05
septembre
2024
Tempête sous le K-WAY
Author:
TAoMA
Par une décision du 4 juillet 2024, la Division d’Opposition de l’Office de l’Union européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) a accueilli favorablement l’opposition formée par K-Way S.p.A. contre la demande de marque de l’Union européenne figurative n°18 808 453, déposée par la société Ikara Pro-Sandiego SL pour des produits de la classe 25 (ie : vêtements de sport, tenues d’arts martiaux, et uniformes).
K-Way fonde son opposition sur sa marque figurative européenne no 11 396 521, renommée notamment dans le domaine des vêtements de sport et de loisirs en France, en Italie et au Benelux. K-Way s’appuie sur les articles 8(1)(b) et 8(5) du RMUE pour justifier de son opposition afin d’empêcher Ikara de profiter indûment de la réputation et de l’image solidement établie de la marque K-Way en Europe.
LES ARGUMENTS DE K-WAY
K-Way a basé son opposition sur le fait que la marque d’Ikara, bien que différente sur le plan verbal, présentait des similitudes notables dans ses éléments figuratifs, susceptibles de créer un lien dans l’esprit du public entre les deux marques.
K-Way a démontré que sa marque jouit d’une réputation solide, acquise par des décennies d’utilisation intensive, des investissements significatifs dans le marketing, et des collaborations de co-branding avec d’autres marques de renom.
Enfin, elle a soutenu que l’association visuelle entre les deux marques pourrait permettre à Ikara de tirer avantage de la réputation et du caractère distinctif de K-Way, créant ainsi un cas de parasitisme commercial.
LA DECISION DE L’EUIPO
La Division d’Opposition a d’abord reconnu la réputation de la marque K-Way, en particulier dans le domaine des vêtements de sport et de loisirs. Elle a également souligné que la protection accordée par l’article 8(5) du RMUE s’applique même en l’absence de confusion, si le public est susceptible de faire un lien entre les marques, lien qui pourrait porter atteinte à l’image ou à la réputation de la marque antérieure.
Après avoir examiné les éléments de preuve, l’EUIPO a conclu que, bien que les marques diffèrent sur le plan verbal, les similitudes figuratives étaient suffisamment significatives pour que le public puisse associer les deux marques. Cette association, selon la Division d’Opposition, risquait de conférer à Ikara un avantage commercial injuste en exploitant la notoriété de K-Way, sans cause légitime.
En conséquence, l’EUIPO a rejeté la demande de marque d’Ikara pour les produits contestés.
Cette décision réaffirme l’importance de la protection des marques de renom contre toute forme de parasitisme commercial et souligne que même une similitude faible, mais perceptible, entre deux marques peut suffire à établir un risque de préjudice ou d’avantage indu.
En protégeant sa marque, K-Way a réussi à garder sa réputation à l’abri des intempéries.
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Mélissa CASSANET
Conseil en Propriété Industrielle Associée
Elsa OLCER
Juriste Stagiaire
(1) EUIPO, Division d’Opposition, 4 juillet 2024, n° B 3 193 750
27
août
2024
Quand un couteau tranchant devient un dossier coupant : l’annulation épique de l’IG revendiquée par les couteliers de Thiers
Author:
TAoMA
Contexte du Litige
Le 6 septembre 2022, l’INPI a attribué l’indication géographique pour les produits industriels et artisanaux (IG) de la célèbre lame ornée d’une abeille à la candidature portée par l’Association Couteau Laguiole Aubrac Auvergne (CLAA) basée à Thiers, offrant ainsi cette protection à 94 communes réparties sur six départements, incluant Thiers (Puy-de-Dôme) et Laguiole (Aveyron).
Les artisans aveyronnais, notamment soutenus par la commune de Laguiole ont contesté cette IG, arguant que la zone retenue était trop large et non cohérente.
Pour leur défense, les couteliers de Thiers ont argué avoir historiquement soutenu la production des couteaux Laguiole, notamment en fournissant des pièces détachées pendant le déclin de la coutellerie à Laguiole entre 1950 et 1985.
Cependant, les couteliers de Laguiole avaient contesté cette délimitation, affirmant que la réputation du couteau ne pouvait être liée qu’à son lieu d’origine et à sa fabrication artisanale locale.
En effet , le cahier des charges de l’Indication Géographique « couteau de Laguiole » est strict, exigeant que toutes les entreprises membres du syndicat respectent des critères de fabrication rigoureux. Ce savoir-faire ancestral repose sur une attention particulière à chaque étape, notamment avec l’estampillage de chaque lame pour garantir la qualité de l’acier utilisé, et l’inscription en creux de la marque de l’entreprise sur la lame, sans recours au laser, en fin de production.
