur, ni le producteur de la vidéo litigieuse, ni même l’administrateur de la page Facebook sur laquelle la vidéo a été postée. Selon lui, aucune action ne pouvait donc être dirigée à son encontre.
Le Tribunal considère que le candidat s’abstenant de désigner l’administrateur de la page Facebook ou l’auteur de la vidéo litigieuse ne démontrait pas que celle-ci aurait été produite par un tiers. Il en déduit ainsi que le candidat doit être regardé comme le producteur de la vidéo, et que l’action de Konbini est alors recevable.
Le format « Fast & Curious » n’est pas protégeable sur le fondement du droit d’auteur
Dans le cadre de son analyse au fond, le tribunal commence par s’interroger sur la protection du format « Fast & Curious » fondée sur le droit d’auteur, alors même que la société KONBINI ne formulait aucune demande sur le fondement de la contrefaçon dans le cadre de son action judiciaire. En effet, si la société KONBINI a pu revendiquer des droits d’auteur sur ce format dans son courrier de mise en demeure à l’attention du candidat interviewé, il a finalement abandonné cette revendication dans le cadre de son action judiciaire.
Dans sa décision, le tribunal commence par préciser la notion de « format » en décrivant ce support comme « le document qui définit précisément et de façon complète, en principe sous une forme écrite, le contenu d’un programme audiovisuel. Il a vocation à être décliné pour la réalisation des émissions ».
Ensuite, et bien que les formats audiovisuels ne soient pas listés explicitement par l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle répertoriant les œuvres susceptibles de protection par le droit d’auteur, le tribunal vient rappeler, sans surprise, que ces types de créations sont susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur dès lors qu’elles sont originales et portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur.
Pour autant, dans le cas présent, le tribunal écarte la qualité d’œuvre au format « Fast & Curious », jugeant que la société KONBINI s’abstient de caractériser l’originalité du format en cause.
Cette décision ne dénie donc pas toute originalité au format « Fast & Curious » mais se contente d’écarter la protection par le droit d’auteur faute pour la société KONBINI de l’avoir revendiquée.
La protection du format sur le fondement du parasitisme
La notion de parasitisme, construite par la jurisprudence sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, prend le relais. Une aubaine pour la demanderesse qui appuie sa demande de dommages et intérêts sur ce seul fondement.
Le tribunal constate ainsi que la vidéo litigieuse « reproduit à l’identique l’ensemble des caractéristiques du format, y compris ses aspects sonores et ses détails visuels ».
Il en conclut que le parasitisme est caractérisé, « au regard de l’absence de coût financier et d’effort de création personnelle du candidat, aux fins de promotion de sa candidature aux élections municipales ».
Il est intéressant de noter que les juges du fond refusent d’appliquer les deux exceptions soulevées par le candidat à l’élection municipale pour tenter d’échapper à sa responsabilité :
L’exception de parodie d’abord : le tribunal relève que cette exception est inapplicable en l’espèce, l’action n’étant pas fondée sur le droit d’auteur, et considère en tout état de cause que la vidéo litigeuse ne présente aucune différence perceptible avec l’œuvre d’origine et ne constitue donc pas une manifestation d’humour ou une raillerie ;
La liberté d’expression : le tribunal considère que la vidéo mettant en scène l’interview du candidat ne participe nullement à un débat d’intérêt général, les questions posées se bornant à interroger le candidat sur des expériences personnelles sans lien avec la politique et écarte ainsi l’exception de liberté d’expression. En tout état de cause, l’application d’une telle exception paraissait hasardeuse dans la mesure où la liberté d’expression touche plus au discours tenu qu’au format choisi pour le délivrer. Or, en l’occurrence, c’est bien le choix du format qui était reproché par la société KONBINI.
Pour toutes ces raisons, le tribunal conclut à la responsabilité du candidat et le condamne à des dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par la société KONBINI. On notera tout de même que cette décision refuse de prononcer une condamnation au titre du préjudice financier et d’image invoqué par la société KONBINI, considérant qu’aucun élément ne venait attester du dommage allégué.
Delphine MONFRONT
Élève-avocate
Anne LAPORTE
Avocate
Lire la décision sur Légifrance
21
janvier
2022
Droits voisins du droit d’auteur : un cocktail explosif entre M6 et Molotov
Author:
teamtaomanews
Le 2 décembre dernier, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision portant notamment sur les droits voisins du droit d’auteur des sociétés de METROPOLE TELEVISION (Groupe M6) en tant qu’entreprise de communication audiovisuelle. Les débats ont fait rage entre les parties, dignes d’une téléréalité !
