NUTELLA vs. MOZARTELLA : La bataille des tartines !

Le 5 avril 2024, la Division d’Opposition de l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) a rejeté dans son intégralité l’opposition formée par la société Ferrero S.p.A., titulaire de la célèbre marque NUTELLA contre la demande de marque européenne MOZARTELLA, déposée par John Wambua1.

La société Ferrero S.p.A., s’est opposée à cette demande, en classes 29 et 30, en invoquant notamment l’article 8 paragraphe 5 du Règlement sur la marque de l’Union européenne, qui protège les marques de renommée de l’Union européenne tout comme les marques nationales jouissant d’une renommée au sein d’un État membre, et ce même en l’absence d’identité ou de similarité entre les produits et services désignés par les signes. Cette renommée permet au titulaire de la marque antérieure renommée de s’opposer à une demande de marque identique ou similaire dont « l’usage sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice ».

Les marques NUTELLA jouissent d’une renommée en France et en Italie pour les pâtes à tartiner, désignées en classe 30

La renommée d’une marque implique qu’elle soit connue par une partie significative du public pertinent pour ses produits ou services. Dans le cas présent, la demande de marque contestée a été déposée le 02/12/2022, et l’opposante devait prouver que ses marques jouissaient déjà d’une renommée à cette date.

Les preuves doivent démontrer que cette renommée existait pour les produits spécifiques revendiqués, essentiellement les pâtes à tartiner contenant du cacao. Les documents soumis montrent un usage de la marque NUTELLA depuis 1965, avec une présence forte et continue sur le marché, des volumes de ventes élevés, et une publicité significative. Des enquêtes de marché et des articles de presse confirment la renommée de la marque, soutenue par des décisions judiciaires en France et en Italie.

Ainsi, la Division d’Opposition conclut que les marques antérieures jouissent d’une renommée en France et en Italie, pour les produits concernés, en classe 30.

Les signes sont visuellement et phonétiquement similaires à un faible degré, et ne partagent aucune similitude conceptuelle

La Division d’Opposition indique que la marque antérieure NUTELLA est distinctive et sans signification particulière. La demande contestée, quant à elle, distinctive pour le public pertinent, peut être associée aux termes « MOZARELLA/MOZARELLE » (un type de fromage) ou au compositeur Mozart.

La société Ferrero S.p.A. soutient qu’il existe des similitudes visuelles et auditives entre les signes en cause, en se fondant notamment sur des décisions antérieures de l’Office pour étayer ses arguments. La Division d’Opposition rappelle néanmoins qu’elle n’est pas liée par ses décisions antérieures, chaque cas devant être traité séparément et en tenant compte de ses particularités.

Selon l’Office, « visuellement et auditivement, les signes ont une longueur, un rythme et une intonation différents ; les marques antérieures sont composées de sept lettres tandis que le signe contesté est composé de dix lettres. Les signes coïncident dans leurs lettres finales « -TELLA ». Cependant, ils diffèrent dans les débuts plus visibles et audibles « NU » contre « MOZAR » qui sont composés de lettres complètement différentes et ont une longueur très différente. ». Ce raisonnnement se fonde notamment sur un jugement du Tribunal de l’Union Européenne selon lequel « le public n’est généralement pas conscient du nombre exact de lettres dans une marque verbale et, par conséquent, ne remarquera pas, dans la majorité des cas, que deux marques en conflit ont le même nombre de lettres ».

Par conséquent, contrairement aux arguments de l’opposant, les signes sont visuellement et phonétiquement similaires à un faible degré.

Conceptuellement, pour la partie du public qui associera le signe contesté au contenu sémantique susvisé, les signes ne sont pas conceptuellement similaires. Pour la partie du public qui n’associera pas le signe contesté à une signification, la comparaison conceptuelle n’est pas possible et l’aspect conceptuel n’influence pas l’évaluation de la similitude des signes.

La Division d’Opposition juge « peu probable » le lien mental entre les signes par le public pertinent

Les marques antérieures sont réputées, mais les signes présentent un faible degré de similitude visuelle et auditive.

Pour démontrer un risque de confusion, il faut établir que le public pertinent associera les signes en cause, « compte tenu de tous les facteurs pertinents » (le degré de similitude entre les signes, la force de la renommée de la marque antérieure, l’existence d’une probabilité de confusion de la part du public, etc.).

Pour établir un lien entre les marques, les sections pertinentes du public pour les produits et services doivent se chevaucher. Dans le cas présent, les produits appartiennent au même secteur de marché des denrées alimentaires et des boissons, mais les signes ont des différences frappantes, rendant improbable l’association par le public.

Ainsi, « malgré la similarité de marché et de distribution des produits alimentaires, les signes ont un faible degré de similitude visuelle et auditive, et une association conceptuelle n’est pas possible. La terminaison « TELLA » de « MOZARTELLA » ne sera pas perçue séparément ». Ainsi, l’opposition est rejetée car un lien mental entre les signes est improbable.

Il n’existe aucun risque de confusion entre les marques en cause, malgré la renommée dont jouissent les marques antérieures

Selon l’article 8(1)(b) du RMUE, un risque de confusion existe si le public peut croire que les produits ou services proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées.

Cette évaluation globale dépend de facteurs interdépendants tels que la similitude des signes, des produits et services, le caractère distinctif de la marque antérieure, et le public pertinent. La similitude est une condition préalable pour l’application des articles 8(1)(b) et 8(5) du RMUE. L’article 8(1)(b) nécessite un degré de similitude suffisant pour engendrer une confusion, tandis que l’article 8(5) exige seulement un lien entre les marques.

Dans ce cas, malgré une certaine renommée de la marque antérieure, les similitudes entre les signes sont jugées insuffisantes pour établir un lien ou un risque de confusion, conduisant au rejet de l’opposition en vertu de l’article 8(1)(b) du RMUE.
La décision souligne l’importance des différences distinctives dans l’évaluation de la similitude des marques et réaffirme que même des marques renommées ne peuvent pas toujours empêcher l’enregistrement de marques similaires, surtout lorsque les différences sont suffisantes pour éviter une confusion dans l’esprit du public.
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Gaëlle Bermejo
Conseil en Propriété Industrielle

(1) Décision de la Division d’Opposition, EUIPO, OPPOSITION Nо B 3 191 441, 05 avril 2024