21
décembre
2020
Droits de PI et Brexit : fin de la transition le 31/12 – et après ?
Author:
teamtaomanews
Première publication du 16 avril 2020
Mise à jour du 20 janvier 2021
Le Royaume-Uni a quitté, de manière définitive, l’Union européenne le 31 décembre 2020. Le Brexit a donc des conséquences directes sur vos droits de propriété industrielle européens.
L’équipe News de TAoMA vous propose une mise à jour sur le sujet.
Marques
Tout d’abord, si vos marques de l’Union européenne sont toujours protégées au Royaume-Uni, cette situation prendra fin le 31 décembre 2020 !
Mais pas de panique, nous vous expliquons la situation des marques de l’Union européenne après cette date et selon les différents cas de figure possibles.
1ère situation : les marques de l’Union européenne enregistrées au 1er janvier 2021
Aucun changement à prévoir jusqu’au 31 décembre 2020 pour :
Les marques de l’Union européenne enregistrées ;
Les marques de l’Union européenne actuellement en cours d’enregistrement et les marques déposées d’ici la fin de la transition et qui seront enregistrées au 31 décembre 2020 ;
Les marques de l’Union européenne arrivant à expiration avant le 31 décembre 2020 et dûment renouvelées avant cette date (ou en période de grâce).
Pour l’ensemble de ces marques, l’office britannique créera automatiquement des marques nationales équivalentes sur son registre. Ces équivalences britanniques seront totalement indépendantes de la marque de l’Union européenne initiale, mais conserveront les dates de dépôts et de priorité correspondantes.
La bonne nouvelle est que l’office n’exigera pas le paiement d’une taxe officielle pour la création de ces nouvelles marques nationales équivalentes.
Les titulaires ne seront pas notifiés par l’office britannique et ne recevront pas de nouveau certificat d’enregistrement de leur équivalence mais pourront accéder aux détails de leur nouvelle marque sur le site de l’office britannique en indiquant leur numéro de marque de l’Union européenne, précédé par la référence « UK009 ».
Par ailleurs, ces marques devront être renouvelées à leur échéance auprès de l’office britannique comme toute marque nationale.
Si un titulaire de marque de l’Union européenne ne souhaite pas obtenir d’équivalence, des mesures d’opt-out (renoncement à obtenir une équivalence britannique) seront possibles à compter du 1er janvier 2021 (le formulaire correspondant qui sera disponible sur le site gov.uk ne devrait pas être publié avant cette date).
2ème situation : les marques de l’Union européenne en cours d’enregistrement au 1er janvier 2021
Pour les marques de l’Union européenne déposées mais pas encore enregistrées au 1er janvier 2021, il sera obligatoire de solliciter la création d’un droit équivalent auprès de l’office britannique et de payer les taxes officielles correspondantes. Cette démarche volontaire devra être effectuée avant le 30 septembre 2021, afin de remplacer les droits européens qui ne couvriront plus le Royaume-Uni.
Cette démarche volontaire permettra de demander le maintien des demandes de marques européennes au Royaume-Uni en conservant leur date de dépôt européenne initiale.
3ème situation : les marques de l’Union européenne arrivant à expiration après le 1er janvier 2021
Pour vos marques européennes dont la date de renouvellement est postérieure au 1er janvier 2021, il sera obligatoire d’effectuer, dans le délai imparti, le renouvellement et le paiement de taxes auprès de l’EUIPO ET de l’office britannique, afin de remplacer les droits européens qui ne couvriront plus le Royaume-Uni.
Attention, si vous avez procédé au renouvellement de votre marque européenne, auprès de l’EUIPO, avant le 31 décembre 2020, espérant anticiper le Brexit, il n’en est rien ! En effet, ce renouvellement anticipé ne vous permet pas d’échapper à l’obligation de payer les taxes de renouvellement de la marque britannique équivalente qui sera créée automatiquement le 1er janvier 2021.
4ème situation : les marques internationales désignant l’Union européenne
Des mesures équivalentes sont prévues pour les marques internationales désignant l’Union européenne.
Toutefois, une particularité est à prévoir puisque l’équivalence britannique sera indépendante de la marque internationale.
5ème situation : Quid de l’usage et la renommée des marques de l’Union européenne ?
