27
mai
2021
La médiation commerciale internationale, vers de nouvelles perspectives ?
Author:
jcnicollet
Face aux bouleversements commerciaux majeurs engendrés par la pandémie, le besoin de recourir à des modes de résolution rapides des différends se trouve accru.
La « Convention des Nations Unies sur les accords de règlement internationaux résultant de la médiation » est entrée en vigueur au milieu de ce chaos mondial, le 12 septembre 2020. Également connue sous le nom de « Convention de Singapour », son objectif premier est d’encourager le recours à la médiation commerciale internationale.
La Convention de Singapour, un pas capital vers le développement de la médiation commerciale internationale
Ce nouvel instrument international ne prétend pas uniformiser la procédure applicable en matière de médiation mais s’attache plutôt au résultat de ce processus, à savoir l’accord de règlement.
En effet, le texte vise essentiellement à garantir l’efficacité internationale des accords de règlement.
Pour y parvenir, la Convention pose deux nouveaux principes :
Dans un premier temps, elle pose un principe général d’exécution des accords de règlement.
Ce principe permet de faire exécuter les transactions issues d’une médiation internationale, dans un autre État que celui où elles ont été conclues, et selon les règles de procédure en vigueur dans l’État où l’exécution est demandée.
Ainsi, les parties peuvent dorénavant demander l’exécution de leur accord directement dans tout autre État partie à la Convention.
Ce régime d’exécution international comparable à celui d’une sentence arbitrale ou d’un jugement étranger, constitue finalement un traitement de faveur qui se justifie par la nature de l’accord de règlement. En effet, même s’il reste un contrat, il vise principalement à régler un différend et présente donc nécessairement une dimension juridictionnelle.
Dans un second temps, la Convention pose un principe de reconnaissance des accords de règlement.
Ainsi, une partie faisant l’objet d’une action judiciaire peut se reposer sur l’accord de règlement pour contester la demande et prouver que la question a déjà été réglée dans le cadre de celui-ci.
Les accords de règlement se voient ainsi accorder une autorité dans les États parties en dehors de toute procédure d’exécution.
La Convention de Singapour, par ces apports décisifs, a pour but d’établir un cadre juridique harmonisé en matière de médiation, ce qui serait un pas capital vers la promotion de la médiation à l’échelle mondiale.
Son ambition est d’être le pendant de la Convention de New-York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, qui a permis de faciliter considérablement le développement de l’arbitrage commercial international.
Mais nous en sommes loin, le développement de la convention s’avère en pratique contrarié.
La Convention de Singapour, un développement contrarié par le refus de signer de l’Union européenne
Si des nations importantes comme les États-Unis, la Chine, l’Inde (voir la liste des États signataires) ont accepté de ratifier la Convention de Singapour, l’Union européenne tarde à signer.
Ce retard s’explique principalement par le fait que l’Union européenne jouissait déjà de traditions de médiation commerciale bien établies au moment de l’entrée en vigueur de la Convention.
En effet, elle a adopté le 21 mai 2008, une directive n°2008/52/CE portant sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, qui facilite l’exécution des accords écrits issus de la médiation dans l’espace européen.
L’Union européenne craint que la signature de la Convention lui impose des contraintes supplémentaires – le texte exigeant notamment d’apporter la preuve que l’accord de règlement « est issu d’une médiation », ce qui ne peut être fait qu’à l’aide de la signature du médiateur sur ledit accord ou à l’aide de l’attestation de l’institution qui a administré la médiation.
Pour l’instant, l’ambition de la Convention de Singapour est donc compromise par la résistance de l’Union européenne, mais elle est un instrument de référence pour de nombreux autres Etats qui l’ont ratifiée.
Anne MESSAS
Avocate
Mathilde GENESTE
Élève-Avocate
20
mai
2021
GendNotes : halte aux transferts de données vers d’autres fichiers via le carnet virtuel de la gendarmerie !
