28
novembre
2023
Champagne vs. Champaign : pour l’EUIPO, les ingrédients ne sont pas réunis en cuisine pour rejeter la demande de marque !
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admingih092115
Le Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne (CIVC) qui représente et défend les droits de l’AOP « Champagne » constate tous les jours des dépôts de marques comportant le mot « Champagne » ou faisant référence à l’univers du Champagne.
C’est sans conteste le cas de la demande de marque de l’Union Européenne « Champaign » déposée en juillet 2022 par la société américaine Monument Grill pour des produits de cuisson, de réfrigération, etc. Cette marque a la même prononciation anglosaxonne que le mot Champagne et se présente de la manière suivante :
Fidèle à son combat, le CIVC a formé opposition contre la demande de marque litigieuse afin de tenter d’empêcher son enregistrement.
Contre toute attente, l’EUIPO, en rupture avec sa propre jurisprudence et celle de la CJUE, a rejeté l’opposition du CIVC dans une décision datée du 10 octobre dernier en considérant que : « Même si les appareils et installations frigorifiques mentionnés peuvent être utilisés pour stocker du vin, les produits litigieux et le vin couvert par l’AOP Champagne sont très éloignés en termes de nature et d’aspect physique, de méthode de fabrication/élaboration et de destination ».
L’Office ajoute que le fait que les deux termes se prononcent de façon similaire « n’est pas suffisant pour que le public puisse établir un lien clair et direct entre la demande de dépôt de marque de l’Union Européenne contestée, pour des réfrigérateurs, et le produit protégé, du vin provenant de la région de Champagne ».
Enfin, l’CJUE considère que le public ne percevra pas une signification particulière dans le terme contesté « Champaign » dans la mesure où celui-ci signifie également en vieil anglais « étendue plate de campagne » ou « étendue de terrain plat », élément qui, selon lui, est de nature à démontrer l’absence de volonté délibérée de la société américaine de parasiter l’AOP Champagne.
Même si l’Office se justifie en précisant que cette décision « n’est pas remise en cause par les nombreuses décisions citées par le CIVC étant donné que les circonstances, les faits et les éléments de preuve à l’égard desquels ces affaires ont été appréciées étaient différents de l’espèce ». On l’aura compris, cette décision vient en rupture de la jurisprudence de la CJUE en la matière.
On peut en effet citer notamment l’affaire du bar à tapas espagnol « Champanillo » (notre news sur cette affaire ici) dans laquelle la CJUE, interrogée par la Cour de Barcelone, affirme que les AOP doivent être protégées à l’encontre d’une évocation se rapportant tant à des produits qu’à des services, en cas d’incorporation partielle de l’appellation protégée, de parenté phonétique et visuelle, de proximité conceptuelle ou de similitude entre les produits couverts par l’AOP et les produits et services couverts par le signe litigieux.
L’arrêt « Champanillo » pose ainsi le principe selon lequel les AOP sont protégées vis-à-vis de signes utilisés pour désigner des produits ou des services non couverts par l’appellation « Champagne » et démontre ainsi la volonté de la CJUE de garantir aux indications géographiques une protection étendue.
La voie que vient d’emprunter l’EUIPO est toute autre. Il convient toutefois de préciser qu’il s’agit là de la position de la Division d’Opposition.
Dans une affaire similaire, l’opposition contre le dépôt d’une marque de l’Union Européenne « Champagnola » par une société tchèque en classes 30 (pains et pâtisseries) et 40 (services de boulangerie et pâtisserie) avait été rejetée par la Division d’Opposition en 2019 au motif que les produits et services désignés par la demande n’étaient pas similaires au vin de Champagne et qu’il n’y avait en l’espèce ni usage commercial ni évocation et dès lors aucun risque de confusion.
Saisie d’un recours contre cette décision par le CIVC, la Chambre de Recours a annulé la décision, le 17 avril 2020, en refusant l’enregistrement de la marque « Champagnola » en classes 30 et 40 en considérant que celle-ci est une évocation certaine du terme Champagne et qu’elle exploite la renommée de l’AOP « Champagne », peu important que les produits et services visés ne soient pas similaires.
L’affaire Champaign est, depuis le 20 octobre, dans les mains de la Chambre de Recours de l’EUIPO qui optera pour la protection des appellations ou pour la poursuite du putsch engagé par la Division d’Opposition à l’égard de la CJUE.
Alors, Champagne ou pas ?
Juliette Biegala
Juriste
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle Associé
21
novembre
2023
Un dépôt décoiffant et controversé : une marque représentant le visage d’une femme pour des services de mannequinat est-elle distinctive ?
Le 26 octobre 2017, la société Roos Abels Holding B.V. a déposé une demande de marque figurative représentant le visage d’une femme pour couvrir les « services de mannequins et de modèles photographiques pour la publicité ou la promotion des ventes » en classe 35 et les « services de modèles et de mannequins à des fins récréatives ou de loisirs » en classe 41.
Nous rappelons qu’aux termes de l’article 7, 1° b) et c) du Règlement sur la marque de l’Union européenne du 20 décembre 1993, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif » et « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».
