12
août
2021
Moscou sabre l’AOC « Champagne » en russe et la relègue au rang de simple « vin à bulles » pour les exportateurs français
Author:
teamtaomanews
Le 2 juillet 2021, Vladimir Poutine a validé l’amendement de la loi sur la réglementation des boissons alcoolisées réservant l’appellation « Shampanskoye » (« Champagne » en russe) aux seuls producteurs de vin russes.
Non seulement cette nouvelle norme dégrade la protection offerte par l’AOC (appellation d’origine contrôlée) « Champagne », mais elle interdit de surcroit aux producteurs étrangers – et notamment français – d’avoir recours à cette dénomination traduite en russe. Les champagnes français importés devront donc désormais être qualifiés de « sparkling wines » (vins à bulles) en lieu et place de « Shampanskoye ». Pire encore, en cas de non-respect de la nouvelle réglementation, les vins français seront assimilés à de la contrefaçon.
Il est cependant important de noter que la dénomination « Champagne » reste l’apanage de nos grands vins en Russie.
Les conséquences économiques ne sont pas négligeables sachant que les exportations françaises de champagne vers la Russie représentent 13% des 50 millions des litres de mousseux importés. Nos producteurs français devront donc apporter des modifications textuelles sur leurs étiquettes avant d’exporter leurs nectars vers la Russie.
Pour comprendre la gravité de l’atteinte porté au droit français par Moscou il faut rappeler ce que représente le régime des AOC.
Une appellation d’origine contrôlée (AOC), ou appellation d’origine protégée (AOP) au niveau européen, permet d’identifier un produit présentant des caractéristiques indissociables de l’espace géographique dans lequel il est produit. Obtenir une AOP prend plusieurs années et nécessite des études techniques poussées pour démontrer que les caractéristiques du produit sont dues à la situation géographique de l’aire de production et au savoir-faire local.
L’objectif poursuivi est double : il s’agit d’une part d’offrir au consommateur une identification claire du produit et de ses qualités, et d’autre part de protéger les producteurs régionaux contre des concurrents désireux de s’accaparer indûment la réputation de leur terroir.
Le domaine viticole est inséparable des AOC puisque c’est de ce milieu qu’elles sont issues. C’est en 1935 sous l’impulsion de vignerons renommés qu’un décret-loi vient fixer les premières AOC. Figurent dans cette liste des grands crus à l’instar des vins de Châteauneuf-du-Pape, de Tavel ou encore de Montbazillac. Le Champagne les a bien vite rejoints en 1936. Le domaine viticole est aujourd’hui toujours fécond en appellations d’origine, puisqu’on en dénombrait 363 en France en 2017.
De l’autre côté de l’Oural, la conception de la préservation des productions locales est bien différente. En effet, en 1930 Staline a entrepris de créer un « champagne soviétique ». Bas de gamme et produit en masse, il présentait l’intérêt d’être accessible à tous.
Face à la Russie, le respect des AOC au-delà des frontières de l’hexagone reste difficile même si l’Union européenne tente d’inclure leur protection lors de la signature d’accords commerciaux avec d’autres états.
Anne-Cécile Pasquet
Auditrice de justice
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du Pôle juridique CPI
05
juillet
2021
Mauvaise foi lors du dépôt d’un prénom de renommée : les carottes sont cuites pour celui qui cherche à tirer profit d’une star de la cuisine !
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teamtaomanews
Peut-on accaparer la renommée d’une célébrité en déposant une marque reprenant son prénom ?
Si la morale conduit à répondre par la négative, c’est également la position adoptée par le droit, du moins par le Tribunal de l’Union Européenne dans sa décision du 28 avril 2021.
France Agro, une société française spécialisée dans les produits alimentaires, avait déposé le 6 août 2015 la marque « Choumicha Saveurs » en classes 29, 30 et 31 (ce qui englobe les aliments, les épices ou encore, plus surprenant, les fourrages pour animaux).
Or, le choix du prénom « Choumicha » n’est pas anodin. Car s’il n’évoquera rien au consommateur français extérieur au monde de la gastronomie, aux oreilles du consommateur marocain, il raisonnera comme un véritable « Maïté ».
Car Choumicha Chafay, connue sous son seul prénom « Choumicha », est une animatrice vedette et une productrice d’émissions culinaires au Maroc. Sa renommée est toutefois bien plus large et s’étend à l’ensemble du public arabophone, y compris sur le territoire français et belge.
Choumicha, qui utilise déjà son prénom pour exploiter plusieurs marques au Maroc, et qui a par ailleurs cédé ce même prénom pour le dépôt de marques au sein de l’UE, a logiquement présenté le 14 février 2018 une demande de nullité de la marque « Choumicha Saveurs » pour dépôt de mauvaise foi.
Après avoir vu sa demande rejetée dans un premier temps par la division d’annulation de l’EUIPO, Choumicha a finalement obtenu gain de cause devant la chambre de recours. France Agro a alors saisi le Tribunal de l’UE afin d’obtenir l’annulation de cette décision.
Le Tribunal a rejeté ce recours en retenant la mauvaise foi manifeste de France Agro lors du dépôt de la marque « Choumicha Saveurs »(1).
