24
janvier
2023
Digital Market Act et Digital Service Act : à quoi correspondent ces Règlements européens visant à réguler internet ?
Author:
TAoMA
Définitivement votés par le parlement européen en juillet 2022, le Règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act ou DMA) et le Règlement sur les services numériques (Digital Services Act ou DSA) ont été publiés respectivement les 12 et 27 octobre 2022.
En apparence différents, ces deux règlements visent à assainir le marché numérique de manière durable, avec deux objectifs distincts, celui de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des géants de l’Internet et celui de lutter contre les contenus illicites en ligne.
Mais que vont-ils concrètement changer ? Quels sont les acteurs concernés ? Pour quelles activités ? Quelles sont les sanctions en cas de non-respect ?
I. Le règlement sur les marchés numériques
Le DMA affiche un objectif clair et limpide : lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des géants de l’Internet (notamment les GAFAM) et corriger les déséquilibres causés par leur domination.
Toutes les entreprises ne sont pas concernées par le DMA. Celui-ci ne cible que les « Gatekeepers », autrement dit, les contrôleurs d’accès à l’entrée d’Internet, les PME étant épargnées par cette qualification. Sont qualifiées de Gatekeepers les plateformes qui :
Ont un chiffre d’affaires ou une valorisation boursière très élevée (plus de 7,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel en Europe dans les 3 dernières années ou une valorisation en bourse d’au moins 75 milliards d’euros durant la dernière année)
Enregistrent un grand nombre d’utilisateurs dans l’UE (plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels actifs et plus de 10 000 professionnels par an pendant les trois dernières années)
Fournissent un ou plusieurs services de plateforme essentiels dans au moins trois pays européens
Le DMA concerne donc les services de plateformes jugés essentiels tels que les services de messagerie, les réseaux sociaux, les moteurs de recherches ou encore les marketplaces.
Pour ce faire, des outils de régulation ex-ante sont mis en place afin de créer une concurrence loyale entres les acteurs, de stimuler l’innovation, la croissance et la compétitivité sur le marché numérique et, enfin, de renforcer la liberté de choix des consommateurs européens.
Parmi ces outils figurent une vingtaine d’obligations (désinstallation facile d’applications préinstallées ; désabonnement à un service de plateforme essentiel aussi simple que l’abonnement, etc.) ou d’interdictions (réutilisation de données personnelles d’un utilisateur à des fins de publicité ciblée sans son consentement explicite ; fait d’imposer des logiciels importants comme un moteur de recherche par défaut à l’installation du système d’exploitation, etc.) que les responsables de traitement devront respecter sous peine d’amende. Toute personne qui s’estime lésée pourra, sur la base de ces obligations ou interdictions, demander, devant les juges nationaux, des dommages et intérêts.
De même, en cas de non-respect du DMA, la Commission Européenne pourra prononcer, à l’égard du Gatekeepers des amendes proportionnelles à son chiffre d’affaires (jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial ou 20% en cas de récidive). Des mesures correctives additionnelles sont prévues en cas de violation systématique (notamment, une cession de parties de l’activité du contrôleur d’accès).
II. Le règlement sur les services numériques
La volonté des législateurs européens, au travers de ce règlement, est de mettre en place un système selon lequel tout ce qui est illégal hors ligne l’est également en ligne.
Le DSA s’applique à toutes les plateformes en ligne qui offrent des biens, contenus ou services sur le marché européen. Cela signifie que même les sociétés étrangères opérant en Europe sont concernées. Parmi ces plateformes, sont notamment visés les fournisseurs d’accès à internet (FAI), les services de cloud, les marketplaces, les réseaux sociaux, les plateformes de partage de contenus, etc.
Dans cette perspective, le règlement fixe un ensemble de mesures, graduées selon les acteurs en ligne et leur rôle, qui viennent lutter contre les contenus illicites en ligne et incitent les plateformes à se responsabiliser.
Les mesures prévues par ce règlement peuvent être classées selon trois catégories, la lutte contre les contenus illicites, la transparence en ligne et, l’atténuation des risques et réponse aux crises.