Un refus de l’EUIPO fondé sur l’absence de caractère distinctif : cette demande de marque ne présente aucune caractéristique particulière
En l’espèce, considérant que le signe était dépourvu de caractère distinctif à l’égard des services couverts, l’EUIPO a entièrement rejeté le 17 avril dernier cette demande de marque.
Cette décision était notamment fondée sur les constations suivantes :
– « L’image en cause ne consiste qu’en une représentation naturelle de la tête/du visage d’une (jeune) femme. Compte tenu de l’attention du public concerné, la marque demandée ne permet pas à ce public de distinguer immédiatement et infailliblement les services démandés d’apparences similaires d’une origine commerciale différente ».
– « Des images ou des photos de personnes apparaissent et sont utilisées dans le cadre de services de toutes sortes, principalement ceux liés à l’habillement et à la mode. Bien que ces images puissent représenter certaines personnes ou individus concrets, elles n’impliquent rien de plus qu’une représentation banale des personnes en général, de sorte que ces images sont comprises comme étant communes aux services en question (…) ».
– « La présente marque figurative ne présente aucune caractéristique particulière susceptible d’influencer la mémoire des consommateurs au point de distinguer les services demandés des autres. La forme de présentation n’est pas substantiellement différente d’autres représentations fidèles de la tête/du visage d’une (jeune) femme (…) ».
En désaccord avec cette appréciation, la société déposante a formé un recours contre cette décision le 16 juin 2023, faisant notamment valoir que :
– « La particularité et l’originalité sont des critères de distinction. Le visage d’un adulte est précisément l’élément du corps humain qui permet de distinguer une personne d’une autre (…). Les chambres de recours ont déjà décidé, à plusieurs reprises, que le public perçoit une image photographique d’une personne comme identifiant l’origine des produits et des services (…) ».
– « Le fait que les images de personnes soient généralement plus utilisées dans la vente ou la fourniture de produits et de services n’enlève rien au caractère distinctif de la présente demande. Tant que l’image faisant l’objet de la marque demandée est en elle-même reconnaissable et unique, elle peut servir de signe d’origine ».
– Outre le fait que le visage humain d’une personne adulte est une marque de distinction, la femme représentée est une personne connue dans le monde du mannequinat (…). Son visage est sa marque et avec son succès, elle a acquis une popularité et une renommée rachetables qui constituent un motif suffisant pour l’enregistrement de son portrait en tant que marque ».
La chambre de recours de l’EUIPO reconnait l’existence d’un caractère distinctif : ce signe est apte à remplir la fonction essentielle d’une marque
À la lumière de ces éléments, la chambre de recours a annulé la décision contestée et autorisé la publication de la demande de marque de l’UE No. 017393125 pour l’ensemble des services couverts, dans une décision rendue le 30 octobre 20231.
En premier lieu, la chambre de recours rappelle qu’il n’est pas nécessairement plus difficile d’établir le caractère distinctif de la marque figurative en cause simplement parce qu’il s’agit d’une représentation naturelle.
Elle considère en effet que « les caractéristiques particulières ou originales ne sont pas des critères du caractère distintif d’une marque, la marque en question doit permettre au public de distinguer les produits et services en cause de ceux d’autres entreprises ou personnes ».
En l’espèce, même s’il s’agit d’une représentation fidèle d’un visage de femme, cette image peut être interprétée comme une marque d’autant qu’elle n’évoque aucunement les services en cause. Ainsi, la chambre de recours considère que le public concerné percevra le signe comme identifiant l’origine des services couverts, à savoir qu’ils proviennent de la personne représentée.
En outre, la chambre de recours conteste le raisonnement de l’examinateur selon lequel, « en ce qui concerne les services demandés dans les classes 35 et 41 de mannequins et de modèles photographiques, l’image ne représenterait que la personne fournissant ces services ». Au contraire, selon elle, cette image permettra de distinguer l’origine commerciale de ces services.
Enfin, la chambre de recours déclare que le fait que la personne soit connue du public concerné n’a pas d’incidence sur son caractère distinctif intrinsèque.
A la lumière de cette décision, la chambre de recours de l’EUIPO considérerait-elle qu’un visage permet aussi facilement qu’un nom patronymique d’identifier des produits et services ?
Le cas échéant, les demandes de marques ne manqueront pas d’affluer chez les avares de célébrité… !
Gaëlle Bermejo
Conseil en Propriété Industrielle
(1) Décision de la quatrième chambre de recours du 30 octobre 2023
27
juillet
2021
Mauvaise foi, donc mauvaise pioche pour MONOPOLY : nullité du dépôt à l’identique pour contourner l’obligation de prouver l’usage
Author:
jeremie
La société Hasbro est titulaire de la marque de l’Union européenne MONOPOLY au titre de laquelle elle a effectué plusieurs dépôts enregistrés en 1998, 2009 et 2010. En avril 2010, Hasbro a opéré une nouvelle demande de marque enregistrée en 2011 en classes 9, 16, 28 et 41 qui couvraient des produits et services en partie identiques à la demande de 2010.