En effet, en choisissant de déposer une marque incluant en tant qu’élément distinctif et dominant un prénom renommé, France Agro a créé une association dans l’esprit du public entre ses produits et la célèbre animatrice. France Agro ne pouvait en effet ignorer, en déposant une marque pour des produits alimentaires, la renommée que Choumicha avait justement acquise dans le domaine culinaire.
L’intention de la société requérante était donc « de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts d’un tiers particulier ».
Le Tribunal a retenu qu’en déposant la marque « Choumicha Saveurs » la société France Agro avait pour objectif de profiter de manière indue de la réputation de la célèbre animatrice tout en l’empêchant de tirer les bénéfices de l’exploitation de son propre prénom sur le territoire de l’Union. Il conclut à l’annulation intégrale de la marque, y compris pour des produits sans lien avec le domaine culinaire, l’intention frauduleuse de la déposante à l’égard d’un tiers particulier venant en vicier l’entier dépôt.
Ce n’est pas la première fois que le Tribunal de l’Union Européenne a l’occasion de se prononcer sur le dépôt d’une marque de mauvaise foi concernant le prénom d’une célébrité : la marque « Neymar » avait déjà été annulée en 2019 sur un fondement similaire.
La juridiction européenne reste ainsi vigilante sur les dérives possibles lors du dépôt de marques, particulièrement lorsqu’il s’agit de s’accaparer la renommée d’un autre.
Anne-Cécile Pasquet
Auditrice de justice
Baptiste Kuentzmann
Juriste
(1) TUE 28/04/2021, affaire T‑311/20
05
juillet
2021
Pour l’office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO), ne s’improvise pas fabriquant de Prosecco qui veut !
Author:
teamtaomanews
Avec ses fines bulles et son prix abordable, le Prosecco a depuis une vingtaine d’années conquit les faveurs des vacanciers estivaux. Ingrédient indispensable au Spritz, cocktail lui-même indispensable à tout apéritif réussi, ce vin blanc pétillant est typique de l’Italie. Plus particulièrement de sa région nord-est, dans laquelle s’élèvent les collines du Prosecco.
Ce détail a son importance puisque le Prosecco, à l’instar de son cousin français le Champagne, est protégé par une AOP : une appellation d’origine protégée. L’AOP permet d’empêcher les tiers de profiter indûment de l’aura du nom d’un produit souvent renommé.
L’AOP Prosecco a été enregistrée dans la catégorie « vin » le 1er août 2009, et c’est pour en assurer la défense que le Consortium pour la protection de l’Appellation d’Origine Contrôlée Prosecco – ou dans la langue de Dante « Consorzio di tutela della Denominazione di Origine Controllata Prosecco » – a formé opposition le 17 juin 2020 contre l’ensemble des produits désignés par la demande de marque déposée le 22 décembre 2019 par la société Hempdrinks GmbH, en classes 32 et 33 pour des boissons non alcooliques et diverses boissons alcooliques.
Cultivé bien loin de collines transalpines, le « Hamp-Secco » est un alcool fabriqué à base de chanvre au Weinviertel, une région viticole autrichienne.
Pour solliciter le rejet de la demande de marque l’opposant se fonde sur l’article 8§6 du Règlement sur la marque de l’Union européenne (RMUE) permettant de s’opposer à une demande de marque sur la base d’une AOP ou indication géographique protégée par le règlement UE n°1308/2013, consacré aux produits viticoles. Selon ce dernier règlement, les indications géographiques et plus particulièrement les AOP sont protégées contre :
– tout usage direct ou indirect du nom protégé pour des produits comparables qui ne respecteraient pas le cahier des charges de l’indication géographique ou dans le cas où cette utilisation exploiterait la renommée de l’AOP ou de l’indication géographique
– toute utilisation abusive, imitation ou évocation, même si la vraie origine des produits est indiquée ou si le nom protégé est traduit ou accompagné d’une expression du type « style », « méthode », « imitation », etc.
– toute autre indication fausse ou trompeuse sur la provenance, l’origine, la nature ou les qualités essentielles du produit, à l’intérieur ou à l’extérieur du packaging, des supports publicitaires, etc.
– toute autre pratique susceptible d’induire en erreur le consommateur sur la véritable origine du produit.
Il s’agit donc d’une protection large et la jurisprudence est en la matière relativement sévère puisqu’il suffit que le signe litigieux provoque chez le consommateur raisonnablement bien informé et observateur une confusion avec l’AOP pour que ces textes trouvent à s’appliquer.
Comme dans le cadre d’une opposition basée sur une marque antérieure, lorsque le droit invoqué est une AOP, l’EUIPO prend en considération les ressemblances phonétiques et visuelles entre les signes ainsi que le degré de similarité entre les produits concernés.
Dans le cas présent, l’EUIPO a jugé que la demande de marque était susceptible de créer dans l’esprit du consommateur une association avec l’AOP Prosecco, aussi bien pour les boissons alcoolisées que non alcoolisées. En effet, l’élément verbal HEMP-SECCO est placé en position prédominante au sein de la marque contestée. Les autres éléments composant la demande sont des éléments figuratifs et décoratifs ou des éléments verbaux de plus petite taille. Il s’agit donc d’éléments secondaires par rapport à la dénomination HEMP-SECCO. Par ailleurs, cette dernière sera utilisée oralement par le public pour se référer aux produits et sera donc l’élément retenu par le consommateur.
