14
juin
2019
Sanction de la CNIL : pas d’obligation de mise en demeure préalable confirmée par le Conseil d’Etat
Author:
teamtaomanews
Dans un arrêt du 17 avril 2019, l’autorité administrative suprême a refusé d’infirmer les sanctions prises par la CNIL contre la société OPTICAL CENTER, au motif que ces dernières n’auraient pas été précédées d’une mise en demeure permettant à la société de corriger les problèmes.
En 2017, une enquête de la CNIL initiée suite à plusieurs plaintes concernant OPTICAL CENTER a mis à jour le fait que la simple entrée d’URL dans un navigateur permettait l’accès à de nombreuses factures et bons de commande des clients de la société faute de restriction de l’accès aux données par la connexion à un espace personnel.
La CNIL a pris la décision de sanctionner d’une amende de 250.000 euros cette grave faille de sécurité, qui méconnaissait l’article 34 de la Loi Informatique et Libertés, sans mise en demeure permettant à la société de corriger les errements et alors que cette société avait déjà pris les mesures nécessaires à la correction du problème.
Cette décision a été portée devant le Conseil d’Etat qui, dans son arrêt du 17 avril 2019, a confirmé la décision et rappelé que la mise en demeure n’est pas une étape obligatoire préalable à la sanction et que l’article 45 de la loi du 6 janvier 1978 dispose que « Lorsque le manquement constaté ne peut faire l’objet d’une mise en conformité dans le cadre d’une mise en demeure, la formation restreinte peut prononcer, sans mise en demeure préalable et après une procédure contradictoire, les sanctions prévues ».
Le Conseil en déduit la possibilité pour la CNIL d’outrepasser l’étape de la mise en demeure lorsque cette dernière est clairement inutile ; soit que le manquement incriminé ne puisse être corrigé, soit, comme c’était le cas en l’espèce, qu’il y ait déjà été remédié.
Le Conseil d’État réduit toutefois la sanction d’OPTICAL CENTER, en jugeant que la CNIL, ne tenant pas compte de la promptitude de la société à réagir à ses demandes, a prononcé une sanction disproportionnée ; cette dernière sera donc ramenée à 200.000 euros.
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31
mai
2019
Pas de qualification de « fake news » pour le tweet de Christophe Castaner
Author:
teamtaomanews
La loi relative à la manipulation de l’information, publiée au journal officiel du 23 décembre 2018, avait pour objectif d’éviter une recrudescence de fausses informations à l’approche des élections européennes.
Cette disposition très spécifique au contexte électoral a été mise à l’épreuve récemment dans un jugement rendu « en état de référé » par la formation collégiale de référé du Tribunal de grande instance de Paris (au visa de l’article 487 du Code de procédure civile).
Ce jugement du 17 mai 2019 refuse d’ordonner de faire cesser la diffusion d’un tweet controversé, publié par Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, à la suite des événements ayant eu lieu à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière en marge des manifestations du 1ermai.
Le tweet en question est rédigé en ces termes :
« Ici à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital.
On a agressé son personnel soignant. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger.
Indéfectible soutien à nos forces de l’ordre : elles sont la fierté de la République ».
Pour les deux plaignants, des parlementaires membres du Parti communiste français, ce post constituait une allégation inexacte et trompeuse au sens de l’article L. 163-2 du Code électoral et devait être retiré par le réseau à l’oiseau bleu.
Selon ce texte, « Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d’élections générales et jusqu’à la date du tour de scrutin où celles-ci sont acquises, lorsque des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d’un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir sont diffusées de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive par le biais d’un service de communication au public en ligne, le juge des référés peut, à la demande du ministère public, de tout candidat, de tout parti ou groupement politique ou de toute personne ayant intérêt à agir, et sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire aux personnes physiques ou morales mentionnées au 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 du même I toutes mesures proportionnées et nécessaires pour faire cesser cette diffusion. »
Il revenait donc au juge des référés d’apprécier le contenu du tweet incriminé afin de décider ou non de sa suppression. Ce dernier, après avoir mis hors de cause Twitter France et reçu les interventions de Twitter International et du ministre, a, pour justifier son refus, interprété le texte en accord avec la décision rendue à son sujet par le Conseil constitutionnel le 20 décembre 2018, qui dégageait les critères permettant d’identifier une fake news illicite.