Cette affaire oppose le Groupe M6, dont on ne présente plus les chaines (M6, W9, 6Ter, TEVA, PARIS PREMIERE, etc.), à la société MOLOTOV, beaucoup moins connue, qui offre un service de distribution de chaines de télévision par internet.
Précédemment dans M6 vs. MOLOTOV
En juin 2015, MOLOTOV a conclu avec M6 un accord de distribution expérimental des programmes des chaînes du groupe. Cet accord, après prorogation, est arrivé à expiration fin mars 2018 sans que les parties ne trouvent de terrain d’entente pour la suite. Malgré l’arrivée du terme du contrat, MOLOTOV a continué à mettre à disposition les programmes des chaînes du Groupe M6 sur sa plateforme en ligne.
Bien entendu, M6 se devait de réagir et a zappé sur la chaîne judiciaire en saisissant les juges. Évidemment, M6 reproche à Molotov : (i) la contrefaçon de ses droits voisins en tant qu’entreprise de communication audiovisuelle par la reproduction et la mise à disposition sans autorisation des programmes des chaînes du Groupe M6, (ii) la contrefaçon de plusieurs marques dont elle est titulaire permettant d’identifier les chaînes M6, W9 et 6Ter, et (iii) des actes de parasitisme.
Face à une approche plutôt classique de la part du Groupe M6 pour défense de ses droits, MOLOTOV a organisé le grand zapping du droit des média pour sa défense !
Prologue
Tout d’abord, MOLOTOV tente de faire entrer dans le jeu l’Autorité de la concurrence, en vain, et de faire déclarer l’action du Groupe M6 comme mal fondée et présentant un caractère abusif. En effet, selon l’engagement dit « E13 » d’une décision de l’Autorité de la concurrence du 12 août 2019, « chaque Mère proposera à tout distributeur qui en ferait la demande, la distribution de ses Chaînes de la TNT en clair et de leurs Services et Fonctionnalités Associés, à des conditions techniques, commerciales et financières, transparentes, objectives et non discriminatoires ». En d’autres termes, M6, comme TF1 ou encore France Télévision, devraient accorder à n’importe quel distributeur la possibilité de diffuser leurs chaînes selon des conditions « raisonnables ». Selon MOLOTOV, M6 aurait commis une faute précontractuelle dans le cadre des négociations entre les parties en imposant es conditions déraisonnables. M6 aurait ainsi tenté de faire obstacle à l’activité de son concurrent car le groupe, associé à TF1 et France Télévision, prévoyait la création de la plateforme concurrente SALTO.
Le tribunal rejette bien vite cet argument pour une question de programmation : l’action du Groupe M6 contre MOLOTOV a été engagée dès avril 2018 alors que SALTO n’a reçu l’aval de l’Autorité de la concurrence pour son lancement qu’en août 2019.
Épisode 1 : Contrefaçon des droits voisins
Indéniablement, MOLOTOV a continué la diffusion des chaînes du groupe après 1er avril 2018, soit une fois l’expiration de l’accord entre les parties. Dès lors, le tribunal reconnait la matérialité de la contrefaçon des droits voisins d’une entreprise de communication audiovisuelle par la reproduction et la mise à disposition des programmes des chaines du Groupe M6.
MOLOTOV n’a pas même pas cherché à contester les faits mais a tenté de légitimer ces actes de contrefaçon sur de nombreux fondements dont voici un best-of :
M6 tenterait de faire obstacle à la diffusion de ses chaînes en clair à 100% de la population métropolitaine
Les chaînes du groupe M6 sont des chaînes dites « en clair » qui, selon la loi du 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle, doivent être distribuées à 100% de la population du territoire métropolitain. Selon MOLOTOV, M6 serait contrevenu à cette loi en imposant des conditions abusives dans les négociations ne lui permettant ainsi pas de distribuer les chaînes du groupe. L’impossibilité pour MOLOTOV de distribuer les chaînes et donc de les distribuer via sa plateforme sur internet rend impossible leur distribution à 100% de la population.
A nouveau, cet argument est bien vite écarté par le tribunal qui rappelle notamment que le groupe M6 se charge lui-même de la distribution de ses chaînes gratuitement auprès de 100% de la population.