L’EUIPO relève que les signes HEMP-SECCO et PROSECCO partagent 5 lettres formant la séquence « secco » mais également la lettre P au sein de leurs préfixes. Enfin, ces éléments verbaux ont la même structure et le même nombre de syllabes. Au regard de ces différents développements, l’EUIPO considère que la marque constitue une évocation de l’AOP Prosecco. La marque est par conséquent rejetée.
Ainsi si les bulles du Prosecco ont vocation à pétiller sur les terrasses du monde entier, le nom du vin lui, ne dépassera pas les frontières de ses collines.
Anne-Cécile Pasquet
Auditrice de justice
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du Pôle juridique CPI
25
janvier
2021
Cidre de Perche: 22 ans pour obtenir l’AOC!
Author:
teamtaomanews
Les producteurs de cidre de Perche peuvent se réjouir d’avoir obtenu la consécration pour leurs produits : le sceau de l’Appellation d’Origine Contrôlée, de son petit nom AOC.
Nous pourrions être mauvaises langues et nous dire qu’il s’agit d’une AOC de plus, mais il s’agirait d’un commentaire réducteur. La procédure pour obtenir une AOC est longue et compliquée. Dans le cadre du cidre de Perche, il aura fallu près de 22 ans aux producteurs pour obtenir le graal !
En effet, l’AOC signifie que le produit bénéficie de caractéristiques, notamment gustatives, qui résultent aussi bien de la qualité du terroir et des produits locaux que du savoir-faire des producteurs de la région. Toutes les étapes de production doivent être réalisées dans l’aire géographique que l’AOC couvrira.
Il revient donc aux producteurs, qui souhaitent obtenir une AOC, d’apporter la preuve que les caractéristiques de leurs produits ne peuvent être obtenues que dans leur aire géographique. Seul moyen, faire conduire de nombreuses études par des experts sur la topographie, les qualités particulières de la terre locale par rapport à d’autres zones, les méthodes de production, etc.
Toutes ces études prennent du temps et surtout, représentent un investissement financier important. La quête du sceau sacré implique ainsi une démarche réfléchie des producteurs qui croient en leurs produits.
Car le chemin ne s’arrête pas une fois l’AOC obtenue. Le dossier est ensuite transmis à la Commission européenne. Cette dernière en fera une étude minutieuse, pourra demander des compléments d’expertises, etc. Enfin, elle décidera soit de valider l’AOC, qui cèdera alors sa place à l’AOP (Appellation d’Origine Protégée) et sera inscrite au registre européen, soit de refuser l’AOC, entrainant sa disparition.
Dans le cadre de l’AOC cidre de Perche, la Commission européenne pourrait rendre sa décision d’ici la fin de l’année 2021. Les producteurs ne sont donc pas encore au bout de leurs peines, une AOC, ça se mérite !
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du Pôle juridique CPI
20
janvier
2021
Le Bordeaux et la Feta enfin protégés en Chine
Author:
teamtaomanews
L’Union européenne (UE) a conclu un accord avec la République populaire de Chine pour étendre la reconnaissance et la défense des appellations d’origine de chacun.
La Chine reconnaît donc désormais des Indications Géographiques (IG) européennes telles que Irish Whisky, Feta, Vinho verde, Queseo Manchego, Prosciutto di Parma ou encore Roquefort et Pruneaux d’Agen.
En échange, l’UE reconnaît de nombreuses appellations chinoises désignant des produits comme le riz Panjin et le thé vert Wuyuan qui s’exportent de plus en plus et sont déjà présents dans les magasins européens.
Concrètement, cet accord devrait permettre, par exemple, aux producteurs du bordelais de ne plus faire face à des produits concurrents fabriqués en Chine et qui utilisent indûment l’appellation prestigieuse, en facilitants les actions en contrefaçon et en opposition ou nullité de marque.
21
décembre
2020
Droits de PI et Brexit : fin de la transition le 31/12 – et après ?
Author:
teamtaomanews
Première publication du 16 avril 2020
Mise à jour du 20 janvier 2021
Le Royaume-Uni a quitté, de manière définitive, l’Union européenne le 31 décembre 2020. Le Brexit a donc des conséquences directes sur vos droits de propriété industrielle européens.
L’équipe News de TAoMA vous propose une mise à jour sur le sujet.
Marques
Tout d’abord, si vos marques de l’Union européenne sont toujours protégées au Royaume-Uni, cette situation prendra fin le 31 décembre 2020 !
Mais pas de panique, nous vous expliquons la situation des marques de l’Union européenne après cette date et selon les différents cas de figure possibles.
1ère situation : les marques de l’Union européenne enregistrées au 1er janvier 2021
Aucun changement à prévoir jusqu’au 31 décembre 2020 pour :
Les marques de l’Union européenne enregistrées ;
Les marques de l’Union européenne actuellement en cours d’enregistrement et les marques déposées d’ici la fin de la transition et qui seront enregistrées au 31 décembre 2020 ;
Les marques de l’Union européenne arrivant à expiration avant le 31 décembre 2020 et dûment renouvelées avant cette date (ou en période de grâce).
