14
mars
2023
Pas belle la vie pour l’exécuteur testamentaire de Jean Ferrat
Author:
TAoMA
La Cour de cassation est récemment venue clore un litige de longue date opposant l’exécuteur testamentaire de Jean Ferrat et l’éditeur d’un ouvrage biographique consacré au chanteur.
Dans cette affaire, l’exécuteur testamentaire de Jean Ferrat reprochait notamment à l’éditeur de reproduire plus de 130 extraits des chansons de l’artiste.
Une telle exploitation de l’œuvre du chanteur constituait selon le demandeur une contrefaçon de droits d’auteur ainsi qu’une atteinte à l’intégrité de l’œuvre musicale.
Le demandeur est débouté de l’intégralité de ses demandes par une décision de la Cour d’appel de Paris, confirmée par la Cour de cassation dans une décision du 8 février 20231.
En effet, cette dernière considérant que :
L’exception de courte citation doit être appliquée. Chacune des citations reproduites dans l’ouvrage servant l’analyse critique de l’œuvre de Jean Ferrat permettant au lecteur d’en comprendre le sens et l’engagement de l’artiste. Ces citations ne s’inscrivant pas dans une démarche commerciale ou publicitaire mais étant justifiées par le caractère pédagogique du livre en cause ;
Le texte et la musique d’une chanson relevant de genres différents et étant dissociables, le seul fait que le texte ait été séparé de la musique ne portait pas nécessairement atteinte au droit moral de l’auteur.
Une analyse critique d’une œuvre d’un auteur peut donc conduire à l’exception de courte citation, mettant en échec une action en contrefaçon, surtout si l’objectif est pédagogique.
Des questions sur vos droits d’auteur et leur protection ? Les équipes de TAoMA sont à votre disposition pour en discuter !
Émeline JET
Élève-avocate
Jade de Lumley Woodyear
Stagiaire juriste
Anne Laporte
Avocate
(1) 8 février 2023, Cour de cassation, Pourvoi n° 21-23.976 : pour lire la décision
11
juillet
2022
Coup de pression pour la société kronenbourg
Author:
TAoMA
La règlementation applicable à la publicité en faveur de boissons alcoolisées donne lieu à une jurisprudence très abondante. Dans un arrêt du 21 avril 2022, la Cour de cassation vient rappeler un principe important : les opérations de parrainage concernant des boissons alcoolisées ne sont pas de facto illicites. Ainsi, la seule mention d’une marque d’alcools sur du matériel publicitaire n’est pas présumée comme illicite, il revient au demandeur agissant sur ce fondement de démontrer en quoi l’opération a pour effet la propagande ou la publicité directe ou indirect des boissons alcoolisées.
Comme chaque année depuis sa création en 2003, le Festival Rock en Seine a été organisé en août 2014 par l’association Plus de sons dans le domaine national de Saint-Cloud. Le partenaire désigné par le Festival pour cette édition 2014 fut la société Kronenbourg, également fournisseur exclusif de bières de cette manifestation. Dans le cadre de ce partenariat, le Festival s’est doté d’une scène supplémentaire baptisée Pression live destinée à accueillir des concerts, appellation de la marque déposée par la société Kronenbourg.
Considérant que par ce partenariat, la société Kronenbourg se livrait à des actes de publicité illicite du fait de l’affichage de sa marque sur le festival, et à des actes de parrainage illicite par le biais de la scène Pression Live, l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) a assigné le brasseur afin de voir ordonner le retrait de toute référence à la société Kronenbourg et à sa marque Pression Live sur le site internet du festival, et afin de le voir condamné à des dommages et intérêts.
Rappelons ici que la publicité en faveur des boissons alcooliques est strictement encadrée par la loi du 10 janvier 1991 dite loi EVIN. Outre les dispositions définissant les modalités de publicité de boissons alcoolisées, cette loi interdit également toute opération de parrainage « lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcoolisées »1
Dans ce cadre, la Cour d’appel de Paris2 dans une décision du 3 décembre 2020 est venue réformer l’ordonnance de première instance et a condamné la société Kronenbourg à payer à l’ANPAA la somme de 15 000 € au titre des dommages et intérêts en raison de la violation des dispositions de la loi Evin sur le fondement de la publicité illicite. En revanche, la Cour d’appel a débouté l’association sur le fondement du parrainage illicite. Un pourvoi est alors formé par l’association, amenant la Cour de cassation à se prononcer sur la caractérisation du parrainage illicite en matière de boissons alcoolisées dans le cadre d’un évènement culturel.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 21 avril 2022, donne raison aux juges du fond, considérant que le parrainage ne peut être considéré comme illicite qu’à la condition que l’association, supportant la charge de la preuve, établisse que ledit parrainage avait pour effet ou pour objet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques.
