21
septembre
2023
Toujours pas de fausse note pour Ed Sheeran, une nouvelle fois reconnu innocent de plagiat devant le tribunal fédéral de Manhattan
Un an après avoir été innocenté de plagiat pour son titre « Shape of You », par la Haute Cour de Justice britannique, Ed Sheeran revient sur les devants de la scène juridique !
Le célèbre musicien britannique était poursuivi par les héritiers de l’auteur-compositeur Ed Townsend, qui a créé ce titre classique de la soul Let’s Get It On en 1973 avec Marvin Gaye.
Selon eux, Thinking out Loud présentait des « similitudes frappantes et des éléments communs manifestes » avec leur titre, notamment sur la mélodie, l’harmonie et le rythme de la chanson et que par conséquent, il violait les droits d’auteur relatifs à la chanson.
Afin de prouver le contraire, Ed Sheeran a chanté, accompagné de sa guitare, les quatre accords clés de son morceau « Thinking out Loud », et assure que son inspiration vient plutôt du musicien irlandais Van Morrison.
Le 4 mai 2023, le tribunal de New York rejoue la même partition que son homologue britannique un an plus tôt, et indique que le tube du musicien avait été créé « de manière indépendante » et n’était pas une copie partielle de Let’s Get It On.
Ed Sheeran avait affirmé plus tôt qu’il quitterait l’industrie s’il perdait l’affaire : « Si cela arrive, j’ai fini, j’arrête ».
Nous voilà rassurez !
Emmeline Jet
Juriste
Baptiste Kuentzmann
Conseil en Propriété Industrielle
21
septembre
2023
La société de Katy Perry condamnée en Australie pour avoir contrefait la marque d’un homonyme de l’artiste
La société de la célèbre chanteuse américaine, de son vrai nom Katheryn Elizabeth Hudson, vient d’être condamnée par la Cour fédérale d’Australie dans un litige l’opposant à une homonyme le 21 avril 2023.
Katy Perry, rendue notamment célèbre à travers le monde grâce à sa chanson « I kissed a girl » en 2008, a créé la même année sa société « Kitty Purry ».
Lors de sa tournée intitulée Prismatic Tour en 2014 réalisée à l’occasion de la sortie de son album Prism, elle a vendu des vêtements sous la marque australienne Katy Perry, que ce soit aux au sein des salles de concert, dans des pop-up stores ou en en faisant la promotion sur ses réseaux sociaux. Cette marque avait été préalablement cédée en 2011 à une autre de ses sociétés, Killer Queen, qui avait accordé une licence pour l’usage de la marque à Kitty Purry.
L’artiste était par ailleurs personnellement impliquée dans l’approbation des designs, et un contrat avait été signé avec la société Bravado pour l’élaboration des designs et la vente des produits dérivés, société qui s’occupait déjà de la vente de ses produits depuis 2009.
Pour la créatrice de mode, sa victoire symbolise celle de David sur Goliath
Cependant, la créatrice de mode Australienne Katie Taylor commercialisait déjà des vêtements sous la marque Katie Perry, son nom de naissance. Cette dernière a alors attaqué en justice la chanteuse Katy Perry, ainsi que les sociétés Kitty Purry et Killer Queen, qui ont vainement tenté d’obtenir l’annulation de la marque de la créatrice par une demande reconventionnelle.
Si Katy Perry n’avait pas connaissance de la marque de son homonyme au moment où elle a développé la sienne, la juge relève qu’elle en avait néanmoins eu connaissance lorsqu’elle a commencé à l’utiliser en Australie. Katy Perry soutenait malgré tout qu’aucun risque de confusion n’était possible entre les deux marques et qu’elle pouvait alors entreprendre la vente de ses produits lors de sa tournée.
Bien qu’ayant reconnu que Katy Perry avait concouru à la violation de la marque de son homonyme, la juge a retenu que la chanteuse utilisait son nom de bonne foi, permettant de ce fait d’écarter sa condamnation.
En revanche, ce moyen de défense ne peut ni bénéficier à un tiers, ni à un licencié de la marque dans une telle situation. Sa société Kitty Purry a, elle, été reconnue coupable de contrefaçon de la marque Katie Perry.
Arthur Burger
Stagiaire Juriste
Alain Hazan
Avocat Associé
31
janvier
2023
LOUBOUTIN VS. AMAZON – Le géant de l’e-commerce à côté de ses pompes !
Author:
admingih092115
Ces dernières années, les titulaires de droits de marque, et particulièrement les grandes entreprises du luxe et de la mode font face à une recrudescence de la contrefaçon de leurs marques et produits sur les sites de places de marché. Perte importante de chiffre d’affaires et de compétitivité pour ces entreprises, elles subissent avant tout une atteinte à leurs droits de marque. La lutte contre la contrefaçon en ligne s’inscrit alors en priorité absolue pour ces grandes maisons qui ont adopté d’importantes stratégies de défense en ligne.
Elles iront d’abord rechercher la responsabilité dite « primaire » des contrefacteurs directs, à savoir les annonceurs, vendeurs tiers ou encore détenteurs de noms de domaine. Mais les titulaires rencontrent souvent des difficultés à remonter jusqu’à ces contrefacteurs, tant il est complexe de les identifier et de les localiser.
