Publicité et boissons alcooliques : carton rouge pour le producteur de la bière Budweiser

L’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie est une association, reconnue d’utilité publique, engagée dans la prévention contre l’alcoolisme et les addictions, s’inscrivant dans la politique globale de santé publique de l’État. Pendant la coupe du monde de football 2022, cette association a assigné la société AB Inbev France, commercialisant les bières de la marque Budweiser en France, devant le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Paris le 8 décembre 2022. Elle estime en effet que certaines publicités de Budweiser portaient atteinte aux dispositions de la loi Évin !

L’association reprochait à AB Inbev France un trouble manifestement illicite lié à l’utilisation de la marque « Buuuuud » dans ses publicités, ainsi qu’à l’utilisation publicitaire de la marque « King of Beers », notamment déployée sur une banderole publicitaire à la gare du Nord.

Le juge des référés avait répondu favorablement aux demandes de l’association, par une ordonnance enjoignant à la société AB Inbev France de cesser ces publicités illicites1. La société AB Inbev France a interjeté appel de cette décision.

La Cour d’appel va rendre sa décision2 en se fondant sur l’article L. 3323-4 du code de la santé publique encadrant la publicité pour les boissons alcooliques.

Un lien évident entre la marque « Buuuuud » et la Coupe du monde de Football 2022

Malgré l’affirmation de la société AB Inbev France, précisant que l’usage publicitaire de la marque « Buuuuud » n’était aucunement lié à la Coupe du Monde de Football 2022 (bien qu’elle fût partenaire officiel de cet événement), la Cour d’appel a confirmé l’ordonnance du juge des référés.

Elle a souligné que la proximité de la date de dépôt de la marque avec le début de la compétition, ainsi que la référence à la locution « Buuuuut » fréquemment utilisée par les commentateurs sportifs démontrait la proximité de l’utilisation de la marque avec le football et plus particulièrement avec la Coupe du monde de football.

Si la société AB Inbev France tente de se défendre en mentionnant qu’il s’agit d’une marque enregistrée mais le juge des référés, tout comme la Cour d’appel, considèrent que ce moyen est inopérant !

En effet, les juges d’appel rappellent que « l’enregistrement d’une marque n’autorise pas par lui-même son utilisation publicitaire, laquelle doit se faire dans le respect des dispositions du code de la santé publique ».

« King of Beers », une manifestation d’autosatisfaction incitant à une consommation excessive d’alcool

Sur l’utilisation de la marque « King of Beers », la décision de la Cour d’appel est semblable.

En dépit de l’argumentation avancée par la société AB Inbev France, justifiant l’utilisation d’une telle marque par le fait que la bière Bud est la plus consommée au monde, la Cour d’appel a néanmoins confirmé l’ordonnance rendue en référé. En effet, la Cour d’appel souligne que la mention « King » s’apparente à une « manifestation d’autosatisfaction », ne se rattachant donc pas aux éléments autorisés par l’article L. 3323-4 du code de la santé publique.

Ainsi, la Cour d’appel maintient la position du juge des référés estimant que cette marque engendrait un trouble manifestement illicite en associant la boisson alcoolique à la monarchie, sous-entendant le pouvoir, et suggérant une incitation à la consommation d’alcool.

Ainsi, la Cour d’appel, sans grande surprise, confirme l’interdiction de ces publicités. Cette décision s’inscrit dans les rares rendues au regard de la loi Evin, mais conserve cette même mouvance dure à l’encontre de la publicité qui serait trop attrayante pour de l’alcool.

Boire ou faire du foot, il faut choisir ! Nous connaissons déjà le choix de la Cour d’appel.

Juliette Danjean
Stagiaire – Pôle Avocat

Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle – Associé

Note de référence
(1) Tribunal judiciaire de Paris, 8 décembre 2022, N° 22/20719;22/58585
(2) Cour d’appel de Paris, Pôle 1 chambre 3, 24 octobre 2023, n° 22/20719