27
octobre
2023
Les mineurs et leur image : une problématique de plus en plus mise en lumière !
Insufflés par Bruno Studer, Eric Poulliat et Aurore Bergé, une proposition de loi avait été déposée à l’Assemblée nationale le 19 janvier 2023 concernant le respect du droit à l’image des mineurs.
1. Pourquoi faire cette loi ?
Venue renforcer la protection de l’image des mineurs dans l’ère numérique en constante évolution, cette nouvelle loi veut modifier les règles du code civil concernant l’autorité parentale, afin d’y intégrer le respect de la vie privée et le droit à l’image. L’idée est d’alerter et de sensibiliser les parents sur leurs obligations.
La technologie moderne et l’ubiquité des réseaux sociaux ont créé de nouveaux défis de matière de protection de la vie privée, en particulier pour les mineurs dont les parents partagent de plus en plus leur image en ligne.
2. Quelles sont les principaux apports de cette loi ?
• Insérer dans la définition de l’autorité parentale la notion de vie privée au titre de l’article 371-1 du code civil ;
• Indiquer que « Les parents protègent en commun le droit à l’image de leur enfant mineur » et que « Les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité », comme l’exige la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 ;
• Permettre au juge aux affaires familiales d’interdire à un parent de publier ou diffuser toute image de son enfant sans l’accord de l’autre parent ;
• Créer une délégation partielle forcée de l’autorité parentale en cas de diffusion de l’image de l’enfant portant gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale ;
• Permettre à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) de saisir la justice pour demander toute mesure de sauvegarde des droits de l’enfant en cas de non-exécution ou d’absence de réponse à une demande d’effacement de données personnelles prévu à l’article 51 de la loi « Informatique et libertés ».
3. Quelles sont les prochaines étapes ?
Le texte a été adopté le mardi 10 octobre 2023 par l’Assemblée nationale, il est dorénavant transmis pour une nouvelle lecture au Sénat !
Restons attentifs !
11
juillet
2022
Web sex and lex : la pratique du caming n’est pas de la prostitution
Author:
TAoMA
Le web offre des ressources infinies pour l’industrie du X.
Au grand dam des défenseurs des bonnes mœurs ou de la protection des mineurs et des personnes contre la prostitution, il est une pratique qui n’est pas sanctionnée pénalement… celle du caming.
Le caming, consiste à se filmer sur Internet en accomplissant des pratiques sexuelles contre rémunération. Mais même si ces pratiques peuvent aller loin, il n’y a pas de contact physique, et c’est cela qui va faire la différence pour la Chambre Criminelle de la Cour de cassation.
Depuis 2010, la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC) se bat pour faire qualifier le caming de prostitution afin de faire interdire sa diffusion, et, dans ce cadre, a poursuivi les éditeurs du site Internet eurolive.com, qui diffuse des videos de caming, pour proxénétisme aggravé.
Le Code pénal définit le proxénétisme comme le fait d’aider ou d’assister la prostitution d’autrui, protéger cette activité, convaincre une personne de s’y livrer, en tirer profit ou en faciliter l’exercice (articles 225-5 et 225-6 du Code pénal).
Mais depuis 1996 la Chambre criminelle a restreint cette notion à la définition suivante « se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui » (Crim., 27 mars 1996, pourvoi n° 95-8.016, Bull. crim. 1996 n° 138).
Dans un arrêt du 18 mai 2022, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé d’élargir la notion de prostitution à des actes ne nécessitant pas de contacts physiques en invoquant le principe fondamental du droit pénal :« Nullum crimen, nulla poena sine lege », selon lequel il ne saurait y avoir de crimes, de délits et de contraventions sans une définition dans un texte fixant leurs éléments constitutifs et la peine applicable. Il résulte aussi de ce principe que les textes de droit pénal doivent être interprétés de manière stricte et non extensive.
La Haute Juridiction a aussi rappelé que le législateur n’a pas entendu étendre la qualification pénale de prostitution notamment à l’occasion des récentes lois pénalisant des comportements de nature sexuelle, à savoir la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, et la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste. A ce propos, la Cour souligne que le législateur n’a pas employé le terme de « prostitution » pour caractériser des activités consistant en la diffusion ou la transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique d’un mineur (Article L. 227-23-1 du Code pénal, créé par la loi du 21 avril 2021).
Le caming n’étant pas assimilé à de la prostitution, les éditeurs de site diffusant les videos de camboys ou camgirls ne peuvent pas être taxés de proxénétisme.
Delphine Monfront
Juriste
Anne Messas
Avocate à la cour
Associée
11
juillet
2022
Un gâteau au dentifrice qui ne passe pas pour la cour suprême espagnole
Author:
TAoMA
C’est une sanction inédite dans le monde de l’influence, un Youtubeur est interdit par la Cour suprême espagnole d’utiliser YouTube pour une durée de 5 ans à la suite d’une condamnation.
En 2017, à la suite d’un défi lancé par ses fans, le Youtubeur espagnol ReSet, célèbre pour ses canulars, a diffusé une vidéo dans laquelle il piège un sans-abri en lui offrant des biscuits contenant du dentifrice. L’homme victime de la plaisanterie avait souffert de maux d’estomacs et de vomissements après avoir ingéré lesdits biscuits.
A l’époque suivi par plus d’1,2 millions de personnes, cette blague de mauvais goût eut un grand retentissement médiatique et avait permis à son auteur de rapporter plus de 2 000 euros grâce à la publicité.
