25
janvier
2024
Imitation des anneaux olympiques, le cœur de l’EUIPO ne balance pas
Paris se prépare à accueillir les Jeux Olympiques en 2024, l’occasion pour TAoMA Partners de revenir sur la protection et la défense des anneaux olympiques.
I) Les emblèmes olympiques : une protection encadrée…
Conçu par le baron Pierre de Coubertin en 1913, le symbole olympique est composé de cinq anneaux entrelacés de dimensions égales, employés seuls, en une ou cinq couleurs. Lorsque la version en cinq couleurs est utilisée, les couleurs sont, de gauche à droite, le bleu, le jaune, le noir, le vert et le rouge. Le symbole olympique représente l’union des cinq continents et la rencontre des athlètes du monde entier.
La protection des emblèmes olympiques a une longue histoire, marquée notamment par le Traité de Nairobi adopté le 26 septembre 1981. Ce traité, supervisé par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), vise à protéger les anneaux olympiques contre toute utilisation commerciale sans autorisation du Comité international olympique.
Par ailleurs, à l’échelle de l’Union Européenne, l’article 7, paragraphe 1, sous i, du RMUE dispose que : « sont refusé [e]s à l’enregistrement : […] les marques qui comportent des badges, emblèmes ou écussons autres que ceux visés par l’article 6ter de la Convention de Paris et présentant un intérêt public particulier, à moins que leur enregistrement ait été autorisé par l’autorité compétente ». Les emblèmes olympiques font donc l’objet d’une protection particulière sur le territoire de l’Union Européenne puisqu’ils intègrent la catégorie des emblèmes qui présentent « un intérêt public particulier ».
L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), ainsi que les Offices Nationaux, doivent donc exercer un examen minutieux des signes pouvant porter atteinte aux emblèmes olympiques et, le cas échéant, les refuser à l’enregistrement.
Le Comité international olympique, ainsi que les comités nationaux, gardent toutefois la possibilité de s’opposer à l’enregistrement d’une marque qui serait susceptible de reproduire ou d’imiter les emblèmes olympiques, comme les anneaux olympiques.
En effet, le Comité international olympique est titulaire de plusieurs marques enregistrées pour divers produits et services, notamment au niveau de l’Union Européenne, dont la marque No. 002970366. A l’échelle nationale, le comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024 est titulaire des marques propres à l’évènement à venir, dont la marque française No. 4693482.
Si les emblèmes olympiques font l’objet d’une solide protection à l’échelle nationale comme internationale, l’affaire qui suit illustre néanmoins certaines limites notamment au regard des signes en cause.
II) … ou presque
Le 26 octobre 2021, le Comité international olympique a formé une opposition contre une marque semi-figurative européenne déposée par la société chinoise Shanghai Qinke Electronic Commerce Co. Ltd. Il revendiquait l’antériorité de ses trois marques, et la renommée de ces dernières. L’EUIPO, dans cette affaire, devait donc évaluer s’il existait un risque de confusion entre les signes en cause.
La division d’opposition a d’abord précisé que les éléments verbaux de la marque antérieure étaient distinctifs car la combinaison « Link heats by love » peut-être comprise, au moins par la partie anglophone du public, comme « une relation chauffée par l’amour ». Même si tous les mots composant le slogan sont compris par la partie anglophone du public, la combinaison en tant que telle n’a pas de sens clair ou de sens intelligible. Il n’est pas exclu que cette combinaison soit perçue comme une orthographe erronée de « link hearts by love » (lier les cœurs par amour) en raison de l’élément figuratif reproduisant cinq cœurs. En tout état de cause, en l’absence de lien direct avec les produits et services concernés, la combinaison en tant que telle est distinctive.
De plus, la combinaison de cœurs n’a pas de lien direct avec les produits et services pertinents (9, 14, 18, 25, 35) et est donc distinctive.
Sur l’analyse des signes, et plus précisément sur le plan visuel, les marques antérieures, composées de cercles colorés ou noirs, sont distinctes de la marque contestée, qui utilise des formes de cœur en nuances de gris/noir.