Or le jugement considère que ces critères ne sont pas réunis :
Les propos du ministre apparaissent exagérés (pas d’attaque) mais portent sur des faits réels confirmés, à savoir l’intrusion de manifestants dans l’établissement le 1ermai 2019. Ainsi, l’information ne saurait être considérée comme dénuée de tout lien avec le réel, ce qui l’empêche d’être considérée comme manifestement inexacte ou trompeuse
Les propos n’ont pas été diffusés d’une manière « cumulativement massive, artificielle ou automatisée, et délibérée » notamment par des robots pour le compte de tiers désireux de répandre la fausse nouvelle. Ce critère, interprété à la lumière de l’exposé des motifs de la proposition de loi sur la lutte contre la manipulation de l’information, renvoie selon lui à l’usage de tiers rémunérés pour la diffusion de l’information, ou de « bots » permettant une quantité massive et automatique de retweets
Enfin, appréciant le risque manifeste d’altération de la sincérité du scrutin, le juge rejette l’argument des demandeurs selon lequel le tweet incriminé, en « faisant croire à un climat de violence pour faire jouer le ressort de la peur et du chaos », aurait un effet manifeste sur la campagne européenne en cours au moment des faits. Selon lui, l’immédiate contestation des propos du ministre par différents articles de presse offrait à l’électeur une pluralité de points de vue sur les événements, le mettant à l’abri de toute manipulation
Au vu de ces trois critères, la demande de retrait est donc rejetée.
Ce jugement offre un regard intéressant sur l’application de la loi « fake news » par nos juridictions et sur le caractère très restrictif de ses conditions d’applications. L’usage de moyens automatisés, ou l’absence de tous liens avec la réalité, ne permettent ainsi au texte que de cibler les plus extravagantes des fausses informations dans un contexte de manipulation de l’opinion publique.
Pour d’autres types de propos mensongers, d’autres textes seront éventuellement applicables : ceux sur la diffamation et ceux sur la dénonciation calomnieuse, ou encore l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 qui continue de réprimer « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler ».
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19
février
2019
HARD BREXIT? Mieux vaut prévenir que guérir
A quelques semaines du 29 mars, aucun accord n’a encore été trouvé entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne. Un « Hard Brexit » se profile donc et va impacter la protection de vos marques et dessins et modèles sur le territoire du Royaume-Uni.
A compter du 29 mars, les marques de l’Union Européenne et les dessins et modèles communautaires cesseront de produire leurs effets au Royaume-Uni.
Ainsi, si le Royaume-Uni est un marché important pour vous, TAoMA Partners recommande, à titre préventif, de déposer vos marques et dessins et modèles sur ce territoire avant le 29 mars, si tel n’est pas déjà le cas.
N’hésitez pas à prendre contact avec nous afin d’effectuer un audit de votre portefeuille de droits pour mettre en place une stratégie de protection au Royaume-Uni qui soit adaptée à vos besoins.
Les équipes de TAoMA Partners sont mobilisées pour vous accompagner dans ce changement inédit en Union Européenne et sont à votre disposition pour en discuter.
Pour aller plus loin :
Bien que le Gouvernement britannique ait indiqué que les titulaires d’une marque de l’Union Européenne ou d’un dessin et modèle communautaire se verront accorder un nouveau droit équivalent par le biais d’un mécanisme de reconnaissance rapide et peu coûteux, aucune annonce officielle n’a été fait sur la mise en place d’un tel mécanisme.
Il convient aujourd’hui d’anticiper cette sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne au regard des incertitudes planant sur les titulaires de marques européennes et dessins et modèles communautaires.
Une attention particulière doit être apportée aux dessins et modèles puisqu’il est nécessaire qu’ils soient nouveaux pour être déposés. Or, vos dessins et modèles communautaires déposés et/ou enregistrés pourraient constituer des divulgations antérieures détruisant la nouveauté et empêchant un dépôt au Royaume-Uni !
14
décembre
2018
Le Tribunal de l’Union européenne dit OUI à TMview !
Justifier des marques antérieures dans une procédure d’opposition en demande devant l’EUIPO n’est pas toujours simple lorsque les copies des certificats d’enregistrement ne sont pas entre nos mains. La tentation d’avoir recours à des extraits de bases de données en ligne est forte de par la simplicité d’usage de ces outils. La plus aisée n’est autre que TMview qui est un outil offert par l’EUIPO.
Cependant, la question de la recevabilité des extraits TMview se pose régulièrement. Le TUE nous a enfin apporté une réponse claire, le 6 décembre 2018, dans une décision où il a notamment eu à se prononcer sur la recevabilité des extraits issus de TMview.