Elle en conclut ainsi que, conformément à son pouvoir d’appréciation des éléments de fait et de preuve, la Cour d’appel a justement estimé que la présence du logo institutionnel de la société ou de sa dénomination sur le programme et le plan du festival, sur un bandeau de couverture ne pouvait pas constituer une publicité directe ou indirecte en faveur des produits alcooliques. De plus, l’ANPAA n’alléguait pas d’un financement du matériel publicitaire de la scène Pression Live par la société. Enfin, si, en quatrième de couverture du même programme, figurait une publicité en faveur d’une boisson alcoolique du brasseur en cause et si celui-ci avait bénéficié d’une publicité indirecte par ses enseignes Kronenbourg et Pression Live, l’ANPAA n’établissait pas que cet encart et cette publicité seraient la contrepartie du parrainage.
Dans ces conditions, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’association de lutte contre les addictions.
Plus de mousse que de mal pour la société Kronenbourg !
Nathan Audinet
Stagiaire – Pôle Avocat
Anne Laporte
Avocat à la cour
1 Article L 3323-2 du Code de la santé publique.
2 Cour d’appel de Paris Pôle 2, Chambre 2, 3 décembre 2020, n°17/14366
11
juillet
2022
Web sex and lex : la pratique du caming n’est pas de la prostitution
Author:
TAoMA
Le web offre des ressources infinies pour l’industrie du X.
Au grand dam des défenseurs des bonnes mœurs ou de la protection des mineurs et des personnes contre la prostitution, il est une pratique qui n’est pas sanctionnée pénalement… celle du caming.
Le caming, consiste à se filmer sur Internet en accomplissant des pratiques sexuelles contre rémunération. Mais même si ces pratiques peuvent aller loin, il n’y a pas de contact physique, et c’est cela qui va faire la différence pour la Chambre Criminelle de la Cour de cassation.
Depuis 2010, la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC) se bat pour faire qualifier le caming de prostitution afin de faire interdire sa diffusion, et, dans ce cadre, a poursuivi les éditeurs du site Internet eurolive.com, qui diffuse des videos de caming, pour proxénétisme aggravé.
Le Code pénal définit le proxénétisme comme le fait d’aider ou d’assister la prostitution d’autrui, protéger cette activité, convaincre une personne de s’y livrer, en tirer profit ou en faciliter l’exercice (articles 225-5 et 225-6 du Code pénal).
Mais depuis 1996 la Chambre criminelle a restreint cette notion à la définition suivante « se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui » (Crim., 27 mars 1996, pourvoi n° 95-8.016, Bull. crim. 1996 n° 138).
Dans un arrêt du 18 mai 2022, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé d’élargir la notion de prostitution à des actes ne nécessitant pas de contacts physiques en invoquant le principe fondamental du droit pénal :« Nullum crimen, nulla poena sine lege », selon lequel il ne saurait y avoir de crimes, de délits et de contraventions sans une définition dans un texte fixant leurs éléments constitutifs et la peine applicable. Il résulte aussi de ce principe que les textes de droit pénal doivent être interprétés de manière stricte et non extensive.
La Haute Juridiction a aussi rappelé que le législateur n’a pas entendu étendre la qualification pénale de prostitution notamment à l’occasion des récentes lois pénalisant des comportements de nature sexuelle, à savoir la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, et la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste. A ce propos, la Cour souligne que le législateur n’a pas employé le terme de « prostitution » pour caractériser des activités consistant en la diffusion ou la transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique d’un mineur (Article L. 227-23-1 du Code pénal, créé par la loi du 21 avril 2021).
Le caming n’étant pas assimilé à de la prostitution, les éditeurs de site diffusant les videos de camboys ou camgirls ne peuvent pas être taxés de proxénétisme.
Delphine Monfront
Juriste
Anne Messas
Avocate à la cour
Associée
18
mars
2021
Campagne télévisée de ventes promotionnelles : Lidl dans le viseur des enseignes Intermarché et Carrefour
Author:
teamtaomanews
La guerre dans le secteur de la grande distribution fait rage et les deux arrêts rendus par la Cour de Cassation le 16 décembre 2020 [1] en sont le parfait exemple.
