Droit à l’image du salarié : le principe de l’autorisation et son encadrement dans le temps

Avec l’essor des réseaux sociaux, il est devenu courant pour les employeurs de capter et diffuser l’image de leurs salariés non plus seulement à des fins internes, mais également pour promouvoir leurs entreprises auprès du public.

Cet usage d’un des principaux attributs de la personnalité est notamment encadré par l’article 9 du Code civil, lequel s’applique également aux relations régies par le droit du travail.

L’autorisation d’usage de l’image d’un individu  : un droit soumis à consentement même dans les relations de travail.

Le principe n’est pas nouveau  : les salariés ont droit au respect de leur vie privée, y compris dans le cadre de leurs fonctions.

Cette règle a donné lieu à de nombreuses décisions relatives à la confidentialité des communications privées des salariés, mais également à la protection des attributs de leur personnalité et notamment de leur image.

Cette problématique revêt un intérêt bien plus stratégique de nos jours, avec l’essor des réseaux sociaux  : l’image du salarié qui a longtemps été majoritairement circonscrit à des usages internes peut constituer désormais un actif servant la promotion des entreprises en mettant en avant le savoir-faire et la personnalité des individus qui y travaillent.

C’est donc très logiquement que les litiges afférents se sont multipliés ces dernières années, sans toutefois révolutionner significativement un principe établit de très longue date  : l’usage de l’image d’un individu, même salarié, nécessite une autorisation claire et libre de ce dernier.

La Cour de cassation a récemment rappelé le principe selon lequel le droit à l’image ne succombe pas au lien de subordination existant entre l’employeur et ses salariés1.

Par ailleurs, s’il est constant que l’autorisation d’utilisation de l’image consentie par un employé à son employeur n’a pas nécessairement à être accompagnée d’une compensation financière, il a été jugé à plusieurs reprises que l’usage sans autorisation créé nécessairement un préjudice ne nécessitant ni démonstration ni chiffrage précis pour être retenu et indemnisé2.

Il n’est à ce titre pas nécessaire que le visage d’une salariée soit visible tant que celle-ci est reconnaissable3, mais il convient en revanche de démontrer que l’employeur a bien exploité l’image en question4.

Droit à l’image du salarié  : l’autorisation suit le sort du contrat de travail lorsqu’elle n’est pas encadrée dans le temps.

En droit des contrats, les engagements perpétuels sont nuls et les obligations «  sans limitation de durée  » sont en principe considérés comme des engagement à durée indéterminée pouvant être résiliés à tout moment.

Pour autant, d’après un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 18 juin 2024, ce mécanisme bien connu ne semble pas devoir s’appliquer aux autorisations de droit à l’image consenties par des salariés à leur employeur5.

Cette solution n’est pas complètement nouvelle, et un employeur a notamment été condamné par la Cour d’appel de Chambéry pour avoir conservé, pendant près de 6 mois après son départ, l’image d’un salarié sur le site de l’entreprise sans justifier d’une autorisation en ce sens6. Ainsi, à défaut d’une autorisation spécifique, un employeur devrait supprimer l’image de ses employés au moment de leur départ de l’entreprise.

A l’inverse, en présence d’une autorisation expresse d’utilisation de l’image d’un ancien salarié pendant 10 ans après son départ, ce dernier ne peut exiger aucune indemnisation ni aucun retrait avant l’expiration de la durée d’autorisation7.

La spécificité du récent arrêt de la Cour d’appel de Nîmes réside dans le fait que la juridiction a jugé que l’autorisation consentie « sans limitation de durée » ne doit pas s’interpréter, dans le cadre d’une relation employeur-salarié, comme une autorisation à durée indéterminée résiliable à tout moment à l’initiative de l’une et/ou l’autre des parties, mais comme un accessoire au contrat de travail prenant fin au moment de la rupture du contrat principal.

Cette solution n’est pas sans conséquence  : dès la rupture du contrat de travail, si l’employeur ne supprime pas immédiatement l’ensemble des images de l’ancien salarié diffusés par l’entreprise, cette poursuite de l’usage doit être considérée sans autorisation et entraine nécessairement l’octroi, pour l’ancien salarié, de dommages-intérêts.

Dans le cas jugé par la Cour d’appel de Nîmes, cette indemnisation s’est élevée à 1.500 euros, au motif notamment que l’ancien salarié avait créé sa propre activité concurrente et que la subsistance de photographies le représentant sur le site et les réseaux de son ancien employeur était générateur d’un risque de confusion dans l’esprit de leurs clients respectifs.

En conclusion, les employeurs doivent faire preuve de vigilance dans l’usage des photographies de leurs anciens employés, et il serait judicieux de prévoir dans le contrat de travail ou l’autorisation correspondante un délai raisonnable après la fin de la relation de travail pour permettre à l’employeur d’identifier et supprimer l’ensemble des images représentant son ancien employé.

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Robin ANTONIOTTI
Avocat

(1) Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2024, 22-18.014, Inédit
(2) Cour de cassation, Chambre sociale, 26 janvier 2022, 20-21.636, Publié au bulletin
(3) Cour d’appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 22 juin 2022, n° 18/00652
(4) Cour d’appel de Rennes, 8ème ch prud’homale, 18 juin 2021, n° 18/04981
(5) Cour d’appel de Nîmes, 5e chambre sociale ph, 18 juin 2024, n° 21/03685
(6) Cour d’appel de Chambéry, 3 mars 2009, n° 08/02089
(7) Cour de Cassation, Chambre sociale, du 18 décembre 1996, 93-44.825, Inédit