25
janvier
2024
Dopage et RGPD : L’avocate générale de la CJUE arbitre en faveur de la divulgation des données à caractère personnel des sportifs
L’avocate générale de la CJUE a estimé qu’une autorité nationale antidopage peut légitimement publier sur Internet les données personnelles d’un athlète professionnel sans contrevenir au RGPD.
L’affaire concerne une coureuse de demi-fond autrichienne reconnue coupable de violations des règles antidopage en Autriche.
La Commission autrichienne de lutte contre le dopage a sanctionné la sportive en annulant tous ses résultats pendant la période incriminée, en révoquant ses droits de participation et primes potentiels, et en la suspendant de toute compétition sportive pendant quatre ans.
L’Agence indépendante de lutte contre le dopage autrichienne a ensuite publié les détails de cette sanction sur son site internet accessible au public, incluant le nom de la sportive, les violations des règles antidopage et la durée de sa suspension.
Lorsque la sportive a contesté cette publication devant la commission d’arbitrage, la question de la compatibilité de cette divulgation avec le respect du Règlement général sur la protection des données (RGPD) a été soulevée.
La commission d’arbitrage a donc saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle à ce sujet.
Dans ses conclusions, l’avocate générale considère que le RGPD ne s’applique pas, dans la mesure où les règles antidopage relèvent plus de la sphère sociale et éducative du sport que de ses aspects économiques. A l’heure actuelle, il n’existe pas de dispositions européennes spécifiques concernant les politiques antidopage mises en place par les États membres. Ainsi, en l’absence de tout lien, même indirect, entre les politiques de lutte contre le dopage et le droit de l’Union, le RGPD n’est pas applicable à ces activités de traitement de données.
Si, toutefois, le RGPD était considéré comme applicable, l’avocate générale considère que la divulgation publique des sanctions est justifiée par l’objectif de prévention et d’information des acteurs concernés. En outre, elle estime que la publication en ligne constituait le seul moyen efficace pour répondre à l’obligation de divulgation généralisée imposée par la loi autrichienne.
Cette situation met en lumière les dilemmes inhérents à la recherche d’un juste équilibre entre la rigueur propre aux règlementations antidopage et le respect des dispositions relatives aux données à caractère personnel.
La Cour de justice de l’Union européenne doit désormais se prononcer et déterminer comment équilibrer ces enjeux.
Delphine Monfront
Avocate à la Cour
25
janvier
2024
« RACIN PIGEON OLIMPIAD » hors du podium : la médaille d’or revient au Comité Olympique et à sa marque de renommée
Si les emblèmes olympiques font l’objet d’une protection et défense accrue (voir notre article sur les anneaux olympiques), les termes eux-mêmes ne sont pas en reste, comme l’illustre la présente affaire opposant la marque OLYMPIC à la marque RACING PIGEON OLIMPIAD.
Dans cette affaire, une société roumaine avait obtenu l’enregistrement de la marque de l’Union européenne figurative RACING PIGEON OLIMPIAD. Le Comité international olympique a alors déposé une demande en nullité, arguant une atteinte à la renommée de ses marques antérieures, notamment la marque OLYMPIC.
L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), après avoir vérifié la recevabilité des marques invoquées, va se pencher sur les trois éléments clés pour évaluer l’atteinte : la renommée de la marque antérieure, la similitude des signes et le préjudice qui découle de l’usage de la marque contestée.
Sans grande surprise, l’EUIPO conclut à la renommée de la marque OLYMPIC !
La requérante, au moyen de nombreuses preuves a fait valoir que sa marque antérieure OLYMPIC était « l’une des marques plus connues dans le monde du sport et du divertissement » jouissant « d’un prestige exceptionnel et d’une renommée exceptionnelle ».
L’EUIPO considère que les arguments et pièces apportés au débat démontrent la renommée de la marque : selon la Division, la marque OLYMPIC occupe une place majeure au sein de l’Union Européenne depuis une période suffisante et fait l’objet d’une couverture médiatique importante.
Si la similarité entre les signes reste faible, le lien mental persiste, causant un préjudice au Comité international olympique.
La Division d’annulation procède à une évaluation de la similitude entre la marque antérieure OLYMPIC et la marque contestée RACING PIGEON OLIMPIAD.
Elle analyse en détail les éléments verbaux et figuratifs des deux marques. La Division rappelle que l’élément verbal a généralement un impact plus fort sur le consommateur que l’élément figuratif, et insiste sur le fait que le seul terme de la marque antérieure OLYMPIC est similaire à l’élément le plus distinctif et dominant de la marque contestée, OLIMPIAD. Il découle de ces constatations de faibles similitudes d’ensemble entre les marques en cause.
Finalement, la (faible) similitude entre les marques est renforcée par la démonstration d’un lien mental entre les signes, entraînant un risque de préjudice pour le Comité olympique international.
En effet, l’EUIPO explique qu’il existe un risque de transfert d’image associé à la marque du demandeur, vers les produits et services contestés, laissant entrevoir une exploitation indue de la renommée et de l’excellence de la marque antérieure.
Cette affaire met en lumière les défis juridiques entourant les marques liées aux Jeux Olympiques : les jeux ne sont pas toujours Olympistes !