La division d’opposition affirme que les signes ne coïncident que dans la mesure où ils représentent tous deux une combinaison de cinq éléments figuratifs placés dans la même position.
Les cœurs du signe contesté seront immédiatement perçus comme des cœurs et non comme des formes arrondies. De plus, les couleurs/nuances des signes sont différentes.
En outre, la marque contestée contient des éléments verbaux supplémentaires qui ne sont pas présents dans les marques antérieures.
Phonétiquement et conceptuellement, les marques sont également jugées différentes. Les marques antérieures seront liées au concept de cinq cercles et le signe contesté renvoie au concept des cinq cœurs. Les consommateurs ne percevront pas l’entrelacement de cinq formes dans l’abstrait comme un concept à part entière.
Aussi, l’EUIPO juge que les signes en cause sont différents et, partant, ne peuvent donner lieu à un risque de confusion.
Par ailleurs, l’EUIPO rejette le fondement de la marque renommée, estimant que les conditions cumulatives pour bénéficier de cette protection ne sont pas remplies, en l’espèce, il n’y avait pas de similarité entre les signes.
En conclusion, cercle ou pas cercle, ne tournons plus en rond : Il s’agit d’un cœur !
Emeline JET
Juriste
Delphine Monfront
Avocate à la Cour
Baptiste Kuentzmann
Conseil en Propriété Industrielle
20
janvier
2021
La PI en chiffres : le tout dernier rapport de l’OMPI
L’Office mondial pour la Propriété intellectuelle (OMPI), a publié son rapport 2020 sur l’activité en propriété intellectuelle au niveau mondial (chiffres de 2019).
On y apprend, entre autres, que le dépôt de brevets est en baisse côté chinois et en hausse côté américain, même si l’Empire du Milieu conserve son leadership.
En ce qui concerne les marques, on y découvre que ce sont les secteurs de la recherche et de la technologie, ainsi que celui de la santé et celui de l’habillement qui réunissent le plus de dépôts (près de 50% des dépôts à eux trois) ; ou encore qu’en-dehors de l’EUIPO et de l’INPI, c’est auprès des offices chinois, américains et britanniques que les français déposent le plus de marques, alors que, parmi les étrangers, ce sont les chinois et les suisses qui déposent le plus de marques françaises auprès de l’INPI.
Tous les chiffres sont disponibles ici (le rapport est en anglais).
21
décembre
2020
Droits de PI et Brexit : fin de la transition le 31/12 – et après ?
Author:
teamtaomanews
Première publication du 16 avril 2020
Mise à jour du 20 janvier 2021
Le Royaume-Uni a quitté, de manière définitive, l’Union européenne le 31 décembre 2020. Le Brexit a donc des conséquences directes sur vos droits de propriété industrielle européens.
L’équipe News de TAoMA vous propose une mise à jour sur le sujet.
Marques
Tout d’abord, si vos marques de l’Union européenne sont toujours protégées au Royaume-Uni, cette situation prendra fin le 31 décembre 2020 !
Mais pas de panique, nous vous expliquons la situation des marques de l’Union européenne après cette date et selon les différents cas de figure possibles.
1ère situation : les marques de l’Union européenne enregistrées au 1er janvier 2021
Aucun changement à prévoir jusqu’au 31 décembre 2020 pour :
Les marques de l’Union européenne enregistrées ;
Les marques de l’Union européenne actuellement en cours d’enregistrement et les marques déposées d’ici la fin de la transition et qui seront enregistrées au 31 décembre 2020 ;
Les marques de l’Union européenne arrivant à expiration avant le 31 décembre 2020 et dûment renouvelées avant cette date (ou en période de grâce).
Pour l’ensemble de ces marques, l’office britannique créera automatiquement des marques nationales équivalentes sur son registre. Ces équivalences britanniques seront totalement indépendantes de la marque de l’Union européenne initiale, mais conserveront les dates de dépôts et de priorité correspondantes.