En outre, compte tenu de l’évolution des services proposés par les plateformes en ligne, il n’est plus possible de considérer qu’elles font preuve d’une totale neutralité, ce qui incite les titulaires de droit à engager leur responsabilité (directe et indirecte) lorsque des atteintes sont portées à une marque du fait des activités de ces plateformes et de celles de tiers sur leurs sites Internet.
C’est dans ce contexte que le chausseur français, Christian Louboutin, a formé deux recours au Luxembourg (affaire C-141/21) et en Belgique (C-184-21) contre le géant Amazon, lui reprochant des actes de contrefaçon caractérisés par la présence d’annonces relatives à des chaussures à semelles rouges publiées par des vendeurs tiers sur son site Internet, ainsi que le stockage et l’expédition de ces marchandises.
Les Cours nationales ont alors saisi la CJUE de deux questions préjudicielles portant sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2 du Règlement 2017/1001, afin de savoir si l’exploitant d’une place de marché peut être tenu directement responsable de l’atteinte aux droits du titulaire d’une marque, qui résulte d’offres à la vente de produits contrefaisants émanant de vendeurs tiers, du stockage et de l’expédition de ces mêmes produits.
Elles s’interrogent particulièrement sur le point de savoir si, dans la perception d’un internaute normalement informé et raisonnablement attentif, cet exploitant a joué un rôle actif dans l’élaboration de cette publicité ou si celle-ci peut être perçue comme faisant partie de sa propre communication commerciale.
Dans sa décision du 22 décembre 2022, la Cour renvoie aux apports des arrêts L’Oréal C-324/09 du 12 juillet 2011 (C-324/09) et Coty Germany C-567/18 du 2 avril 2020 aux termes desquels elle avait considéré que les places de marché en cause n’avaient pas fait un usage des signes dans le cadre de leur propre communication commerciale et donc que leur responsabilité n’était pas susceptible d’être engagée.
La Cour rappelle ainsi que « faire usage », au sens du droit des marques, implique un comportement actif et une maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage.
Elle souligne néanmoins que les circonstances d’espèce de ces décisions sont différentes : l’exploitant ne faisait pas la promotion de ses propres produits sur son site Internet, il n’avait pas connaissance du caractère contrefaisant des produits et leur expédition était réalisée par des prestataires externes.
Pour déterminer si l’usage du signe contrefait correspondait à une communication commerciale d’Amazon pour son propre compte, la Haute cour estime qu’il convient d’identifier si l’annonce est susceptible de créer un lien entre les services offerts par la plateforme et le signe Louboutin : l’utilisateur étant alors susceptible de croire qu’Amazon commercialise en son nom et pour son propre compte le produit contrefaisant.
À ce titre, la Cour détaille les circonstances dans lesquelles un lien entre le signe contrefait et les services fournis par cette plateforme est susceptible d’être créé et renforcé aux yeux des utilisateurs :
• L’exploitant recourt à un mode de présentation uniforme de ses propres offres et de celles des vendeurs tiers sans distinction en fonction de leur origine, tout en faisant apparaître son propre logo ;
• La nature et l’ampleur des services fournis par l’exploitant permettent de caractériser son implication (traitement des questions des utilisateurs, stockage, expédition et gestion des retours).
Dans ces circonstances, la CJUE estime que l’exploitant d’une place de marché est susceptible d’être considéré comme faisant lui-même usage d’un signe identique à une marque de l’Union européenne pour des produits identiques proposés à la vente par des vendeurs tiers et par conséquent, d’être reconnu comme responsable direct d’actes de contrefaçon.
À ce stade, la Cour ne tranche pas le litige car il ne lui appartient pas de déterminer si Amazon a fait un usage contrefaisant des signes en cause.
Il incombera donc aux juridictions nationales Belge et Luxembourgeoise de se prononcer conformément à la position de la Cour.
Il s’agit, d’ores et déjà, d’une première victoire pour les titulaires de droit en matière de lutte contre la contrefaçon de marque. Reste à savoir si la jurisprudence future s’inscrira dans cette lignée.
Cette décision s’inscrit dans un contexte global de responsabilisation des plateformes au niveau européen et ouvre la voie vers une nouvelle jurisprudence en la matière.
En effet, après une évolution non-négligeable en matière de droit d’auteur par l’adoption de la directive (UE) 2019/790, le Parlement européen et le Conseil ont très récemment adopté le Règlement Digital Service Act (DSA), qui vient renforcer les obligations des plateformes en lignes et moteurs de recherche afin de lutter contre les contenus illicites et notamment contre la contrefaçon en ligne (remplace et modifie la directive 2000/31 sur le commerce électronique devenue dépassée).
Un changement de paradigme est en cours, tant d’un point de vue législatif que jurisprudentiel.
