Web sex and lex : la pratique du caming n’est pas de la prostitution

Le web offre des ressources infinies pour l’industrie du X.
Au grand dam des défenseurs des bonnes mœurs ou de la protection des mineurs et des personnes contre la prostitution, il est une pratique qui n’est pas sanctionnée pénalement… celle du caming.

Le caming, consiste à se filmer sur Internet en accomplissant des pratiques sexuelles contre rémunération. Mais même si ces pratiques peuvent aller loin, il n’y a pas de contact physique, et c’est cela qui va faire la différence pour la Chambre Criminelle de la Cour de cassation.

Depuis 2010, la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC) se bat pour faire qualifier le caming de prostitution afin de faire interdire sa diffusion, et, dans ce cadre, a poursuivi les éditeurs du site Internet eurolive.com, qui diffuse des videos de caming, pour proxénétisme aggravé.

Le Code pénal définit le proxénétisme comme le fait d’aider ou d’assister la prostitution d’autrui, protéger cette activité, convaincre une personne de s’y livrer, en tirer profit ou en faciliter l’exercice (articles 225-5 et 225-6 du Code pénal).

Mais depuis 1996 la Chambre criminelle a restreint cette notion à la définition suivante « se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui » (Crim., 27 mars 1996, pourvoi n° 95-8.016, Bull. crim. 1996 n° 138).

Dans un arrêt du 18 mai 2022, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé d’élargir la notion de prostitution à des actes ne nécessitant pas de contacts physiques en invoquant le principe fondamental du droit pénal :« Nullum crimen, nulla poena sine lege », selon lequel il ne saurait y avoir de crimes, de délits et de contraventions sans une définition dans un texte fixant leurs éléments constitutifs et la peine applicable. Il résulte aussi de ce principe que les textes de droit pénal doivent être interprétés de manière stricte et non extensive.

La Haute Juridiction a aussi rappelé que le législateur n’a pas entendu étendre la qualification pénale de prostitution notamment à l’occasion des récentes lois pénalisant des comportements de nature sexuelle, à savoir la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, et la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste. A ce propos, la Cour souligne que le législateur n’a pas employé le terme de « prostitution » pour caractériser des activités consistant en la diffusion ou la transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique d’un mineur (Article L. 227-23-1 du Code pénal, créé par la loi du 21 avril 2021).

Le caming n’étant pas assimilé à de la prostitution, les éditeurs de site diffusant les videos de camboys ou camgirls ne peuvent pas être taxés de proxénétisme.

Delphine Monfront
Juriste

Anne Messas
Avocate à la cour
Associée