M6 tenterait d’imposer un prix minimum de revente pour la diffusion de ses chaînes
MOLOTOV invoque la violation de l’article 442-6 du Code de commerce qui interdit d’imposer un prix minimum pour la revente d’un produit ou service. Les conditions générales de distribution des chaines du Groupe M6 contiennent une clause dite de « paywall » obligeant à ce que le distributeur ne diffuse les chaînes du groupe que dans le cadre d’offres payantes. Pour MOLOTOV, ces conditions générales de distribution reviennent pour M6 à imposer un prix minimal que doit payer l’utilisateur de MOLOTOV pour avoir accès au chaînes du Groupe M6.
Le tribunal rejette l’argument au motif que cette obligation ne fait qu’imposer le principe d’un abonnement, mais pas le prix de cet abonnement qui reste à la libre discrétion de MOLOTOV.
M6 imposerait des conditions de distribution discriminatoires
MOLOTOV revient à nouveau sur ce fameux engagement dit « E13 » pour se dédouaner. Si M6 impose une clause de « paywall », interdisant à MOLOTOV d’offrir gratuitement à ses utilisateurs les chaînes gratuites de le TNT du Groupe M6, alors M6 ne propose pas des conditions transparentes, objectives et surtout non discriminatoires.
Manque d’audiences pour ce programme argumentaire de MOLOTOV, les juges n’y sont pas sensibles et rappellent notamment que cette clause de « paywall » n’est pas discriminatoire puisqu’elle est aussi imposée aux autres distributeurs tel qu’Orange ou Free.
Malgré ses différentes tentatives de dédouanement, les dés sont jetés et les juges disqualifient MOLOTOV de la partie. Contrefaçon des droits voisins il y a, point final.
Épisode 2 : Contrefaçon de marques
Conséquence, si la diffusion non autorisée des programmes du Groupe M6 constitue une contrefaçon des droits voisins, alors elle constitue également une contrefaçon des marques du Goupe. MOLOTOV tente de faire valoir qu’elle utilise les marques comme référence nécessaire pour permettre l’identification des chaines. Cependant, le tribunal retient que la reproduction des marques pour désigner la diffusion contrefaisante des programmes est elle aussi contrefaisante.
Épisode 3 : Parasitisme
Sur les demandes en parasitisme du Groupe M6, le tribunal y fait rapidement droit puisque M6 a démontré l’importance de ces investissements pour construire sa grille de programme et promouvoir ses chaînes. MOLOTOV tire profit de manière déloyale et sans bourse déliée des investissements du Groupe M6 pour attirer les utilisateurs sur sa plateforme.
Épisode 4 : Épilogue
Finalement, le tribunal condamne MOLOTOV à indemniser le Groupe M6 à hauteur de 7 millions d’euros pour le préjudice lié à la contrefaçon de droits voisins, 15 000 euros pour le préjudicie liée à la contrefaçon de marque et 100 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice résultant des actes des parasitisme. La société Molotov est aussi condamnée à payer 15 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Malgré ces différents épisodes de la bataille juridique, les parties ont décidé de ne pas diffuser en direct la finale puisque, quelques jours après cette décision, c’est à huit clos qu’un accord a été trouvé entre M6 et MOLOTOV pour la diffusion payante des chaînes du Groupe sur la plateforme.
TAoMA n’a pas encore donné son aval pour une saison 2 de cette série d’anthologie mais les scénaristes sont prêts pour une nouvelle saison centrée sur un conflit TF1 vs. MOLOTOV ou MOLOTOV vs. SALTO. To be continued…
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Salomé Hafiani Lamotte
Stagiaire – Pôle Avocats
Tribunal judiciaire de Paris, 3e chambre, 1e section, 2 décembre 2021, RG n°18/04595,Décision non publiée, communiquée sur demande à contact-avocat@taoma-partners.fr
21
janvier
2022
« L’homme à la pelle et en slip » gagne son procès contre France Télévisions
Il n’est probablement plus nécessaire d’expliquer ce qu’est un « mème » sur Internet : notre imaginaire contemporain est désormais envahi par Grumpy cat, Disaster girl et autres Jawad.
Si Grumpy cat ne s’est jamais plaint de sa notoriété numérique, d’autres inspirateurs non consentants de ces engouements créatifs ont pu s’estimer victimes de préjudices liés à l’exploitation de leur image.