D’abord, concernant la première catégorie, un système permettant aux internautes de signaler facilement les contenus illicites devra être mis en place. En ce sens, les plateformes devront coopérer avec des signaleurs de confiance dont les signalements seront traités en priorité. Une fois le contenu illicite signalé, les plateformes devront retirer ou bloquer rapidement le contenu.
Par ailleurs, les marketplaces devront mieux tracer les vendeurs proposant des produits et services ainsi que mieux informer les consommateurs.
Ensuite, concernant la transparence en ligne, les plateformes auront l’obligation d’avoir un système de traitement interne des réclamations. Elles devront également expliquer le fonctionnement des algorithmes qu’elles utilisent pour recommander des contenus publicitaires fondés sur le profil des utilisateurs et, pour les plus grandes plateformes, l’obligation de proposer un système de recommandation de contenus non-fondé sur le profilage.
Enfin, le troisième volet d’obligations concerne les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche dont la liste sera fixée par la Commission européenne. Ils devront entre autres, analyser tous les ans les risques systémiques qu’ils génèrent et effectuer des audits indépendants de réductions des risques sous le contrôle de la Commission. Ils devront également fournir une analyse des risques que posent leurs interfaces lorsqu’une crise émerge (santé publique ou sécurité publique), la Commission pouvant même leur imposer durant un temps limité des mesures d’urgence.
Les sanctions notables semblent pouvoir pousser les entreprises à se plier au respect du règlement. Dans le cas contraire la Commission peut prononcer des amendes allant jusqu’à 6% du chiffre d’affaires annuel mondial des entreprises, voire, en cas de violations graves et répétées, leur interdire d’exercer leur activité sur le marché européen.
Alors que le DMA cible certains acteurs, le DSA à un spectre beaucoup plus large, s’adressant à tous les intermédiaires qui offrent leurs services sur le marché européen (FAI, places de marché, réseaux sociaux…etc). Des règles spécifiques s’appliqueront aux plateformes ayant une audience importante au sein de l’Union européenne (plateforme de plus de 45 millions d’utilisateurs actifs par mois). Inversement, les plus petites plateformes seront quant à elles exemptées de certaines obligations (PME).
Pour ce qui est de leur entrée en vigueur respective, le Règlement DMA serait applicable dès mai 2023, le temps, pour la Commission, de prendre les actes nécessaires à la mise en œuvre des nouvelles règles. Concernant le Règlement DSA, il est entré en vigueur en novembre 2022 avec une applicabilité en février 2024, exception faite pour les très grandes plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche pour qui le règlement serait applicable dès 2023 (4 mois après que la Commission européenne en aura établi la liste).
Les équipes de TAoMA sont à votre disposition pour toute question que vous pourriez avoir sur le sujet ou pour échanger avec vous de ces réformes importantes et impactantes aussi bien pour les sociétés concernées que pour les consommateurs.
Nathan Audinet
Stagiaire Pôle Avocats
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle
27
mai
2021
La médiation commerciale internationale, vers de nouvelles perspectives ?
Author:
jcnicollet
Face aux bouleversements commerciaux majeurs engendrés par la pandémie, le besoin de recourir à des modes de résolution rapides des différends se trouve accru.
La « Convention des Nations Unies sur les accords de règlement internationaux résultant de la médiation » est entrée en vigueur au milieu de ce chaos mondial, le 12 septembre 2020. Également connue sous le nom de « Convention de Singapour », son objectif premier est d’encourager le recours à la médiation commerciale internationale.
La Convention de Singapour, un pas capital vers le développement de la médiation commerciale internationale
Ce nouvel instrument international ne prétend pas uniformiser la procédure applicable en matière de médiation mais s’attache plutôt au résultat de ce processus, à savoir l’accord de règlement.
En effet, le texte vise essentiellement à garantir l’efficacité internationale des accords de règlement.
Pour y parvenir, la Convention pose deux nouveaux principes :
Dans un premier temps, elle pose un principe général d’exécution des accords de règlement.
Ce principe permet de faire exécuter les transactions issues d’une médiation internationale, dans un autre État que celui où elles ont été conclues, et selon les règles de procédure en vigueur dans l’État où l’exécution est demandée.