Cette dernière marque a été attaquée en nullité par une société croate sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1 sous b) du règlement n° 207/2009 alors applicable, en vertu duquel la nullité est déclarée lorsque le demandeur était de mauvaise foi au moment du dépôt.
Pour rappel, la cause de nullité basée sur la mauvaise foi s’applique « lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celle relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine » (point 33).
Cette notion de mauvaise foi implique une motivation subjective de la personne présentant une demande d’enregistrement de marque, à savoir une intention malhonnête ou un autre motif dommageable qui suggère un comportement s’écartant des principes éthiques ou des usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.
En résumé, cette intention du demandeur, au moment pertinent pour l’apprécier qui est celui du dépôt, est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce.
Concernant la charge de la preuve, la cour rappelle que « c’est au demandeur en nullité qui entend se fonder sur ce motif de nullité qu’est la mauvaise foi qu’il incombe d’établir les circonstances qui permettent de conclure que la demande d’enregistrement a été déposée de mauvaise foi, la bonne foi du déposant étant présumée jusqu’à preuve du contraire » (point 42). Cependant, lorsque l’EUIPO constate que les circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par la demande en nullité sont susceptibles de conduire au renversement de la présomption de bonne foi du déposant, alors il appartient à ce dernier de fournir des explications plausibles concernant les objectifs et la logique commerciale poursuivis par la demande d’enregistrement en question (point 43).
La société requérante considérait que la demande était un dépôt réitéré des marques précédentes dans le but de contourner l’obligation de prouver l’usage réel de ces marques.
En effet, en vertu du droit européen des marques, il n’est pas nécessaire de prouver l’usage ou l’intention d’usage au moment du dépôt. Une fois la marque enregistrée, un délai de grâce de cinq ans est prévu avant que les propriétaires de marques ne soient tenus de prouver l’usage sérieux de leurs marques.
Devant l’EUIPO, Hasbro avait admis que l’un des avantages justifiant le dépôt de la marque contestée reposait sur le fait de ne pas avoir à apporter la preuve de l’usage sérieux de cette marque dans le cadre d’une procédure d’opposition.
De ce fait, la Chambre des Recours de l’EUIPO avait considéré que les éléments de preuve recueillis étaient de nature à démontrer que, pour les produits et les services couverts par la marque contestée qui étaient identiques aux produits et aux services couverts par les marques préalablement enregistrées, la requérante avait été de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.
Cette analyse est confirmée dans son intégralité par le TUE dans sa décision du 21 avril 2021 (TUE, n° T-663/19, Arrêt du Tribunal, Hasbro, Inc. contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, 21 avril 2021). Selon le Tribunal de l’Union européenne, le raisonnement suivi par l’EUIPO fait apparaître sans ambiguïté que c’est non pas le fait de réitérer le dépôt d’une marque de l’Union européenne qui a été considéré comme étant révélateur de la mauvaise foi, mais le fait que les éléments de l’espèce démontraient que cette dernière avait pour objectif de contourner une règle fondamentale du droit des marques de l’Union européenne, concernant la preuve de l’usage, pour en tirer profit au détriment de l’équilibre du régime.
Le TUE décide en tout état de cause que la marque contestée doit être annulée pour tous les produits et services identiques à ceux couverts par les marques antérieures.
Cet arrêt permet donc de rassurer les titulaires de marques européennes dans la mesure où il indique clairement que la réitération d’un dépôt de marques n’est pas interdite en soi, mais que la motivation du nouveau dépôt sera examinée à la loupe pour y déceler des preuves de mauvaise foi.
Lire la décision en ligne sur Eur-Lex
Jérémie LEROY-RINGUET
Avocat à la cour
Dorian SOUQUET
Stagiaire – Pôle CPI
05
juillet
2021
Mauvaise foi lors du dépôt d’un prénom de renommée : les carottes sont cuites pour celui qui cherche à tirer profit d’une star de la cuisine !
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teamtaomanews
Peut-on accaparer la renommée d’une célébrité en déposant une marque reprenant son prénom ?
Si la morale conduit à répondre par la négative, c’est également la position adoptée par le droit, du moins par le Tribunal de l’Union Européenne dans sa décision du 28 avril 2021.
France Agro, une société française spécialisée dans les produits alimentaires, avait déposé le 6 août 2015 la marque « Choumicha Saveurs » en classes 29, 30 et 31 (ce qui englobe les aliments, les épices ou encore, plus surprenant, les fourrages pour animaux).
Or, le choix du prénom « Choumicha » n’est pas anodin. Car s’il n’évoquera rien au consommateur français extérieur au monde de la gastronomie, aux oreilles du consommateur marocain, il raisonnera comme un véritable « Maïté ».
Car Choumicha Chafay, connue sous son seul prénom « Choumicha », est une animatrice vedette et une productrice d’émissions culinaires au Maroc. Sa renommée est toutefois bien plus large et s’étend à l’ensemble du public arabophone, y compris sur le territoire français et belge.
Choumicha, qui utilise déjà son prénom pour exploiter plusieurs marques au Maroc, et qui a par ailleurs cédé ce même prénom pour le dépôt de marques au sein de l’UE, a logiquement présenté le 14 février 2018 une demande de nullité de la marque « Choumicha Saveurs » pour dépôt de mauvaise foi.