Les enseignes Intermarché et Carrefour reprochaient à l’enseigne Lidl d’avoir fait, au cours des années 2015 et 2016, la promotion télévisée de ventes promotionnelles, pratique pourtant interdite par les dispositions du décret relatif à la prohibition des publicités télévisuelles pour des ventes promotionnelles du secteur de la distribution (Article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992) [2].
La Cour d’Appel de Paris avait, par deux arrêts datés de 2019, reconnu que les actes de la société Lidl étaient contraires aux textes précités et l’avait ainsi condamnée pour pratiques commerciales déloyales.
Or, c’était sans compter sur la ténacité du discounter qui se pourvu alors en cassation. Outre le quantum de la condamnation, la société Lidl remettait également en cause la conformité du décret n°92-280 à la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, ainsi que la qualification de ventes promotionnelles.
La Cour de Cassation, par ces deux arrêts en date du 16 décembre 2020, rejette les moyens de la société Lidl au soutien de ces pourvois.
D’une part, la Cour de Cassation retient que l’objectif de l’interdiction édictée par le décret n°92-280 n’est pas de protéger le consommateur mais de préserver l’attractivité des différents médias par rapport à la télévision, afin que la publicité de la grande distribution, qui constitue une source importante de revenus, ne se concentre pas sur les régies publicitaires de chaines de télévision.
Aussi, le décret n°92-280 n’entrant pas dans le champ d’application de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, il n’y avait pas lieu d’examiner sa conformité à ladite Directive et, par voie de conséquence, son applicabilité.
D’autre part, et sur la qualification de vente promotionnelle, la Cour de Cassation relève que les cinq produits mis en avant dans les spots télévisés diffusés par Lidl en avril, mai et juin 2016 n’étaient plus offerts à la vente dans aucun des quatre magasins Lidl visités par les huissiers de justice le 19 juillet 2016.
De même, dans les vingt-deux magasins visités par les huissiers de justice le 8 décembre 2015, la très grande majorité des produits mis en avant dans les spots diffusés de septembre à novembre 2015, étaient absents des rayons des magasins visités.
Or, selon la doctrine de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, doivent être qualifiées de promotions, les opérations caractérisées par une exposition à la vente en magasin inférieures à quinze semaines.
D’autres éléments factuels ont, par ailleurs, convergé vers une qualification de ventes promotionnelles et, notamment, le fait que :
l’essentiel des ventes étaient intervenues dans les deux à quatre premières semaines de commercialisation ;
le niveau de stock était quasiment atteint à l’issue de la quatrième semaine de vente ;
aucun réassort n’avait été effectué à l’issue de la quatrième semaine de commercialisation.
La Cour de cassation confirme donc l’analyse des juges du fond qui ont retenu que les opérations commerciales litigieuses en question étaient des opérations de promotion dont la publicité par voie de télévision était interdite par l’Article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992.
La société Lidl est ainsi condamnée à réparer le préjudice résultant de ces pratiques commerciales déloyales à hauteur de 9,7 millions d’euros.
Cette nouvelle condamnation s’ajoute à une longue liste d’affaires impliquant le discounter d’origine allemande, dont une décision récente des tribunaux espagnols qui l’a condamné pour contrefaçon du brevet Thermomix de la société allemande Vorweck pour son robot CUISINE CONNECT. Une procédure identique est actuellement pendante devant les tribunaux français et nous ne manquerons pas de vous faire part de son issue dans le cadre d’une prochaine TAoMA News.
Dorian Souquet
Juriste Stagiaire
Baptiste Kuentzmann
Juriste
[1] Cour de Cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2020, 19-16.760 – Cour de Cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2020, 19-12.820.
