05
décembre
2023
LA MAISON DU CHOCOLAT JUGÉE NON-DISTINCTIVE POUR DÉSIGNER DES PRODUITS ET SERVICES VIRTUELS EN LIEN AVEC LE CHOCOLAT
Le 5 octobre 2023, la chambre des recours de l’EUIPO a confirmé la décision de refus partiel de la demande de marque de l’Union européenne LA MAISON DU CHOCOLAT n°18719890, d’avoir considéré que le signe était descriptif et dépourvu de caractère distinctif notamment pour des produits et services virtuels en lien avec du chocolat1.
La société La Maison du chocolat, spécialisée dans la fabrication de confiseries et la transformation de cacao, a déposé la demande de marque de l’Union européenne LA MAISON DU CHOCOLAT n°18719890 le 21 juin 2022 pour désigner des produits et services en classes 9, 35 et 41 auprès de l’EUIPO.
Par une décision du 23 février 2023, l’examinateur a partiellement refusé cette demande de marque au motif que le signe LA MAISON DU CHOCOLAT serait (i) descriptif de l’espèce et (ii) dépourvu de caractère distinctif.
En effet, il estime que le consommateur français (public retenu comme pertinent) est susceptible de percevoir le signe comme « un magasin sous forme de boutique maison qui vend et/ou produit du chocolat », qui viendrait, de ce fait, décrire l’espèce des produits désignés.
L’Office a notamment refusé les produits et services suivants à l’enregistrement :
– Classe 9 : « Produits virtuels téléchargeables à savoir programmes informatiques en relation avec le cacao et préparations à base de cacao, cacao en poudre, pâtes à tartiner au cacao (…) »
– Classe 35 : « Services de magasin de vente au détail en ligne proposant des biens virtuels à savoir du cacao, du cacao en poudre, des pâtes à tartiner au cacao (…) » ;
– Classe 41 : « Services de divertissement, à savoir offre en ligne de biens virtuels, à savoir du cacao et des préparations à base de cacao, du cacao en poudre, des pâtes à tartiner au cacao (…) ; »
Toutefois, ladite demande a été accueillie pour des produits et services virtuels en lien avec la pâtisserie.
La société demanderesse a formé un recours contre cette décision devant la Chambre des recours de l’EUIPO qui a, par une décision du 5 octobre 2023, confirmé la décision de l’examinateur en rappelant et appliquant les dispositions de l’article 7 §1 b et c et §2 du Règlement sur la Marque de l’Union européenne (RMUE).
En effet, une marque doit être refusée dès lors qu’elle est :
– composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir dans le commerce pour désigner l’espèce, la qualité etc … En l’espèce l’association des termes « LA MAISON DU » (qui forme à l’évidence une expression désignant une entreprise commerciale), au terme « CHOCOLAT » informe clairement les consommateurs sur l’espèce des produits et services en cause. Le consommateur percevra le signe comme un centre ou bâtiment qui fabrique/ produit/ vend du chocolat ou y trouver une expérience qui est liée au chocolat même, que cela soit dans le monde réel comme dans le monde virtuel.
– dépourvue de caractère distinctif, ne serait-ce que dans une partie de l’Union européenne. En l’espèce, la marque demandée sera considérée pas le public pertinent comme indiquant seulement que les produits et services proviennent d’une entreprise commerciale spécialisée dans le chocolat ce qui constitue un message laudatif vantant la spécialisation et le caractère unique de l’entreprise commerciale.
Dès lors, elle confirme que la demande de marque en cause est descriptive des produits et services objectés, quand bien même ces derniers soient virtuels et rejette le recours de la demanderesse. LA MAISON DU CHOCOLAT est donc enregistrée pour les produits et services restants et notamment ceux en lien avec la pâtisserie.
Ce n’est pas la première fois que la demanderesse se voit refuser l’une de ses demandes de marque à l’enregistrement pour défaut de caractère distinctif par l’Office. En effet, elle avait déjà cherché à déposer le signe LA MAISON DU CHOCOLAT en 2003 pour des produits et services en classes 30 (cacao, pâtisserie et confiserie, sauces (condiments)) et 43 (services de restauration (alimentation)) sans succès. La tentative pour des produits et services du monde virtuel se heurte finalement aux mêmes refus de l’Office.
L’Office adopte ainsi la même appréciation de la distinctivité pour les marques désignant des produits virtuels que pour les marques désignant des produits matériels. En effet, d’après la Chambre des recours, le caractère virtuel de ces produits ou services ne modifie pas la perception du signe, tant qu’ils ont un lien avec le chocolat ou le cacao.