Pour l’ensemble de ces marques, l’office britannique créera automatiquement des marques nationales équivalentes sur son registre. Ces équivalences britanniques seront totalement indépendantes de la marque de l’Union européenne initiale, mais conserveront les dates de dépôts et de priorité correspondantes.
La bonne nouvelle est que l’office n’exigera pas le paiement d’une taxe officielle pour la création de ces nouvelles marques nationales équivalentes.
Les titulaires ne seront pas notifiés par l’office britannique et ne recevront pas de nouveau certificat d’enregistrement de leur équivalence mais pourront accéder aux détails de leur nouvelle marque sur le site de l’office britannique en indiquant leur numéro de marque de l’Union européenne, précédé par la référence « UK009 ».
Par ailleurs, ces marques devront être renouvelées à leur échéance auprès de l’office britannique comme toute marque nationale.
Si un titulaire de marque de l’Union européenne ne souhaite pas obtenir d’équivalence, des mesures d’opt-out (renoncement à obtenir une équivalence britannique) seront possibles à compter du 1er janvier 2021 (le formulaire correspondant qui sera disponible sur le site gov.uk ne devrait pas être publié avant cette date).
2ème situation : les marques de l’Union européenne en cours d’enregistrement au 1er janvier 2021
Pour les marques de l’Union européenne déposées mais pas encore enregistrées au 1er janvier 2021, il sera obligatoire de solliciter la création d’un droit équivalent auprès de l’office britannique et de payer les taxes officielles correspondantes. Cette démarche volontaire devra être effectuée avant le 30 septembre 2021, afin de remplacer les droits européens qui ne couvriront plus le Royaume-Uni.
Cette démarche volontaire permettra de demander le maintien des demandes de marques européennes au Royaume-Uni en conservant leur date de dépôt européenne initiale.
3ème situation : les marques de l’Union européenne arrivant à expiration après le 1er janvier 2021
Pour vos marques européennes dont la date de renouvellement est postérieure au 1er janvier 2021, il sera obligatoire d’effectuer, dans le délai imparti, le renouvellement et le paiement de taxes auprès de l’EUIPO ET de l’office britannique, afin de remplacer les droits européens qui ne couvriront plus le Royaume-Uni.
Attention, si vous avez procédé au renouvellement de votre marque européenne, auprès de l’EUIPO, avant le 31 décembre 2020, espérant anticiper le Brexit, il n’en est rien ! En effet, ce renouvellement anticipé ne vous permet pas d’échapper à l’obligation de payer les taxes de renouvellement de la marque britannique équivalente qui sera créée automatiquement le 1er janvier 2021.
4ème situation : les marques internationales désignant l’Union européenne
Des mesures équivalentes sont prévues pour les marques internationales désignant l’Union européenne.
Toutefois, une particularité est à prévoir puisque l’équivalence britannique sera indépendante de la marque internationale.
5ème situation : Quid de l’usage et la renommée des marques de l’Union européenne ?
Enfin, nous clôturons ce paragraphe sur les marques en précisant que l’usage et la renommée des marques au sein de l’Union européenne, même à l’extérieur du Royaume-Uni, au cours des 5 années précédant la fin de la période de transition, soit le 31 décembre 2020, pourront être valablement invoqués au Royaume-Uni.
Dessins et modèles
Ces mêmes mesures sont transposées aux dessins et modèles, y compris les dessins et modèles communautaires non enregistrés pour lesquels un registre spécifique sera créé par l’office britannique. Cette mesure est rassurante pour les titulaires de tels droits puisqu’à la différence d’un dessin ou modèle enregistré classique, un dessin ou modèle communautaire non enregistré permet de conférer une protection (plus limitée) pour une durée de 3 ans non renouvelable, à compter de sa première divulgation au public sur le territoire de l’Union européenne).
Autres conséquences
En revanche, le Brexit pourrait avoir des incidences importantes sur les contrats (accords de coexistence, lettres d’engagement, licences…), les actions judiciaires en cours au Royaume-Uni au 1er janvier 2021 engagées sur la base d’une marque ou d’un dessin et modèle de l’Union européenne, les procédures d’opposition auprès de l’EUIPO sur la base de marques britanniques, ou encore les noms de domaine .eu dont les titulaires sont britanniques, etc.
Nous vous recommandons donc de procéder à des audits de vos portefeuilles, contrats et procédures en cours afin d’anticiper au mieux les conséquences de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne.
L’ensemble de l’équipe TAoMA est mobilisée sur ces problématiques et reste à votre disposition pour vous accompagner dans cette période de transition.
Stay safe !
Marion Mercadier
Conseil en Propriété Industrielle
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du Pôle juridique
02
novembre
2020
Devant la Cour comme sur le terrain, Léo MESSI décroche la victoire
Author:
teamtaomanews
Lionel Messi est considéré comme le meilleur joueur de tous les temps, et c’est peu dire que sa renommée est considérable. La Cour de Justice de l’Union Européenne ne s’y est pas trompée lorsqu’elle a mis fin, le 17 septembre dernier[1], à un litige de près de dix ans, en confirmant l’enregistrement de la marque portant le nom du célèbre joueur, considérant que la notoriété de celui-ci suffisait à écarter le risque de confusion avec la marque antérieure MASSI.