Il en va ainsi d’un résident du département des Landes devenu, contre son gré, célèbre sous le nom de « l’homme à la pelle et en slip » à la suite de la diffusion de son image lors d’un reportage diffusé sur France Télévisions en 2015, et qui a récemment obtenu réparation de la part du tribunal judiciaire de Dax.
Les faits sont les suivants : une équipe de journalistes a couvert une action de la Ligue pour la Protection des Oiseaux destinée à dénoncer l’utilisation de pièges à oiseaux illégaux, utilisés en l’occurrence sur une propriété privée. Alarmé par les cris de sa vieille mère et pris au dépourvu lors de sa toilette matinale, le propriétaire des lieux et des pièges a surgi hors de sa maison, armé d’une pelle, en slip et en T-shirt malgré la froidure de novembre, pour défendre son bien au détriment de sa dignité, dans l’ignorance qu’il était de la présence de photographes et de l’équipe de tournage.
Les images ont tout de suite été diffusées, entraînant une prolifération de mèmes qui a assuré à cet agriculteur anonyme une célébrité autant mondiale qu’indésirée.
Après une légère condamnation, confirmée en appel, pour violences volontaire du fait de l’usage de la fameuse pelle sur un des militants ornithophiles, l’agriculteur landais, pensant peut-être tardivement que la meilleure défense était la contre-attaque, décida de saisir les tribunaux pour atteinte à sa vie privée. Il a obtenu gain de cause, sinon sur le quantum, du moins sur le principe, dans une décision (dont nous ne savons pas si elle a été ou sera frappée d’appel) juridiquement intéressante, au-delà de son aspect médiatique.
La demande de requalification en diffamation a été rejetée
Tout d’abord, et assez classiquement, la société défenderesse a tenté de neutraliser les demandes, soumises à une prescription quinquennale puisque fondées sur l’article 9 du code civil, en réclamant leur requalification en action en diffamation. Cela aurait pu avoir pour effet de voir prononcée la prescription (trimestrielle en matière d’infractions de presse) et la nullité de l’assignation.
On a toutefois du mal à imaginer comment ce premier argument aurait pu prospérer dans la mesure où les faits semblent très éloignés de l’imputation de faits mensongers relativement à la personne du demandeur, susceptibles d’atteindre son honneur ou sa considération. Certes, l’honneur et la considération du demandeur avaient été endommagés par la diffusion des images, mais sans qu’une telle atteinte résulte de l’imputation ou allégation d’un fait.
C’est donc bien une atteinte au droit au respect de l’image du demandeur, élément de sa vie privée, qui justifiait les poursuites.
L’action pénale préexistante n’a pas autorité de la chose jugée sur cette action civile
France Télévisions a ensuite tenté d’obtenir l’irrecevabilité de l’action au motif que les demandes auraient été l’objet de décisions judiciaires passées en force de chose jugée. Mais le tribunal a considéré qu’il n’avait existé aucune demande relative à l’atteinte à la vie privée, formulée par l’homme affublé d’accessoires de mode et de jardinage, lors de son procès correctionnel.
L’atteinte à la vie privée, disproportionnée eu égard au caractère d’intérêt général du reportage, est reconnue
Le tribunal considère qu’on ne saurait considérer le demandeur responsable de sa tenue indécente puisqu’il ignorait la présence de caméras et d’appareils photo et qu’il a dû agir précipitamment : « il n’est ainsi pas établi qu’il s’est volontairement et spontanément présenté devant les journalistes dans cette tenue ».
La défenderesse a tenté vainement d’invoquer le motif d’intérêt général qui, en d’autres circonstances, peut l’emporter sur la protection de la vie privée (par exemple, Cass. Civ. 1e, 13 mai 2014, n° 13-15819, lorsque les personnes photographiées sont des personnalités notoires et que les images diffusées ne révélaient rien qu’elles n’aient déjà rendu public sur leur vie privée, et alors que les photographies étaient pertinentes au vu du contenu de l’article).
En effet, en l’espèce, l’objet d’intérêt public du reportage, la chasse illégale d’oiseaux, ne justifiait pas la diffusion de l’image du demandeur qui constituait une atteinte disproportionnée dès lors que son visage n’était pas flouté.