Margaux Maarek
Juriste
Sources :
• Décision du 22 décembre 2022
• https://www.village-justice.com/articles/nouvelle-saisine-cjue-amazon-est-responsable-pour-vente-sur-plateforme,39324.html
• https://www.actualitesdudroit.fr/browse/affaires/immateriel/39441/market-place-usage-d-un-signe-contrefaisant-sur-un-marche-en-ligne
• https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=DB78F7914456E863F6A501DDA16A86E4?text=&docid=268788&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=17357
• https://entreprendre.service-public.fr/actualites/A16089
• https://blip.education/responsabilite-des-plateformes-en-cas-de-contrefacon-apports-des-conclusions-de-lavocat-general-dans-les-affaires-louboutin-contre-amazon-c-148-21-et-c-184-21-par-jerome-tassi
• https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2022-12/cp220213fr.pdf
20
janvier
2023
Replay de l’évènement « Marketing d’influence, métaverse, NFT : nouveaux vecteurs de la contrefaçon ? »
Pour celles et ceux qui n’ont pas pu être là, un replay est à retrouver ci-dessous et sur la chaîne YouTube TAoMA Event ✨ 👇
L’occasion de remercier à nouveau nos brillantes intervenantes :
🎤 Delphine Sarfati – Directrice Générale de l’UNIFAB – Union des Fabricants
🎤 Constance Laennec-Cuny – Responsable Propriété Intellectuelle
🎤 Anne Messas – Avocate et Médiatrice, Associée et co-fondatrice de TAoMA Partners
🎤 Anne LAPORTE – Avocate chez TAoMA Partners et membre de TAoMA Influence , une offre de services spécifique créée et proposée par TAoMA Partners
Le prochain évènement TAoMA aura lieu en mars, on vous en dévoile plus bientôt ! Stay tuned ! 🤓
19
mai
2022
Quelle indépendance pour le tiers acheteur d’un procès-verbal de constat d’achat ?
Author:
admingih092115
Par un arrêt rendu le 6 avril 2022 [1], la cour d’appel de Paris a retenu la validité d’un procès-verbal de constat d’achat consigné par un huissier de justice alors même que l’achat avait été effectué par le stagiaire d’un cabinet d’avocats mandaté par la société ayant requis ledit constat.
Cette décision s’inscrit en rupture avec la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation qui, au nom du principe d’indépendance du tiers acheteur fondé sur le droit à un procès équitable, avait jugé dans une décision du 25 janvier 2017 rendue par la première chambre civile [2] qu’un avocat stagiaire du cabinet conseil de la société qui requiert le constat d’achat n’était pas un tiers acheteur indépendant. Malgré les critiques de la doctrine, cette interprétation a d’ailleurs été reprise par la cour d’appel de Douai dans un arrêt du 16 décembre 2021 [3], commenté dans une précédente news.
Dans son arrêt du 6 avril 2022, la cour d’appel de Paris fait prévaloir le droit à la preuve de la matérialité des actes contrefaisants sur le principe de loyauté dans l’administration de la preuve, au terme d’un contrôle de proportionnalité motivé et détaillé.
En l’espèce, la société Rimowa avait fait établir par procès-verbal consigné par un huissier de justice un constat d’achat d’une valise qu’elle jugeait contrefaisante. Elle a ensuite assigné la société commercialisant cette valise en contrefaçon de droits d’auteur et concurrence déloyale et parasitaire.
En première instance, le débat s’est noué autour de la validité de ce constat d’achat dans la mesure où l’achat avait été réalisé par un stagiaire du cabinet d’avocats mandaté par la société Rimowa. La société défenderesse demandait le prononcé de la nullité de ce constat d’achat en arguant que ses conditions de réalisation portaient atteinte à son droit à un procès équitable pour défaut d’indépendance du tiers acheteur. Par un jugement rendu le 7 mars 2019, le tribunal judiciaire de Paris a fait droit à cette demande en déclarant nul le procès-verbal de constat d’achat et en déboutant la société Rimowa de l’intégralité de ses demandes.
Sur appel de la société Rimowa, la cour d’appel de Paris a infirmé ce jugement et déclaré valable le procès-verbal de constat d’achat.
Pour ce faire, elle invoque successivement trois fondements.
D’une part, la cour d’appel de Paris invoque la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui retient que l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme ne fait pas obstacle à la production d’une preuve déloyale dès lors que le procès présente dans l’ensemble un caractère équitable [4]. Une telle garantie peut notamment résulter de la possibilité pour les parties de contester ladite preuve devant un tribunal [5].
D’autre part, la cour d’appel de Paris mentionne la directive (CE) n°2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de la propriété intellectuelle [6].
Enfin, la cour d’appel se réfère au principe de proportionnalité qui exige du juge qu’il s’assure du juste équilibre entre « le principe de loyauté des preuves » et le « droit de propriété des titulaires de droits de propriété intellectuelle qui doit leur permettre de réunir des preuves, dans des conditions qui ne soient pas inutilement complexes ou coûteuses » [7]. Il ne s’agit là, ni plus, ni moins, de concilier le principe de loyauté dans l’administration de la preuve avec le droit à la preuve à l’aune du droit au procès équitable.
La cour d’appel de Paris détaille ensuite les motifs l’ayant conduite à retenir la validité du constat d’achat. Elle retient d’abord que « la société défenderesse n’a démontré aucun stratagème qui aurait été mis en place par la société Rimowa et/ou par l’huissier instrumentaire et/ou par M.P, le tiers acheteur » [8]. Elle note d’ailleurs que l’identité et la qualité du tiers acheteur, stagiaire au sein du cabinet d’avocats agissant en qualité de conseil de la société Rimowa, étaient clairement mentionnées sur le procès-verbal.
Elle ajoute que la circonstance que le tiers acheteur soit stagiaire auprès du cabinet d’avocats mandaté par la société Rimowa n’a pas affecté le caractère objectif des constatations mentionnées au procès-verbal et n’a pas porté, en soi, atteinte au droit à un procès équitable de la société défenderesse dans la mesure où celle-ci avait la possibilité de contester ledit procès-verbal.