Décision non publiée, communiquée sur demande à contact-cpi@taoma-partners.fr
[2] Article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 : « Est interdite la publicité concernant, d’une part, les produits dont la publicité télévisée fait l’objet d’une interdiction législative et, d’autre part, les produits et secteurs économiques suivants : (…) – distribution pour les opérations commerciales de promotion se déroulant entièrement ou principalement sur le territoire national, sauf dans les départements d’outre-mer et les territoires de la Polynésie française, des îles Wallis et Futuna, dans la collectivité départementale de Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. Au sens du présent décret, on entend par opération commerciale de promotion toute offre de produits ou de prestations de services faite aux consommateurs ou toute organisation d’événement qui présente un caractère occasionnel ou saisonnier, résultant notamment de la durée de l’offre, des prix et des conditions de vente annoncés, de l’importance du stock mis en vente, de la nature, de l’origine ou des qualités particulières des produits ou services ou des produits ou prestations accessoires offerts »
23
février
2021
AOP Morbier : La rainure noire c’est noir, il n’y a plus d’espoir
Author:
teamtaomanews
Dans un précédent article (« AOP : L’habit fait-il le fromage ? » – voir notre news du 16 octobre 2019), nous vous évoquions l’interrogation transmise à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) par la cour de cassation en matière d’Appellation d’Origine Protégée (AOP) afin de savoir si la reprise des caractéristiques physiques d’un produit protégé par une AOP peut constituer une pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.
Ainsi, par un arrêt du 17 décembre 2020 la CJUE [1] a rendu une décision préjudicielle sur cette question.
Pour rappel, le syndicat interprofessionnel de défense de l’AOP Morbier a assigné un producteur fabriquant et commercialisant un fromage reprenant l’apparence visuelle du produit protégé par l’appellation d’origine protégée « Morbier », en particulier la raie noire séparant les deux parties du fromage (voir ci-dessus).
La question posée par la cour de cassation est de savoir si la reprise des caractéristiques physiques d’un produit protéger par une AOP peut constituer une pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit ?[2]
Cette interrogation revient à déterminer si la présentation d’un produit protégé par une AOP, en particulier la reproduction de la forme ou de l’apparence le caractérisant, est susceptible de constituer une atteinte à cette appellation, nonobstant l’absence de reprise de la dénomination.
La Cour a répondu à cette question en deux temps. Tout d’abord en interprétant les dispositions des articles 13, §1, respectifs des règlements n°510/2006 [3] et 1151/202 qui doivent être analysés en ce sens qu’ils n’interdisent pas uniquement l’utilisation par un tiers de la dénomination enregistrée.
En effet, leurs champs d’applications seraient plus vastes notamment par les termes « tout autre pratique » employés aux articles 13, §1, d). Ils devraient donc être interprétés dans le sens qu’ils interdisent la reproduction de la forme ou de l’apparence caractérisant un produit couvert par une dénomination enregistrée lorsque cette reproduction est susceptible d’amener le consommateur à croire que le produit en cause est couvert par cette dénomination enregistrée.
Ainsi, il y a lieu d’apprécier si ladite reproduction peut induire le consommateur, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, en erreur.
Ensuite, la Cour observe que certes la protection prévue par les règlements a initialement pour objet la dénomination enregistrée et non le produit couvert par celle-ci. Elle n’a donc pas pour objectif d’interdire l’utilisation des techniques de fabrication ou la reproduction d’une ou de plusieurs caractéristiques indiquées dans le cahier des charges d’un produit couvert par une telle dénomination.
Toutefois, les AOP sont protégées en tant qu’elles désignent un produit qui présente certaines qualités ou certaines caractéristiques. Ainsi, l’AOP et le produit couvert par celle-ci sont intimement liés.
L’expression « toute autre pratique » n’étant pas limitative, cela signifie que les textes précités pourraient inclure dans la protection la forme ou l’apparence du produit couvert par l’AOP. Et pour cela, il ne serait pas nécessaire que le nom du produit litigieux contienne l’AOP.
Il convient donc d’apprécier si un élément de l’apparence du produit couvert par la dénomination enregistrée constitue une caractéristique de référence et particulièrement distinctive pour que sa reproduction puisse amener le consommateur à croire que le produit contenant cette reproduction est couvert par cette dénomination enregistrée.
C’est ainsi que la CJUE, par cette décision préjudicielle vient consacrer l’appréciation de tous les facteurs pertinents d’une reproduction, et au-delà de la dénomination de l’AOP, l’apparence, comme en l’espèce avec la rainure noire caractéristique de l’AOP « Morbier », qui peut induire le consommateur en erreur.
A présent, il faut se demander si cette « frontière noire » sera franchis pour d’autres AOP.