Arguments et décision de la Cour
La Cour d’appel Aix-en-Provence a relevé plusieurs points critiques dans le cahier des charges de l’IG, notamment :
1. Ambiguïté de la désignation : la Cour a jugé que le terme « Couteau Laguiole » est ambigu, désignant à la fois un modèle de couteau et une provenance géographique, ce qui pourrait induire le consommateur en erreur sur l’origine réelle du produit.
2. Représentativité contestée : la représentativité de l’Association CLAA a été remise en cause, notamment concernant le pourcentage d’entreprises et de salariés effectivement représentés dans la zone géographique concernée.
3. Zone géographique incohérente : la zone géographique définie, englobant des régions non contiguës et distantes, a été jugée inadaptée pour garantir l’authenticité et la réputation du produit associé à l’IG.
4. Précision du produit protégé : la définition du produit à protéger a été jugée insuffisamment précise, avec des termes flous et une absence de lien clair entre les produits décrits et la zone géographique concernée.
Le 11 juillet dernier, la Cour a finalement tranché en faveur des couteliers aveyronnais, annulant la décision de l’INPI et reconnaissant que la renommée des couteaux de Laguiole est indissociable de leur lieu de conception et de production d’origine1.
Conséquences
Cette annulation représente une victoire pour les requérants, qui ont également obtenu la condamnation de l’Association CLAA aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 5 000 euros à chacun des plaignants en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile.
En revanche, la question de la responsabilité de l’INPI notamment soulevée par la commune de Laguiole pour des manquements lors de l’homologation reste en suspens. La Cour ayant ordonné la réouverture des débats sur ce point, les parties concernées sont invitées à conclure sur la recevabilité de cette demande avant une nouvelle audience prévue pour le 3 février 2025.
Cette décision pourrait avoir un impact significatif sur la gestion des indications géographiques, notamment pour les produits industriels et artisanaux, en France, rappelant l’importance de la précision et de la rigueur dans la définition et l’homologation de telles protections juridiques.
Finalement, il faut croire que même les lames les plus tranchantes ne peuvent pas échapper aux mailles serrées de la justice !
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Gaëlle Bermejo
Conseil en Propriété Industrielle
(1) Arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence No. 2024/ 163, 11 juillet 2024
20
août
2024
Nettoyage de printemps : La Cour de cassation fait le ménage dans le parasitisme économique
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a récemment rendu trois arrêts [1], le 26 juin 2024 qui précisent la notion de parasitisme économique.
Contexte et enjeux
La définition classique du parasitisme suppose qu’un opérateur se place dans le sillage d’un autre opérateur pour bénéficier indûment de ses efforts, de son savoir-faire, ou de ses investissements, sans en assumer les coûts ou risques.
Cette pratique porte atteinte au principe de loyauté de la concurrence et engage la responsabilité de son auteur en application de l’article 1240 du Code civil.
Mais il faut mettre en balance ce principe avec celui de la liberté du commerce et de l’industrie.
Cette action en responsabilité se différencie de la contrefaçon qui sanctionne une reproduction, imitation ou utilisation totale ou partielle d’un droit de propriété intellectuelle sans l’autorisation de son propriétaire.
La Cour de cassation précise les conditions pour que le parasitisme économique soit constitué:
L’opérateur économique s’est placé dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
Il appartient à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme d’identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque.
Le savoir-faire et les efforts humains et financiers peuvent caractériser une valeur économique individualisée mais celle-ci ne peut se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit
Les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent n’est pas, en soi, un acte de parasitisme.
Maisons du Monde contre Auchan
Dans cette affaire, les sociétés Auchan ont commercialisé des tasses et des bols comportant des images de type « vintage », commandés auprès d’un fournisseur qui en avait fait concevoir les dessins par un prestataire. Soutenant que ces objets reproduisaient un décor créé par son bureau d’étude de style en 2010 et commercialisé sous forme de tableau sur support toile dénommé « Pub 50’s », Maison du Monde a assigné les sociétés du groupe et leur fournisseur en paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme.
La Cour considère préalablement que :
Le tableau sur toile dénommé « Pub 50’s » commercialisé par la société Maison du Monde, était composé de différents clichés disponibles en droit libre sur internet ;
La Cour de cassation considère que les décors des tasses et bols commercialisés ne sont pas des copies serviles de ces clichés.