Cette décision témoigne donc de la volonté de l’EUIPO d’adapter le droit des marques aux nouveaux enjeux du virtuel.
Margaux Maarek
Juriste
Mélissa Cassanet
Conseil en Propriété Industrielle Associée
(1) EUIPO, Chambre des recours, 5 octobre 2023, R 836/2023-2
18
juillet
2023
Nestlé & AMPC : 0% de contrefaçon mais 100% de cacao !
La société AMCP commercialise le chocolat qu’elle fabrique sous forme de tablettes de dégustation sous la marque « Encuentro », l’emballage de ces produits s’appelle « Encuentro 70% Haïti », représentant une cabosse de couleur orange à reflets jaune apposée sur un fond uni couvrant la quasi-totalité de l’emballage.
Elle reproche à la société Nestlé la contrefaçon de droit d’auteur sur ses emballages et la concurrence déloyale, pour avoir reproduit les caractéristiques essentielles de son packaging dans sa tablette de chocolat « Incoa ».
Tout en retenant l’originalité du packaging, le Tribunal judiciaire de Paris rejette pourtant ses demandes le 13 avril 2023[1]
Le tribunal retient l’originalité du packaging « Encuentro 70% Haïti »
Même si certains éléments sont dictés par la fonction technique de l’emballage, et d’autres banals, ces éléments, pris dans leur ensemble, attestent d’une opposition entre une étiquette à la typographie d’imprimerie traditionnelle et une représentation stylisée, sous forme d’aquarelle, d’une cabosse de cacao accentuant ses couleurs naturelles orangée ou violette.
Les emballages sont présentés de façon lisse, avec des couleurs vives et des effets de dégradés et de reflets.
Le tribunal retient que cette présentation véhicule une atmosphère artisanale et sobre d’authenticité et de qualité, combinée de façon originale, avec une représentation graphique colorée pouvant évoquer un élément passionnel et la gourmandise associée au produit.
Le tribunal rejette le fondement de la contrefaçon
Le tribunal est ferme et indique que les éléments l’ayant mené à reconnaître l’originalité du packaging du demandeur n’existent pas pour la tablette Incoa de la société Nestlé, dont la version de la cabosse de cacao est épurée, simple, droite et sans reflets.
Par ailleurs, le tribunal rejette le fondement de la concurrence déloyale car le consommateur du chocolat Encuentro d’attention élevée ne pourra pas confondre des produits qui se distinguent par leurs marques, leurs prix et leurs qualités, la faute n’est donc pas démontrée.
En effet, le public pertinent, au cas d’espèce acheteur du chocolat Encuentro, est considéré comme recherchant un produit de qualité gustative et par sa composition, il dépensera donc un prix élevé pour acheter du chocolat, la tablette Encuentro étant vendue au prix de 7 à 8 euros. Le chocolat Encuentro est un chocolat haut de gamme, ciblant un public d’amateurs ou de connaisseurs et distribué dans un réseau de commerce au détail et spécialisé.
Le consommateur est donc considéré comme disposant d’un niveau d’attention élevée.
Au contraire, la tablette Incoa est un chocolat industriel ciblant un large public et commercialisée dans un réseau étendu de magasins de grande surface.
Il est donc peu probable que le public pertinent soit en situation de confondre les deux produits.
Cette position est assez surprenante dans la mesure où les tablettes de chocolat sont un produit ordinaire dans la consommation quotidienne et à destination du grand public, le degré d’attention du consommateur devrait être qualifié de moyen, comme cela a été jugé à propos de boissons rafraichissantes[2] par exemple.
L’attention plus élevée du consommateur est généralement retenue lorsque les produits sont spécifiques et onéreux comme les vins de Champagne[3].
Ici, c’est sans doute la qualité certaine du chocolat qui en fait un produit cher conduisant donc à considérer le consommateur qui va l’acheter comme ayant un niveau d’attention élevée.
Enfin, les fondements de parasitisme et pratiques commerciales trompeuses sont également écartés.
Nestlé et son chocolat ont encore de beaux jours devant eux…
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Emeline JET
Elève-avocate
Jean-Charles Nicollet
Associé – Conseil en Propriété Industrielle
[1] TJ Paris, du 13 avril 2023 n°21/09930
[2] TUE, 23 février 2022 Ancor Group GmbH c/ EUIPO
[3] Tribunal judiciaire de Paris, 3e chambre, 1e section, 29 juillet 2021, RG n° 19/13569