C’est donc la prise de vue et la diffusion non consentie de l’image non floutée du demandeur en sous-vêtements, sur sa propriété, et alors que son visage était clairement reconnaissable qui constitue, au sens du tribunal, l’atteinte à la vie privée (au respect du droit à l’image) du demandeur ; selon le tribunal, les images diffusées « sont dégradantes et portent atteinte à sa dignité ». Leur répercussion via les parodies fleurissant sur Internet les a en outre rendues « humiliantes » et le tribunal en tient la défenderesse responsable car elle a « pu faciliter la multiplication des détournements ». Le tribunal identifie donc un lien de causalité direct entre la faute commise par France Télévisions et le préjudice lié à l’identification du demandeur sous le sobriquet humiliant de « l’homme en slip et à la pelle » et rejette l’argument de la défenderesse de la présence d’autres équipes que la sienne, puisqu’elle a elle-même diffusé les images sur des chaînes nationales à des heures de grande écoute, participant ainsi à l’étendue du préjudice du demandeur. Elle est donc tenue responsable à elle seule du préjudice directement subi par sa faute, y compris en raison de la diffusion épidémique subséquente des images sur la toile.
Une décision conforme à la jurisprudence : le critère du consentement à la diffusion
Il aurait pu être considéré, au-delà de la transformation du demandeur en objet de moqueries, que la diffusion de l’image d’une personne en slip et t-shirt n’est pas, en soi, de nature à porter atteinte au respect de son image, tant nous sommes, depuis quelques décennies confrontés quotidiennement à l’image de nos semblables en petite tenue dans les médias et en ligne. Mais c’est bien sûr la notion de consentement, absente de l’article 9 du code civil mais reprise à plusieurs moments par le tribunal (et prévue à l’article 226-1 du code pénal, qui aurait pu être invoqué), qui justifie la condamnation.
Il s’agit là d’un critère en partie subjectif puisque, par exemple, un mannequin peut autoriser la publication de photographies pour lesquelles il a posé en lingerie, et interdire des photographies analogues : le même type d’image peut constituer une atteinte ou non. Il s’agit là également de s’assurer du consentement, qui se manifeste chez les professionnels par un engagement contractuel. Par exemple, le tribunal de grande instance de Bobigny a condamné une société de vente de lingerie pour la publication de photographies d’une modèle au visage identifiable, en sous-vêtements, alors que celle-ci considérait que son droit à la vie privée sur le fondement de l’article 9 du code civil avait été violé, faute d’autorisation donnée à la société (12 mars 2012, RG n° 12/00212).
Le tribunal de grande instance de Nanterre a également condamné une société de presse pour avoir notamment diffusé l’image d’un homme en sous-vêtements, issue d’une campagne publicitaire pour de la lingerie mais détournée de son contexte pour illustrer, aux côtés d’autres photographies, la relation intime de cette personne alors anonyme avec une ancienne miss France : l’utilisation détournée de cette image a été considérée comme portant atteinte à son droit à la vie privée alors même que la première diffusion de la photographie avait été consentie (26 novembre 2015, RG n° 14/07025).
Dernier exemple, le tribunal de grande instance de Paris a considéré, dans un jugement du 4 février 2004, RG n° 04/02512, que la diffusion, accompagnée de commentaires moqueurs, de l’image prise dans le cadre d’une activité ressortant de la vie privée, d’un personnage public « seulement vêtu d’un boxer blanc – qui peut passer pour un sous-vêtement – porte atteinte à l’intimité de sa vie privée ».
On pourra rapprocher ces jugements d’espèce d’un arrêt récent de la Cour de cassation (Crim. 20 octobre 2021, n° 20-83622) qui a rappelé que les juges du fond doivent constater expressément l’absence de consentement à la diffusion d’une personne en sous-vêtements photographiée dans un lieu privé pour caractériser l’atteinte à la vie privée (certes, en se fondant dans cet arrêt sur les dispositions précitées du code pénal et non sur l’article 9 du code civil).
La difficile évaluation et la probablement impossible cessation du préjudice subi
Le demandeur obtient donc une réparation à hauteur de 10.000 euros (et 5.000 euros de frais de justice), alors qu’il en demandait vingt fois plus. On peut s’étonner de l’octroi d’une somme relativement modeste eu égard au préjudice subi, quand bien même la victime était et reste relativement anonyme, et alors que le tribunal n’a pas hésité à qualifier de dégradant et d’humiliant ce qu’elle a subi. Ce d’autant plus que les dommages-intérêts sont d’ordinaire amoindris par les tribunaux lorsque la victime a elle-même, par le passé ou par la suite, diffusé volontairement des images d’elle en sous-vêtements ou nue (par exemple, tribunal de grande instance de Nanterre, 4 septembre 2014, RG n° 13/10518) – ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
La juridiction ne s’étend guère sur les critères qui lui ont permis d’évaluer le montant de la condamnation – et rejette ironiquement la demande de publication judiciaire au motif que cette publication ne ferait que prolonger le préjudice en rappelant « ‘l’image de l’homme en slip et à la pelle’ que Monsieur X voudrait faire oublier ». Elle ordonne également l’exécution provisoire eu égard à l’ancienneté de l’affaire.