Author:
teamtaomanews
Par décision du 13 avril 2021, le Conseil d’Etat annule partiellement le décret autorisant la mise en œuvre de l’application de collecte de données destinée à la gendarmerie dénommée GendNotes, en supprimant la possibilité de transferts des données recueillies dans le cadre de l’application vers d’autres fichiers.
Une application avec une zone de commentaires libres sujette à critiques
Afin de faciliter le travail des gendarmes sur le terrain et notamment le recueil et la conservation de données collectées lors de leurs interventions, le décret n°2020-151 du 20 février 2020 est venu implémenter chez la gendarmerie nationale une application dénommée GendNotes, permettant la prise de note dématérialisée.
Les données susceptibles d’être collectées via cette application concernent notamment l’identité des personnes et les données de procédure destinées à l’autorité judiciaire.
A priori, la collecte de ces données reste somme toute relativement classique : elle se borne aux nécessités de la procédure et ne paraît pas heurter de manière démesurée les droits et libertés de l’individu. Ce n’est donc pas sur ce point que la polémique autour de GendNotes a émergé, mais sur une partie du décret bien spécifique : la « zone de commentaires libres ».
Cette zone permet notamment aux gendarmes de renseigner des données relatives à la santé de la personne, à son origine raciale ou ethnique, à ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à son appartenance syndicale ou encore à sa vie et son orientation sexuelle, soit des données particulièrement sensibles.
Un outil facilitant la transmission de comptes rendus aux autorités judiciaires et encadré par décret
Alors que ces cinquante dernières années ont été émaillées de controverses sur la question du fichage de la population – on se souvient par exemple des oppositions déclenchées par le projet SAFARI en 1974 ou encore par le fichier Edvige en 2008 – Gendnotes s’est également heurté à l’action de nombreuses associations voyant dans cette application un outil de « fichage politique ».
Le décret prévoyait pourtant un encadrement de la collecte des données, en précisant que « ne peuvent être enregistrées dans les zones de commentaires libres que les données et informations strictement nécessaires,adéquates et non excessives au regard des finalités poursuivies ».
A savoir :
La facilitation du recueil et de la conservation, en vue de leur exploitation dans d’autres traitements de données, notamment par le biais d’un système de pré-renseignement, des informations collectéespar les militaires de la gendarmerie nationale à l’occasion d’actions de prévention, d’investigations ou d’interventions nécessaires à l’exercice des missions de polices judiciaire et administrative.
La facilitation de la transmission de comptes rendus aux autorités judiciaires.
Le décret pose, par ailleurs, une protection supplémentaire en ne permettant la collecte des données personnelles visées par la loi de 1978 qu’en cas de « nécessité absolue » et « dans les limites des nécessités de la mission au titre de laquelle elles sont collectées ».
Enfin, la protection des données personnelles est renforcée par l’impossibilité de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir des informations tirées de la zone de commentaires libres. Impossible donc d’effectuer une recherche sur des critères de religion ou d’orientation sexuelle.
Des risques liés au transfert de données et à la durée de conservation pointés par plusieurs associations de défense des droits et libertés et la CNIL
Le cadre posé par le décret ne parvenait cependant pas à convaincre les représentants d’associations de défense des droits et libertés parmi lesquelles figurent, entre autres, la ligue des droits de l’homme, le syndicat de la magistrature, le conseil national de barreaux ou encore la quadrature du net, qui continuaient de pointer du doigt les dangers liés à GendNotes. Leurs principales critiques portaient sur le risque de transfert des données vers d’autres fichiers non énumérés par le décret et sur la question du délai maximal de conservation des données dans ces autres fichiers. En effet, si le décret prévoyait un temps de conservation sur GendNotes de 3 mois (porté jusqu’à un an maximum), rien n’était dit du délai de conservation sur les autres fichiers.