La bonne nouvelle est que l’office n’exigera pas le paiement d’une taxe officielle pour la création de ces nouvelles marques nationales équivalentes.
Les titulaires ne seront pas notifiés par l’office britannique et ne recevront pas de nouveau certificat d’enregistrement de leur équivalence mais pourront accéder aux détails de leur nouvelle marque sur le site de l’office britannique en indiquant leur numéro de marque de l’Union européenne, précédé par la référence « UK009 ».
Par ailleurs, ces marques devront être renouvelées à leur échéance auprès de l’office britannique comme toute marque nationale.
Si un titulaire de marque de l’Union européenne ne souhaite pas obtenir d’équivalence, des mesures d’opt-out (renoncement à obtenir une équivalence britannique) seront possibles à compter du 1er janvier 2021 (le formulaire correspondant qui sera disponible sur le site gov.uk ne devrait pas être publié avant cette date).
2ème situation : les marques de l’Union européenne en cours d’enregistrement au 1er janvier 2021
Pour les marques de l’Union européenne déposées mais pas encore enregistrées au 1er janvier 2021, il sera obligatoire de solliciter la création d’un droit équivalent auprès de l’office britannique et de payer les taxes officielles correspondantes. Cette démarche volontaire devra être effectuée avant le 30 septembre 2021, afin de remplacer les droits européens qui ne couvriront plus le Royaume-Uni.
Cette démarche volontaire permettra de demander le maintien des demandes de marques européennes au Royaume-Uni en conservant leur date de dépôt européenne initiale.
3ème situation : les marques de l’Union européenne arrivant à expiration après le 1er janvier 2021
Pour vos marques européennes dont la date de renouvellement est postérieure au 1er janvier 2021, il sera obligatoire d’effectuer, dans le délai imparti, le renouvellement et le paiement de taxes auprès de l’EUIPO ET de l’office britannique, afin de remplacer les droits européens qui ne couvriront plus le Royaume-Uni.
Attention, si vous avez procédé au renouvellement de votre marque européenne, auprès de l’EUIPO, avant le 31 décembre 2020, espérant anticiper le Brexit, il n’en est rien ! En effet, ce renouvellement anticipé ne vous permet pas d’échapper à l’obligation de payer les taxes de renouvellement de la marque britannique équivalente qui sera créée automatiquement le 1er janvier 2021.
4ème situation : les marques internationales désignant l’Union européenne
Des mesures équivalentes sont prévues pour les marques internationales désignant l’Union européenne.
Toutefois, une particularité est à prévoir puisque l’équivalence britannique sera indépendante de la marque internationale.
5ème situation : Quid de l’usage et la renommée des marques de l’Union européenne ?
Enfin, nous clôturons ce paragraphe sur les marques en précisant que l’usage et la renommée des marques au sein de l’Union européenne, même à l’extérieur du Royaume-Uni, au cours des 5 années précédant la fin de la période de transition, soit le 31 décembre 2020, pourront être valablement invoqués au Royaume-Uni.
Dessins et modèles
Ces mêmes mesures sont transposées aux dessins et modèles, y compris les dessins et modèles communautaires non enregistrés pour lesquels un registre spécifique sera créé par l’office britannique. Cette mesure est rassurante pour les titulaires de tels droits puisqu’à la différence d’un dessin ou modèle enregistré classique, un dessin ou modèle communautaire non enregistré permet de conférer une protection (plus limitée) pour une durée de 3 ans non renouvelable, à compter de sa première divulgation au public sur le territoire de l’Union européenne).
Autres conséquences
En revanche, le Brexit pourrait avoir des incidences importantes sur les contrats (accords de coexistence, lettres d’engagement, licences…), les actions judiciaires en cours au Royaume-Uni au 1er janvier 2021 engagées sur la base d’une marque ou d’un dessin et modèle de l’Union européenne, les procédures d’opposition auprès de l’EUIPO sur la base de marques britanniques, ou encore les noms de domaine .eu dont les titulaires sont britanniques, etc.
Nous vous recommandons donc de procéder à des audits de vos portefeuilles, contrats et procédures en cours afin d’anticiper au mieux les conséquences de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne.
