11
juillet
2022
Un gâteau au dentifrice qui ne passe pas pour la cour suprême espagnole
Author:
TAoMA
C’est une sanction inédite dans le monde de l’influence, un Youtubeur est interdit par la Cour suprême espagnole d’utiliser YouTube pour une durée de 5 ans à la suite d’une condamnation.
En 2017, à la suite d’un défi lancé par ses fans, le Youtubeur espagnol ReSet, célèbre pour ses canulars, a diffusé une vidéo dans laquelle il piège un sans-abri en lui offrant des biscuits contenant du dentifrice. L’homme victime de la plaisanterie avait souffert de maux d’estomacs et de vomissements après avoir ingéré lesdits biscuits.
A l’époque suivi par plus d’1,2 millions de personnes, cette blague de mauvais goût eut un grand retentissement médiatique et avait permis à son auteur de rapporter plus de 2 000 euros grâce à la publicité.
L’affaire a bien entendu été portée devant le Tribunal de Barcelone qui, par un jugement du 29 mai 2019, a condamné le jeune homme de 19 ans à une peine d’emprisonnement de 15 mois et 20 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à l’intégrité morale du sans-abri et notamment traitement dégradant.
Le juge de première instance a également prononcé une sanction accessoire inédite sur le fondement de l’article 48 du Code pénal espagnol qui prévoit l’interdiction de revenir sur les lieux du délit. En effet, le Tribunal a interdit le prévenu d’utiliser YouTube pendant 5 ans considérant la plateforme comme lieu de commission du délit. Cette injonction comprend notamment la fermeture de la chaîne et l’interdiction de créer une nouvelle chaîne au cours de cette période.
Le Youtubeur a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal provincial de Barcelone qui, par une décision rendue le 21 octobre 2019, a partiellement infirmé le jugement de première instance en estimant que le délit avait au contraire été commis sur la voie publique, au moment où ReSet avait offert les biscuits piégés.
Le ministère public a d’emblée formé un pourvoi en cassation devant la chambre criminelle de la Cour suprême espagnole qui a confirmé le jugement du Tribunal de Barcelone par un arrêt du 2 juin 2022 en considérant que les réseaux sociaux peuvent être considérés comme lieu de commission d’un délit (Chambre criminelle, Cour suprême espagnole, 2 juin 2022, aff. n°547/2022).
Les juges estiment en outre que la privation du droit d’accéder à la plateforme n’entraîne pas une atteinte disproportionnée aux facultés du prévenu.
Cette sanction sévère et dissuasive aura probablement des répercussions chez les créateurs de contenus qui devront à l’avenir faire preuve de plus de vigilance afin de ne pas risquer de se voir infliger de lourdes peines.
Il ne nous reste ainsi plus qu’à observer l’évolution jurisprudentielle française, afin de savoir si nos juridictions pourraient elles aussi interdire l’utilisation des réseaux sociaux pour une durée déterminée en cas d’infraction pénale.
Margaux Maarek
Juriste
Sources :
Chambre criminelle, Cour suprême espagnole, 2 juin 2022, aff. n°547/2022 ;