La question de l’alimentation par GendNotes d’autres fichiers avait déjà retenu l’attention de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) dans son avis du 3 octobre 2019, alors qu’elle se prononçait sur le décret instituant GendNotes, encore à l’état de projet.
Elle avait considéré que les traitements pouvant être mis en relation ou faisant l’objet d’interconnexions avec GendNotes devraient être mentionnés explicitement par le décret.
Son avis, simplement consultatif, n’avait pas été suivi sur ce point par le gouvernement.
L’annulation par le Conseil d’Etat de la possibilité de transfert des données recueillies sur GendNotes vers d’autres fichiers
Dans une décision du 13 avril 2021, le Conseil d’Etat se prononce sur la légalité du décret à l’origine de GendNotes.
Il conclut à la conformité générale du texte à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 (transposant au sein de son titre III la directive européenne 2016/680 du 27 avril 2016), mais annule toutefois la possibilité de diffusion des données collectées vers d’autres fichiers.
Le Conseil d’Etat juge que le décret n’indique pas avec suffisamment de précision les fichiers concernés par ces transferts, pas plus que le procédé selon lequel les données y seraient traitées, ainsi que l’objectif visé par ces fichiers dans le traitement des données.
La finalité du transfert n’étant pas « déterminée, explicite et légitime » selon les exigences de la loi informatique et libertés, le Conseil d’Etat supprime toute possibilité de transfert de données à partir de GendNotes.
Les autres dispositions du décret sont validées, notamment celles relatives à l’étendue des données collectées, à leur durée de conservation, aux personnes y ayant accès. De même le droit d’opposition limité des personnes dont les données sont entrées sur l’application, la collecte des données de personnes mineures ou encore la question de la sécurisation générale des données ne soulèvent pas de difficultés aux yeux du juge administratif.
Anne-Cécile Pasquet
Auditrice de justice
Anne Laporte
Avocate à la Cour
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11
mai
2021
Action EUIPO remportée : comment obtenir le paiement des condamnations ?
Author:
teamtaomanews
Lorsqu’une partie remporte une procédure devant l’Office européen pour la Propriété intellectuelle (« EUIPO ») – qu’il s’agisse d’une opposition, d’une action en déchéance ou d’une action en nullité dont la décision est devenue définitive au stade de la première instance, ou de recours contre ces décisions devant la Chambre des recours – et que la décision ne fait plus l’objet de recours et devient définitive, la partie défaillante peut avoir à payer des frais de procédure.
Les règles relatives aux frais sont prévues à l’article 109 du Règlement sur la Marque de l’Union européenne (« RMUE ») : la partie perdante supporte les taxes acquittées par l’autre partie ainsi que les frais indispensables exposés, y compris les frais de représentant, de déplacement et de séjour.
Quelques remarques (pour plus de détails, se reporter à l’article intégral) :
En cas de pluralité de parties ayant remporté l’action ou le recours, la partie défaillante ne devra en indemniser qu’une seule (alinéa 2) sauf répartition expressément prévue par l’EUIPO (alinéa 3) ;
La partie qui retire son action ou sa demande de marque, ou qui ne renouvelle pas la marque contestée ou y renonce, supporte les frais (alinéa 4) ;
Les parties sont libres de s’entendre entre elles sur une répartition différente des coûts (alinéa 6) ;
Dans le cas où les parties succombent chacune sur un ou plusieurs chefs, il est d’usage que chaque partie supporte ses propres coûts.
Malheureusement (ou heureusement, selon le côté duquel penche la balance), le deuxième alinéa prévoit la fixation de montants maximaux. On les retrouve dans la Règle 94 du Règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission du 13 décembre 1995 (modifié par des textes postérieurs) : dans le cadre d’une opposition, ils sont arrêtés à 300 euros ; dans le cadre d’une action en nullité ou en déchéance, à 450 euros ; et dans le cadre d’un recours, à 550 euros.