Dorian Souquet
Juriste Stagiaire
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du Pôle juridique
[1] CJUE, 5ème chambre, 17 décembre 2020, C-490/19 – lire la décision
[2] « Les articles 13, paragraphe 1, respectifs des règlements n°510/2006 et 1151/2012, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils interdisent uniquement l’utilisation par un tiers de la dénomination enregistrée ou doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils interdisent la présentation d’un produit protégé par une appellation d’origine, en particulier la reproduction de la forme ou de l’apparence le caractérisant, susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit, même si la dénomination enregistrée n’est pas utilisée ? »
[3] « 1. Les dénominations enregistrées sont protégées contre toute :
a) utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée pour des produits non couverts par l’enregistrement (…)
b) usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit est indiquée (…)
c) autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités substantielles du produit (…)
d) autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. »
27
janvier
2021
Opérations promotionnelles et boissons alcoolisées, une navigation en eaux troubles…
Author:
teamtaomanews
Il y a bientôt dix ans, la Cour de cassation faisait sensation en décidant, dans une célèbre décision « Ricard », que le partage, par des abonnés Facebook, de messages générés par une application pouvait constituer de la publicité en faveur de boissons alcooliques.
Plus récemment, la cour d’appel de Paris est venue apporter des précisions sur ce qui doit être considéré comme entrant dans la définition de ces publicités, par ailleurs strictement encadrées par le Code de la santé publique.
Une société exploitant des casinos a confié à une agence de publicité le soin de réaliser son programme de fidélité et des actions de création de trafic et d’animation de ses établissements de jeu. Pour ce faire, une campagne promotionnelle a été lancée, comportant :
Une loterie commerciale intitulée « Champagne à vie » dont le lot principal était une bouteille par mois à vie de champagne de la marque Pommery,
Une opération promotionnelle concomitante intitulée « 2 coupes de champagne + 10 euros de jetons pour 10 euros seulement ».
La publicité de ces opérations était effectuée sur :
Le site champagneavie.com, créé pour l’occasion,
Les pages Facebook des casinos concernés,
Le journal Directmatin, notamment disponible en ligne (édité par la société Bolloré Digital Média).
L’Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie (ANPAA) a assigné l’ensemble des parties prenantes (les sociétés du groupe Pommery fournissant le champagne, la société exploitant les casinos, l’agence de communication ayant conçu la campagne et la société Bolloré Digital Média l’ayant relayée), faisant valoir que ces publications constituaient de la publicité illicite en faveur de la boisson alcoolique Champagne Pommery ainsi qu’un parrainage illicite de jeu.
Après de nombreux débats en première instance sur le partage de responsabilité des parties ainsi que sur la valeur du constat d’huissier, l’ANPAA a porté l’affaire devant la cour d’appel de Paris, auprès de laquelle elle conteste :
1- La licéité du visuel faisant la promotion de l’opération, qui contiendrait des mentions qui ne sont pas expressément autorisées le Code de la santé publique, à savoir :
La présence de jetons de casino,
Les mentions « 10 euros de jetons et pour 10 euros seulement » et « champagne à vie » et le nom du casino,
L’illustration de verres en train de trinquer.
Elle critique en outre ce qu’elle qualifie d’invitation à la pratique du jeu sous l’emprise de l’alcool, de nature à susciter une perte de contrôle, prétendant notamment que la jurisprudence sanctionnerait l’association d’éléments liés aux jeu de hasard aux boissons alcooliques et dénonce le fait que les deux coupes de champagne seraient en réalité offertes.
2- La licéité du jeu concours « Champagne à vie » qui constituerait a minima une publicité indirecte pour de l’alcool ne respectant pas les dispositions relatives à ce type de communication et dont le lot lui-même contribuerait à banaliser une consommation déraisonnée et excessive de l’alcool.
3- La présence sur le site Internet champagneavie.com du visuel contesté accompagné du slogan« tout pétille encore plus dans les casinos D. »
4- La présence sur les pages Facebook des casinos concernés de publications constituant des publicités illicites pour des boissons alcooliques en raison de l’utilisation de la marque Pommery et de l’évocation de la boisson vendue sous cette marque, à savoir du champagne.
La cour commence son raisonnement en rappelant les règles strictes issues du Code de la santé publique encadrant la publicité, directe ou indirecte, pour les boissons alcooliques, à savoir, en substance :
Les supports autorisés (presse écrite hors jeunesse, offre d’objets strictement réservés à la consommation d’alcool marqués au nom des fabricants, services de communication en ligne hors jeunesse et associations sportives, etc.) ;
L’interdiction des opérations de parrainage ;
Les mentions autorisées (degré volumique d’alcool, origine, dénomination, modalités de vente et de consommation du produit, référence aux terroirs, etc.) ;
L’obligation d’accompagner la publicité d’un message sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé.
