Coup de pression pour la société kronenbourg

La règlementation applicable à la publicité en faveur de boissons alcoolisées donne lieu à une jurisprudence très abondante. Dans un arrêt du 21 avril 2022, la Cour de cassation vient rappeler un principe important : les opérations de parrainage concernant des boissons alcoolisées ne sont pas de facto illicites. Ainsi, la seule mention d’une marque d’alcools sur du matériel publicitaire n’est pas présumée comme illicite, il revient au demandeur agissant sur ce fondement de démontrer en quoi l’opération a pour effet la propagande ou la publicité directe ou indirect des boissons alcoolisées.

Comme chaque année depuis sa création en 2003, le Festival Rock en Seine a été organisé en août 2014 par l’association Plus de sons dans le domaine national de Saint-Cloud. Le partenaire désigné par le Festival pour cette édition 2014 fut la société Kronenbourg, également fournisseur exclusif de bières de cette manifestation. Dans le cadre de ce partenariat, le Festival s’est doté d’une scène supplémentaire baptisée Pression live destinée à accueillir des concerts, appellation de la marque déposée par la société Kronenbourg.

Considérant que par ce partenariat, la société Kronenbourg se livrait à des actes de publicité illicite du fait de l’affichage de sa marque sur le festival, et à des actes de parrainage illicite par le biais de la scène Pression Live, l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) a assigné le brasseur afin de voir ordonner le retrait de toute référence à la société Kronenbourg et à sa marque Pression Live sur le site internet du festival, et afin de le voir condamné à des dommages et intérêts.

Rappelons ici que la publicité en faveur des boissons alcooliques est strictement encadrée par la loi du 10 janvier 1991 dite loi EVIN. Outre les dispositions définissant les modalités de publicité de boissons alcoolisées, cette loi interdit également toute opération de parrainage « lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcoolisées »1

Dans ce cadre, la Cour d’appel de Paris2 dans une décision du 3 décembre 2020 est venue réformer l’ordonnance de première instance et a condamné la société Kronenbourg à payer à l’ANPAA la somme de 15 000 € au titre des dommages et intérêts en raison de la violation des dispositions de la loi Evin sur le fondement de la publicité illicite. En revanche, la Cour d’appel a débouté l’association sur le fondement du parrainage illicite. Un pourvoi est alors formé par l’association, amenant la Cour de cassation à se prononcer sur la caractérisation du parrainage illicite en matière de boissons alcoolisées dans le cadre d’un évènement culturel.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 21 avril 2022, donne raison aux juges du fond, considérant que le parrainage ne peut être considéré comme illicite qu’à la condition que l’association, supportant la charge de la preuve, établisse que ledit parrainage avait pour effet ou pour objet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques.

Elle en conclut ainsi que, conformément à son pouvoir d’appréciation des éléments de fait et de preuve, la Cour d’appel a justement estimé que la présence du logo institutionnel de la société ou de sa dénomination sur le programme et le plan du festival, sur un bandeau de couverture ne pouvait pas constituer une publicité directe ou indirecte en faveur des produits alcooliques. De plus, l’ANPAA n’alléguait pas d’un financement du matériel publicitaire de la scène Pression Live par la société. Enfin, si, en quatrième de couverture du même programme, figurait une publicité en faveur d’une boisson alcoolique du brasseur en cause et si celui-ci avait bénéficié d’une publicité indirecte par ses enseignes Kronenbourg et Pression Live, l’ANPAA n’établissait pas que cet encart et cette publicité seraient la contrepartie du parrainage.

Dans ces conditions, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’association de lutte contre les addictions.

Plus de mousse que de mal pour la société Kronenbourg !

Nathan Audinet
Stagiaire – Pôle Avocat

Anne Laporte
Avocat à la cour

1 Article L 3323-2 du Code de la santé publique.
2 Cour d’appel de Paris Pôle 2, Chambre 2, 3 décembre 2020, n°17/14366