Les praticiens savent à quel point ces montants sont symboliques. Cela a en tout cas pour effet d’empêcher les « chasseurs de prime » de créer un business autour d’actions en déchéance intentées contre des marques clairement non utilisées et de demander ensuite l’indemnisation de frais de représentation considérables.
On notera que des règles similaires existent devant l’INPI (arrêté du 4 décembre 2020) et prévoient des montants maximaux de 700 euros pour la phase écrite, 100 euros pour la phase orale et 500 euros pour les frais de représentation, quelle que soit la procédure concernée. Il est impératif de demander dans ses observations à ce que l’autre partie y soit condamnée.
Comment obtenir le paiement de ces sommes ?
Si les avocats connaissent bien la manière dont on enclenche l’exécution forcée d’une décision de justice, afin notamment de récupérer les condamnations au titre de l’article 700, l’articulation entre une condamnation prononcée par un organisme européen non judiciaire (donc ni une juridiction étrangère à proprement parler, ni une juridiction judiciaire), rend nécessaires les lumières conjointes d’un Conseil en propriété industrielle et d’un avocat.
Tout d’abord, l’article 110 du RMUE prévoit que « toute décision définitive de l’Office qui fixe le montant des frais forme titre exécutoire ». On pourrait considérer que ce serait suffisant pour rendre applicable l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution selon lequel « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur, dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution », d’autant plus que l’article 110 ajoute que « l’exécution forcée est régie par les règles de la procédure civile en vigueur dans l’État sur le territoire duquel elle a lieu. »
Mais la suite de l’article du RMUE prévoit des dispositions plus précises pour s’assurer du caractère exécutoire de la décision de l’EUIPO :
« Chaque État membre désigne une autorité unique chargée de la vérification de l’authenticité de la décision visée au paragraphe 1 et communique ses coordonnées à l’Office, à la Cour de justice et à la Commission. La formule exécutoire est annexée à la décision par cette autorité, sans autre formalité de contrôle que la vérification de l’authenticité de la décision. »
En d’autres termes, il existe en France une autorité dont la fonction est de confirmer le caractère exécutoire des décisions de l’EUIPO en leur octroyant par conséquent l’exequatur.
L’article L. 717-7 du Code de la propriété intellectuelle désigne l’INPI à ces fins :
« la formule exécutoire mentionnée à l’article 82 [devenu l’article 110 du RMUE] du règlement communautaire mentionné à l’article L. 717-1 est apposée par l’Institut national de la propriété industrielle. »
La première étape consiste donc à demander à l’INPI de rendre exécutoire la décision de l’EUIPO. La demande se fait via le portail e-Procédures de l’INPI.
Une fois la mention exécutoire apposée par l’INPI, c’est donc le droit national qui s’applique, à savoir les articles 502 et 503 du Code de procédure civile qui exigent une notification préalable à la personne contre laquelle la décision va être exécutée.
L’huissier de justice mandaté par la partie victorieuse devra ainsi procéder à la signification à partie de la décision de l’EUIPO contrôlée par l’INPI. Il pourra ensuite procéder aux actes d’exécution forcée si la partie défaillante ne s’acquitte pas volontairement. La plupart du temps on procédera à une saisie-attribution sur les comptes bancaires du débiteur.
Il reste bien sûr à évaluer, au cas par cas, l’opportunité de démarches si complexes pour seulement quelques centaines d’euros : récupérer ces condamnations peut s’avérer une opération économique défavorable, à moins d’avoir plusieurs décisions à faire exécuter contre la même personne, ou à moins que la partie victorieuse ne fasse du paiement des condamnations une question de principe.
Blandine Lemoine
Conseil en propriété industrielle
Jérémie Leroy-Ringuet
Avocat à la Cour
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Cet article ne remplace pas une consultation auprès d’un CPI ou d’un avocat, indispensable à la bonne évaluation de vos droits et à la mise en œuvre d’une procédure régulière.