La Cour d’appel ne Rhônonce pas à la protection des AOP viticoles !

Il s’agit d’une nouvelle victoire pour les indications géographiques viticoles, et plus particulièrement pour l’appellation Côtes du Rhône.

A l’instar des dernières décisions rendues en matière d’appellations d’origine protégées (AOP) et d’indications géographiques protégées (IGP) viticoles ou même fromagères, cette fois-ci c’est la protection du terme « Rhône » qui vient d’être entérinée par la Cour d’appel de Paris.

A l’origine de ce litige, une action judiciaire introduite par le Syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône et l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) devant le Tribunal Judiciaire de Paris contre le négoce de vins NewRhône Millésimes pour le dépôt et l’usage des marques françaises NEWRHONE No. 4425084 et No. 4425088, enregistrées en 2018 pour des « Vins bénéficiant des appellations d’origines protégées « Côtes du Rhône » et « Côtes du Rhône Villages » y compris les Crus des Côtes du Rhône, et des autres appellations d’origines protégées de la Vallée du Rhône ».

Déboutées en première instance aux motifs que « le terme « Rhône » renvoie au fleuve et non pas aux appellations », les demanderesses ont fait appel de cette décision le 12 mai 2021 devant la Cour d’appel de Paris.

Le 26 mai dernier [1], la troisième chambre de la Cour d’appel de Paris a prononcé la nullité des marques susvisées pour l’intégralité des produits désignés, et interdit l’exploitant NewRhône Millésimes « dans un délai de 45 jours à compter de la signification du présent arrêt (…) de faire usage du signe « Newrhône » pour désigner des vins, le commerce des vins ou leur promotion ».

A la lumière de l’arrêt Champanillo rendue par la CJUE en décembre 2021, la Cour d’appel de Paris rappelle l’importance de la notion d’« évocation », et plus précisément le fait que « le critère déterminant est celui de savoir si le consommateur, en présence d’une dénomination litigieuse, est amené à avoir directement à l’esprit, comme image de référence, la marchandise couverte par l’AOP (…) ».

La Cour considère ainsi que « ces signes incorporent en partie les appellations protégées « Côtes du Rhône » et « Côtes du Rhône Villages », en l’occurrence le terme ‘Rhône’, qui en constitue l’élément dominant, les termes ‘Côtes’ et «’Villages’» constituant des termes communs et secondaires, contrairement au terme ‘ Rhône’ qui sera identifié par le consommateur européen moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé comme se rapportant à des vins d’appellation protégée, répondant à des critères définis par un cahier des charges ».

Elle poursuit par ailleurs – avec ce qui pourrait être considéré comme l’attendu fondamental de cette décision – en précisant qu’« un vin conforme à un cahier des charges et bénéficiant d’une appellation d’origine ne peut faire usage de celle-ci que sous sa forme enregistrée, tout autre usage n’étant pas autorisé, qu’il s’agisse d’une imitation ou d’une évocation et que cette imitation ou évocation porte sur l’un ou l’ensemble des composants d’une appellation ».

A l’instar des dernières décisions judiciaires ou administratives rendues en matière d’atteintes portées à des AOP et à des IGP, cette décision de justice vient de nouveau préciser les contours de leur protection, et renforcer la réglementation de leur utilisation.

 

Gaëlle Bermejo
Conseil en Propriété Industrielle

 

[1] Cour d’appel de Paris, 26 mai 2023 – RG n° 21/09232, Pôle 5 Chambre 2