Enfin, nous clôturons ce paragraphe sur les marques en précisant que l’usage et la renommée des marques au sein de l’Union européenne, même à l’extérieur du Royaume-Uni, au cours des 5 années précédant la fin de la période de transition, soit le 31 décembre 2020, pourront être valablement invoqués au Royaume-Uni.
Dessins et modèles
Ces mêmes mesures sont transposées aux dessins et modèles, y compris les dessins et modèles communautaires non enregistrés pour lesquels un registre spécifique sera créé par l’office britannique. Cette mesure est rassurante pour les titulaires de tels droits puisqu’à la différence d’un dessin ou modèle enregistré classique, un dessin ou modèle communautaire non enregistré permet de conférer une protection (plus limitée) pour une durée de 3 ans non renouvelable, à compter de sa première divulgation au public sur le territoire de l’Union européenne).
Autres conséquences
En revanche, le Brexit pourrait avoir des incidences importantes sur les contrats (accords de coexistence, lettres d’engagement, licences…), les actions judiciaires en cours au Royaume-Uni au 1er janvier 2021 engagées sur la base d’une marque ou d’un dessin et modèle de l’Union européenne, les procédures d’opposition auprès de l’EUIPO sur la base de marques britanniques, ou encore les noms de domaine .eu dont les titulaires sont britanniques, etc.
Nous vous recommandons donc de procéder à des audits de vos portefeuilles, contrats et procédures en cours afin d’anticiper au mieux les conséquences de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne.
L’ensemble de l’équipe TAoMA est mobilisée sur ces problématiques et reste à votre disposition pour vous accompagner dans cette période de transition.
Stay safe !
Marion Mercadier
Conseil en Propriété Industrielle
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du Pôle juridique
19
novembre
2018
Affaire Zemmour/ ITélé : les termes « En principe » dans le contrat, formule magique ?
Author:
teamtaomanews
La Cour d’appel de Versailles vient de confirmer un jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre se prononçant sur le caractère abusif de la rupture de la relation contractuelle entre une société d’exploitation audiovisuelle et un célèbre polémiste français.
Depuis 2003 le Groupe Canal + et la Société d’Exploitation d’un Service d’Information (SESI), sollicitaient Monsieur Zemmour en qualité de chroniqueur d’une émission télévisée, ayant pour objet de décrypter l’actualité politique hebdomadaire, d’abord directement, puis par l’intermédiaire de la société RUBEMPRE, dont il était le gérant, au moyen de contrats à durée déterminée ayant pour objet, pour chaque saison, de « déterminer les conditions d’intervention de M. Zemmour sur les antennes d’iTélé dans le cadre de l’émission ‘’Ca se dispute’’ ».
La dernière de ces conventions a été conclue le 27 juin 2014 pour la saison 2014/2015, soit en principe jusqu’en juillet 2015.
Cependant, à la suite de plusieurs publications polémiques de M. Zemmour et à la vague d’indignation les ayant suivies, la SESI a annoncé fin décembre 2014, ne pas vouloir reconduire l’émission « Ca se dispute » pour l’année 2015. Elle a en conséquence publié un communiqué de presse dans lequel elle indiquait « iTélé a décidé de mettre fin à l’émission ‘’Ça se dispute’’ qui ne reprendra pas en janvier 2015 », et indiqué à la société RUBEMPRE que, « le contrat [les liant] devenait sans objet, et donc que M. Zemmour était libéré de ses obligations notamment vis-à-vis de la chaîne iTélé ».
Estimant que la SESI avait rompu brutalement et abusivement le contrat, la société RUBEMPRE et M. Zemmour l’ont assignée en réparation des préjudices qu’ils estimaient avoir subis.
Par jugement du 17 novembre 2016, le TGI a fait droit aux demandes de la société RUBEMPRE et a condamné la SESI à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.
M. Zemmour et la société RUBEMPRE ont interjeté appel de ce jugement en demandant la confirmation de la condamnation, mais estimant que les dommages et intérêts devaient être plus importants.