Cette affaire débute en 2011 lorsque le célèbre joueur dépose auprès de l’EUIPO une demande d’enregistrement de la marque complexe suivante en classes 25 et 28 notamment, pour désigner des vêtements et articles de sport :
Le titulaire de deux marques de l’Union Européenne antérieures MASSI désignant des vêtements et articles de sport forme opposition contre la demande d’enregistrement de la marque du joueur invoquant l’existence d’un risque de confusion entre les signes.
Dans un premier temps, la division d’opposition de l’EUIPO, puis la Chambre des recours, font droit à la demande du titulaire des marques MASSI, et refusent l’enregistrement de la demande de la marque du joueur du fait de la similarité des signes et de l’identité des produits visés générant un risque de confusion selon l’Office.
Sur recours de Lionel MESSI, l’affaire est alors portée devant le Tribunal de l’Union Européenne qui, dans un arrêt du 26 avril 2018[2], refuse cette interprétation et autorise Lionel MESSI à enregistrer son nom en tant que marque.
Selon le Tribunal, même si les produits visés sont identiques et les signes MESSI et MASSI sont visuellement et phonétiquement très proches, la réputation du joueur est telle que, sur le plan conceptuel, les marques apparaîtront différentes pour le public pertinent.
En d’autres termes, les consommateurs à qui on présenterait des vêtements de sports de la marque MESSI feraient immédiatement le lien avec le joueur et non avec les marques antérieures MASSI. Le Tribunal écarte alors tout risque de confusion entre les signes.
Le titulaire des marques antérieures et l’EUIPO ne partageant pas cette analyse forment tous deux un pourvoi contre cette décision.
Dans son arrêt du 17 septembre 2020, la Cour de Justice de l’Union Européenne confirme l’interprétation du Tribunal et rejette les deux pourvois.
Au titre de l’article 8 du Règlement sur la Marque de l’Union Européenne, l’EUIPO argue qu’une marque ne peut être refusée à l’enregistrement en cas de similitude avec une marque antérieure même s’il n’existe un risque de confusion que pour une partie du public pertinent. En effet, l’EUIPO considère que le public pertinent est composé de plusieurs parties significatives, l’une faisant le lien entre la marque MESSI et le joueur, et l’autre ne le faisant pas. Ainsi selon l’Office, pour cette partie du public pertinent, la différence conceptuelle n’existerait pas.
La Cour rejette cet argument et valide l’analyse du Tribunal en considérant qu’il a parfaitement jugé que la célébrité du footballeur était telle que « seule une partie négligeable du public pertinent n’associerait pas le terme « messi » au nom du célèbre joueur de football » et qu’en tout état de cause, il n’était même pas plausible de considérer que le consommateur moyen n’associerait pas ce signe au joueur dans le domaine des vêtements et articles de sport, compte tenu de sa notoriété.
La Cour estime donc que le Tribunal a valablement considéré que la perception du signe par l’ensemble du public pertinent était de nature à écarter le risque de confusion et rejette le pourvoi.
Le titulaire des marques antérieure MASSI se fonde lui sur plusieurs moyens pour critiquer la décision du Tribunal de l’Union.
Il soutient notamment que seule la notoriété de la marque antérieure devrait compter dans l’appréciation du risque de confusion, et non la notoriété de la demande de marque postérieure. La Cour rejette cette interprétation et indique que, bien que la notoriété de la marque antérieure soit effectivement un facteur important dans l’analyse de celui-ci, ce risque doit être apprécié globalement en prenant en compte l’ensemble les facteurs pertinents, y compris la notoriété du nom constitutif de la demande d’enregistrement. Cette interprétation n’est pas nouvelle ! En effet, déjà en 2010 dans un arrêt impliquant la mannequin Barbara Becker, la Cour avait considéré que la notoriété de la personne cherchant à faire enregistrer son nom en tant que marque pouvait « de toute évidence » influencer la perception de la marque par le public pertinent[3].
Outre des erreurs de droit écartées par la Cour, le titulaire des marques MASSI reproche également au Tribunal d’avoir fait une mauvaise application de l’arrêt Ruiz-Picasso c/ OHMI[4].
Cette affaire de 2006 opposait les descendants du célèbre peintre, également titulaire de la marque communautaire « PICASSO », à l’Office ayant enregistré la marque « Picaro » notamment pour des véhicules automobiles. La Cour pour rejeter le pourvoi de la famille Picasso avait notamment considéré que la notoriété du peintre, auquel les consommateurs penseraient immédiatement conférait à la marque « PICASSO » « une signification claire et déterminée » dans l’esprit du public permettant d’écarter tout risque de confusion.
Ainsi, le titulaire des marques MASSI soutient que la notoriété prise en compte dans cette affaire portait sur la marque antérieure, et non sur la demande d’enregistrement, et n’était donc pas transposable à l’espèce.