Appliquant ces règles :
1- Elle estime que le visuel litigieux constitue une publicité illicite.
En effet, la campagne promotionnelle a pour finalité de promouvoir les établissements de jeux concernés et de créer un courant de clientèle par le biais d’offres attractives inhérentes à la démarche publicitaire. Bien qu’elle ne soit donc pas assimilable à une offre de consommation d’alcool gratuite, elle s’apparente bien à de la publicité incitant à la consommation d’une boisson alcoolique, ce que les défenderesses ne pouvaient pas nier puisqu’elles avaient intégré l’avertissement sanitaire imposé par le Code de la santé publique.
Ainsi, ses composants doivent être analysés à la lumière des dispositions dudit Code :
La présentation flatteuse du produit par la mise en valeur de sa couleur et de sa pétillance (sic), la référence à son mode de consommation par l’inclinaison des coupes qui miment le geste de trinquerrenvoient aux caractéristiques objectives du produit et un mode de consommation coutumier et ne peuvent donc pas être critiquées ;
Par contre, la présence des jetons de jeu excède les prévisions du Code qui limitent la communication au produit et son environnement.
2- En revanche, concernant l’opération elle-même, la cour souligne que seule la communication autour de l’opération est soumise au régime légal des publicités en faveur des boissons alcooliques, le jeu lui-même étant soumis aux dispositions du Code de la consommation, qui n’interdit nullement l’offre de champagne en tant que lot.
3- Concernant la présence des visuels litigieux sur le site disponible à l’adresse champagneavie.com, la cour relève qu’il s’ouvre sur un visuel quasi-identique à celui déjà reconnu illicite, caractère accentué par le fait que le slogan « tout pétille encore plus dans les casinos D. » prête à l’établissement une des qualités du vin vendu – son pétillement. Ainsi, ces images sont également illicites.
4- Enfin, à propos des publications sur les pages Facebook des casinos concernés, la cour raisonne en plusieurs temps :
L’annonce de l’opération « champagne à vie » (« Préparez-vous à pétiller. Rendez-vous dans votre casino D pour tenter de remporter du champagne offert chaque mois à vie. Pour en savoir plus et trouver votre casino, cliquez ici : […] Votre bouteille de champagne offerte chaque mois à vie », le tout sans la moindre référence à une marque de commerce d’une boisson alcoolisée) ne constitue qu’une invitation à participer à la loterie, ce qui est licite.
De même, l’annonce d’une « offre découverte » comportant la mention « – 20% sur la 2e place pour le même spectacle + 5 euros de jetons + 2 coupes de champagne », le tout encadré à gauche du dessin de jeton et à droite de deux verres de champagne (qui trinquent), sans la moindre mention de marque de commerce de boissons alcooliques a pour finalité d’inciter les internautes à acquérir une place de spectacle et ne constitue nullement une publicité pour le vin de champagne. Elle n’avait donc pas à être accompagnée d’une mention sanitaire.
Enfin, s’agissant de l’annonce des gagnants de la loterie, une distinction est faite entre :
Le texte de l’annonce « félicitation aux heureux gagnants de notre grand jeu concours Champagne à vie, merci à toutes et à tous pour votre participation. A très bientôt, dimanche, ne ratez pas le tirage au sort de notre jeu champagne à vie. Gagnez en exclusivité ce Jéroboam Silver Pop produit en édition limitée, plus que 3 jours pour tenter de remporter du champagne offert à vie. Rendez-vous dimanche dans votre Casino D pour découvrir si vous avez gagné […] » => dès lors que la loterie ne constitue pas en elle-même un support interdit, l’emploi de ces termes n’était pas interdit.
Les photographies représentant des bouteilles de champagne de marque Pommery sur un présentoir à étage / quatre gagnants posant à côté d’une bouteille et d’un carton, lesquels portent ladite marque / et un jéroboam de champagne Pop de marque Pommery entouré de deux bouteilles de ce même produit d’une contenance moindre => chacune de ces images, sur lesquelles figure le conditionnement de boissons alcooliques, constitue une publicité pour celle-ci et devait, dès lors, comporter un message sanitaire.
Que retenir ? S’il n’est pas exclu que cette décision fasse l’objet d’un pourvoi en cassation, elle permet d’illustrer l’extrême granularité dont font preuve les juridictions dans l’appréciation de l’illicéité des opérations promotionnelles impliquant de l’alcool, faisant notamment une distinction entre l’objet de la campagne (qui peut être une boisson alcoolisée) et le support de cette campagne (qui doit répondre aux exigences strictes du Code de la santé).