La cour d’appel de Paris en déduit qu’annuler le procès-verbal de constat pour défaut d’indépendance du tiers acheteur « reviendrait à priver inutilement la société Rimowa de la possibilité d’obtenir simplement des éléments susceptibles de constituer la preuve de la matérialité des agissements qu’elle invoque, alors que […] la preuve de la contrefaçon en droit français est libre et peut être rapportée par tout moyen, notamment par la réalisation d’un procès-verbal de constat d’achat » [9].
Par cet arrêt, la cour d’appel introduit d’avantage de souplesse dans l’établissement de la preuve d’agissement contrefaisants et partant, adopte une position raisonnablement plus réaliste que celle de la Cour de cassation [10].
Dans l’attente d’une nouvelle décision de la Cour de cassation en la matière, la prudence reste néanmoins de mise lors du choix du tiers-acheteur lors de l’établissement d’un procès-verbal de constat d’achat.
Baptiste Kuentzmann
Juriste
[1] Cour d’appel de Paris, pôle 5, ch. 1, 6 avril 2022, RG 20/17307, Rimowa GmbH c/ Intersod (lire la décision ici)
[2] Civ. 1re, 25 janvier 2017, n° 15-25.210, publié au Bulletin
[3] Cour d’appel de Douai, ch. 2, sec. 1, 16 décembre 2021, Cartospé-Packaging c/ Cartonnage Vaillant & Astra Inks
[4] CEDH, 12 juillet 1988, n° 10862/84, Schenck c/ Suisse
[5] CEDH, 18 mars 1997, no 21497/93, Mantovanelli c/ France
[6] Directive (CE) n°2004/48 du 29 avril 2004, considérant 20 « étant donné que la preuve est un élément capital pour l’établissement de l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle, il convient de veiller à ce que des moyens de présenter, d’obtenir et de conserver les éléments de preuve existent effectivement » et article 3 « 1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés. 2. Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif »
[7] Cour d’appel de Paris, op. cit., p.8.
[8] Ibid
[9] Ibid., p. 9
[10] En référence à la formule de Philippe Téry dans son commentaire de la décision Civ 1re, 25 janvier 2017 « Apparence : 1 – vérité : 0 – observations sur la loyauté dans la recherche des preuves » in RTD civ., 2017, p. 719 : « Lorsque dans une situation donnée, la vérité peut raisonnablement être approchée, il faut lui donner la préférence sur les apparences appréciées de manière abstraite ».
14
avril
2022
Tendances de mode et constance jurisprudentielle
La cour d’appel de Paris vient de donner une nouvelle illustration de l’appréciation délicate de la contrefaçon en matière de créations dans le domaine de la mode, où la reconnaissance de l’originalité des œuvres se heurte au recours au « fonds commun » de la mode et à l’inscription dans des tendances saisonnières.
L’arrêt du 15 février 2022
L’affaire est classique : deux créatrices de bijoux se disputent un marché pour leurs créations. La première considère que la seconde a imité ses créations et l’assigne devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d’auteur et en concurrence déloyale. Le tribunal rejette les demandes et la cour d’appel confirme le jugement.
Sans rentrer dans les détails de l’espèce, impliquant également deux autres parties, on retiendra que la cour a considéré que les bijoux créés par la demanderesse, ne se différenciant des traditionnels bracelets brésiliens portés par « les hippies et les surfeurs » (mais aussi par certains avocats, comme la cour semble l’ignorer) que par l’utilisation de couleurs et de matières plus nobles et féminines, ne font que « revisiter » un genre et ne peuvent donc pas bénéficier de la protection du droit d’auteur.
La cour ajoute que d’autres créateurs participent à la « même tendance ‘bohème chic’ » puisant « à un fonds commun de l’accessoire de mode », ce qui caractérise une démarche relevant d’une « inspiration mutuelle entre créateurs ».
Par conséquent, s’il existe des ressemblances flagrantes entre les bijoux, le fait qu’ils s’inscrivent dans un même fonds commun exclut leur caractère original. La même raison justifie également, aux yeux de la cour, le rejet des demandes en concurrence déloyale puisque l’inscription dans un fonds commun exclut que les ressemblances soient liées à une volonté fautive de créer un risque de confusion – a fortiori en l’absence de notoriété des bijoux de la demanderesse.
Une « tendance » jurisprudentielle confirmée
Les créations appartenant au domaine de la mode ont un statut à part en droit d’auteur. Leurs créateurs doivent donc résoudre la quadrature du cercle en se distinguant (par l’empreinte de leur personnalité) tout en participant à un courant saisonnier destiné à engendrer ou participer à un succès commercial.
Si l’appréciation du caractère protégeable des œuvres peut être différente dans chaque espèce, la solution rappelée dans cet arrêt n’est pas nouvelle.
Ainsi, le simple fait de s’inscrire dans une tendance de mode n’empêche pas nécessairement de voir reconnue l’originalité des bijoux, vêtements ou accessoires, comme l’a retenu un arrêt de cassation déjà ancien : « s’il est exact que la contrefaçon de modèles d’industries saisonnières de l’habillement et de la parure ne saurait résulter de la seule ressemblance, dans leur ligne générale, entre le modèle prétendument contrefait et celui argué de contrefaçon, lorsque l’un et l’autre se situent dans une même tendance de la mode, il en est autrement lorsque l’article contrefait comporte des éléments spécifiques de nouveauté et d’originalité reproduits par le modèle contrefaisant » (Cass. crim., 29 janvier 1991, n° 90-81903).