La Cour rejette cette interprétation de l’arrêt Picasso et rappelle que si des différences conceptuelles de nature à écarter un risque de confusion entre deux marques sont constatées, il n’y a pas de condition nécessitant que la marque notoire soit la marque antérieure !
Après près de 10 années de procédure, le footballeur Lionel MESSI dispose enfin d’une marque enregistrée à son nom pour commercialiser des vêtements et accessoires de sport. BUT !
Fiora Feliciaggi
Stagiaire Pôle Avocats
Anne Laporte
Avocat à la cour
[1] CJUE, 17 septembre 2020, EUIPO c/ Messi Cuccittini, C-449/18 P
[2] TUE, 26 avril 2018, Messi Cuccittini c/ EUIPO – J-M.-E.V. e hijos, T-554/14
[3] CJUE, 24 juin 2010, Becker c/ Harman International Industries, C-51/09 P
[4] CJCE, 12 janvier 2006, Ruiz-Picasso e.a. c/ OHMI, C-361/04 P
23
avril
2020
NOUVEAUTÉS DU PAQUET MARQUES : Dépôt, motifs de refus, renouvellement…
La France, par l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 (1) et par le décret n°2019-1316 du 9 décembre 2019 (2), a enfin transposé la Directive européenne dite « Paquet Marques » du 16 décembre 2015 (3). Cette réforme modifie profondément le code de la propriété intellectuelle et touche l’ensemble du droit des marques. Nous vous présentons donc ci-dessous certaines de ces modifications concernant les conditions de dépôt et de renouvellement de la marque :
=> Abandon de la représentation graphique dans le dépôt
Afin de faire entrer le droit des marques dans le XXIème siècle et de tenir compte des nouvelles technologies, la condition de représentation graphique du signe, jusque-là exigée par le code de la propriété intellectuelle (CPI), est aujourd’hui abandonnée au profit d’une nouvelle formulation précisant que le signe « doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire ».
Plus précisément « la marque est représentée dans le registre national des marques sous une forme appropriée au moyen de la technologie communément disponible ».
Cette modification permet de faciliter le dépôt de certaines marques dont la représentation graphique pouvait être compliquée voire impossible. Elle ouvre ainsi la voie à de nouveaux moyens de représentation du signe, tels que des fichiers MP3, des fichiers vidéo, des enregistrements, etc… Ainsi, les marques sonores qui devaient faire l’objet d’une représentation graphique, par exemple par le biais d’une partition qui ne peut être lue que par les mélomanes, peut aujourd’hui être déposée via un fichier MP3. Cette absence d’obligation de représentation graphique permet donc de déposer plus facilement des signes plus atypiques tels que les marques sonores, les marques multimédias ou encore les marques de mouvements…
Toutefois, le signe doit toujours être représenté de façon claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective, ce qui implique que le moyen de représentation soit suffisamment adapté pour pouvoir déterminer clairement l’objet de la protection.
=> Obligation d’un libellé clair et précis
S’il a toujours été nécessaire que la marque désigne un libellé de produits et services clair, la réforme est allée encore plus loin sur ce point pour tenir compte notamment des dernières décisions de la Cour de Justice et plus particulièrement l’arrêt IP TRANSLATOR de 2012 (4).
Elle exige ainsi que le libellé revendiqué dans le dépôt soit rédigé de manière claire et précise et indique que les produits et services « sont désignés avec suffisamment de clarté et de précision pour permettre à toute personne de déterminer, sur cette seule base, l’étendue de la protection ».
La marque n’est dès lors protégée que pour les produits et services expressément cités dans le dépôt. Il n’est plus possible de se fonder sur les intitulés généraux des classes pour bénéficier d’une protection étendue à tous les produits ou services incluent dans ces classes.
Il est dès lors nécessaire d’être encore plus vigilant dans la rédaction du libellé afin de désigner de manière précise tous les produits et/ou services qui seront exploités à court ou moyen terme sous la marque.
=> Nouveaux motifs de refus d’enregistrement
La réforme a ajouté de nouveaux motifs de refus d’une demande de marque, par l’INPI, à ceux déjà prévus par les textes. Ainsi, ne peuvent être valablement enregistrés :
Des signes exclusivement constitués « par la forme ou une autre caractéristique du produit imposée par la nature même de ce produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ou qui confère à ce produit une valeur substantielle ». La référence à « une autre caractéristiques du produit » est nouvelle et élargit le motif de refus propre aux marques de forme qui peut désormais s’appliquer plus largement et à toute les marque et notamment à des marques atypiques dont le dépôt est facilité.
Une marque reprenant « des appellations d’origine et des indications géographiques, des mentions traditionnelles pour les vins et des spécialités traditionnelles garanties » protégées par la législation nationale, de l’Union Européenne ou par des accords internationaux.
Une marque consistant en la dénomination d’une variété végétale antérieure.
Une marque dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur.
=> Modification du système de taxe
Si l’ancien système prévoyait un forfait unique pour le dépôt d’une marque d’une à trois classes, avec une taxe par classe supplémentaire à partir de la troisième classe, la réforme l’a abandonné au profit d’un système d’une taxe par classe.
Le même système a été adopté pour le renouvellement de la marque.