Une grande prudence doit donc être de mise !
Anita Delaage
Avocate
Référence et date : Cour d’appel de Paris, Pôle 2 – chambre 2, 3 décembre 2020, n° 18/15699
Décision non publiée, communiquée sur demande à contact-avocat@taoma-partners.fr
25
juin
2020
Affaire Grimbergen : la Cour de cassation n’est pas sensible à « l’imagination des concepteurs » en matière de publicité pour les boissons alcooliques…
Author:
teamtaomanews
Ce 20 mai, la Cour de cassation s’est une nouvelle fois prononcée sur l’épineuse question de la publicité pour les boissons alcooliques.
La société Kronenbourg a diffusé, pour la promotion de ses bières Grimbergen, les films « La légende du Phoenix », « Les territoires d’une légende », mais également un « Jeu des territoires » et diverses publicités comportant le slogan « L’intensité est une légende ».
L’Association de prévention en alcoologie et en addictologie (ANPAA), reconnue d’utilité publique, a assigné Kronenbourg afin que soit déclarée illicite, au regard de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique, la diffusion des éléments précités, que soit ordonné leur retrait du site français grimbergen.fr, et de se voir allouer des dommages-intérêts. Pour rappel, aux termes de l’article susvisé, « la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d’élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit.
Cette publicité peut comporter des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine [ou aux indications géographiques]. Elle peut également comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ».
La question se posait de savoir si le caractère objectif ne concernait que la couleur et les caractéristiques olfactives et gustatives du produit, les autres éléments étant laissés à l’imagination des concepteurs, ou si, au contraire, ce principe d’objectivité devait infuser l’entièreté de la publicité.
Condamnée en première instance, la société Kronenbourg avait relevé appel du jugement, la cour d’appel de Paris lui donnant raison en indiquant que les mentions des publicités de boissons alcooliques devaient être purement objectives uniquement lorsqu’elles étaient relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit et en précisant que la communication sur les origines et la composition du produit pouvait être hyperbolique.
L’ANPAA s’est pourvue en cassation contre cette décision, soutenant que toutes les indications figurant sur les publicités pour boissons alcooliques doivent être informatives et objectives pour être licites, et la Cour de cassation a suivi son raisonnement en interprétant sévèrement l’article L. 3323-4 du Code de la santé publique. Elle a retenu que « la publicité pour les boissons alcooliques […] demeure limitée aux seules indications et références spécifiées [par ledit article], et présente un caractère objectif et informatif […], lequel ne concerne donc pas seulement les références relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ».
La Haute juridiction a donc étendu le critère d’objectivité et d’information à toutes les indications et références susceptibles d’apparaître sur une publicité pour boissons alcooliques. Ce faisant, elle marque un tournant suite à un arrêt de 2015 qui laissait au contraire envisager un certain assouplissement dans l’interprétation des dispositions issues de la « loi Evin »[1].
Références et date : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 mai 2020, n°19-12.278
Lire la décision sur Légifrance
Quelles implications concrètes pour les publicitaires/annonceurs ? Rappel des grands principes pour qu’une publicité pour des boissons alcooliques soit licite :
Supports autorisés :
Presse écrite hors publications jeunesse ;
Radio, dans des tranches horaires prédéfinies ;
Affichage dans les lieux de vente spécialisés ;
Circulaires commerciales ;
Véhicules de livraison ;
Fêtes traditionnelles consacrées à des boissons alcooliques locales et à l’intérieur de celles-ci ;
Présentations de dégustations traditionnelles (musées, stages d’œnologie, etc.) ;
Objets réservés à la consommation de boissons alcooliques ;
Services de communication en ligne, hors ceux destinés à la jeunesse et ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives et ligues professionnelles.
Mention obligatoire : Message à caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé
Mentions autorisées, à condition d’être objectives et non imaginaires ou hyperboliques => il faut présenter le produit sans donner une image valorisante de l’alcool :
Degré volumique d’alcool ;
Origine ;
Dénomination ;
Composition du produit ;
Nom et adresse du fabricant ;
Agents et dépositaires ;
Mode d’élaboration ;
Modalités de vente ;
Mode de consommation ;
Références aux terroirs de production ;
Références aux distinction obtenues ;
Références aux appellations d’origines ou aux indications géographiques ;
Références à la couleur du produit ;
Référence aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ;
Conditionnement, s’il est conforme aux principes ci-dessus.