Mais inversement, l’absence d’élément spécifique d’originalité indépendant de la reprise d’éléments provenant d’un fonds commun de la mode peut priver l’œuvre de protection. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation en 2014, jugeant que la cour d’appel avait « souverainement estimé que l’ajout de semelles à picots qui s’inscrivait dans une tendance de la mode était insuffisant pour témoigner de l’empreinte de la personnalité de son auteur et que le modèle revendiqué n’était dès lors pas éligible à la protection conférée par le droit d’auteur » (Cass. civ. 1e, 20 mars 2014, n° 12-18518).
De récentes décisions de cours d’appel adoptent la même grille d’analyse et prennent en compte les éléments tendanciels de ce secteur commercial, souvent pour rejeter la protection par le droit d’auteur.
Par exemple, en matière de contrefaçon de droits d’auteur, une décision du 22 octobre 2019 (CA Paris, RG n° 17/20261) pour des blouson « bombers » et une décision du 16 novembre 2021 (CA Paris, RG n° 18/20990) pour des sacs à main. Et en matière de concurrence déloyale, une décision du 26 mars 2021 (CA Paris, RG n° 19/19593) pour des chaussures et une décision du 19 novembre 2020 (CA Versailles, RG n° 19/03448) pour des sacs à dos et cartables.
Les créateurs doivent donc être alertés sur la fragilité de leurs droits et sur la nécessité, pour les consolider, de se détacher autant que possible du « fonds commun », dès le processus de création : l’octroi de la protection par le droit d’auteur viendra alors récompenser la prise de risque économique qu’il y a à se démarquer d’une tendance saisonnière.
Décision commentée : Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 1, 15 février 2022, RG n° 19-12641 (communiquée sur demande à contact-avocat@taoma-partners.fr)
Jérémie Leroy-Ringuet
Avocat à la cour
21
janvier
2022
L’AC Milan perd son match (et sa marque) devant le TUE
Author:
teamtaomanews
Les Allemands ont remporté un match judiciaire en droit des marques contre les Italiens (3-0) dans une affaire opposant l’Associazione Calcio Milan SpA (AC Milan), célèbre club de football, à la société de droit allemand InterES Handels- und Dienstleistungs Gesellschaft mbH & Co. KG.
La première mi-temps a débuté le 6 avril 2017 avec une opposition formée devant l’Office européen des marques (EUIPO) par cette société allemande, sur la base de sa marque verbale allemande MILAN, enregistrée notamment en classe 16, à l’encontre d’une demande de marque du club de football Italien.
Ce dernier, par une demande de marque internationale désignant l’Union européenne n°1329545, souhaitait protéger sa marque semi-figurative (ACM 1899 AC MILAN) dans les vingt-sept États de l’Union pour des produits en classe 16 de la Classification de Nice, à savoir : « Papier ; carton ; couvertures de livres ; colle pour la papeterie ou le ménage ; articles de papeterie ; papier à copier [articles de papeterie] ; papier à lettres ; [articles de papeterie] ; marqueurs ; agrafes de bureau ; fournitures pour le dessin ; fournitures pour l’écriture ; fournitures scolaires ; gommes à effacer ; encres ; correcteurs liquides ; gabarits [articles de papeterie] ; crayons ; crayons fusains ; crayons d’ardoise ; mines de crayon ; stylos [articles de bureau] ; plumes d’acier ; porte-crayons ; porte-mines ; porte-plume ; billes pour stylos à bille ; instruments d’écriture ; instruments de dessin ; carnets ; tampons encreurs ; taille-crayons ; tire-lignes ».
La société allemande obtient une première fois gain de cause par une décision rendue le 30 novembre 2018, dans laquelle l’EUIPO a reconnu l’opposition justifiée dans son intégralité.
Mécontent de cette décision, le club de football italien, dans le cadre d’une seconde mi-temps, a formé un recours. Mais la deuxième chambre de recours de l’EUIPO le rejette et confirme la décision de la division d’opposition dans son intégralité.
Le Milan AC tente alors une dernière attaque devant le Tribunal de l’Union européenne (TUE) en contestant l’appréciation des preuves d’usage de la marque antérieure réalisée par la chambre de recours, y compris celle de l’altération du caractère distinctif de la marque antérieure telle qu’enregistrée.
Il ajoute que la chambre de recours n’a pas pris en compte la renommée de la demande de marque contestée aux fins de l’appréciation du risque de confusion, notamment en ce qui concerne les similitudes conceptuelles entre les signes.
Le TUE, par une décision en date du 10 novembre 2021, marque un coup d’arrêt au match et confirme la victoire de la société allemande. En effet, il juge que l’usage sérieux de la marque antérieure, ainsi que le risque de confusion entre les marques en cause, a été dûment démontré et justifié.
Sur l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée
D’une part, le TUE confirme que les preuves d’usage produites par la société allemande sont suffisantes pour établir l’usage sérieux de la marque antérieure en Allemagne.