La question que pose cette affaire, c’est celle de la réparation effective de préjudices subis en ligne, et de leur cessation. France Télévisions a été condamnée à flouter l’image litigieuse et à ne plus diffuser le reportage. Mais cela n’empêchera pas les mèmes de rester en ligne : rien ne disparaît jamais complètement d’Internet comme l’apprennent les victimes de diffusions d’images de leurs corps nus et qui ont beau faire condamner le responsable de leur diffusion : même s’il existe des outils juridiques pour obtenir le retrait des images préjudiciables, la tâche peut être sans fin et seul le désintérêt et la lassitude du public peuvent reléguer efficacement dans les confins du web les traces du dommage.
Jérémie Leroy-Ringuet
Avocat à la cour
Tribunal judiciaire de Dax, 15 septembre 2021, RG n° 18/01539. Décision non publiée, communiquée sur demande à contact-avocat@taoma-partners.fr
12
novembre
2021
Marque de champagne : l’abus procédural peut nuire à la santé
Author:
teamtaomanews
Le Tribunal judiciaire de Paris a récemment rendu une décision en matière de contrefaçon et, subsidiairement, de concurrence déloyale et de parasitisme, qui sonne comme un avertissement contre l’instrumentalisation de la justice à des fins d’éviction de concurrents. La décision est devenue définitive.
Cette affaire opposait deux sociétés productrices de vins de Champagne situées dans le même village : la société CHAMPAGNE ANDRE CLOUET, demanderesse, qui commercialise du champagne sous cette même appellation et la société CALX qui en commercialise sous le nom « LUCIEN COLLARD ».
Titulaire de deux marques semi-figuratives, une française de 2013 et une européenne de 2016, la demanderesse reprochait à CALX de commercialiser des vins de Champagne avec des étiquettes qui « présentent une physionomie extrêmement proche de ses marques ». Il faut préciser que les étiquettes litigieuses reproduisent la marque verbale française « LUCIEN COLLARD », du nom de son titulaire, le président de CALX :
Marque européenne de la demanderesse et exemple d’étiquette de la défenderesse
Dans une dispute qu’on devine être une querelle de clocher entre producteurs voisins, la société demanderesse a donc tenté d’agir sur le terrain de la contrefaçon en reprochant à la défenderesse, à l’occasion de son entrée sur un marché scandinave où elle était établie de longue date, l’utilisation non autorisée de sa marque antérieure.
On notera tout d’abord une intéressante requalification par le tribunal d’une fin de non-recevoir en demande reconventionnelle en nullité, dont elle déboute la défenderesse : celle-ci avait tenté de faire déclarer la demanderesse irrecevable à agir sur le fondement de sa marque européenne de 2016, postérieure au droit d’auteur invoqué sur l’étiquette de la défenderesse. Les éléments verbaux des signes en présence étant totalement différents, la demande reconventionnelle est rejetée.
Sur la demande principale en contrefaçon, le tribunal procède à une analyse du risque de confusion et en exclut la possibilité, de façon peu surprenante au vu des données de fait. Il considère que, si les produits désignés sont « pour une très large part identiques », l’élément dominant de la marque antérieur est son élément verbal et qu’il est très différent de celui utilisé par la défenderesse (« André Clouet » vs « Lucien Collard »).
Le caractère onéreux du produit concerné confère au public pertinent « un niveau d’attention un peu plus élevé que pour d’autres boissons alcoolisées ». Cette attention élevée a pour effet de neutraliser les éléments figuratifs différents dans les deux étiquettes, objets de la demande de contrefaçon qui est donc rejetée.
Les demandes relatives à la concurrence déloyale et au parasitisme subissent le même sort.
Le Tribunal reprend une analyse similaire pour comparer les étiquettes en présence et ajoute que les ornements utilisés relèvent d’un « procédé connu, qui a été couramment utilisé par de nombreux exploitants de Champagne » et qui est donc banal.