Eugénie LEBELLE
Élève-avocate
Anita DELAAGE
Avocate
[1] https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030841220&fastReqId=536820049&fastPos=1
28
février
2020
Exhibition des seins d’une Femen : une victoire en demi-teinte pour la liberté d’expression
Author:
teamtaomanews
Les faits en cause remontent à déjà plusieurs années : à l’été 2014, Iana Zhdanova, une Femen se rend dans la salle « des chefs d’État » du musée Grévin. Le haut de son corps est nu et porte une inscription « Kill Putin ». L’activiste fait tomber la statue de cire du président russe Vladimir Poutine, et y plante à plusieurs reprises un pieu métallique peint de rouge, tout en déclarant « fuck dictator, fuck Vladimir Poutine ». La jeune femme est interpellée, mais se justifie en présentant son geste comme une protestation politique.
Après une condamnation en correctionnelle puis une première relaxe par la cour d’appel de Paris, la Cour de cassation avait cassé l’arrêt de relaxe en remarquant que le délit d’exhibition sexuelle était caractérisé par l’exhibition volontaire de la poitrine de la prévenue dans un lieu ouvert au public. Mais la cour d’appel de renvoi (celle de Paris, autrement composée) a résisté aux juges du quai de l’Horloge et confirmé la relaxe.
La cour d’appel de renvoi avait en effet rappelé que le mouvement des Femen se revendique d’un « féminisme radical », que l’acte incriminé était donc motivé par l’expression d’une opinion politique et que, par ailleurs, cet acte était dépourvu d’intention sexuelle ce qui empêchait de retenir la qualification prévue par l’article 222-32 du code pénal.
L’enjeu du pourvoi était donc relatif à la balance entre la protection de l’ordre public contre le délit d’exhibition sexuelle et la liberté d’expression invoquée par la prévenue.
La Chambre criminelle a considéré que le défaut de connotation sexuelle dans le comportement intentionnel de la prévenue ne permettait pas d’écarter le délit d’exhibition sexuelle, là où le juge du fond a systématiquement soutenu l’inverse (1). Malgré cela, elle a finalement choisi de faire prévaloir la liberté d’expression, quand bien même le délit d’exhibition sexuelle serait caractérisé (2).
L’indifférence du défaut de connotation sexuelle
La Cour d’appel de Paris, à deux reprises dans cette affaire, a neutralisé le délit d’exhibition sexuelle. Elle s’est en effet concentrée sur l’élément intentionnel de l’infraction, caractérisant son absence, pour écarter l’infraction pénale. La cour de renvoi souligne même que l’action de l’activiste « ne vise pas à offenser la pudeur d’autrui ».
La Chambre criminelle insiste sur le fait que la simple exhibition des seins nus d’une femme, qu’elle investit donc d’un caractère sexuel, suffit à mettre en œuvre l’article 222-32 du code pénal. Elle semble donc faire de ce délit une infraction formelle, indépendante de l’intention de son auteur. L’acte délictueux est objectivé : il a en soi une nature d’exhibition sexuelle même si la prévenue l’exclut. On peut regretter le rejet de l’argumentation des juges du fond sur l’évolution des mœurs et la place du corps de la femme dans l’espace public.
Mais la Cour de cassation a tout de même rendu une décision d’opportunité en accueillant un autre fondement permettant de confirmer la relaxe : la liberté d’expression.
La prévalence de la liberté d’expression
La Cour de cassation a finalement reconnu que « le comportement de la prévenue s’inscrit dans une démarche de protestation politique ».
Dès lors, il s’agissait de déterminer si faire tomber la prévenue sous le coup de la loi pénale ne constituait pas une ingérence disproportionnée dans sa liberté d’expression.
La Haute juridiction a, en fin de compte, retenu que le comportement de cette Femen ne saurait être incriminé en ce qu’une telle incrimination « constituerait une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression » protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour de cassation a donc finalement reconnu la démarche politique de la prévenue et rejeté le pourvoi du procureur général.
Cette décision importante et amplement relayée ne manquera pas de faire jurisprudence, notamment dans les nombreuses procédures pénales intentées contre les autres membres du mouvement Femen.
Lire la décision le site de la Cour de cassation
Eugénie Lebelle
Elève-avocate
Jérémie Leroy-Ringuet
Avocat à la Cour