Les pièces fournies par la société allemande (factures, catalogues…), prises dans leur ensemble, permettent de démontrer qu’elle s’est efforcée de maintenir ou acquérir une position commerciale sur le marché en cause, étant précisé, par ailleurs, que le TUE confirme la jurisprudence constante selon laquelle des pièces datées en dehors de la période pertinente peuvent être prises en compte pour apporter la preuve d’une exploitation commerciale réelle et sérieuse de la marque.
D’autre part, le TUE suit le raisonnement de la chambre de recours de l’EUIPO selon lequel l’usage qui est fait de la marque antérieure sur le marché n’altère pas le caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée, à savoir sous une forme verbale.
En effet, l’ajout d’un élément figuratif représentant la tête d’un oiseau, bien que non négligeable, demeure secondaire dans l’impression d’ensemble dès lors que, pour une partie du public pertinent, il vient renforcer la signification du mot « MILAN » et, en tout état de cause, il est constant que les éléments figuratifs ont une importance moindre du point de vue du consommateur.
Sur l’appréciation du risque de confusion
Tout en contestant les ressemblances visuelles et phonétiques entre les marques, l’AC Milan a tenté une attaque assez intéressante sur le terrain de l’appréciation conceptuelle.
En effet, l’AC Milan faisait notamment valoir que le public pertinent associera la marque demandée au célèbre club de football italien, entraînant ainsi des différences conceptuelles entre les signes susceptibles de neutraliser les ressemblances visuelles et phonétiques.
Une telle approche n’est pas nouvelle dans le domaine footballistique puisque, dans le cadre de l’Affaire MESSI, opposant les marques MESSI et MASSI, l’argument avait été retenu par le TUE, dans une décision confirmée par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) [1].
Néanmoins, dans le cas présent, le TUE semble poser une limite à cette jurisprudence, confirmée par la suite dans le cadre d’une affaire impliquant la marque patronymique de la célèbre chanteuse MILEY CYRUS [2]. Le TUE répond que « seule la renommée de la marque antérieure, et non celle de la marque demandée, doit être prise en compte pour apprécier si la similitude des produits désignés par deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion ».
Si l’argument semble favorable aux noms patronymiques célèbres, tel ne semble donc pas le cas pour certains organismes, comme ce célèbre club de football.
Le match juridique Italie-Allemagne finit ainsi par trois buts au bénéfice des Allemands et la demande de marque semi-figurative ACM 1899 AC MILAN n° 1329545 est donc rejetée à l’enregistrement pour les produits qu’elle désigne en classe 16.
Leila Zorkot
Stagiaire juriste
Baptiste Kuentzmann
Juriste
[1] CJUE, 17 septembre 2020, Affaires jointes C-449/18 P et C-474/18 P
[2] TUE, 16 juin 2021, Affaire T-368/20
Lire la décision sur le site Curia
21
janvier
2022
Droits voisins du droit d’auteur : un cocktail explosif entre M6 et Molotov
Author:
teamtaomanews
Le 2 décembre dernier, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision portant notamment sur les droits voisins du droit d’auteur des sociétés de METROPOLE TELEVISION (Groupe M6) en tant qu’entreprise de communication audiovisuelle. Les débats ont fait rage entre les parties, dignes d’une téléréalité !
Cette affaire oppose le Groupe M6, dont on ne présente plus les chaines (M6, W9, 6Ter, TEVA, PARIS PREMIERE, etc.), à la société MOLOTOV, beaucoup moins connue, qui offre un service de distribution de chaines de télévision par internet.
Précédemment dans M6 vs. MOLOTOV
En juin 2015, MOLOTOV a conclu avec M6 un accord de distribution expérimental des programmes des chaînes du groupe. Cet accord, après prorogation, est arrivé à expiration fin mars 2018 sans que les parties ne trouvent de terrain d’entente pour la suite. Malgré l’arrivée du terme du contrat, MOLOTOV a continué à mettre à disposition les programmes des chaînes du Groupe M6 sur sa plateforme en ligne.
Bien entendu, M6 se devait de réagir et a zappé sur la chaîne judiciaire en saisissant les juges. Évidemment, M6 reproche à Molotov : (i) la contrefaçon de ses droits voisins en tant qu’entreprise de communication audiovisuelle par la reproduction et la mise à disposition sans autorisation des programmes des chaînes du Groupe M6, (ii) la contrefaçon de plusieurs marques dont elle est titulaire permettant d’identifier les chaînes M6, W9 et 6Ter, et (iii) des actes de parasitisme.
Face à une approche plutôt classique de la part du Groupe M6 pour défense de ses droits, MOLOTOV a organisé le grand zapping du droit des média pour sa défense !
Prologue
Tout d’abord, MOLOTOV tente de faire entrer dans le jeu l’Autorité de la concurrence, en vain, et de faire déclarer l’action du Groupe M6 comme mal fondée et présentant un caractère abusif. En effet, selon l’engagement dit « E13 » d’une décision de l’Autorité de la concurrence du 12 août 2019, « chaque Mère proposera à tout distributeur qui en ferait la demande, la distribution de ses Chaînes de la TNT en clair et de leurs Services et Fonctionnalités Associés, à des conditions techniques, commerciales et financières, transparentes, objectives et non discriminatoires ». En d’autres termes, M6, comme TF1 ou encore France Télévision, devraient accorder à n’importe quel distributeur la possibilité de diffuser leurs chaînes selon des conditions « raisonnables ». Selon MOLOTOV, M6 aurait commis une faute précontractuelle dans le cadre des négociations entre les parties en imposant es conditions déraisonnables. M6 aurait ainsi tenté de faire obstacle à l’activité de son concurrent car le groupe, associé à TF1 et France Télévision, prévoyait la création de la plateforme concurrente SALTO.