Puis, elle affirme que :
La toile « Pub 50’s » a été commercialisée sur une période limitée ;
La toile n’a jamais été mise en avant comme étant emblématique de la collection « vintage » ;
La société Maison du monde n’était pas la seule à exploiter ;
La toile n’était pas caractéristique de l’univers des produits de la société Maison du monde ;
La société a développé d’autres collections.
De plus, la styliste attestait qu’elle avait développé seule un décor constitué « d’images culte » évocatrices du style de vie américain des années cinquante, disponibles sur internet. La société Maison du monde n’avait alors aucun droit de propriété intellectuelle sur ces éléments de décor.
Enfin, le décor du tableau y figurant n’avait pas été décliné sur d’autres produits et qu’il constituait une combinaison banale d’images préexistantes qui n’avait jamais été mise en avant comme emblématique de l’univers de sa marque.
La Cour confirme donc l’absence de parasitisme, estimant que le décor incriminé ne constituait pas une valeur économique individualisée.
Décathlon contre Intersport
Les sociétés Décathlon ont commercialisé un masque intégral au tuba intégré appelé « Easybreath ». La société Intersport a acquis, auprès d’une société de droit allemand, des masques intégraux au tuba intégré référencés « Tecnopro ». Les sociétés Decathlon ont assigné les sociétés Intersport en concurrence déloyale et parasitisme.
A gauche: modèle commercialisé par Decathlon A droite: modèle commercialisé par Intersport
La chambre commerciale a confirmé l’analyse de la Cour d’appel qui avait retenu les critères suivants afin de cette valeur économique individualisée :
la grande notoriété du masque « Easybreath » de Decathlon ;
la réalité de son travail de conception et de développement sur trois ans pour un montant global de 350 000 euros ;
l’absence de produits équivalents au moment de son lancement ;
le caractère innovant de la démarche de Decathlon, ainsi que ses investissements publicitaires de plus de trois millions d’euros et un chiffre d’affaires de plus de 73 millions d’euros entre mai 2014 et novembre 2018 généré par la vente de ce produit.
Enfin, la Cour a reconnu que la reprise des caractéristiques esthétiques et fonctionnelles du masque était inspirée du produit de Décathlon, sans que les sociétés requérantes ne rapportent de justification de développement propre à leur produit.
Quelles sont les conséquences de ces arrêts ?
Ces arrêts réaffirment des principes bien établis tout en soulignant l’importance pour les entreprises de documenter leurs efforts d’innovation et la nécessité de démontrer une valeur économique individualisée pour caractériser un acte de parasitisme.
Finalement, rester dans le sillage d’un concurrent, c’est comme jouer avec le feu : risqué, mais attention à ne pas se brûler !
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Anne Messas
Avocate associée
Emeline Jet
Avocate à la Cour
[1] Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 juin 2024 n°22-17.647 et n°22-21.497 ;
Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 juin 2024 n°23-13.535
07
août
2024
Droit à l’image du salarié : le principe de l’autorisation et son encadrement dans le temps
Author:
TAoMA
Avec l’essor des réseaux sociaux, il est devenu courant pour les employeurs de capter et diffuser l’image de leurs salariés non plus seulement à des fins internes, mais également pour promouvoir leurs entreprises auprès du public.
Cet usage d’un des principaux attributs de la personnalité est notamment encadré par l’article 9 du Code civil, lequel s’applique également aux relations régies par le droit du travail.
L’autorisation d’usage de l’image d’un individu : un droit soumis à consentement même dans les relations de travail.
Le principe n’est pas nouveau : les salariés ont droit au respect de leur vie privée, y compris dans le cadre de leurs fonctions.
Cette règle a donné lieu à de nombreuses décisions relatives à la confidentialité des communications privées des salariés, mais également à la protection des attributs de leur personnalité et notamment de leur image.
Cette problématique revêt un intérêt bien plus stratégique de nos jours, avec l’essor des réseaux sociaux : l’image du salarié qui a longtemps été majoritairement circonscrit à des usages internes peut constituer désormais un actif servant la promotion des entreprises en mettant en avant le savoir-faire et la personnalité des individus qui y travaillent.
C’est donc très logiquement que les litiges afférents se sont multipliés ces dernières années, sans toutefois révolutionner significativement un principe établit de très longue date : l’usage de l’image d’un individu, même salarié, nécessite une autorisation claire et libre de ce dernier.
La Cour de cassation a récemment rappelé le principe selon lequel le droit à l’image ne succombe pas au lien de subordination existant entre l’employeur et ses salariés1.
