Le Tribunal de l’Union européenne dit OUI à TMview !

Justifier des marques antérieures dans une procédure d’opposition en demande devant l’EUIPO n’est pas toujours simple lorsque les copies des certificats d’enregistrement ne sont pas entre nos mains. La tentation d’avoir recours à des extraits de bases de données en ligne est forte de par la simplicité d’usage de ces outils. La plus aisée n’est autre que TMview qui est un outil offert par l’EUIPO.

Cependant, la question de la recevabilité des extraits TMview se pose régulièrement. Le TUE nous a enfin apporté une réponse claire, le 6 décembre 2018, dans une décision où il a notamment eu à se prononcer sur la recevabilité des extraits issus de TMview.

Rappel du contexte

La société VANS Inc. a procédé au dépôt, le 17 novembre 2011, d’une marque figurative de l’Union européenne pour son célèbre logo . Le 21 février 2012, la société Deichmann SE a formé opposition à l’encontre de cette demande de marque sur la base de parties européennes de plusieurs de ses marques internationales.

Pour justifier de ses marques antérieures, l’opposant a fourni des extraits de la base de données TMview. Le 21 octobre 2015, la division d’opposition de l’EUIPO a rejeté l’opposition au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les signes et que l’opposant n’avait pas justifié de l’existence de l’une de ses marques. L’opposant a logiquement formé un recours contre cette décision mais la chambre de recours de l’EUIPO l’a rejeté, sans même étudier le risque de confusion, au motif que la société Deichmann SE n’avait pas justifié de ses droits antérieurs selon les dispositions de la règle 19, paragraphe 2, du Règlement No. 2868/95 (devenue article 7, paragraphe 2, du règlement 2018/625) « au moyen de documents officiels qui proviennent de l’autorité compétente ayant procédé à l’enregistrement de la marque ».

Vous connaissez la suite ! Recours devant le TUE nous amenant à la décision du 6 décembre 2018.

Recevabilité des extraits de TMview

La société Deichmann SE soutient que les extraits de la base de données TMview sont conformes au Règlement car « les données [proviennent des offices de marques participants, notamment l’OMPI, et que les extraits de cette base contiennent toutes les informations pertinentes pour démontrer la preuve de la protection d’un enregistrement international antérieur désignant l’Union européenne ».

Il est rappelé par le TUE que « la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du Règlement No. 2868/95 exclut la possibilité de produire des extraits d’une base de données donnant accès à des documents n’émanant pas de l’administration auprès de laquelle la demande de marque a été déposée ». Cela signifie que pour la partie européenne d’une marque internationale, un extrait provenant de « eSearch plus » n’est pas recevable car la base est gérée par l’EUIPO qui n’est pas l’administration auprès de laquelle la marque a été déposée (voir en ce sens l’arrêt Aldi Einkauf/OHMI – Alifoods (Alifoods), T‑240/13 du 26 novembre 2014).

A l’inverse, si la base de données TMview est un outil géré par l’EUIPO, les offices nationaux y participent, dont notamment l’OMPI, en donnant accès aux données des marques qui sont déposées auprès d’eux. Les informations sont donc fournies par les offices qui en sont responsables et qui les mettent à jour quotidiennement. L’extrait « TMview correspond à l’état du registre de l’autorité compétente au moment de la consultation de cette base par l’utilisateur ».

En conséquence, un extrait de TMview est un document équivalent à un certificat d’enregistrement et est recevable dans une procédure d’opposition devant l’EUIPO ! Il convient cependant que l’opposant fournisse un extrait qui contienne l’ensemble des informations utiles permettant d’assurer l’existence, la validité et l’étendue géographique de la marque antérieure.

Les Directives d’examen de l’EUIPO ne prévalent pas sur le Règlement

Dans le cadre des discussions, la société Deichmann SE s’est appuyée sur les directives d’examen de l’EUIPO qui disposent que « l’EUIPO accepte notamment, s’agissant des enregistrements internationaux, les extraits de la banque de données TMview, pour autant qu’ils contiennent les informations utiles ». Elle estimait donc être dans son bon droit en fournissant des extraits de TMview et que la chambre de recours ne pouvait pas aller à l’encontre de ces directives en rejetant son recours.

Le TUE rappelle que les décisions de la chambre de recours « relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire si bien que la légalité des décisions de ces mêmes chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base [du Règlement] ».

Les directives d’examen de l’EUIPO ne sont pas des actes juridiques contraignants pour interpréter le droit de l’Union Européenne (ce qui avait déjà été jugé dans l’arrêt Leno Merken du 19 décembre 2012 C-149/11).

Le TUE juge ainsi que les directives d’examen ne priment pas sur le Règlement mais, au contraire, que ce sont elles qui doivent être interprétées au regard du Règlement. Ces directives ne peuvent être invoquées pour justifier que la chambre de recours a violé le Règlement.

La reconnaissance « officielle » par le TUE de la recevabilité des extraits issus de TMview est une bonne nouvelle car elle permet de conforter la pratique de l’EUIPO et de rassurer les opposants. Le doute d’un rejet de la justification de ses droits antérieurs par le biais de TMview n’est plus qu’un souvenir !

 

Lire la décision T-848/16 du 6 décembre 2018 ici