L’ensemble de l’équipe TAoMA est mobilisée sur ces problématiques et reste à votre disposition pour vous accompagner dans cette période de transition.
Stay safe !
Marion Mercadier
Conseil en Propriété Industrielle
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du Pôle juridique
08
novembre
2019
Force probante d’archive.org : Un pas en avant pour la « machine à revenir en arrière »
Internet Archive est un organisme à but non lucratif américain dédié à l’archivage du web.
Ses archives comprennent 330 milliards d’extraits de pages internet, mises à disposition du public sur le site Wayback Machine, mais également 20 millions de livres, 4,5 millions d’enregistrements audios, 4 millions de vidéos, 3 millions d’images et 200 000 logiciels (source : archive.org), dans son immense bibliothèque numérique.
La Wayback Machine (archive.org) permet de stocker tout ce qui se trouve sur internet. Elle donne la possibilité de remonter jusqu’en 1996 pour retrouver des extraits de sites internet disparus ou dont le contenu aurait (sans surprise) été modifié.
Cette machine à remonter le temps est un véritable atout en propriété intellectuelle lorsqu’il s’agit de fournir des preuves d’usage d’une marque, vérifier les précédentes exploitations d’un nom de domaine, prouver la divulgation d’un modèle ou encore constituer des preuves d’une atteinte à un droit par un tiers.
Les juridictions françaises se sont toujours montrées assez réticentes à accepter des preuves provenant de la Wayback Machine.
Mais une décision rendue par la Cour d’Appel de Paris le 4 octobre dernier [1], faisant suite à une précédente décision du 5 juillet [2], a confirmé une évolution vers la reconnaissance de la valeur probante des extraits de la Wayback Machine.
Dans cet arrêt, le titulaire d’un brevet intitulé « tête fonctionnelle pour placer et supprimer des pneus de véhicule » assigne une société britannique en contrefaçon de son brevet et en concurrence déloyale.
Il fait alors réaliser un constat par un huissier de justice et produit un extrait du site archive.org, contenant la preuve qu’au 11 juin 2013 la partie adverse présentait sur son site un produit mettant en œuvre son brevet.
La Cour d’Appel de Paris mentionne dans son arrêt qu’ « il ne peut être dénié toute force probante [à cet extrait], à défaut de tout élément contraire de nature à jeter un doute sur sa fiabilité ».
La reconnaissance de la force probante des extraits du site Wayback Machine est donc une excellente nouvelle pour les titulaires de droits !
Avec cette décision, la Cour d’Appel de Paris s’aligne donc sur la position de l’EUIPO, l’OMPI (dans le cadre des procédures UDRP), l’OEB et de l’INPI qui a eu plusieurs fois l’occasion de statuer sur l’acceptation des extraits du site Wayback Machine, dans le cadre de demandes de preuves d’usage dans des procédures d’opposition, par la formule suivante « que toutefois, la preuve de l’exploitation de la marque étant libre, il n’y a pas lieu de refuser ces éléments ».
Nous nous réjouissons donc de cette décision, et ce d’autant plus qu’Internet Archive a récemment annoncé l’arrivée de nouvelles fonctionnalités très intéressantes sur la Wayback Machine [3]!
Marion Mercadier
Juriste
[1] CA PARIS, 4 octobre 2019, RG n°17/10064, non publié
[2] CA Paris, 5 juillet 2019, n°17/03974, non publié
[3] “The Wayback Machine: Fighting Digital Extinction in New Ways”, Internet Archive Blog, 18 octobre 2019
17
juin
2019
17 juin 2019 – Le jour « J » pour le droit des marques au Canada
Le Canada a modifié en profondeur sa législation sur le droit des marques. Cette modification entre en vigueur le 17 juin 2019. Parmi les changements importants, nous noterons l’adhésion au Protocole de Madrid, à l’Arrangement de Nice et au Traité de Singapour. Ces traités entrent également en vigueur à l’égard du Canada le 17 juin 2019.