Par ailleurs, s’il est constant que l’autorisation d’utilisation de l’image consentie par un employé à son employeur n’a pas nécessairement à être accompagnée d’une compensation financière, il a été jugé à plusieurs reprises que l’usage sans autorisation créé nécessairement un préjudice ne nécessitant ni démonstration ni chiffrage précis pour être retenu et indemnisé2.
Il n’est à ce titre pas nécessaire que le visage d’une salariée soit visible tant que celle-ci est reconnaissable3, mais il convient en revanche de démontrer que l’employeur a bien exploité l’image en question4.
Droit à l’image du salarié : l’autorisation suit le sort du contrat de travail lorsqu’elle n’est pas encadrée dans le temps.
En droit des contrats, les engagements perpétuels sont nuls et les obligations « sans limitation de durée » sont en principe considérés comme des engagement à durée indéterminée pouvant être résiliés à tout moment.
Pour autant, d’après un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 18 juin 2024, ce mécanisme bien connu ne semble pas devoir s’appliquer aux autorisations de droit à l’image consenties par des salariés à leur employeur5.
Cette solution n’est pas complètement nouvelle, et un employeur a notamment été condamné par la Cour d’appel de Chambéry pour avoir conservé, pendant près de 6 mois après son départ, l’image d’un salarié sur le site de l’entreprise sans justifier d’une autorisation en ce sens6. Ainsi, à défaut d’une autorisation spécifique, un employeur devrait supprimer l’image de ses employés au moment de leur départ de l’entreprise.
A l’inverse, en présence d’une autorisation expresse d’utilisation de l’image d’un ancien salarié pendant 10 ans après son départ, ce dernier ne peut exiger aucune indemnisation ni aucun retrait avant l’expiration de la durée d’autorisation7.
La spécificité du récent arrêt de la Cour d’appel de Nîmes réside dans le fait que la juridiction a jugé que l’autorisation consentie « sans limitation de durée » ne doit pas s’interpréter, dans le cadre d’une relation employeur-salarié, comme une autorisation à durée indéterminée résiliable à tout moment à l’initiative de l’une et/ou l’autre des parties, mais comme un accessoire au contrat de travail prenant fin au moment de la rupture du contrat principal.
Cette solution n’est pas sans conséquence : dès la rupture du contrat de travail, si l’employeur ne supprime pas immédiatement l’ensemble des images de l’ancien salarié diffusés par l’entreprise, cette poursuite de l’usage doit être considérée sans autorisation et entraine nécessairement l’octroi, pour l’ancien salarié, de dommages-intérêts.
Dans le cas jugé par la Cour d’appel de Nîmes, cette indemnisation s’est élevée à 1.500 euros, au motif notamment que l’ancien salarié avait créé sa propre activité concurrente et que la subsistance de photographies le représentant sur le site et les réseaux de son ancien employeur était générateur d’un risque de confusion dans l’esprit de leurs clients respectifs.
En conclusion, les employeurs doivent faire preuve de vigilance dans l’usage des photographies de leurs anciens employés, et il serait judicieux de prévoir dans le contrat de travail ou l’autorisation correspondante un délai raisonnable après la fin de la relation de travail pour permettre à l’employeur d’identifier et supprimer l’ensemble des images représentant son ancien employé.
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Robin ANTONIOTTI
Avocat
(1) Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2024, 22-18.014, Inédit
(2) Cour de cassation, Chambre sociale, 26 janvier 2022, 20-21.636, Publié au bulletin
(3) Cour d’appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 22 juin 2022, n° 18/00652
(4) Cour d’appel de Rennes, 8ème ch prud’homale, 18 juin 2021, n° 18/04981
(5) Cour d’appel de Nîmes, 5e chambre sociale ph, 18 juin 2024, n° 21/03685
(6) Cour d’appel de Chambéry, 3 mars 2009, n° 08/02089
(7) Cour de Cassation, Chambre sociale, du 18 décembre 1996, 93-44.825, Inédit
06
août
2024
L’IA à l’épreuve du sacro-saint droit d’auteur, quand le Géant de la musique américaine s’attaque aux petits nouveaux de l’IA
La Recording Industry Association of America (RIAA) a récemment engagé une action judiciaire contre deux jeunes startups américaines, Suno et Udio, pour violation du droit d’auteur. Ces entreprises se spécialisent dans la génération de musique par l’intelligence artificielle (IA), un domaine en pleine expansion mais qui soulève d’importantes questions juridiques, notamment en matière de droits d’auteur.
Les Acteurs en Présence
Suno et Udio sont deux startups qui exploitent des technologies d’IA pour créer de la musique s’inspirant d’œuvres existantes, ce qui vient poser la question de la violation potentielle des droits d’auteur des œuvres dites sources.
