Nouveau refus de protection de la marque figurative « Rubik’s Cube », jugée déceptive

Le record du monde de résolution du célèbre casse-tête a été une nouvelle fois battu, le 12 juin dernier, avec une résolution en 3,12 secondes.

Ce record s’accompagne d’un nouveau refus de protection, prononcé par l’EUIPO le 21 août 2023.

I – Refus de protection de la marque « Rubik’s Cube » en raison de sa forme nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.

Le 24 octobre 2019, le Tribunal de l’Union Européenne (TUE) concluait une première saga jurisprudentielle en confirmant l’annulation de la marque figurative déposée par la société Rubik’s Brand Ltd et représentant le célèbre jouet, à l’égard des produits de la classe 28 (jeux, jouets, etc.)1.

A cette occasion, le TUE avait considéré que la marque était exclusivement constituée d’une forme nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, constituant un motif de refus absolu par application de l’article 7 paragraphe 1 sous e) du Règlement 2017/10012.

Voir notre article à ce sujet ici.

Fin 2020, la société canadienne Spin Master Corp. annonçait avoir racheté Rubik’s Brand Ltd., et sa filiale britannique Spin Master Toys Uk Limited devenait titulaire de la marque tridimensionnelle suivante :

Peu après, Spin Master Toys Uk Limited essuyait un premier revers en voyant sa marque nouvellement acquise annulée par la Division d’annulation de l’EUIPO, par décision du 25 mars 2022 (n° C 7 527)3.

La solution retenue par l’Office est semblable à celle du TUE en octobre 2019, estimant que la marque contestée est composée exclusivement de la forme nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.

La division d’annulation en a profité pour rappeler qu’une telle marque n’est pas éligible à l’enregistrement quand bien même le titulaire parviendrait à démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage.

Le titulaire de la marque a interjeté appel de cette décision, lequel est actuellement instruit par la Chambre des recours.

II – Nouveau refus de protection de la marque « Rubik’s Cube », cette fois-ci en raison de son caractère déceptif.

Parallèlement à son recours, Spin Master Toys Uk Limited s’est attelée au dépôt d’une nouvelle MUE représentant, une fois encore, le célèbre casse-tête :

Forte de sa mauvaise expérience avec la division d’annulation de l’EUIPO, la déposante a décidé de ruser en visant, dans le cadre de cette nouvelle demande d’enregistrement, les « jouets, jeux et articles de jeu ; tout ce qui précède à l’exclusion des produits ayant la forme d’un cube ».

Par ce stratagème, la déposante cherchait manifestement à contourner l’impossibilité de revendiquer l’enregistrement d’une forme exclusivement fonctionnelle.

Mais c’était sans compter l’opiniâtreté de l’Office qui a rejeté l’enregistrement de cette demande sur un autre fondement, celui de l’article 7 paragraphe 1 sous g) du Règlement 2017/10014, sanctionnant les dépôts de nature à tromper le public notamment sur la nature ou la qualité des produits visés5.

Ainsi, la démarche de Spin Master Toys Uk Limited n’était pas dénuée de sens, et lui a bien permis de contourner le motif absolu de refus opposé aux marques antérieures évoquées ci-avant.

Néanmoins, l’Office n’a pas été dupe et a bien cerné cette tentative de contournement de la règlementation et, pour ne pas tomber dans le « piège » du déposant, a décidé de fonder son rejet sur le caractère déceptif de ce dépôt.

On peut s’interroger sur le bien-fondé de cette décision : une marque prenant la forme d’un jouet doit-elle nécessairement proposer dans sa gamme le produit qui est représenté dans son signe, à défaut de quoi elle serait de nature à induire le public en erreur ?

Ou bien cette décision est-elle davantage motivée par la volonté de sanctionner une tentative de contournement qui, bien qu’audacieuse, n’en demeure pas moins quelque peu grossière ?

La décision de l’Office aurait-elle été la même si le signe retenu n’avait pas été aussi iconique que le Rubik’s Cube ?

La décision de l’Office est encore susceptible d’appel, ce casse-tête juridique n’est donc pas à l’abri d’un ultime rebondissement …

Robin Antoniotti
Avocat

(1) Arrêt du Tribunal de l’Union Européenne du 24 octobre 2019, T‑601/17 (lien)
(2) Article 7 paragraphe 1 sous e) du Règlement 2017/1001 : « 1. Sont refusés à l’enregistrement : […] e) les signes constitués exclusivement : i) par la forme, ou une autre caractéristique, imposée par la nature même du produit ; ii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ; iii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, qui donne une valeur substantielle au produit »
(3) Décision de la division d’annulation de l’EUIPO N° C 7 527 contre la marque de l’UE n° 5 696 232
(4) Refus d’enregistrement de la marque de l’Union Européenne n° 018847435
(5) Article 7 paragraphe 1 sous g) du Règlement 2017/1001 : « 1. Sont refusés à l’enregistrement : […] (g) les marques qui sont de nature à tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service »