L’objectif premier de cette réforme vise à réduire le nombre de classes dans les dépôts afin notamment de désengorger les registres et que la marque ne désigne que les produits ou services pour lesquels elle sera véritablement utilisée. En effet, en pratique, la plupart des déposant n’ont besoin que d’une ou deux classes de produits et/ou services pour couvrir leur projet. Or, avec une taxe unique pour une à trois classes, ils avaient tendance à vouloir déposer leurs marques de manière plus large en désignant une classe supplémentaire pour laquelle aucun usage ne serait jamais fait.
=> Modification du délai de renouvellement
Auparavant, le renouvellement de la marque pouvait être effectué au plus tôt 6 mois avant la date d’expiration de la marque jusqu’au dernier jour du mois de sa date anniversaire. Un délai de grâce de six mois suivant l’expiration était accordé pour pouvoir procéder au renouvellement, malgré l’expiration de la marque, moyennant le paiement d’une surtaxe.
Désormais, le renouvellement de la marque peut se faire au plus tôt 1 an avant l’expiration de la marque et au plus tard le jour de sa date anniversaire. Le délai de grâce de 6 mois a été maintenu, toujours moyennant le paiement d’une surtaxe.
Toute l’équipe de TAoMA vous accompagne au quotidien dans la gestion de vos actifs de propriété intellectuelle et reste à votre disposition pour tout besoin !
Laura Fretaud
Juriste stagiaire
Muriel Holstein
Responsable du Pôle Administratif
(1) Ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services
(2) Décret n° 2019-1316 du 9 décembre 2019 relatif aux marques de produits ou de services
(3) Pour voir le texte
(4) CJUE, IP TRANSLATOR, 19 juin 2012, C307/1
23
janvier
2020
Le casse-tête juridique de la protection de la célèbre marque tridimensionnelle « RUBIK’S CUBE » enfin résolu !
Author:
teamtaomanews
La résolution du célèbre casse-tête géométrique à trois dimensions est devenue source de nombreux records dans le monde, dont le temps le plus rapide jamais réalisé est de 3,47 secondes.
L’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO), ainsi que les juges de l’Union Européenne, auront mis quant à eux 13 ans pour trouver une solution à ce puzzle peu conventionnel, mais dans un contexte légèrement différent.
I- HISTORIQUE DE L’AFFAIRE « RUBIK’S CUBE »
En 2006, la société allemande Simba Toy a présenté une demande de nullité de la marque tridimensionnelle de l’Union Européenne « Rubik’s Cube » ci-dessous, enregistrée le 6 avril 1999 pour les produits suivants de la classe 28 : « Puzzle en trois dimensions » de la classe 28.
Au soutien de son action, elle invoquait la violation de l’Article 7, paragraphe 1, sous a) à c) et e), du Règlement n°40/94 (devenu Article 7, paragraphe 1, sous a) à c) et e), du Règlement 2017/1001) en vertu duquel ne peut être accepté à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique [1].
Aussi bien la Division d’Annulation que la Chambre de Recours de l’EUIPO et le Tribunal de l’Union Européenne (TUE), par décision du 25 novembre 2014 [2], ont rejeté la demande de nullité au motif que la représentation graphique de la marque contestée ne suggérait aucune fonction de rotation. En effet, d’après le TUE, la capacité de rotation du cube ne résulte ni des lignes noires verticales et horizontales, ni de la structure en grille figurant sur chacune des faces de ce cube, mais d’un mécanisme interne qui n’est pas visible sur la marque telle que représentée.
La société allemande exerça alors un recours devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), laquelle a rejeté le raisonnement du Tribunal et annulé la décision par arrêt du 10 novembre 2016 [3].
La Cour a considéré que pour examiner la fonctionnalité des caractéristiques essentielles du signe en cause, il convenait de prendre en considération la représentation graphique du signe, comme l’ont justement rappelé l’EUIPO et le TUE, mais également des éléments supplémentaires relatifs à la fonction du produit concret en cause.
La première chambre de recours de l’EUIPO, statuant sur renvoi, a, sans grande surprise, suivi le raisonnement de la CJUE et annulé la marque tridimensionnelle pour les produits de la classe 28 (jeux, jouets…) [4].
Celle-ci a jugé que les caractéristiques essentielles de la marque contestée, à savoir les lignes noires verticales et horizontales, la forme cubique du produit et les différences de couleur sur les six faces du cube, présentaient une fonction technique, bien que celle-ci ne soit pas visible sur le signe tel que représenté.
Il ressort effectivement des éléments de l’espèce qu’un « observateur raisonnablement avisé » sera à même d’identifier la fonction rotative du signe contestée dans la mesure où ce signe représente un puzzle en trois dimensions mondialement connu sous le nom de « Rubik’s Cube » et dont la finalité est de reconstituer un puzzle en faisant pivoter selon un axe, verticalement et horizontalement, des rangées de cubes plus petits de différentes couleurs jusqu’à ce que les neuf carrés de chaque face du cube soient de la même couleur.
Cette analyse est corroborée par une image fournie par la société allemande Simba Toy qui représentait un « Rubik’s Cube » en état d’utilisation, dont les lignes noires verticales et horizontales créent une séparation physique entre les cubes et permettent à un joueur de changer la position de ces cubes par rapport à d’autres.