La Recording Industry Association of America (RIAA), pour sa part, est une organisation qui représente les intérêts de l’industrie musicale américaine, en particulier ceux des maisons de disques et des artistes, et qui œuvre à la protection de leurs droits d’auteur. Elle inclut notamment des organismes bien connus comme Universal Music Group, Sony Music Entertainment, et Warner Music Group.
Les Revendications de la RIAA
La RIAA accuse Suno et Udio d’utiliser des œuvres protégées par le droit d’auteur pour entraîner leurs algorithmes d’IA sans autorisation préalable. Elles sont accusées d’avoir copié des chansons pour entraîner leurs systèmes, produisant ainsi des morceaux similaires à ceux des artistes humains. Suno et Udio auraient permis à leurs utilisateurs de recréer des éléments de chansons célèbres, telles que « All I Want for Christmas Is You » de Mariah Carey, et de générer des voix impossibles à distinguer de celles de Michael Jackson ou ABBA. Selon la RIAA, cette pratique constitue une violation directe des droits d’auteur des artistes et des maisons de disques.
Les labels américains demandent donc aux tribunaux fédéraux de New York et du Massachusetts de :
• Faire cesser l’utilisation illégale des œuvres protégées, ce qui conduirait à interdire à Suno et Udio de poursuivre l’utilisation d’œuvres protégées, sans obtenir les licences nécessaires au préalable.
• D’obtenir des dédommagements pécuniers pour les préjudices subis, pouvant atteindre 150 000 dollars par chanson copiée. Cette indemnisation financière serait justifiée par les dommages causés par l’utilisation non autorisée des œuvres protégées. Suno est accusée d’avoir copié 662 chansons et Udio 1 670 titres.
• Plus généralement, de réglementer l’utilisation de l’IA dans la création musicale. Est demandé ici l’établissement de nouvelles directives pour garantir aux artistes et maisons de disques que les futures utilisations de l’IA respectent les droits d’auteur.
Les moyens de défense de Suno et Udio
Face à ces accusations, Suno et Udio avancent plusieurs arguments pour leur défense :
• L’innovation technologique et la liberté de création : Les startups soutiennent que leur technologie représente une avancée significative dans la création musicale et qu’elle permet de repousser les limites de la créativité humaine.
• L’absence de préjudice direct : A cet égard, Suno et Udio affirment que leur activité ne porte pas atteinte aux ventes ou à la popularité des œuvres originales, et que leurs créations constituent des œuvres nouvelles et distinctes.
• L’utilisation équitable (Fair Use) : Elles argumentent que l’utilisation des œuvres existantes est transformée de manière substantielle et peut donc être considérée comme une utilisation équitable.
Le « fair use » permet en effet l’utilisation limitée et encadrée d’œuvre protégée sans avoir à demander la permission. Il s’agirait en France du pendant de l’exception de courte citation.
Plusieurs critères sont établis pour déterminer si l’on est en effet dans le cas d’un usage « fair ». Dans le cas d’espèce on peut se demander si les critères sont en effet remplis ?
• Le but et le caractère de l’utilisation litigieuse : Serait-elle commerciale ou éducative ?
• La quantité et la substantialité de la séquence utilisée : Il y a-t-il une utilisation de l’essentiel de l’œuvre ou juste une petite partie ?
• L’effet de l’utilisation sur le marché potentiel de l’œuvre originale : L’utilisation réduit-elle la valeur ou le marché potentiel de l’œuvre source ?
Questions ouvertes pour le futur
Plusieurs bastions du journalisme et de la littérature ont engagé des actions légales contre des entreprises de technologie en intelligence artificielle pour l’exploitation abusive de leurs créations.
Parmi eux, huit journaux de premier plan aux États-Unis, y compris le renommé Chicago Tribune, ont lancé une procédure judiciaire contre OpenAI et Microsoft, accusés de s’approprier illégalement des articles soumis au droit d’auteur. Par ailleurs, une enquête du New York Times a récemment mis en lumière que des entités telles que Google et OpenAI auraient utilisé des millions d’heures de contenu vidéo de YouTube, enfreignant ainsi les règles d’utilisation strictes de la plateforme.
Ces affaires viennent soulever plusieurs questions cruciales pour l’avenir de la musique et de la création de manière générale et des technologies créatives :
• La nécessaire définition des limites du « fair use » pour l’IA : Des lignes directrices plus claires doivent être établies pour distinguer entre l’innovation technologique et la violation des droits d’auteur.