Ainsi, les parties peuvent dorénavant demander l’exécution de leur accord directement dans tout autre État partie à la Convention.
Ce régime d’exécution international comparable à celui d’une sentence arbitrale ou d’un jugement étranger, constitue finalement un traitement de faveur qui se justifie par la nature de l’accord de règlement. En effet, même s’il reste un contrat, il vise principalement à régler un différend et présente donc nécessairement une dimension juridictionnelle.
Dans un second temps, la Convention pose un principe de reconnaissance des accords de règlement.
Ainsi, une partie faisant l’objet d’une action judiciaire peut se reposer sur l’accord de règlement pour contester la demande et prouver que la question a déjà été réglée dans le cadre de celui-ci.
Les accords de règlement se voient ainsi accorder une autorité dans les États parties en dehors de toute procédure d’exécution.
La Convention de Singapour, par ces apports décisifs, a pour but d’établir un cadre juridique harmonisé en matière de médiation, ce qui serait un pas capital vers la promotion de la médiation à l’échelle mondiale.
Son ambition est d’être le pendant de la Convention de New-York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, qui a permis de faciliter considérablement le développement de l’arbitrage commercial international.
Mais nous en sommes loin, le développement de la convention s’avère en pratique contrarié.
La Convention de Singapour, un développement contrarié par le refus de signer de l’Union européenne
Si des nations importantes comme les États-Unis, la Chine, l’Inde (voir la liste des États signataires) ont accepté de ratifier la Convention de Singapour, l’Union européenne tarde à signer.
Ce retard s’explique principalement par le fait que l’Union européenne jouissait déjà de traditions de médiation commerciale bien établies au moment de l’entrée en vigueur de la Convention.
En effet, elle a adopté le 21 mai 2008, une directive n°2008/52/CE portant sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, qui facilite l’exécution des accords écrits issus de la médiation dans l’espace européen.
L’Union européenne craint que la signature de la Convention lui impose des contraintes supplémentaires – le texte exigeant notamment d’apporter la preuve que l’accord de règlement « est issu d’une médiation », ce qui ne peut être fait qu’à l’aide de la signature du médiateur sur ledit accord ou à l’aide de l’attestation de l’institution qui a administré la médiation.
Pour l’instant, l’ambition de la Convention de Singapour est donc compromise par la résistance de l’Union européenne, mais elle est un instrument de référence pour de nombreux autres Etats qui l’ont ratifiée.
Anne MESSAS
Avocate
Mathilde GENESTE
Élève-Avocate
30
mars
2021
Rencontres (amoureuses) et ruptures (contractuelles) en ligne : combien doit le consommateur qui se rétracte ?
Author:
teamtaomanews
Dans notre série sur la jurisprudence relative aux sites de rencontre (voir déjà ici et là) et dans une décision du 8 octobre 2020, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a répondu à plusieurs questions préjudicielles relatives à l’exercice du droit de rétractation prévu par la directive n° 2011/83/UE lorsqu’il est fait usage de ce droit après le commencement de l’exécution d’un contrat de fourniture de services.
Comme chacun sait, le droit européen (transposé dans le Code de la consommation français) impose aux commerçants en ligne de garantir un droit de rétractation au consommateur internaute qui peut ainsi, sous un certain délai, annuler le contrat sans avoir à se justifier, et se faire rembourser le prix payé. Si le principe est clair pour la plupart des produits, son application est plus délicate en matière d’achat de prestation de services puisque ce service peut avoir commencé à être effectué pendant la période au cours de laquelle le droit de rétractation reste ouvert – ou encore lorsque le contrat prévoit plusieurs types de services distincts.
Le litige d’origine oppose une consommatrice et un site Internet allemand de rencontres, « Parship », proposant classiquement deux types d’adhésion aux utilisateurs : une gratuite et une payante qui permet d’avoir accès à davantage de fonctionnalités, notamment à des résultats de recherche fondés sur un test de personnalité et donc, très probablement, à la pertinence accrue grâce à la personnalisation. La prestation de services proposée comporte donc à la fois un service de test de personnalité et un service de mise en relation avec les autres utilisateurs, qui s’en trouve facilité. Le test de personnalité donne lieu à l’envoi d’un rapport de cinquante pages aux consommateurs « premium ».