Le tribunal rejette bien vite cet argument pour une question de programmation : l’action du Groupe M6 contre MOLOTOV a été engagée dès avril 2018 alors que SALTO n’a reçu l’aval de l’Autorité de la concurrence pour son lancement qu’en août 2019.
Épisode 1 : Contrefaçon des droits voisins
Indéniablement, MOLOTOV a continué la diffusion des chaînes du groupe après 1er avril 2018, soit une fois l’expiration de l’accord entre les parties. Dès lors, le tribunal reconnait la matérialité de la contrefaçon des droits voisins d’une entreprise de communication audiovisuelle par la reproduction et la mise à disposition des programmes des chaines du Groupe M6.
MOLOTOV n’a pas même pas cherché à contester les faits mais a tenté de légitimer ces actes de contrefaçon sur de nombreux fondements dont voici un best-of :
M6 tenterait de faire obstacle à la diffusion de ses chaînes en clair à 100% de la population métropolitaine
Les chaînes du groupe M6 sont des chaînes dites « en clair » qui, selon la loi du 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle, doivent être distribuées à 100% de la population du territoire métropolitain. Selon MOLOTOV, M6 serait contrevenu à cette loi en imposant des conditions abusives dans les négociations ne lui permettant ainsi pas de distribuer les chaînes du groupe. L’impossibilité pour MOLOTOV de distribuer les chaînes et donc de les distribuer via sa plateforme sur internet rend impossible leur distribution à 100% de la population.
A nouveau, cet argument est bien vite écarté par le tribunal qui rappelle notamment que le groupe M6 se charge lui-même de la distribution de ses chaînes gratuitement auprès de 100% de la population.
M6 tenterait d’imposer un prix minimum de revente pour la diffusion de ses chaînes
MOLOTOV invoque la violation de l’article 442-6 du Code de commerce qui interdit d’imposer un prix minimum pour la revente d’un produit ou service. Les conditions générales de distribution des chaines du Groupe M6 contiennent une clause dite de « paywall » obligeant à ce que le distributeur ne diffuse les chaînes du groupe que dans le cadre d’offres payantes. Pour MOLOTOV, ces conditions générales de distribution reviennent pour M6 à imposer un prix minimal que doit payer l’utilisateur de MOLOTOV pour avoir accès au chaînes du Groupe M6.
Le tribunal rejette l’argument au motif que cette obligation ne fait qu’imposer le principe d’un abonnement, mais pas le prix de cet abonnement qui reste à la libre discrétion de MOLOTOV.
M6 imposerait des conditions de distribution discriminatoires
MOLOTOV revient à nouveau sur ce fameux engagement dit « E13 » pour se dédouaner. Si M6 impose une clause de « paywall », interdisant à MOLOTOV d’offrir gratuitement à ses utilisateurs les chaînes gratuites de le TNT du Groupe M6, alors M6 ne propose pas des conditions transparentes, objectives et surtout non discriminatoires.
Manque d’audiences pour ce programme argumentaire de MOLOTOV, les juges n’y sont pas sensibles et rappellent notamment que cette clause de « paywall » n’est pas discriminatoire puisqu’elle est aussi imposée aux autres distributeurs tel qu’Orange ou Free.
Malgré ses différentes tentatives de dédouanement, les dés sont jetés et les juges disqualifient MOLOTOV de la partie. Contrefaçon des droits voisins il y a, point final.
Épisode 2 : Contrefaçon de marques
Conséquence, si la diffusion non autorisée des programmes du Groupe M6 constitue une contrefaçon des droits voisins, alors elle constitue également une contrefaçon des marques du Goupe. MOLOTOV tente de faire valoir qu’elle utilise les marques comme référence nécessaire pour permettre l’identification des chaines. Cependant, le tribunal retient que la reproduction des marques pour désigner la diffusion contrefaisante des programmes est elle aussi contrefaisante.
Épisode 3 : Parasitisme
Sur les demandes en parasitisme du Groupe M6, le tribunal y fait rapidement droit puisque M6 a démontré l’importance de ces investissements pour construire sa grille de programme et promouvoir ses chaînes. MOLOTOV tire profit de manière déloyale et sans bourse déliée des investissements du Groupe M6 pour attirer les utilisateurs sur sa plateforme.
Épisode 4 : Épilogue
Finalement, le tribunal condamne MOLOTOV à indemniser le Groupe M6 à hauteur de 7 millions d’euros pour le préjudice lié à la contrefaçon de droits voisins, 15 000 euros pour le préjudicie liée à la contrefaçon de marque et 100 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice résultant des actes des parasitisme. La société Molotov est aussi condamnée à payer 15 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Malgré ces différents épisodes de la bataille juridique, les parties ont décidé de ne pas diffuser en direct la finale puisque, quelques jours après cette décision, c’est à huit clos qu’un accord a été trouvé entre M6 et MOLOTOV pour la diffusion payante des chaînes du Groupe sur la plateforme.