• La nécessaire régulation de l’IA : Il pourrait être pertinent d’introduire une législation adaptée qui reconnaît les particularités de l’IA tout en protégeant les droits des créateurs.
• L’éventuelle collaboration entre artistes et IA : Les artistes pourraient explorer des partenariats avec des développeurs d’IA pour créer de nouvelles formes d’art tout en veillant à ce que les accords de licence respectent leurs droits créatifs. Ces accords ont d’ailleurs été expérimentés et adoptés entre les artistes et les plateformes de musique de type Spotify et Apple musique afin de réguler le marché du téléchargement illégal. Il s’agirait alors d’une source de revenus non négligeables pour les artistes et maisons de disque.
Les procès de Suno et Udio pourraient permettre d’établir de nouveaux standards pour la législation sur les droits d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle dans l’industrie créative. Il est donc essentiel de suivre de près les développements de ce dossier.
Alors que la technologie continue d’évoluer, l’interaction entre innovation et droit d’auteur restera un terrain dynamique et complexe nécessitant un équilibre entre protection des droits et promotion de l’innovation.
Mazélie PILLET
Conseil en propriété industrielle
01
août
2024
Originalité des contenus pédagogiques sur Instagram : le Tribunal n’a pas follow…
Dans une décision du 13 juin 20241, le Tribunal judiciaire de Paris n’a pas admis le caractère original de contenus pédagogiques publiés sur Instagram.
En l’espèce, la demanderesse est titulaire d’un compte Instagram dédié à des tutoriels de dessins. Constatant la reproduction de ses contenus pédagogiques sur un autre compte Instagram, elle a assigné sa propriétaire devant le Tribunal judiciaire de Paris, sur les fondements de la contrefaçon de droit d’auteur (à titre principal) et de la concurrence déloyale (à titre subsidiaire).
Au soutien de ses prétentions, la demanderesse allègue que les contenus publiés sur son compte Instagram seraient des œuvres de l’esprit portant l’empreinte de sa personnalité en ce qu’ils révéleraient une « combinaison de codes graphiques, de pédagogie et de contenus propres à [son compte Instagram] » et qu’ils seraient ainsi marqués par « une physionomie particulière ». Ainsi, elle demande au Tribunal d’ordonner la suppression des contenus publiés par la défenderesse, et de condamner cette dernière à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 25.000 euros.
Le Tribunal judiciaire de Paris a toutefois rejeté l’ensemble de ses demandes.
En effet, sur le fondement de la contrefaçon de droit d’auteur, le Tribunal relève que la demanderesse ne démontre ni sa qualité d’auteur des contenus, ni sa qualité de titulaire dudit compte Instagram. En outre, le Tribunal relève que la demanderesse ne démontre pas le caractère original des contenus pédagogiques qui « ne sont pas en tant que tels susceptibles d’appropriation, s’agissant de tutoriels de dessin ».
Sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme économique, le Tribunal relève que la demanderesse de démontre aucun savoir-faire ou efforts particuliers, « les éléments visés appartenant à un référentiel d’identité de marque et la pédagogie spécifique invoquée, limitée à trois points, relevant du fonds commun de l’apprentissage du dessin », ni d’une quelconque notoriété ou investissements dont la défenderesse aurait tiré profit.
Cette décision souligne l’importance de démontrer le caractère original des créations dont la protection est revendiquée, tout en mettant en lumière les difficultés à se prémunir des copies effectuées par le biais des réseaux sociaux.
Delphine Monfront
Avocate à la Cour
(1) TJ Paris, 3ème chambre 1ère section, 13-06-2024, n° 23/14984
23
juillet
2024
CHANEL N°5 vs. 5 – Une décision au parfum de surprise
Par une décision du 17 juin 20241, l’Office Européen de la Propriété Industrielle (ci-après EUIPO) a rejeté l’opposition formée par la Maison Chanel contre la demande de marque de l’Union européenne semi-figurative n°18872562, déposée pour des produits tels que des crèmes parfumées, des huiles essentielles ou des sérums de beauté en classe 3.
En effet, considérant que cette demande de marque risquait de créer un risque de confusion dans l’esprit du public avec ses célèbres marques antérieures françaises n° 98755754 et N°5 n°1293767, Chanel a formé opposition contre l’ensemble des produits désignés en classe 3. La maison de luxe a notamment invoqué la renommée et le degré de distinctivité élevé de ses marques antérieures au soutien de son opposition, en raison de leur utilisation longue et intensive.
Malgré la reconnaissance de l’identité des produits en comparaison et la similarité visuelle et phonétique des signes, l’Office européen ne reconnaît pas le risque de confusion.