Les modifications prévues par la nouvelle législation canadienne et l’adhésion à ces conventions internationales ont pour but de moderniser et de simplifier le droit des marques canadien. Nous présentons une liste non exhaustive des changements :
Adoption de la classification de Nice
La classification de Nice prévue dans l’Arrangement de Nice divise en 45 classes les produits et services pouvant être désignés dans le cadre d’un dépôt de marque. Les marques canadiennes devront maintenant être déposées en accord avec la classification. L’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) se basera sur cette dernière dans l’examen des marques, y compris celles déposées avant le 17 juin 2019 mais non encore enregistrées.
Changement dans le mode de calcul des taxes
Cette modification est une conséquence à l’adoption de la classification de Nice dans la mesure où les taxes de dépôt et d’enregistrement vont désormais dépendre du nombre de classes désignées.
La division d’une demande de marque
Cette modification a aussi été permise par l’adoption de la classification de Nice. En effet, le déposant aura la possibilité de diviser une marque en plusieurs marques selon les classes désignées. Cette possibilité permettra par exemple d’accélérer le processus d’enregistrement d’une marque pour une ou plusieurs classes pendant que l’enregistrement de la ou des autres classes resterait bloqué par une procédure d’opposition et/ou une lettre officielle.
La nouvelle durée d’une vie d’une marque canadienne
Toutes les marques enregistrées après le 17 juin 2019 le seront pour une durée de 10 ans au lieu de 15 ans. Pour les marques enregistrées antérieurement au 17 juin 2019, c’est lors du renouvellement que la durée de 10 ans sera appliquée.
Nouveaux types de marque
De nouveaux types de marque sont désormais acceptés au dépôt telles que les marques de couleur, les marques sonores ou les marques olfactives.
L’OPIC se réserve le droit d’examiner le caractère distinctif de ces marques. Ainsi, seules les premières décisions de l’Office nous permettront de savoir dans quelle mesure ces nouveaux types de marque seront acceptés au Canada.
Suppression des bases de dépôt pour les marques canadiennes
Toutes les marques admises à l’enregistrement à partir du 17 juin 2019 le seront sous réserve de la seule condition du paiement de la taxe finale d’enregistrement. Il n’aura plus à indiquer de base de dépôt telle que « l’intention d’usage » de la demande de marque sur le marché canadien, nécessitant ensuite le dépôt de preuves de l’usage effectif.
La possibilité du choix entre un dépôt national et un dépôt international
Le déposant d’une marque aura le choix entre un dépôt national ou la désignation du Canada dans le cadre d’une marque internationale.
Élargissement des possibilités de revendication de priorité
Désormais, un déposant d’une marque canadienne peut revendiquer la priorité de n’importe quelle marque antérieure même si elle n’a pas été déposée dans le pays d’origine du déposant.
14
décembre
2018
Le Tribunal de l’Union européenne dit OUI à TMview !
Justifier des marques antérieures dans une procédure d’opposition en demande devant l’EUIPO n’est pas toujours simple lorsque les copies des certificats d’enregistrement ne sont pas entre nos mains. La tentation d’avoir recours à des extraits de bases de données en ligne est forte de par la simplicité d’usage de ces outils. La plus aisée n’est autre que TMview qui est un outil offert par l’EUIPO.
Cependant, la question de la recevabilité des extraits TMview se pose régulièrement. Le TUE nous a enfin apporté une réponse claire, le 6 décembre 2018, dans une décision où il a notamment eu à se prononcer sur la recevabilité des extraits issus de TMview.
Rappel du contexte
La société VANS Inc. a procédé au dépôt, le 17 novembre 2011, d’une marque figurative de l’Union européenne pour son célèbre logo . Le 21 février 2012, la société Deichmann SE a formé opposition à l’encontre de cette demande de marque sur la base de parties européennes de plusieurs de ses marques internationales.