Après avoir vu sa demande rejetée dans un premier temps par la division d’annulation de l’EUIPO, Choumicha a finalement obtenu gain de cause devant la chambre de recours. France Agro a alors saisi le Tribunal de l’UE afin d’obtenir l’annulation de cette décision.
Le Tribunal a rejeté ce recours en retenant la mauvaise foi manifeste de France Agro lors du dépôt de la marque « Choumicha Saveurs »(1).
En effet, en choisissant de déposer une marque incluant en tant qu’élément distinctif et dominant un prénom renommé, France Agro a créé une association dans l’esprit du public entre ses produits et la célèbre animatrice. France Agro ne pouvait en effet ignorer, en déposant une marque pour des produits alimentaires, la renommée que Choumicha avait justement acquise dans le domaine culinaire.
L’intention de la société requérante était donc « de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts d’un tiers particulier ».
Le Tribunal a retenu qu’en déposant la marque « Choumicha Saveurs » la société France Agro avait pour objectif de profiter de manière indue de la réputation de la célèbre animatrice tout en l’empêchant de tirer les bénéfices de l’exploitation de son propre prénom sur le territoire de l’Union. Il conclut à l’annulation intégrale de la marque, y compris pour des produits sans lien avec le domaine culinaire, l’intention frauduleuse de la déposante à l’égard d’un tiers particulier venant en vicier l’entier dépôt.
Ce n’est pas la première fois que le Tribunal de l’Union Européenne a l’occasion de se prononcer sur le dépôt d’une marque de mauvaise foi concernant le prénom d’une célébrité : la marque « Neymar » avait déjà été annulée en 2019 sur un fondement similaire.
La juridiction européenne reste ainsi vigilante sur les dérives possibles lors du dépôt de marques, particulièrement lorsqu’il s’agit de s’accaparer la renommée d’un autre.
Anne-Cécile Pasquet
Auditrice de justice
Baptiste Kuentzmann
Juriste
(1) TUE 28/04/2021, affaire T‑311/20
05
juillet
2021
Pour l’office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO), ne s’improvise pas fabriquant de Prosecco qui veut !
Author:
teamtaomanews
Avec ses fines bulles et son prix abordable, le Prosecco a depuis une vingtaine d’années conquit les faveurs des vacanciers estivaux. Ingrédient indispensable au Spritz, cocktail lui-même indispensable à tout apéritif réussi, ce vin blanc pétillant est typique de l’Italie. Plus particulièrement de sa région nord-est, dans laquelle s’élèvent les collines du Prosecco.
Ce détail a son importance puisque le Prosecco, à l’instar de son cousin français le Champagne, est protégé par une AOP : une appellation d’origine protégée. L’AOP permet d’empêcher les tiers de profiter indûment de l’aura du nom d’un produit souvent renommé.
L’AOP Prosecco a été enregistrée dans la catégorie « vin » le 1er août 2009, et c’est pour en assurer la défense que le Consortium pour la protection de l’Appellation d’Origine Contrôlée Prosecco – ou dans la langue de Dante « Consorzio di tutela della Denominazione di Origine Controllata Prosecco » – a formé opposition le 17 juin 2020 contre l’ensemble des produits désignés par la demande de marque déposée le 22 décembre 2019 par la société Hempdrinks GmbH, en classes 32 et 33 pour des boissons non alcooliques et diverses boissons alcooliques.
Cultivé bien loin de collines transalpines, le « Hamp-Secco » est un alcool fabriqué à base de chanvre au Weinviertel, une région viticole autrichienne.
Pour solliciter le rejet de la demande de marque l’opposant se fonde sur l’article 8§6 du Règlement sur la marque de l’Union européenne (RMUE) permettant de s’opposer à une demande de marque sur la base d’une AOP ou indication géographique protégée par le règlement UE n°1308/2013, consacré aux produits viticoles. Selon ce dernier règlement, les indications géographiques et plus particulièrement les AOP sont protégées contre :
– tout usage direct ou indirect du nom protégé pour des produits comparables qui ne respecteraient pas le cahier des charges de l’indication géographique ou dans le cas où cette utilisation exploiterait la renommée de l’AOP ou de l’indication géographique
– toute utilisation abusive, imitation ou évocation, même si la vraie origine des produits est indiquée ou si le nom protégé est traduit ou accompagné d’une expression du type « style », « méthode », « imitation », etc.
– toute autre indication fausse ou trompeuse sur la provenance, l’origine, la nature ou les qualités essentielles du produit, à l’intérieur ou à l’extérieur du packaging, des supports publicitaires, etc.
– toute autre pratique susceptible d’induire en erreur le consommateur sur la véritable origine du produit.
Il s’agit donc d’une protection large et la jurisprudence est en la matière relativement sévère puisqu’il suffit que le signe litigieux provoque chez le consommateur raisonnablement bien informé et observateur une confusion avec l’AOP pour que ces textes trouvent à s’appliquer.