L’Office estime de manière surprenante que les marques antérieures et N°5 de Chanel jouissent d’un caractère distinctif normal en ce qu’elles n’ont aucune signification pour les produits désignés en classe 3, au regard des preuves fournies par Chanel. Il est ainsi reproché à Chanel de ne pas avoir fourni de preuves suffisantes permettant de démontrer que ses marques antérieures ont un degré élevé de distinctivité et sont sérieusement utilisées pour les produits désignés.
L’examinateur considère en outre que les différences entre les signes sont « frappantes et seront facilement mémorisables ». Ces différences sont renforcées par le fait que ce sont des signes courts. En effet, il est de jurisprudence constante que de faibles différences au sein de signes courts sont plus facilement perceptibles par le public pertinent d’attention moyenne, donnant lieu à une impression générale différente.
En l’espèce, la représentation de la marque contestée combinant la lettre « n » avec le chiffre « 5 » en un seul élément graphique est jugée « inhabituelle » par l’Office. Cette singularité aurait donc un impact immédiat sur la perception des consommateurs, les guidant vers la conclusion que les produits en question ont une origine commerciale distincte.
Par conséquent, l’EUIPO rejette l’opposition dans son intégralité.
Cette décision révèle que les marques les plus prestigieuses ne sont pas exemptées de fournir une démonstration suffisante de la renommée et du degré élevé de distinctivité de leurs marques. La renommée et le caractère distinctif ne sont pas automatiquement reconnus et doivent être sérieusement prouvés par l’opposant.
Compte tenu de la teneur de cette décision, il existe de fortes chances que Chanel fasse appel.
Margaux Maarek
Juriste en Propriété industrielle
(1) EUIPO, décision d’opposition n° B 3 203 223 du 17 juin 2023
18
juillet
2024
Jugement éclair : pas de contrefaçon pour le sac DEMI-LUNE
Author:
TAoMA
Le 7 juin 2024, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision dans une affaire opposant la société Atelier de Production et de Création (APC) aux sociétés Monoprix et Monoprix Exploitation concernant des faits de contrefaçon de droit d’auteur, de modèle déposé, ainsi que des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire.
La société APC, ayant déposé le 14 octobre 2013 un modèle de sac nommé « DEMI-LUNE », qui a rencontré un grand succès en France et à l’étranger, a constaté que les sacs commercialisés par les sociétés Monoprix reproduisaient les caractéristiques originales et l’impression d’ensemble de ce sac, incluant « sa forme et ses proportions ainsi que celles de la bandoulière », mais reprenaient également l’empreinte de la personnalité de son auteur.
De plus, la société APC a affirmé, devant le Tribunal, que la commercialisation de ces copies serviles générait un risque de confusion, constituant ainsi des actes de concurrence déloyale.
En conséquence, la société APC a mené des opérations de saisie-contrefaçon et a fait assigner les sociétés Monoprix pour faire cesser la production et la commercialisation de ces produits et obtenir réparation des préjudices commerciaux subis.
LA DÉFENSE DES PARTIES MISES EN CAUSE
Les sociétés Monoprix ont contesté les accusations émises par la société APC en invoquant que :
– le modèle « DEMI-LUNE » déposé par la société APC et les produits qu’elles commercialisent comportent des différences importantes.
– le sac « DEMI-LUNE » n’est pas original au motif que les caractéristiques revendiquées sont inhérentes à la forme du sac et parfaitement connues dans cette industrie (notamment aux vus des antériorités).
– la vente d’un produit similaire n’est pas nécessairement constitutive d’un acte de concurrence déloyale en ce qu’ils visent des consommateurs différents et utilisent des canaux de distribution différents.
Modèle déposé par la société AP
Modèle antérieur
DÉCISION DU TRIBUNAL
Après avoir tranché sur la validité du modèle de sac « DEMI-LUNE » en faveur de la société APC, le Tribunal s’est penché sur la possible contrefaçon du modèle, la violation des droits d’auteur et la présence d’actes de concurrence déloyale et parasitaire.
Tout d’abord, il a conclu que la comparaison des modèles des deux parties n’indiquait aucune contrefaçon, ces derniers se distinguant par « des éléments visuellement importants ».
Ensuite, il a évalué que les caractéristiques revendiquées par la société demanderesse relevait d’un « travail stylistique de qualité mais non un effort créatif concrétisé par une apparence singulière qui viendrait révéler l’empreinte de la personnalité » et refuse donc la qualification d’œuvre originale protégée par le droit d’auteur pour le modèle de sac « DEMI-LUNE ».