L’affaire a bien entendu été portée devant le Tribunal de Barcelone qui, par un jugement du 29 mai 2019, a condamné le jeune homme de 19 ans à une peine d’emprisonnement de 15 mois et 20 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à l’intégrité morale du sans-abri et notamment traitement dégradant.
Le juge de première instance a également prononcé une sanction accessoire inédite sur le fondement de l’article 48 du Code pénal espagnol qui prévoit l’interdiction de revenir sur les lieux du délit. En effet, le Tribunal a interdit le prévenu d’utiliser YouTube pendant 5 ans considérant la plateforme comme lieu de commission du délit. Cette injonction comprend notamment la fermeture de la chaîne et l’interdiction de créer une nouvelle chaîne au cours de cette période.
Le Youtubeur a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal provincial de Barcelone qui, par une décision rendue le 21 octobre 2019, a partiellement infirmé le jugement de première instance en estimant que le délit avait au contraire été commis sur la voie publique, au moment où ReSet avait offert les biscuits piégés.
Le ministère public a d’emblée formé un pourvoi en cassation devant la chambre criminelle de la Cour suprême espagnole qui a confirmé le jugement du Tribunal de Barcelone par un arrêt du 2 juin 2022 en considérant que les réseaux sociaux peuvent être considérés comme lieu de commission d’un délit (Chambre criminelle, Cour suprême espagnole, 2 juin 2022, aff. n°547/2022).
Les juges estiment en outre que la privation du droit d’accéder à la plateforme n’entraîne pas une atteinte disproportionnée aux facultés du prévenu.
Cette sanction sévère et dissuasive aura probablement des répercussions chez les créateurs de contenus qui devront à l’avenir faire preuve de plus de vigilance afin de ne pas risquer de se voir infliger de lourdes peines.
Il ne nous reste ainsi plus qu’à observer l’évolution jurisprudentielle française, afin de savoir si nos juridictions pourraient elles aussi interdire l’utilisation des réseaux sociaux pour une durée déterminée en cas d’infraction pénale.
Margaux Maarek
Juriste
Sources :
Chambre criminelle, Cour suprême espagnole, 2 juin 2022, aff. n°547/2022 ;
04
février
2021
Affaire Aya Nakamura : revers pour le styliste qui l’accusait de parasitisme
Author:
teamtaomanews
Un styliste explique avoir envoyé un moodboard (planche de tendances) comportant plusieurs styles vestimentaires à la chanteuse Aya Nakamura puis avoir réalisé avec elle une séance de photographies dans l’environnement esthétique et vestimentaire qu’il proposait. Or, à la sortie du clip de l’artiste illustrant le morceau « POOKIE », il a découvert que plusieurs tenues vestimentaires qu’elle arborait correspondaient aux styles qu’il lui avait proposés . Après une demande d’indemnisation infructueuse de 50.000 euros à la maison de production, il a décidé d’assigner la chanteuse pour des actes de parasitisme sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
Pour rappel, le parasitisme résulte d’agissements visant à s’approprier de façon injustifiée et sans contrepartie une valeur économique résultant d’un savoir-faire, de travaux ou d’investissements. Ainsi, il suppose la caractérisation d’une faute génératrice d’un préjudice.
Ce dernier point suffit à écarter la qualification de fait parasitaire dans ce litige. En effet, le juge constate que, si les tenues et postures proposées dans le moodboard ainsi que pour la séance photographique et pour le clip sont bien inspirées d’un univers commun, elles présentent de nettes différences (robe blanche fine décolletée versus combinaison épaisse boutonnée avec une lavallière de couleur blanc argenté / haut en fourrure rouge et orange versus vêtements rouges en cuir verni, etc.). Or le seul fait d’utiliser des tenues d’un style similaire de celui proposé par le demandeur ne suffit pas à établir une reprise constitutive d’une faute, d’autant qu’il n’a pas établi les conditions dans lesquelles il avait transmis son moodboard et organisé la séance de shooting. Aussi, rien ne permet de prouver qu’il n’a pas reçu de contrepartie pour son travail.
Par ailleurs, la juridiction a eu à se prononcer sur la demande de la célèbre chanteuse-compositrice qui reprochait notamment au styliste d’avoir exposé publiquement les différentes étapes de la procédure, notamment dans des posts sur les réseaux sociaux qui ont été largement relayés et repris par plusieurs journaux, ce qui lui aurait causé un préjudice.
Le tribunal estime que « cette publicité donnée sans justification par le demandeur à ses accusations à l’encontre de la défenderesse, procédant d’une intention manifeste de nuire, a nécessairement porté préjudice à la défenderesse en termes d’image et de réputation ».
Le tribunal relève ainsi le caractère fautif des accusations et de la publicité effectuée par le styliste dans l’affaire. Dans la mesure où cette faute a causé un préjudice moral à la chanteuse, particulièrement en termes de réputation et d’image, il est condamné à 5.000 euros de dommages-intérêts.
Sur le même thème : https://taoma-partners.fr/blog/2019/04/01/divulguer-cest-denigrer/
Thibault FELIX
Stagiaire Pôle Avocat
Anita DELAAGE
Avocate
Référence et date : Tribunal judiciaire de Paris, 15 janvier 2021, n° 19/07796
Décision non publiée, communiquée sur demande à contact-avocat@taoma-partners.fr