La consommatrice avait adhéré à la version premium du contrat pour une durée de douze mois au prix de 523,95 euros, le double de la somme facturée en temps normal (sans que l’on connaisse les raisons de cet écart de prix). Elle a été dument informée de son droit de rétractation et a « demandé » à ce que le service commence, sans attendre l’expiration du délai de rétractation, ce qui est bien sûr la pratique habituelle en matière d’achat d’application ou de comptes premium sur des sites Internet puisque le consommateur souhaite en règle générale pouvoir utiliser ce pour quoi il a payé. La consommatrice a toutefois exercé son droit de rétractation quatre jours plus tard, après avoir reçu le rapport du test de personnalité. L’exploitant du site ne l’a remboursée que partiellement, conservant un montant de 392,96 euros sur les 523,95 initialement payés.
La consommatrice a demandé en justice le remboursement de l’intégralité des montants versés. Face à cette demande, la juridiction allemande a décidé de surseoir à statuer et de poser plusieurs questions préjudicielles à la CJUE, pour savoir, en substance :
Comment calculer le montant qui doit être remboursé, lorsque les prestations commandées ne sont pas exécutées au même rythme et donc que le calcul prorata temporis en est rendu délicat ; et comment calculer ce montant au prorata temporis dès lors que toutes les prestations commandées n’ont pas la même valeur aux yeux du consommateur ;
Quels sont les critères d’appréciation du caractère excessif du montant facturé, en l’espèce le double de ce qui est facturé à d’autres consommateurs ;
Et si l’envoi d’un rapport de test de personnalité constitue la fourniture d’un « contenu numérique » de nature à exclure le droit de rétractation postérieurement à l’envoi.
1/ Le calcul du montant de l’indemnité compensatrice
En principe, lorsqu’un consommateur exerce son droit de rétractation alors que la prestation de services prévue dans le contrat a commencé avant l’expiration du délai d’exercice de ce droit, le consommateur est dans l’obligation de payer une indemnité au professionnel : il s’agit d’assurer un équilibre entre la protection des droits des consommateurs et la compétitivité des entreprises. Cette indemnité ne peut, bien sûr, correspondre à la totalité du prix de la prestation interrompue. Elle doit être proportionnelle « à ce qui a été fourni au consommateur jusqu’au moment où il a informé le professionnel de l’exercice du droit de rétractation, par rapport à l’ensemble des prestations prévues par le contrat et calculée sur la base du prix total convenu dans le contrat ».
Mais ce principe connaît une exception lorsque le contrat prévoit expressément qu’une ou plusieurs des prestations sont fournies intégralement dès le début de l’exécution du contrat, de manière distincte, à un prix devant être indiqué séparément. En d’autres termes, si le contrat avait prévu un prix précis pour le rapport du test de personnalité et un autre prix précis pour les services de mise en relation avec les autres utilisateurs, il aurait été possible de prendre en compte de façon distincte les prix de chacune de ces prestations pour calculer l’indemnité due au professionnel. Mais ce n’était pas le cas en l’espèce.
Ce qui est important de retenir en pratique, c’est que le professionnel qui souhaite éviter d’avoir à rembourser les prestations partielles achevées au début de l’exécution du contrat et avant rétractation devra prévoir et facturer un prix distinct pour cette prestation distincte.
Des discussions pourraient néanmoins s’élever si le prix de la prestation distincte est surévalué : le professionnel pourrait, stratégiquement, surfacturer le prix de la prestation effectuée immédiatement en début d’exécution de contrat et sous-facturer celui du service rendu par la suite, pour n’avoir à rembourser que la plus petite somme possible en cas de rétractation. Cette question est envisagée implicitement par la CJUE, dans un second temps.
2/ Les critères du prix « excessif »
Dans ce litige, la consommatrice avait été facturée par le site deux fois plus que les autres utilisateurs pour la même prestation. Or, la directive n° 2011/83/UE prévoit en son article 14 que, si le prix total est excessif, l’indemnisation appropriée sera calculée sur la valeur marchande de la prestation, qui se définit par comparaison avec le prix pratiqué dans des conditions équivalentes.