Enfin, sur la question de la concurrence déloyale et parasitaire, le tribunal a admis une ressemblance élevée pour certains des modèles des sociétés Monoprix mais a refusé la qualification de copie servile. Il a ajouté, en outre, que les faits n’avaient pas été réitérés. À cet égard, il a admis une « absence de risque de confusion pour la clientèle entre les modèles « DEMI-LUNE » de la société APC et les modèles « DEMI-LUNE » des sociétés Monoprix » écartant ainsi la caractérisation d’acte de concurrence déloyale et parasitaire, la société APC n’ayant pas démontré des investissements significatifs ou une notoriété suffisante pour établir un acte de parasitisme.
Ce jugement du Tribunal judiciaire de Paris renforce ainsi les exigences de protection de création – une création peut valablement être protégée par le biais d’un dessin & modèle tout en se voyant refuser une protection au titre du droit d’auteur. De plus, le Tribunal éclaircit les limites des pratiques de concurrence au sein de l’industrie.
L’affaire n’était finalement pas dans le sac pour APC.
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Elsa OLCER
Juriste Stagiaire
Jean-Charles NICOLLET
Conseil en Propriété Industrielle Associé
(1) Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 2e sect., 7 juin 2024, n° 21/15173
09
juillet
2024
Quand l’originalité devient flou, zoom sur le préjudice économique !
Les photographies peuvent faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur, sur le fondement de l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code : (…) 9° Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie. ».
Cependant, pour bénéficier de cette protection, la photographie doit répondre à la condition jurisprudentielle d’originalité, comme le rappelle un jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Rennes le 6 mai 20241.
En l’espèce, un photographe professionnel avait photographié un bateau de croisière, « Le Chateaubriand », à la demande de son propriétaire. Des années plus tard, ce cliché a été utilisé sans son autorisation dans plusieurs articles publiés par le journal Ouest France.
Malgré une tentative de règlement amiable, le photographe avait assigné la société Ouest France pour contrefaçon de droit d’auteur, et subsidiairement, pour faute délictuelle (sur le fondement de l’article 1240 du code civil).
Le Tribunal conteste l’originalité de la photo afin de rejeter l’action en contrefaçon de droits d’auteur.
Le Tribunal judiciaire a étudié l’originalité de la photographie pour déterminer si elle pouvait bénéficier de la protection offerte par le droit d’auteur. A ce titre, il revenait au photographe de démontrer que sa création était le résultat d’un choix personnel et qu’elle portait ainsi l’empreinte de sa personnalité.
Après une analyse particulièrement minutieuse des choix opérés par le photographe, le Tribunal judiciaire de Rennes a conclu que, malgré les efforts entrepris pour capturer l’image, ceux-ci ne suffisent pas à établir l’originalité, puisqu’ils relèvent d’un savoir-faire technique. En effet, les choix du photographe, notamment l’attente de conditions météorologiques favorables ou le cadrage, sont jugés trop communs ou évidents pour conférer à la photographie un caractère unique ou original.
Par conséquent, la photographie n’a pas été jugée éligible à la protection par le droit d’auteur – faute d’originalité, et les demandes de contrefaçon à ce titre ont été rejetées.
Toutefois, le tribunal reconnaît un préjudice économique, réparé sur le fondement de la responsabilité civile.
Subsidiairement, le photographe invoquait un préjudice économique résultant de l’utilisation non consentie et non rémunérée de sa photographie.
Le Tribunal judiciaire a ainsi reconnu que le photographe avait subi un manque à gagner. En effet, en utilisant son travail sans consentement, ni compensation, le journal Ouest France lui a causé un préjudice économique, indépendamment de tout préjudice moral ou patrimonial.
Les juges du fond ont donc prononcé une indemnisation forfaitaire à hauteur de 1.500 € pour cet usage non autorisé, une somme fixée « au regard des redevances habituellement pratiquées en matière de photographie, s’agissant des quatre utilisations frauduleuses ». Ouest France a également été condamné à lui verser la somme de 3.000 v au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision rappelle, une fois de plus, les strictes conditions requises pour qu’une photographie soit protégée par le droit d’auteur. Mais elle admet qu’une autre voie d’indemnisation est possible pour les photographes : lorsque leurs clichés ne peuvent bénéficier de la protection par le droit d’auteur, ils ne peuvent pour autant être reproduits sans compensation !
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Laurine Janin-Reynaud
Avocat à la Cour
Associée
Juliette Danjean
Juriste stagiaire
1) TJ Rennes, 2e ch. civ., 6 mai 2024, n° 22/01433.
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