Comme dans le cadre d’une opposition basée sur une marque antérieure, lorsque le droit invoqué est une AOP, l’EUIPO prend en considération les ressemblances phonétiques et visuelles entre les signes ainsi que le degré de similarité entre les produits concernés.
Dans le cas présent, l’EUIPO a jugé que la demande de marque était susceptible de créer dans l’esprit du consommateur une association avec l’AOP Prosecco, aussi bien pour les boissons alcoolisées que non alcoolisées. En effet, l’élément verbal HEMP-SECCO est placé en position prédominante au sein de la marque contestée. Les autres éléments composant la demande sont des éléments figuratifs et décoratifs ou des éléments verbaux de plus petite taille. Il s’agit donc d’éléments secondaires par rapport à la dénomination HEMP-SECCO. Par ailleurs, cette dernière sera utilisée oralement par le public pour se référer aux produits et sera donc l’élément retenu par le consommateur.
L’EUIPO relève que les signes HEMP-SECCO et PROSECCO partagent 5 lettres formant la séquence « secco » mais également la lettre P au sein de leurs préfixes. Enfin, ces éléments verbaux ont la même structure et le même nombre de syllabes. Au regard de ces différents développements, l’EUIPO considère que la marque constitue une évocation de l’AOP Prosecco. La marque est par conséquent rejetée.
Ainsi si les bulles du Prosecco ont vocation à pétiller sur les terrasses du monde entier, le nom du vin lui, ne dépassera pas les frontières de ses collines.
Anne-Cécile Pasquet
Auditrice de justice
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du Pôle juridique CPI
11
mai
2021
Action EUIPO remportée : comment obtenir le paiement des condamnations ?
Author:
teamtaomanews
Lorsqu’une partie remporte une procédure devant l’Office européen pour la Propriété intellectuelle (« EUIPO ») – qu’il s’agisse d’une opposition, d’une action en déchéance ou d’une action en nullité dont la décision est devenue définitive au stade de la première instance, ou de recours contre ces décisions devant la Chambre des recours – et que la décision ne fait plus l’objet de recours et devient définitive, la partie défaillante peut avoir à payer des frais de procédure.
Les règles relatives aux frais sont prévues à l’article 109 du Règlement sur la Marque de l’Union européenne (« RMUE ») : la partie perdante supporte les taxes acquittées par l’autre partie ainsi que les frais indispensables exposés, y compris les frais de représentant, de déplacement et de séjour.
Quelques remarques (pour plus de détails, se reporter à l’article intégral) :
En cas de pluralité de parties ayant remporté l’action ou le recours, la partie défaillante ne devra en indemniser qu’une seule (alinéa 2) sauf répartition expressément prévue par l’EUIPO (alinéa 3) ;
La partie qui retire son action ou sa demande de marque, ou qui ne renouvelle pas la marque contestée ou y renonce, supporte les frais (alinéa 4) ;
Les parties sont libres de s’entendre entre elles sur une répartition différente des coûts (alinéa 6) ;
Dans le cas où les parties succombent chacune sur un ou plusieurs chefs, il est d’usage que chaque partie supporte ses propres coûts.
Malheureusement (ou heureusement, selon le côté duquel penche la balance), le deuxième alinéa prévoit la fixation de montants maximaux. On les retrouve dans la Règle 94 du Règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission du 13 décembre 1995 (modifié par des textes postérieurs) : dans le cadre d’une opposition, ils sont arrêtés à 300 euros ; dans le cadre d’une action en nullité ou en déchéance, à 450 euros ; et dans le cadre d’un recours, à 550 euros.
Les praticiens savent à quel point ces montants sont symboliques. Cela a en tout cas pour effet d’empêcher les « chasseurs de prime » de créer un business autour d’actions en déchéance intentées contre des marques clairement non utilisées et de demander ensuite l’indemnisation de frais de représentation considérables.
On notera que des règles similaires existent devant l’INPI (arrêté du 4 décembre 2020) et prévoient des montants maximaux de 700 euros pour la phase écrite, 100 euros pour la phase orale et 500 euros pour les frais de représentation, quelle que soit la procédure concernée. Il est impératif de demander dans ses observations à ce que l’autre partie y soit condamnée.
Comment obtenir le paiement de ces sommes ?
Si les avocats connaissent bien la manière dont on enclenche l’exécution forcée d’une décision de justice, afin notamment de récupérer les condamnations au titre de l’article 700, l’articulation entre une condamnation prononcée par un organisme européen non judiciaire (donc ni une juridiction étrangère à proprement parler, ni une juridiction judiciaire), rend nécessaires les lumières conjointes d’un Conseil en propriété industrielle et d’un avocat.