TAoMA n’a pas encore donné son aval pour une saison 2 de cette série d’anthologie mais les scénaristes sont prêts pour une nouvelle saison centrée sur un conflit TF1 vs. MOLOTOV ou MOLOTOV vs. SALTO. To be continued…
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Salomé Hafiani Lamotte
Stagiaire – Pôle Avocats
Tribunal judiciaire de Paris, 3e chambre, 1e section, 2 décembre 2021, RG n°18/04595,Décision non publiée, communiquée sur demande à contact-avocat@taoma-partners.fr
12
novembre
2021
Marque de champagne : l’abus procédural peut nuire à la santé
Author:
teamtaomanews
Le Tribunal judiciaire de Paris a récemment rendu une décision en matière de contrefaçon et, subsidiairement, de concurrence déloyale et de parasitisme, qui sonne comme un avertissement contre l’instrumentalisation de la justice à des fins d’éviction de concurrents. La décision est devenue définitive.
Cette affaire opposait deux sociétés productrices de vins de Champagne situées dans le même village : la société CHAMPAGNE ANDRE CLOUET, demanderesse, qui commercialise du champagne sous cette même appellation et la société CALX qui en commercialise sous le nom « LUCIEN COLLARD ».
Titulaire de deux marques semi-figuratives, une française de 2013 et une européenne de 2016, la demanderesse reprochait à CALX de commercialiser des vins de Champagne avec des étiquettes qui « présentent une physionomie extrêmement proche de ses marques ». Il faut préciser que les étiquettes litigieuses reproduisent la marque verbale française « LUCIEN COLLARD », du nom de son titulaire, le président de CALX :
Marque européenne de la demanderesse et exemple d’étiquette de la défenderesse
Dans une dispute qu’on devine être une querelle de clocher entre producteurs voisins, la société demanderesse a donc tenté d’agir sur le terrain de la contrefaçon en reprochant à la défenderesse, à l’occasion de son entrée sur un marché scandinave où elle était établie de longue date, l’utilisation non autorisée de sa marque antérieure.
On notera tout d’abord une intéressante requalification par le tribunal d’une fin de non-recevoir en demande reconventionnelle en nullité, dont elle déboute la défenderesse : celle-ci avait tenté de faire déclarer la demanderesse irrecevable à agir sur le fondement de sa marque européenne de 2016, postérieure au droit d’auteur invoqué sur l’étiquette de la défenderesse. Les éléments verbaux des signes en présence étant totalement différents, la demande reconventionnelle est rejetée.
Sur la demande principale en contrefaçon, le tribunal procède à une analyse du risque de confusion et en exclut la possibilité, de façon peu surprenante au vu des données de fait. Il considère que, si les produits désignés sont « pour une très large part identiques », l’élément dominant de la marque antérieur est son élément verbal et qu’il est très différent de celui utilisé par la défenderesse (« André Clouet » vs « Lucien Collard »).
Le caractère onéreux du produit concerné confère au public pertinent « un niveau d’attention un peu plus élevé que pour d’autres boissons alcoolisées ». Cette attention élevée a pour effet de neutraliser les éléments figuratifs différents dans les deux étiquettes, objets de la demande de contrefaçon qui est donc rejetée.
Les demandes relatives à la concurrence déloyale et au parasitisme subissent le même sort.
Le Tribunal reprend une analyse similaire pour comparer les étiquettes en présence et ajoute que les ornements utilisés relèvent d’un « procédé connu, qui a été couramment utilisé par de nombreux exploitants de Champagne » et qui est donc banal.
Le tribunal n’a pas reconnu non plus le parasitisme car la défenderesse a apporté la preuve qu’elle a effectué des investissements pour la conception et le packaging de ses bouteilles à travers une société spécialisée dans l’habillage des vins.
Le caractère radicalement infondé des demandes formulées, ajouté à certains éléments de contexte, a amené le Tribunal à entrer en voie de condamnation pour procédure abusive.
En effet, les parties coexistaient déjà sur le marché depuis quatre ans et la demanderesse n’a allégué un risque de confusion qu’après avoir constaté que sa concurrente avait remporté un appel d’offres sur le marché scandinave, notamment norvégien, où elle était elle-même présente. De plus, la proximité géographique des parties, situées dans une même commune de moins de 1.000 habitants, et leur appartenance à un même secteur d’activité permettent de conclure que la demanderesse avait nécessairement connaissance des étiquettes utilisées par la défenderesse bien avant l’invocation d’une confusion par lettre de mise en demeure en juin 2019.
Le tribunal conclut alors que l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitisme intentée par la demanderesse « n’a été motivée que par sa volonté délibérée d’entraver la société CALX dans le développement de son activité », reconnaissant ainsi le caractère abusif de la procédure et condamnant la demanderesse à 5.000 euros de dommages-intérêts et 15.000 euros d’article 700.
La décision illustre le risque que peuvent prendre les justiciables à tenter d’évincer un concurrent en instrumentalisant des outils légaux et l’institution judiciaire.
Référence et date : Tribunal judiciaire de Paris, 3e chambre, 1e section, 29 juillet 2021, RG n° 19/13569
Décision non publiée, communiquée sur demande à contact-avocat@taoma-partners.fr
Salomé Hafiani Lamotte
Stagiaire – Pôle Avocats
Jérémie Leroy-Ringuet
Avocat à la cour
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