Rappel du contexte
La société VANS Inc. a procédé au dépôt, le 17 novembre 2011, d’une marque figurative de l’Union européenne pour son célèbre logo . Le 21 février 2012, la société Deichmann SE a formé opposition à l’encontre de cette demande de marque sur la base de parties européennes de plusieurs de ses marques internationales.
Pour justifier de ses marques antérieures, l’opposant a fourni des extraits de la base de données TMview. Le 21 octobre 2015, la division d’opposition de l’EUIPO a rejeté l’opposition au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les signes et que l’opposant n’avait pas justifié de l’existence de l’une de ses marques. L’opposant a logiquement formé un recours contre cette décision mais la chambre de recours de l’EUIPO l’a rejeté, sans même étudier le risque de confusion, au motif que la société Deichmann SE n’avait pas justifié de ses droits antérieurs selon les dispositions de la règle 19, paragraphe 2, du Règlement No. 2868/95 (devenue article 7, paragraphe 2, du règlement 2018/625) « au moyen de documents officiels qui proviennent de l’autorité compétente ayant procédé à l’enregistrement de la marque ».
Vous connaissez la suite ! Recours devant le TUE nous amenant à la décision du 6 décembre 2018.
Recevabilité des extraits de TMview
La société Deichmann SE soutient que les extraits de la base de données TMview sont conformes au Règlement car « les données […] proviennent des offices de marques participants, notamment l’OMPI, et que les extraits de cette base contiennent toutes les informations pertinentes pour démontrer la preuve de la protection d’un enregistrement international antérieur désignant l’Union européenne ».
Il est rappelé par le TUE que « la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du Règlement No. 2868/95 exclut la possibilité de produire des extraits d’une base de données donnant accès à des documents n’émanant pas de l’administration auprès de laquelle la demande de marque a été déposée ». Cela signifie que pour la partie européenne d’une marque internationale, un extrait provenant de « eSearch plus » n’est pas recevable car la base est gérée par l’EUIPO qui n’est pas l’administration auprès de laquelle la marque a été déposée (voir en ce sens l’arrêt Aldi Einkauf/OHMI – Alifoods (Alifoods), T‑240/13 du 26 novembre 2014).
A l’inverse, si la base de données TMview est un outil géré par l’EUIPO, les offices nationaux y participent, dont notamment l’OMPI, en donnant accès aux données des marques qui sont déposées auprès d’eux. Les informations sont donc fournies par les offices qui en sont responsables et qui les mettent à jour quotidiennement. L’extrait « TMview correspond à l’état du registre de l’autorité compétente au moment de la consultation de cette base par l’utilisateur ».
En conséquence, un extrait de TMview est un document équivalent à un certificat d’enregistrement et est recevable dans une procédure d’opposition devant l’EUIPO ! Il convient cependant que l’opposant fournisse un extrait qui contienne l’ensemble des informations utiles permettant d’assurer l’existence, la validité et l’étendue géographique de la marque antérieure.
Les Directives d’examen de l’EUIPO ne prévalent pas sur le Règlement
Dans le cadre des discussions, la société Deichmann SE s’est appuyée sur les directives d’examen de l’EUIPO qui disposent que « l’EUIPO accepte notamment, s’agissant des enregistrements internationaux, les extraits de la banque de données TMview, pour autant qu’ils contiennent les informations utiles ». Elle estimait donc être dans son bon droit en fournissant des extraits de TMview et que la chambre de recours ne pouvait pas aller à l’encontre de ces directives en rejetant son recours.
Le TUE rappelle que les décisions de la chambre de recours « relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire si bien que la légalité des décisions de ces mêmes chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base [du Règlement] ».
Les directives d’examen de l’EUIPO ne sont pas des actes juridiques contraignants pour interpréter le droit de l’Union Européenne (ce qui avait déjà été jugé dans l’arrêt Leno Merken du 19 décembre 2012 C-149/11).
Le TUE juge ainsi que les directives d’examen ne priment pas sur le Règlement mais, au contraire, que ce sont elles qui doivent être interprétées au regard du Règlement. Ces directives ne peuvent être invoquées pour justifier que la chambre de recours a violé le Règlement.
La reconnaissance « officielle » par le TUE de la recevabilité des extraits issus de TMview est une bonne nouvelle car elle permet de conforter la pratique de l’EUIPO et de rassurer les opposants. Le doute d’un rejet de la justification de ses droits antérieurs par le biais de TMview n’est plus qu’un souvenir !
Lire la décision T-848/16 du 6 décembre 2018 ici
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