Tout d’abord, l’article 110 du RMUE prévoit que « toute décision définitive de l’Office qui fixe le montant des frais forme titre exécutoire ». On pourrait considérer que ce serait suffisant pour rendre applicable l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution selon lequel « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur, dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution », d’autant plus que l’article 110 ajoute que « l’exécution forcée est régie par les règles de la procédure civile en vigueur dans l’État sur le territoire duquel elle a lieu. »
Mais la suite de l’article du RMUE prévoit des dispositions plus précises pour s’assurer du caractère exécutoire de la décision de l’EUIPO :
« Chaque État membre désigne une autorité unique chargée de la vérification de l’authenticité de la décision visée au paragraphe 1 et communique ses coordonnées à l’Office, à la Cour de justice et à la Commission. La formule exécutoire est annexée à la décision par cette autorité, sans autre formalité de contrôle que la vérification de l’authenticité de la décision. »
En d’autres termes, il existe en France une autorité dont la fonction est de confirmer le caractère exécutoire des décisions de l’EUIPO en leur octroyant par conséquent l’exequatur.
L’article L. 717-7 du Code de la propriété intellectuelle désigne l’INPI à ces fins :
« la formule exécutoire mentionnée à l’article 82 [devenu l’article 110 du RMUE] du règlement communautaire mentionné à l’article L. 717-1 est apposée par l’Institut national de la propriété industrielle. »
La première étape consiste donc à demander à l’INPI de rendre exécutoire la décision de l’EUIPO. La demande se fait via le portail e-Procédures de l’INPI.
Une fois la mention exécutoire apposée par l’INPI, c’est donc le droit national qui s’applique, à savoir les articles 502 et 503 du Code de procédure civile qui exigent une notification préalable à la personne contre laquelle la décision va être exécutée.
L’huissier de justice mandaté par la partie victorieuse devra ainsi procéder à la signification à partie de la décision de l’EUIPO contrôlée par l’INPI. Il pourra ensuite procéder aux actes d’exécution forcée si la partie défaillante ne s’acquitte pas volontairement. La plupart du temps on procédera à une saisie-attribution sur les comptes bancaires du débiteur.
Il reste bien sûr à évaluer, au cas par cas, l’opportunité de démarches si complexes pour seulement quelques centaines d’euros : récupérer ces condamnations peut s’avérer une opération économique défavorable, à moins d’avoir plusieurs décisions à faire exécuter contre la même personne, ou à moins que la partie victorieuse ne fasse du paiement des condamnations une question de principe.
Blandine Lemoine
Conseil en propriété industrielle
Jérémie Leroy-Ringuet
Avocat à la Cour
Abonnez-vous à la newsletter de TAoMA !
Cet article ne remplace pas une consultation auprès d’un CPI ou d’un avocat, indispensable à la bonne évaluation de vos droits et à la mise en œuvre d’une procédure régulière.
20
janvier
2021
Le fax de l’EUIPO ne répond plus
L’office européen a annoncé qu’il n’accepterait plus les communications par fax à compter du 1er mars 2021.
L’EUIPO se plaint en effet de « dysfonctionnement répétés » lors des transmissions effectuées par cet outil.
Il précise par ailleurs de nombreuses règles pratiques sur la communication électronique.
Ainsi condamné à rejoindre le Minitel au titre d’objet archéologique, le fax n’a pas encore annoncé s’il ferait appel.
21
décembre
2020
Droits de PI et Brexit : fin de la transition le 31/12 – et après ?
Author:
teamtaomanews
Première publication du 16 avril 2020
Mise à jour du 20 janvier 2021
Le Royaume-Uni a quitté, de manière définitive, l’Union européenne le 31 décembre 2020. Le Brexit a donc des conséquences directes sur vos droits de propriété industrielle européens.
L’équipe News de TAoMA vous propose une mise à jour sur le sujet.
Marques
Tout d’abord, si vos marques de l’Union européenne sont toujours protégées au Royaume-Uni, cette situation prendra fin le 31 décembre 2020 !
Mais pas de panique, nous vous expliquons la situation des marques de l’Union européenne après cette date et selon les différents cas de figure possibles.
1ère situation : les marques de l’Union européenne enregistrées au 1er janvier 2021
Aucun changement à prévoir jusqu’au 31 décembre 2020 pour :
Les marques de l’Union européenne enregistrées ;
Les marques de l’Union européenne actuellement en cours d’enregistrement et les marques déposées d’ici la fin de la transition et qui seront enregistrées au 31 décembre 2020 ;
Les marques de l’Union européenne arrivant à expiration avant le 31 décembre 2020 et dûment renouvelées avant cette date (ou en période de grâce).
Pour l’ensemble de ces marques, l’office britannique créera automatiquement des marques nationales équivalentes sur son registre. Ces équivalences britanniques seront totalement indépendantes de la marque de l’Union européenne initiale, mais conserveront les dates de dépôts et de priorité correspondantes.
La bonne nouvelle est que l’office n’exigera pas le paiement d’une taxe officielle pour la création de ces nouvelles marques nationales équivalentes.
Les titulaires ne seront pas notifiés par l’office britannique et ne recevront pas de nouveau certificat d’enregistrement de leur équivalence mais pourront accéder aux détails de leur nouvelle marque sur le site de l’office britannique en indiquant leur numéro de marque de l’Union européenne, précédé par la référence « UK009 ».
Par ailleurs, ces marques devront être renouvelées à leur échéance auprès de l’office britannique comme toute marque nationale.
Si un titulaire de marque de l’Union européenne ne souhaite pas obtenir d’équivalence, des mesures d’opt-out (renoncement à obtenir une équivalence britannique) seront possibles à compter du 1er janvier 2021 (le formulaire correspondant qui sera disponible sur le site gov.uk ne devrait pas être publié avant cette date).
2ème situation : les marques de l’Union européenne en cours d’enregistrement au 1er janvier 2021
Pour les marques de l’Union européenne déposées mais pas encore enregistrées au 1er janvier 2021, il sera obligatoire de solliciter la création d’un droit équivalent auprès de l’office britannique et de payer les taxes officielles correspondantes. Cette démarche volontaire devra être effectuée avant le 30 septembre 2021, afin de remplacer les droits européens qui ne couvriront plus le Royaume-Uni.
Cette démarche volontaire permettra de demander le maintien des demandes de marques européennes au Royaume-Uni en conservant leur date de dépôt européenne initiale.
3ème situation : les marques de l’Union européenne arrivant à expiration après le 1er janvier 2021
Pour vos marques européennes dont la date de renouvellement est postérieure au 1er janvier 2021, il sera obligatoire d’effectuer, dans le délai imparti, le renouvellement et le paiement de taxes auprès de l’EUIPO ET de l’office britannique, afin de remplacer les droits européens qui ne couvriront plus le Royaume-Uni.
Attention, si vous avez procédé au renouvellement de votre marque européenne, auprès de l’EUIPO, avant le 31 décembre 2020, espérant anticiper le Brexit, il n’en est rien ! En effet, ce renouvellement anticipé ne vous permet pas d’échapper à l’obligation de payer les taxes de renouvellement de la marque britannique équivalente qui sera créée automatiquement le 1er janvier 2021.
4ème situation : les marques internationales désignant l’Union européenne
Des mesures équivalentes sont prévues pour les marques internationales désignant l’Union européenne.
Toutefois, une particularité est à prévoir puisque l’équivalence britannique sera indépendante de la marque internationale.
5ème situation : Quid de l’usage et la renommée des marques de l’Union européenne ?
Enfin, nous clôturons ce paragraphe sur les marques en précisant que l’usage et la renommée des marques au sein de l’Union européenne, même à l’extérieur du Royaume-Uni, au cours des 5 années précédant la fin de la période de transition, soit le 31 décembre 2020, pourront être valablement invoqués au Royaume-Uni.
Dessins et modèles
Ces mêmes mesures sont transposées aux dessins et modèles, y compris les dessins et modèles communautaires non enregistrés pour lesquels un registre spécifique sera créé par l’office britannique. Cette mesure est rassurante pour les titulaires de tels droits puisqu’à la différence d’un dessin ou modèle enregistré classique, un dessin ou modèle communautaire non enregistré permet de conférer une protection (plus limitée) pour une durée de 3 ans non renouvelable, à compter de sa première divulgation au public sur le territoire de l’Union européenne).
Autres conséquences
En revanche, le Brexit pourrait avoir des incidences importantes sur les contrats (accords de coexistence, lettres d’engagement, licences…), les actions judiciaires en cours au Royaume-Uni au 1er janvier 2021 engagées sur la base d’une marque ou d’un dessin et modèle de l’Union européenne, les procédures d’opposition auprès de l’EUIPO sur la base de marques britanniques, ou encore les noms de domaine .eu dont les titulaires sont britanniques, etc.
Nous vous recommandons donc de procéder à des audits de vos portefeuilles, contrats et procédures en cours afin d’anticiper au mieux les conséquences de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne.
L’ensemble de l’équipe TAoMA est mobilisée sur ces problématiques et reste à votre disposition pour vous accompagner dans cette période de transition.
Stay safe !
Marion Mercadier
Conseil en Propriété Industrielle
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du Pôle juridique
02
novembre
2020
Devant la Cour comme sur le terrain, Léo MESSI décroche la victoire
Author:
teamtaomanews
Lionel Messi est considéré comme le meilleur joueur de tous les temps, et c’est peu dire que sa renommée est considérable. La Cour de Justice de l’Union Européenne ne s’y est pas trompée lorsqu’elle a mis fin, le 17 septembre dernier[1], à un litige de près de dix ans, en confirmant l’enregistrement de la marque portant le nom du célèbre joueur, considérant que la notoriété de celui-ci suffisait à écarter le risque de confusion avec la marque antérieure MASSI.
Cette affaire débute en 2011 lorsque le célèbre joueur dépose auprès de l’EUIPO une demande d’enregistrement de la marque complexe suivante en classes 25 et 28 notamment, pour désigner des vêtements et articles de sport :
Le titulaire de deux marques de l’Union Européenne antérieures MASSI désignant des vêtements et articles de sport forme opposition contre la demande d’enregistrement de la marque du joueur invoquant l’existence d’un risque de confusion entre les signes.
Dans un premier temps, la division d’opposition de l’EUIPO, puis la Chambre des recours, font droit à la demande du titulaire des marques MASSI, et refusent l’enregistrement de la demande de la marque du joueur du fait de la similarité des signes et de l’identité des produits visés générant un risque de confusion selon l’Office.