La CJUE répond donc qu’il convient de prendre en compte toutes les circonstances permettant d’établir la valeur marchande du prix d’une prestation, notamment celui payé par d’autres consommateurs.
Ainsi, le professionnel qui souhaite se faire indemniser à la suite d’une rétractation du consommateur doit veiller à ce que le prix pratiqué ne soit pas excessif eu égard aux autres prix pratiqués pour des services équivalents, mais peut-être aussi eu égard au bénéfice que tire le consommateur de la réalisation de la prestation partielle : l’utilité pour l’utilisateur d’un site de rencontre d’un test de personnalité conçu pour améliorer ses résultats de recherche est proche de zéro dès lors que l’utilisateur se rétracte de sa commande.
3/ Qualification de « contenu numérique »
Enfin, la CJUE considère que le rapport de test de personnalité, qui semble avoir été remis sous forme de fichier informatique « de cinquante pages », ne constitue pas un « contenu numérique » au sens de la directive et donc que le droit de rétractation s’applique bien.
En effet, il existe une exception au droit de rétractation, cumulativement :
lorsque la fourniture d’un contenu numérique résultant d’une prestation de service s’effectue sous la forme d’une vidéo, d’une application, d’un jeu, d’un texte, etc. (par exemple lorsqu’un commerçant en ligne réalise et fournit une application suivant les indications du client, ce qui ne constitue pas la vente d’un produit mais d’un service personnalisé),
lorsque l’exécution de la prestation a commencé avec l’accord du consommateur, et a fortiori lorsqu’elle est achevée, et enfin
lorsque le consommateur a reconnu qu’il perdra ainsi son droit de rétractation (directive 2011/83/UE, article 16, m)).
Si le rapport de test de personnalité est un « contenu numérique », alors il n’était pas concerné par la rétractation postérieure à son envoi et la valeur marchande de cette prestation devait être entièrement comprise dans l’indemnisation.
Mais la CJUE rappelle que la notion de fourniture d’un contenu numérique est d’interprétation stricte et se définit comme correspondant aux « données qui sont produites et fournies sous une forme numérique, comme les programmes informatiques, les applications, les jeux, la musique, les vidéos ou les textes, que l’accès à ces données ait lieu au moyen du téléchargement ou du streaming, depuis un support matériel ou par tout autre moyen ».
Or, selon la cour, le test de personnalité n’est pas un contenu numérique en ce qu’il permet notamment au consommateur de créer, traiter ou stocker des données au format numérique. Cette solution peut étonner dans la mesure où le test donne lieu à un rapport de cinquante pages, fourni probablement en PDF à la consommatrice : ce document semble bien être un ensemble de données produites et fournies par téléchargement sous une forme numérique textuelle. Mais peut-être la cour a-t-elle estimé qu’il n’y avait pas là un « pur » contenu numérique et que le fichier PDF n’était que l’export des données renseignées par les utilisateurs et traitées par le prestataire de services. Le traitement de ces données, qui semble se poursuivre après l’envoi du rapport, dans le cadre de la prestation de mise en relation avec les autres utilisateurs, n’est effectivement pas récupérable ou consultable par téléchargement ou par streaming.
Bien que la cour propose une explication relativement synthétique de son raisonnement sur la notion de contenu numérique, on peut supposer qu’elle souhaite, en opportunité et en se fondant sur une interprétation « stricte » de la notion de « contenu numérique », conforter la protection des consommateurs et les protéger des conséquences de la qualification de contenu numérique sur leur droit de rétraction.
Ce qu’il faut retenir sur ce point, c’est que le professionnel qui propose, en plus de son service principal, un service annexe pouvant donner lieu à un export téléchargeable, pourra se voir opposer le droit de rétractation sur ce service annexe sans bénéficier de l’exception de l’article 16 m).
Lire la décision en ligne sur Curia
Jérémie LEROY-RINGUET
Avocat à la Cour
Thibault FELIX
Stagiaire – Pôle Avocats