Bien choisir la catégorie de votre marque : l’erreur peut coûter cher !

Dans cette décision1 rendue par la Cour d’appel de Paris le 9 juin 2023, les juges rappellent l’importance du choix de la catégorie dans laquelle le signe est déposé, étant un choix délimitant l’étendue de la protection !

La Société Handiréseau, spécialisée dans l’accompagnement d’entreprises mettant en place des politiques d’accueil de personnes handicapées, est titulaire de la marque tridimensionnelle   No. 3764270. La gérante de la société Handiréseau est elle-même titulaire, de la marque verbale handiréseaux No. 3685730 et de la marque semi-figurative  No. 4074584.

La société Handiréseau et sa gérante, après avoir pris connaissance de l’existence d’une association dénommée Handiréseaux 38 a mis en demeure cette dernière de cesser l’utilisation de l’expression « handiréseaux 38 » qui porte atteinte, selon elles, à leurs droits de marque.

A défaut de résolution amiable du litige, la société Handiréseau et sa gérante ont assigné l’association Handiréseaux 38 notamment en contrefaçon de marques devant le tribunal judiciaire de Paris.

En première instance, le tribunal judiciaire de Paris a, entre autres, déclaré nulle pour défaut de clarté la marque tridimensionnelle No. 3764270.

Déboutées de leurs demandes en première instance, la société Handiréseau et sa gérante ont interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de Paris.

La qualification du signe « handiréseau » à un impact sur la portée de la protection

Dans cette décision, la Cour d’appel va s’appuyer sur un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne2, lequel expose d’une part que « L’article 2 de la directive 2008/95 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à l’enregistrement d’un signe en tant que marque du fait de l’existence d’une contradiction dans la demande d’enregistrement, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ». Et rappelle, d’autre part, que « la qualification donnée à un signe lors de son enregistrement par le déposant, en tant que « marque de couleur » ou « marque figurative », constitue un élément pertinent parmi d’autres pour déterminer si ce signe est susceptible de constituer une marque ».

En l’espèce, dans le dépôt puis dans l’enregistrement, la marque « handiréseau » est qualifiée de « marque tridimensionnelle » et le signe est décrit comme disposant « d’un logo (rouge et prune) trois ronds réunis entre eux avec un trait et un rond de couleur différente finalisant un carré ».

La catégorie de « marque tridimensionnelle » apparaît donc incohérente avec
le signe tel que déposé qui est un signe semi-figuratif.

En outre, la Cour d’appel déclare que la qualification du signe « handiréseau » enregistré en tant que marque tridimensionnelle a une incidence sur l’étendue et l’objet de la protection, dans la mesure où elle permet de spécifier si la troisième dimension fait partie de l’objet de la demande d’enregistrement.

A la lumière de cette incohérence, la Cour conclut que « la contradiction qui existe entre le signe « Handiréseau » déposé sous la forme d’une marque semi-figurative, et la qualification qui est donnée à ce signe par son déposant de marque tridimensionnelle, rend impossible la détermination exacte de l’objet et de l’étendue de la protection sollicitée au titre du droit des marques ».

Le défaut de clarté de la marque est une cause de nullité

Dans ces conditions, la Cour confirme la décision du tribunal judiciaire de Paris en considérant que le défaut de clarté et de précision suffisait pour justifier la nullité d’une marque.

Cet arrêt de la Cour d’appel de Paris rappelle la nécessité de définir avec précision et cohérence le type de marque (verbale, semi-figurative, tridimensionnelle, etc.) au moment du dépôt. Une erreur sur la qualification pouvant avoir de lourdes conséquences juridiques.

En conclusion, déposer une marque n’est pas si simple…. !

Juliette Danjean
Stagiaire – Pôle Avocat

Gaëlle Bermejo
Conseil en Propriété Industrielle

(1) CA Paris, pôle 5 ch. 2, 9 juin 2023, n° 21/09755
(2) CJUE, 27 mars 2019 C-578/17, Oy Hartwall A