Sur recours de Lionel MESSI, l’affaire est alors portée devant le Tribunal de l’Union Européenne qui, dans un arrêt du 26 avril 2018[2], refuse cette interprétation et autorise Lionel MESSI à enregistrer son nom en tant que marque.
Selon le Tribunal, même si les produits visés sont identiques et les signes MESSI et MASSI sont visuellement et phonétiquement très proches, la réputation du joueur est telle que, sur le plan conceptuel, les marques apparaîtront différentes pour le public pertinent.
En d’autres termes, les consommateurs à qui on présenterait des vêtements de sports de la marque MESSI feraient immédiatement le lien avec le joueur et non avec les marques antérieures MASSI. Le Tribunal écarte alors tout risque de confusion entre les signes.
Le titulaire des marques antérieures et l’EUIPO ne partageant pas cette analyse forment tous deux un pourvoi contre cette décision.
Dans son arrêt du 17 septembre 2020, la Cour de Justice de l’Union Européenne confirme l’interprétation du Tribunal et rejette les deux pourvois.
Au titre de l’article 8 du Règlement sur la Marque de l’Union Européenne, l’EUIPO argue qu’une marque ne peut être refusée à l’enregistrement en cas de similitude avec une marque antérieure même s’il n’existe un risque de confusion que pour une partie du public pertinent. En effet, l’EUIPO considère que le public pertinent est composé de plusieurs parties significatives, l’une faisant le lien entre la marque MESSI et le joueur, et l’autre ne le faisant pas. Ainsi selon l’Office, pour cette partie du public pertinent, la différence conceptuelle n’existerait pas.
La Cour rejette cet argument et valide l’analyse du Tribunal en considérant qu’il a parfaitement jugé que la célébrité du footballeur était telle que « seule une partie négligeable du public pertinent n’associerait pas le terme « messi » au nom du célèbre joueur de football » et qu’en tout état de cause, il n’était même pas plausible de considérer que le consommateur moyen n’associerait pas ce signe au joueur dans le domaine des vêtements et articles de sport, compte tenu de sa notoriété.
La Cour estime donc que le Tribunal a valablement considéré que la perception du signe par l’ensemble du public pertinent était de nature à écarter le risque de confusion et rejette le pourvoi.
Le titulaire des marques antérieure MASSI se fonde lui sur plusieurs moyens pour critiquer la décision du Tribunal de l’Union.
Il soutient notamment que seule la notoriété de la marque antérieure devrait compter dans l’appréciation du risque de confusion, et non la notoriété de la demande de marque postérieure. La Cour rejette cette interprétation et indique que, bien que la notoriété de la marque antérieure soit effectivement un facteur important dans l’analyse de celui-ci, ce risque doit être apprécié globalement en prenant en compte l’ensemble les facteurs pertinents, y compris la notoriété du nom constitutif de la demande d’enregistrement. Cette interprétation n’est pas nouvelle ! En effet, déjà en 2010 dans un arrêt impliquant la mannequin Barbara Becker, la Cour avait considéré que la notoriété de la personne cherchant à faire enregistrer son nom en tant que marque pouvait « de toute évidence » influencer la perception de la marque par le public pertinent[3].
Outre des erreurs de droit écartées par la Cour, le titulaire des marques MASSI reproche également au Tribunal d’avoir fait une mauvaise application de l’arrêt Ruiz-Picasso c/ OHMI[4].
Cette affaire de 2006 opposait les descendants du célèbre peintre, également titulaire de la marque communautaire « PICASSO », à l’Office ayant enregistré la marque « Picaro » notamment pour des véhicules automobiles. La Cour pour rejeter le pourvoi de la famille Picasso avait notamment considéré que la notoriété du peintre, auquel les consommateurs penseraient immédiatement conférait à la marque « PICASSO » « une signification claire et déterminée » dans l’esprit du public permettant d’écarter tout risque de confusion.
Ainsi, le titulaire des marques MASSI soutient que la notoriété prise en compte dans cette affaire portait sur la marque antérieure, et non sur la demande d’enregistrement, et n’était donc pas transposable à l’espèce.
La Cour rejette cette interprétation de l’arrêt Picasso et rappelle que si des différences conceptuelles de nature à écarter un risque de confusion entre deux marques sont constatées, il n’y a pas de condition nécessitant que la marque notoire soit la marque antérieure !
Après près de 10 années de procédure, le footballeur Lionel MESSI dispose enfin d’une marque enregistrée à son nom pour commercialiser des vêtements et accessoires de sport. BUT !
Fiora Feliciaggi
Stagiaire Pôle Avocats
Anne Laporte
Avocat à la cour
[1] CJUE, 17 septembre 2020, EUIPO c/ Messi Cuccittini, C-449/18 P
[2] TUE, 26 avril 2018, Messi Cuccittini c/ EUIPO – J-M.-E.V. e hijos, T-554/14
[3] CJUE, 24 juin 2010, Becker c/ Harman International Industries, C-51/09 P
[4] CJCE, 12 janvier 2006, Ruiz-Picasso e.a. c/ OHMI, C-361/04 P
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