Juliette Danjean
Stagiaire – Pôle CPI
Baptiste Kuentzmann
Conseil en Propriété Industrielle
25
janvier
2024
Imitation des anneaux olympiques, le cœur de l’EUIPO ne balance pas
Paris se prépare à accueillir les Jeux Olympiques en 2024, l’occasion pour TAoMA Partners de revenir sur la protection et la défense des anneaux olympiques.
I) Les emblèmes olympiques : une protection encadrée…
Conçu par le baron Pierre de Coubertin en 1913, le symbole olympique est composé de cinq anneaux entrelacés de dimensions égales, employés seuls, en une ou cinq couleurs. Lorsque la version en cinq couleurs est utilisée, les couleurs sont, de gauche à droite, le bleu, le jaune, le noir, le vert et le rouge. Le symbole olympique représente l’union des cinq continents et la rencontre des athlètes du monde entier.
La protection des emblèmes olympiques a une longue histoire, marquée notamment par le Traité de Nairobi adopté le 26 septembre 1981. Ce traité, supervisé par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), vise à protéger les anneaux olympiques contre toute utilisation commerciale sans autorisation du Comité international olympique.
Par ailleurs, à l’échelle de l’Union Européenne, l’article 7, paragraphe 1, sous i, du RMUE dispose que : « sont refusé [e]s à l’enregistrement : […] les marques qui comportent des badges, emblèmes ou écussons autres que ceux visés par l’article 6ter de la Convention de Paris et présentant un intérêt public particulier, à moins que leur enregistrement ait été autorisé par l’autorité compétente ». Les emblèmes olympiques font donc l’objet d’une protection particulière sur le territoire de l’Union Européenne puisqu’ils intègrent la catégorie des emblèmes qui présentent « un intérêt public particulier ».
L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), ainsi que les Offices Nationaux, doivent donc exercer un examen minutieux des signes pouvant porter atteinte aux emblèmes olympiques et, le cas échéant, les refuser à l’enregistrement.
Le Comité international olympique, ainsi que les comités nationaux, gardent toutefois la possibilité de s’opposer à l’enregistrement d’une marque qui serait susceptible de reproduire ou d’imiter les emblèmes olympiques, comme les anneaux olympiques.
En effet, le Comité international olympique est titulaire de plusieurs marques enregistrées pour divers produits et services, notamment au niveau de l’Union Européenne, dont la marque No. 002970366. A l’échelle nationale, le comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024 est titulaire des marques propres à l’évènement à venir, dont la marque française No. 4693482.
Si les emblèmes olympiques font l’objet d’une solide protection à l’échelle nationale comme internationale, l’affaire qui suit illustre néanmoins certaines limites notamment au regard des signes en cause.
II) … ou presque
Le 26 octobre 2021, le Comité international olympique a formé une opposition contre une marque semi-figurative européenne déposée par la société chinoise Shanghai Qinke Electronic Commerce Co. Ltd. Il revendiquait l’antériorité de ses trois marques, et la renommée de ces dernières. L’EUIPO, dans cette affaire, devait donc évaluer s’il existait un risque de confusion entre les signes en cause.
La division d’opposition a d’abord précisé que les éléments verbaux de la marque antérieure étaient distinctifs car la combinaison « Link heats by love » peut-être comprise, au moins par la partie anglophone du public, comme « une relation chauffée par l’amour ». Même si tous les mots composant le slogan sont compris par la partie anglophone du public, la combinaison en tant que telle n’a pas de sens clair ou de sens intelligible. Il n’est pas exclu que cette combinaison soit perçue comme une orthographe erronée de « link hearts by love » (lier les cœurs par amour) en raison de l’élément figuratif reproduisant cinq cœurs. En tout état de cause, en l’absence de lien direct avec les produits et services concernés, la combinaison en tant que telle est distinctive.
De plus, la combinaison de cœurs n’a pas de lien direct avec les produits et services pertinents (9, 14, 18, 25, 35) et est donc distinctive.
Sur l’analyse des signes, et plus précisément sur le plan visuel, les marques antérieures, composées de cercles colorés ou noirs, sont distinctes de la marque contestée, qui utilise des formes de cœur en nuances de gris/noir.
La division d’opposition affirme que les signes ne coïncident que dans la mesure où ils représentent tous deux une combinaison de cinq éléments figuratifs placés dans la même position.
Les cœurs du signe contesté seront immédiatement perçus comme des cœurs et non comme des formes arrondies. De plus, les couleurs/nuances des signes sont différentes.
En outre, la marque contestée contient des éléments verbaux supplémentaires qui ne sont pas présents dans les marques antérieures.
Phonétiquement et conceptuellement, les marques sont également jugées différentes. Les marques antérieures seront liées au concept de cinq cercles et le signe contesté renvoie au concept des cinq cœurs. Les consommateurs ne percevront pas l’entrelacement de cinq formes dans l’abstrait comme un concept à part entière.
Aussi, l’EUIPO juge que les signes en cause sont différents et, partant, ne peuvent donner lieu à un risque de confusion.
Par ailleurs, l’EUIPO rejette le fondement de la marque renommée, estimant que les conditions cumulatives pour bénéficier de cette protection ne sont pas remplies, en l’espèce, il n’y avait pas de similarité entre les signes.
En conclusion, cercle ou pas cercle, ne tournons plus en rond : Il s’agit d’un cœur !
Emeline JET
Juriste
Delphine Monfront
Avocate à la Cour
Baptiste Kuentzmann
Conseil en Propriété Industrielle