Le tribunal n’a pas reconnu non plus le parasitisme car la défenderesse a apporté la preuve qu’elle a effectué des investissements pour la conception et le packaging de ses bouteilles à travers une société spécialisée dans l’habillage des vins.
Le caractère radicalement infondé des demandes formulées, ajouté à certains éléments de contexte, a amené le Tribunal à entrer en voie de condamnation pour procédure abusive.
En effet, les parties coexistaient déjà sur le marché depuis quatre ans et la demanderesse n’a allégué un risque de confusion qu’après avoir constaté que sa concurrente avait remporté un appel d’offres sur le marché scandinave, notamment norvégien, où elle était elle-même présente. De plus, la proximité géographique des parties, situées dans une même commune de moins de 1.000 habitants, et leur appartenance à un même secteur d’activité permettent de conclure que la demanderesse avait nécessairement connaissance des étiquettes utilisées par la défenderesse bien avant l’invocation d’une confusion par lettre de mise en demeure en juin 2019.
Le tribunal conclut alors que l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitisme intentée par la demanderesse « n’a été motivée que par sa volonté délibérée d’entraver la société CALX dans le développement de son activité », reconnaissant ainsi le caractère abusif de la procédure et condamnant la demanderesse à 5.000 euros de dommages-intérêts et 15.000 euros d’article 700.
La décision illustre le risque que peuvent prendre les justiciables à tenter d’évincer un concurrent en instrumentalisant des outils légaux et l’institution judiciaire.
Référence et date : Tribunal judiciaire de Paris, 3e chambre, 1e section, 29 juillet 2021, RG n° 19/13569
Décision non publiée, communiquée sur demande à contact-avocat@taoma-partners.fr
Salomé Hafiani Lamotte
Stagiaire – Pôle Avocats
Jérémie Leroy-Ringuet
Avocat à la cour
12
octobre
2021
Il y a des bulles dans l’air pour les exploitants du terme « Champanillo »
Author:
teamtaomanews
Dans le cadre d’un arrêt décisif rendu le 9 septembre dernier, la Cour de Justice de l’Union Européenne rappelle et renforce les garanties dont bénéficient les Appellations d’origine protégée (AOP), plus particulièrement l’appellation CHAMPAGNE.
A l’origine de ce litige, une action menée devant les juridictions espagnoles par le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) contre la société GB qui utilise le signe champanillo (signifiant petit champagne en espagnol) accompagné d’un support graphique représentant deux coupes remplies d’une boisson mousseuse, pour désigner et promouvoir ses bars à tapas en Espagne.
Lors d’un renvoi préjudiciel initié par les instances espagnoles, la CJUE précise les conditions de protection dont bénéficient les produits couverts par une AOP.
D’une part, le règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles[1] protège les AOP à l’égard d’agissements se rapportant tant à des produits qu’à des services. Ainsi, les AOP bénéficient d’une protection très large qui s’étend à toute utilisation visant à profiter de la réputation associée aux produits visés par l’une de ces indications.
D’autre part, la notion d’ »évocation », condition sine qua non pour caractériser une atteinte à une AOP, n’est pas subordonnée à l’exigence d’une identité ou similarité entre les produits de l’AOP et les produits ou services exploités par le signe litigieux. Les produits ou services peuvent être différents, l’atteinte sera quand même reconnue dès lors que le consommateur sera en mesure d’établir un lien direct et univoque entre la dénomination litigieuse et l’AOP.
Cette décision, amplement saluée par le CIVC, s’inscrit dans le prolongement de la décision CHAMPAGNOLA rendue par la Chambre de recours de l’EUIPO, qui confirmait également que l’atteinte à l’AOP était caractérisée dès lors qu’il y avait une évocation audit signe et une utilisation permettant de profiter de sa réputation même en présence de produits/services non similaires.
Il semblerait qu’en précisant et renforçant les conditions de protection dont bénéficient les produits couverts par une AOP, la CJUE ait fermement décidé de rappeler que les bulles estampillées « CHAMPAGNE », ça se mérite !
Gaëlle Bermejo
Juriste
[1] Règlement (UE) n ° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n ° 922/72, (CEE) n ° 234/79, (CE) n ° 1037/2001 et (CE) n ° 1234/2007 du Conseil. OJ L 347, 20.12.2013, p. 671–854.
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