Moscou sabre l’AOC « Champagne » en russe et la relègue au rang de simple « vin à bulles » pour les exportateurs français

Le 2 juillet 2021, Vladimir Poutine a validé l’amendement de la loi sur la réglementation des boissons alcoolisées réservant l’appellation « Shampanskoye » (« Champagne » en russe) aux seuls producteurs de vin russes.

Non seulement cette nouvelle norme dégrade la protection offerte par l’AOC (appellation d’origine contrôlée) « Champagne », mais elle interdit de surcroit aux producteurs étrangers – et notamment français – d’avoir recours à cette dénomination traduite en russe. Les champagnes français importés devront donc désormais être qualifiés de « sparkling wines » (vins à bulles) en lieu et place de « Shampanskoye ». Pire encore, en cas de non-respect de la nouvelle réglementation, les vins français seront assimilés à de la contrefaçon.

Il est cependant important de noter que la dénomination « Champagne » reste l’apanage de nos grands vins en Russie.

Les conséquences économiques ne sont pas négligeables sachant que les exportations françaises de champagne vers la Russie représentent 13% des 50 millions des litres de mousseux importés. Nos producteurs français devront donc apporter des modifications textuelles sur leurs étiquettes avant d’exporter leurs nectars vers la Russie.

Pour comprendre la gravité de l’atteinte porté au droit français par Moscou il faut rappeler ce que représente le régime des AOC.

Une appellation d’origine contrôlée (AOC), ou appellation d’origine protégée (AOP) au niveau européen, permet d’identifier un produit présentant des caractéristiques indissociables de l’espace géographique dans lequel il est produit. Obtenir une AOP prend plusieurs années et nécessite des études techniques poussées pour démontrer que les caractéristiques du produit sont dues à la situation géographique de l’aire de production et au savoir-faire local.

L’objectif poursuivi est double : il s’agit d’une part d’offrir au consommateur une identification claire du produit et de ses qualités, et d’autre part de protéger les producteurs régionaux contre des concurrents désireux de s’accaparer indûment la réputation de leur terroir.

Le domaine viticole est inséparable des AOC puisque c’est de ce milieu qu’elles sont issues. C’est en 1935 sous l’impulsion de vignerons renommés qu’un décret-loi vient fixer les premières AOC. Figurent dans cette liste des grands crus à l’instar des vins de Châteauneuf-du-Pape, de Tavel ou encore de Montbazillac. Le Champagne les a bien vite rejoints en 1936. Le domaine viticole est aujourd’hui toujours fécond en appellations d’origine, puisqu’on en dénombrait 363 en France en 2017.

De l’autre côté de l’Oural, la conception de la préservation des productions locales est bien différente. En effet, en 1930 Staline a entrepris de créer un « champagne soviétique ». Bas de gamme et produit en masse, il présentait l’intérêt d’être accessible à tous.

Face à la Russie, le respect des AOC au-delà des frontières de l’hexagone reste difficile même si l’Union européenne tente d’inclure leur protection lors de la signature d’accords commerciaux avec d’autres états.

 

Anne-Cécile Pasquet
Auditrice de justice

Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du Pôle juridique CPI