En ce qui concerne la forme globale du produit, ainsi que les différentes couleurs, la Chambre de Recours a considéré qu’elles participaient également à l’obtention d’un résultat technique.
En conclusion, la marque tridimensionnelle de l’Union Européenne « Rubik’s Cube » a été considérée comme contraire à l’Article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du Règlement n°40/94 et déclarée nulle.
C’était sans compter sur la ténacité de la société Rubik’s Brand Ltd, titulaire de la marque en cause, qui a formé un recours contre cette décision.
II- DÉNOUEMENT DE L’AFFAIRE « RUBIK’S CUBE »
Le TUE a donc, pour la seconde fois, tenté de résoudre le casse-tête « Rubik’s Cube », sauf que, cette fois, la solution paraissait plus évidente.
En effet, par décision du 24 octobre dernier, le TUE a également suivi le raisonnement de la CJUE et confirmé l’annulation de la marque contestée, tout en réformant la décision de la Chambre des Recours sur quelques points techniques.
D’une part, la société Rubik’s Brand Ltd contestait l’une des caractéristiques essentielles de la marque contestée, à savoir la différence de couleurs sur les six faces du cube.
Le Tribunal admet que cet élément ne peut constituer une caractéristique de la marque contestée dès lors qu’en l’absence de description de cette dernière et de revendication de couleurs dans la demande d’enregistrement, il ne saurait être déduit, sur la seule base de la représentation graphique du signe, que chacune des faces du cube comporte une couleur.
Toutefois, il estime que cette erreur d’appréciation de la part de la Chambre de Recours n’a aucune incidence sur la solution finale, à savoir la nullité de la marque contestée.
D’autre part, le Tribunal considère que les lignes noires sont nécessaires à l’obtention du résultat technique dès lors qu’elles représentent une séparation physique entre les cubes individuels, permettant au joueur de faire pivoter chaque rangée de petits cubes indépendamment les unes des autres afin de les regrouper dans la bonne combinaison de couleur. Sans cette séparation physique, « le cube ne serait rien d’autre qu’un bloc solide, ne comportant aucun élément individuel pouvant être déplacé de manière indépendante ».
En ce qui concerne la forme cubique du produit, le Tribunal estime que l’existence de formes géométriques alternatives n’est pas per se concluant, et ce conformément à la jurisprudence antérieure.
Aussi, la forme du produit « Rubik’s Cube » est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique et ne peut, en conséquence, constituer une marque valable en vertu du droit de l’Union Européenne.
Si cette décision semble confirmer la position de la jurisprudence de l’Union Européenne en matière de marque tridimensionnelle, notamment afin d’éviter un contournement du droit des brevets qui permet la protection d’une solution technique, elle a le mérite d’apporter un certain nombre de clarifications eu-égard à l’appréciation de la fonction technique des caractéristiques essentielles de la marque contestée.
En effet, outre la représentation graphique de la marque contestée, il convient également de prendre en compte la forme concrète de la marque et, partant, tout élément utile à l’appréciation, tels que des enquêtes et des expertises, ou encore des données relatives à des droits de propriété intellectuelle conférés antérieurement.
Toutefois, il convient de noter que dans le cadre de la présente affaire, le déposant n’avait fourni aucune description de sa marque lors du dépôt. Aussi, nous pouvons nous demander si une telle appréciation aurait vocation à s’appliquer de manière identique dans l’hypothèse où le titulaire d’une marque tridimensionnelle aurait fourni une description de sa marque.
En outre, le raisonnement du TUE peut apparaitre quelque peu contradictoire sur certains points. D’une part, il prend en compte des éléments extérieurs à la représentation graphique de la marque pour conclure que les lignes verticales et horizontales sont une caractéristique essentielle du signe permettant l’obtention d’un résultat technique. Mais d’autre part, il se contente d’une simple analyse visuelle de la représentation de la marque pour conclure que les couleurs des six faces du cube n’en constituent pas une.
Après plus de dix ans de procédure, la saga « Rubik’s Cube » touche à sa fin. Si le titulaire de la marque contestée perd le bénéfice de la protection de la forme iconique créée par Ernő Rubik (uniquement pour les produits de la classe 28), elle peut toutefois compter sur la protection de son nom, connu à travers le monde.
Baptiste Kuentzmann
Juriste
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du Pôle Juridique CPI
Lien vers la décision commentée
[1] Article 7 paragraphe 1 sous a) à c) et e), du Règlement 2017/1001 : « 1. Sont refusés à l’enregistrement : a) les signes qui ne sont pas conformes à l’article 4 ; c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ; e) les signes constitués exclusivement : i) par la forme, ou une autre caractéristique, imposée par la nature même du produit ; ii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ; iii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, qui donne une valeur substantielle au produit »
[2] Arrêt du Tribunal de l’Union Européenne du 25 novembre 2014 – T-450/09, Simba Toys / OHMI (lien)
[3] Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 10 novembre 2016 – C-30/15, Simba Toys / EUIPO (lien)
[4] Décision de la première Chambre de Recours de l’EUIPO du 6 mars 2017 – R 452/2017-1, Simba Toys / Rubik’s Brand Limited
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