SUR LA RUPTURE DU CONTRAT
La cour relève que le contrat donnait une certaine souplesse à la SESI quant à la programmation hebdomadaire de l’émission ou à l’obligation de recourir à l’occasion de chaque émission à une prestation de M. Zemmour puisqu’il précisait que ses prestations :
– Étaient « en principe» hebdomadaires ;
– Étaient conditionnées aux « besoins de SESI en termes de programmation et plus précisément selon la diffusion ou non de l’émission sur la chaîne, de telle sorte qu’il est entendu entres les parties qu’il ne pèse sur SESI aucune obligation de faire appel au contractant chaque semaine de la saison 2014/2015».
– Devaient durer « en principe» jusqu’au 17 juillet 2015.
Cependant, ces dispositions contractuelles ne pouvaient s’analyser comme ne faisant « peser sur la société SESI aucune obligation de recourir aux prestations » de M. Zemmour, au risque d’être considérées comme conditionnant ses interventions à la seule volonté de la SESI, auquel cas elles devraient être interprétées comme des conditions potestatives, nulles aux termes de l’article 1174 du Code civil dans la version qui était alors applicable.
De plus, les juges ont estimé que les motifs de la SESI selon lesquels les propos de M. Zemmour avaient pris une dimension politique n’étaient pas fondés, dans la mesure où il intervenait justement pour ses qualités de polémiste.
Le contrat aurait donc dû se poursuivre jusqu’à son échéance, le seul moyen d’y mettre fin unilatéralement étant l’invocation d’un manquement contractuel et le respect d’un préavis de 15 jours, prévu au contrat.
La cour confirme donc la décision rendue par les juges de première instance.
SUR L’INDEMNISATION DU PRÉJUDICE
La cour d’appel rappelle que « la faute de la société SESI réside non pas dans le fait d’avoir renoncé à confier à la société RUBEMPRE la poursuite des prestations qu’elle lui avait confiées jusqu’alors, ce qu’elle était libre de faire ou non, mais d’y avoir renoncé brutalement sans respecter un préavis d’usage devant tenir compte des relations jusqu’alors entretenues par les parties ».
En outre, « depuis le mois de décembre 2014, la rédaction de la chaîne iTélé avait été confrontée à une vague d’indignation tant de la société civile que des journalistes de sa chaîne à la suite de la polémique suscitée par les propos de M. Zemmour, de telle sorte que la société RUBEMPRE pouvait s’attendre à ce que la chaîne ait recours moins régulièrement [à ses] interventions », ce qui était rendu possible grâce à l’insertion des termes « en principe » dans le contrat qui, même s’ils ne pouvaient pas entièrement dédouaner la SESI, lui permettaient de jouir d’une certaine latitude quant au recours aux prestations de M. Zemmour.
Ainsi, la cour valide le calcul du préjudice réalisé par le TGI, qui l’avait estimé à 50.000€, contrairement aux demandes de la société RUBEMPRE qui exigeait une indemnisation à hauteur de l’addition des sommes qui auraient dû lui être allouées par l’émission jusqu’à la fin de la saison, soit 68.200€ HT.
Quant à son prétendu préjudice économique (elle estimait que l’émission aurait pu « se prolonger encore durant au moins cinq années supplémentaires » et exigeait en conséquence la réparation de son préjudice à hauteur de 527.000€ HT, correspondant à la somme de 2.200€ par émission diffusée pendant 260 semaines), il a été considéré, aussi bien par le tribunal que par la cour, comme hypothétique, donc insusceptible de réparation.
Enfin, concernant la demande de Monsieur Zemmour relative à son prétendu préjudice moral, la cour observe que le communiqué de presse annonçant la fin de son émission était « particulièrement sobre et ne renferm[ait] aucun propos vexatoire » à son encontre et que la rédactrice en chef de la chaine avait procédé de manière non condamnable, en menant au préalable une enquête et en lui permettant de s’exprimer sur ses propos polémiques.
Sa demande est également rejetée.
Ainsi, malgré une reconnaissance de la responsabilité de la SESI, la cour d’appel a nettement limité la réparation due à ce titre, en n’allouant que 50.000€ aux appelantes, qui réclamaient au total plus d’un million d’euros.
Référence de l’arrêt : Cour d’appel de Versailles, 04 octobre 2018, n° 16/09301
Décision non publiée, communiquée sur demande à contact@taoma-partners.fr