Pour justifier de ses marques antérieures, l’opposant a fourni des extraits de la base de données TMview. Le 21 octobre 2015, la division d’opposition de l’EUIPO a rejeté l’opposition au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les signes et que l’opposant n’avait pas justifié de l’existence de l’une de ses marques. L’opposant a logiquement formé un recours contre cette décision mais la chambre de recours de l’EUIPO l’a rejeté, sans même étudier le risque de confusion, au motif que la société Deichmann SE n’avait pas justifié de ses droits antérieurs selon les dispositions de la règle 19, paragraphe 2, du Règlement No. 2868/95 (devenue article 7, paragraphe 2, du règlement 2018/625) « au moyen de documents officiels qui proviennent de l’autorité compétente ayant procédé à l’enregistrement de la marque ».
Vous connaissez la suite ! Recours devant le TUE nous amenant à la décision du 6 décembre 2018.
Recevabilité des extraits de TMview
La société Deichmann SE soutient que les extraits de la base de données TMview sont conformes au Règlement car « les données […] proviennent des offices de marques participants, notamment l’OMPI, et que les extraits de cette base contiennent toutes les informations pertinentes pour démontrer la preuve de la protection d’un enregistrement international antérieur désignant l’Union européenne ».
Il est rappelé par le TUE que « la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du Règlement No. 2868/95 exclut la possibilité de produire des extraits d’une base de données donnant accès à des documents n’émanant pas de l’administration auprès de laquelle la demande de marque a été déposée ». Cela signifie que pour la partie européenne d’une marque internationale, un extrait provenant de « eSearch plus » n’est pas recevable car la base est gérée par l’EUIPO qui n’est pas l’administration auprès de laquelle la marque a été déposée (voir en ce sens l’arrêt Aldi Einkauf/OHMI – Alifoods (Alifoods), T‑240/13 du 26 novembre 2014).
A l’inverse, si la base de données TMview est un outil géré par l’EUIPO, les offices nationaux y participent, dont notamment l’OMPI, en donnant accès aux données des marques qui sont déposées auprès d’eux. Les informations sont donc fournies par les offices qui en sont responsables et qui les mettent à jour quotidiennement. L’extrait « TMview correspond à l’état du registre de l’autorité compétente au moment de la consultation de cette base par l’utilisateur ».
En conséquence, un extrait de TMview est un document équivalent à un certificat d’enregistrement et est recevable dans une procédure d’opposition devant l’EUIPO ! Il convient cependant que l’opposant fournisse un extrait qui contienne l’ensemble des informations utiles permettant d’assurer l’existence, la validité et l’étendue géographique de la marque antérieure.
Les Directives d’examen de l’EUIPO ne prévalent pas sur le Règlement
Dans le cadre des discussions, la société Deichmann SE s’est appuyée sur les directives d’examen de l’EUIPO qui disposent que « l’EUIPO accepte notamment, s’agissant des enregistrements internationaux, les extraits de la banque de données TMview, pour autant qu’ils contiennent les informations utiles ». Elle estimait donc être dans son bon droit en fournissant des extraits de TMview et que la chambre de recours ne pouvait pas aller à l’encontre de ces directives en rejetant son recours.
Le TUE rappelle que les décisions de la chambre de recours « relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire si bien que la légalité des décisions de ces mêmes chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base [du Règlement] ».
Les directives d’examen de l’EUIPO ne sont pas des actes juridiques contraignants pour interpréter le droit de l’Union Européenne (ce qui avait déjà été jugé dans l’arrêt Leno Merken du 19 décembre 2012 C-149/11).
Le TUE juge ainsi que les directives d’examen ne priment pas sur le Règlement mais, au contraire, que ce sont elles qui doivent être interprétées au regard du Règlement. Ces directives ne peuvent être invoquées pour justifier que la chambre de recours a violé le Règlement.
La reconnaissance « officielle » par le TUE de la recevabilité des extraits issus de TMview est une bonne nouvelle car elle permet de conforter la pratique de l’EUIPO et de rassurer les opposants. Le doute d’un rejet de la justification de ses droits antérieurs par le biais de TMview n’est plus qu’un souvenir !
Lire la décision T-848/16 du 6 décembre 2018 ici