Bataille des NFT : 1-0 pour la Juventus !

Il n’est plus nécessaire de présenter la Juventus de Turin, même pour les profanes en matière de foot !

Si la Juve, pour les intimes, se bat au quotidien sur les terrains de foot, elle n’est pas en reste quand il s’agit de défendre ses droits devant les tribunaux, et avec un certain succès.

Dans le cadre de l’une des premières décisions en Union européenne dans le domaine, la Juve l’a emporté haut la main contre des cartes numériques à jouer authentifiées par NFT.

Petit résumé de la compétition

En 2021, la société Blockeras s.r.l a obtenu l’accord de différents joueurs actifs ou à la retraite pour lancer le projet Coin Of Champion consistant en la réalisation de cartes à jouer à leur effigie et authentifiées par NFT.

L’une des cartes représentait l’ancien avant-centre Bobo VIERI portant son ancien maillot de la Juve.

En 2022, Blockeras lance la commercialisation de ses cartes entrainant l’attaque de la Juventus.

En effet, cette dernière est titulaire de nombreuses marques dont les marques verbales JUVE, JUVENTUS et une marque figurative représentant son célèbre maillot à rayures noires et banches portant 2 étoiles.

La Juve découvrant la production (mintage), la publicité et la mise en vente des cartes authentifiées par NFT contenant ses marques sans son autorisation, elle saisit la cour de première instance de Rome dans le contexte d’une « injonction préliminaire ». Elle considère que ces cartes constituent des actes de contrefaçon de ses marques et de concurrence déloyale.

Pour sa défense, Blockeras fait notamment valoir que les marques invoquées n’étaient pas enregistrées pour les produits virtuels téléchargeables !

Tableau des scores

La cour de première instance de Rome relève que les marques concernent l’équipe de foot italienne la plus performante qui a remporté le plus de compétitions.

Par ailleurs, la Juve a une activité de merchandising généralisée dans différents secteurs (vêtements, jeux, etc.) aussi bien sur le web que dans des magasins physiques dans différentes villes d’Italie.

Ainsi, l’usage de l’image de Bobo VIERI, portant son maillot de la Juve, entraine un usage des marques sans autorisation de la Juventus. Il s’agit d’un usage à des fins purement commerciales et l’autorisation de Bobo VIERI d’exploiter son image portant son maillot devait également faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès du célèbre club de foot puisque la réputation de ses marques contribue à la valeur de la carte numérique authentifiée par NFT.

Quant à l’argument de Blockeras selon lequel les marques ne sont pas protégées en classe 9 pour des produits virtuels, la cour l’écarte d’un revers du pied. En effet, elle note que les marques désignent différents produits, notamment en classe 9, qui sont liés aux « publications électroniques téléchargeables ».

De plus, elle précise que la Juve est active dans le monde des crypto jeux, des crypto monnaies et des NFT notamment via des accords avec la société française Sorare.

Elle en conclut donc que la création et la commercialisation des cartes numériques par Blockeras portent atteinte aux marques de la Juve.

Commentaire (non sportif)

En juin dernier, l’Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO) a publié ses « guidelines » relatives aux NFT dans lesquelles il estime que ces derniers relèvent de la classe 9 « parce qu’ils sont traités comme du contenu ou des images numériques ». Il en ressort donc une présomption que les marques pour des produits physiques doivent également être déposées pour les produits virtuels si leurs titulaires souhaitent être protégés pour ces derniers.

Cette décision de la cour de première instance de Rome semble également aller dans ce sens puisqu’elle reconnait la similarité entre les cartes virtuelles authentifiées par NFT avec les « publications électroniques téléchargeables » auxquelles des produits désignés par les marques de la Juventus sont liés. Il est vrai que la cour retient également l’activité marquée de la Juve dans le domaine des crypto jeux et crypto monnaies pour renforcer le risque de confusion dans l’esprit du public.

Néanmoins, si les marques de la Juve n’avaient pas désigné des produits liés aux publications électroniques téléchargeables, nous pouvons nous demander si la cour aurait eu le même raisonnement malgré l’activité du club de foot dans ces nouvelles technologies.

Face aux incertitudes actuelles liées aux NFT, il est donc fortement recommandé d’étendre la protection de ses marques aux produits virtuels, au moins par précaution.

N’hésitez pas à nous contacter pour en discuter et mettre en place une stratégie de marque adaptée à vos besoins !

Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle