24
septembre
2024
Le crocodile perd ses dents : Lacoste vaincu par CROCODOG
Author:
TAoMA
Lacoste essuie un revers dans sa bataille pour protéger sa célèbre marque de crocodile. Le 31 juillet 20241, l’EUIPO a rejeté l’opposition de Lacoste contre la marque CROCODOG désignant des produits pour animaux domestiques.
Lacoste, invoquant les articles 8(1)(b) et 8(5) du règlement sur la marque de l’Union européenne (RMUE), soutenait que la marque CROCODOG présentait une similitude avec ses marques figuratives de crocodile, en invoquant un risque de confusion et un détournement de notoriété.
Les différences visuelles et conceptuelles : au cœur de la décision
Dans cette décision, l’EUIPO a rappelé que l’impression globale d’un signe est déterminante pour évaluer la similitude. Bien que le composant verbal ait généralement un poids plus fort, cela n’est pas systématique. Ici, l’élément figuratif de CROCODOG, un animal imaginaire mêlant un crocodile et un chien, a joué un rôle central. Ce croc-chien se distingue par sa taille, sa position et son contenu hautement imaginatif.
En comparaison, les marques de Lacoste représentent un crocodile de façon réaliste, avec des détails anatomiques fidèles. L’EUIPO a estimé que ces représentations réalistes d’un crocodile et l’animal hybride de CROCODOG ne partagent pas de caractéristiques visuelles ou contours similaires. De plus, bien que les deux signes contiennent une tête de crocodile, leurs différences conceptuelles ont suffi à écarter tout risque de confusion ou d’association dans l’esprit du public.
L’impact pour les propriétaires de marques
Cette décision montre que, même pour des marques ayant une forte renommée comme Lacoste, il est essentiel que les signes soient visuellement et conceptuellement similaires pour soutenir une opposition. La notoriété seule ne peut pas surmonter des différences majeures. L’EUIPO a jugé que les divergences entre le crocodile réaliste de Lacoste et l’animal hybride de CROCODOG étaient suffisamment marquées pour rejeter l’opposition.
Malgré le rejet de cette opposition, Lacoste conserve ses possibilités de recours.
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Gaëlle Loinger-Benamran
Conseil en Propriété Industrielle Associée
1) EUIPO, Division d’Opposition, Opposition No. B 3 203 568, 31/07/2024
05
septembre
2024
Tempête sous le K-WAY
Author:
TAoMA
Par une décision du 4 juillet 2024, la Division d’Opposition de l’Office de l’Union européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) a accueilli favorablement l’opposition formée par K-Way S.p.A. contre la demande de marque de l’Union européenne figurative n°18 808 453, déposée par la société Ikara Pro-Sandiego SL pour des produits de la classe 25 (ie : vêtements de sport, tenues d’arts martiaux, et uniformes).
K-Way fonde son opposition sur sa marque figurative européenne no 11 396 521, renommée notamment dans le domaine des vêtements de sport et de loisirs en France, en Italie et au Benelux. K-Way s’appuie sur les articles 8(1)(b) et 8(5) du RMUE pour justifier de son opposition afin d’empêcher Ikara de profiter indûment de la réputation et de l’image solidement établie de la marque K-Way en Europe.
LES ARGUMENTS DE K-WAY
K-Way a basé son opposition sur le fait que la marque d’Ikara, bien que différente sur le plan verbal, présentait des similitudes notables dans ses éléments figuratifs, susceptibles de créer un lien dans l’esprit du public entre les deux marques.
K-Way a démontré que sa marque jouit d’une réputation solide, acquise par des décennies d’utilisation intensive, des investissements significatifs dans le marketing, et des collaborations de co-branding avec d’autres marques de renom.
Enfin, elle a soutenu que l’association visuelle entre les deux marques pourrait permettre à Ikara de tirer avantage de la réputation et du caractère distinctif de K-Way, créant ainsi un cas de parasitisme commercial.
LA DECISION DE L’EUIPO
La Division d’Opposition a d’abord reconnu la réputation de la marque K-Way, en particulier dans le domaine des vêtements de sport et de loisirs. Elle a également souligné que la protection accordée par l’article 8(5) du RMUE s’applique même en l’absence de confusion, si le public est susceptible de faire un lien entre les marques, lien qui pourrait porter atteinte à l’image ou à la réputation de la marque antérieure.
Après avoir examiné les éléments de preuve, l’EUIPO a conclu que, bien que les marques diffèrent sur le plan verbal, les similitudes figuratives étaient suffisamment significatives pour que le public puisse associer les deux marques. Cette association, selon la Division d’Opposition, risquait de conférer à Ikara un avantage commercial injuste en exploitant la notoriété de K-Way, sans cause légitime.
En conséquence, l’EUIPO a rejeté la demande de marque d’Ikara pour les produits contestés.
Cette décision réaffirme l’importance de la protection des marques de renom contre toute forme de parasitisme commercial et souligne que même une similitude faible, mais perceptible, entre deux marques peut suffire à établir un risque de préjudice ou d’avantage indu.
En protégeant sa marque, K-Way a réussi à garder sa réputation à l’abri des intempéries.
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Mélissa CASSANET
Conseil en Propriété Industrielle Associée
Elsa OLCER
Juriste Stagiaire
(1) EUIPO, Division d’Opposition, 4 juillet 2024, n° B 3 193 750
23
juillet
2024
CHANEL N°5 vs. 5 – Une décision au parfum de surprise
Par une décision du 17 juin 20241, l’Office Européen de la Propriété Industrielle (ci-après EUIPO) a rejeté l’opposition formée par la Maison Chanel contre la demande de marque de l’Union européenne semi-figurative n°18872562, déposée pour des produits tels que des crèmes parfumées, des huiles essentielles ou des sérums de beauté en classe 3.
En effet, considérant que cette demande de marque risquait de créer un risque de confusion dans l’esprit du public avec ses célèbres marques antérieures françaises n° 98755754 et N°5 n°1293767, Chanel a formé opposition contre l’ensemble des produits désignés en classe 3. La maison de luxe a notamment invoqué la renommée et le degré de distinctivité élevé de ses marques antérieures au soutien de son opposition, en raison de leur utilisation longue et intensive.
Malgré la reconnaissance de l’identité des produits en comparaison et la similarité visuelle et phonétique des signes, l’Office européen ne reconnaît pas le risque de confusion.
L’Office estime de manière surprenante que les marques antérieures et N°5 de Chanel jouissent d’un caractère distinctif normal en ce qu’elles n’ont aucune signification pour les produits désignés en classe 3, au regard des preuves fournies par Chanel. Il est ainsi reproché à Chanel de ne pas avoir fourni de preuves suffisantes permettant de démontrer que ses marques antérieures ont un degré élevé de distinctivité et sont sérieusement utilisées pour les produits désignés.
L’examinateur considère en outre que les différences entre les signes sont « frappantes et seront facilement mémorisables ». Ces différences sont renforcées par le fait que ce sont des signes courts. En effet, il est de jurisprudence constante que de faibles différences au sein de signes courts sont plus facilement perceptibles par le public pertinent d’attention moyenne, donnant lieu à une impression générale différente.
En l’espèce, la représentation de la marque contestée combinant la lettre « n » avec le chiffre « 5 » en un seul élément graphique est jugée « inhabituelle » par l’Office. Cette singularité aurait donc un impact immédiat sur la perception des consommateurs, les guidant vers la conclusion que les produits en question ont une origine commerciale distincte.
Par conséquent, l’EUIPO rejette l’opposition dans son intégralité.
Cette décision révèle que les marques les plus prestigieuses ne sont pas exemptées de fournir une démonstration suffisante de la renommée et du degré élevé de distinctivité de leurs marques. La renommée et le caractère distinctif ne sont pas automatiquement reconnus et doivent être sérieusement prouvés par l’opposant.
Compte tenu de la teneur de cette décision, il existe de fortes chances que Chanel fasse appel.
Margaux Maarek
Juriste en Propriété industrielle
(1) EUIPO, décision d’opposition n° B 3 203 223 du 17 juin 2023
27
juin
2024
Pour que Netflix reste chill en UE… elle doit prouver sa renommée !
L’EUIPO a tranché… ne créé pas de risque de confusion avec .
Bien que cette décision du 15 mai 2024 paraisse étonnante, le raisonnement de l’EUIPO est assez logique.
Les signes ne sont pas similaires selon l’EUIPO
Selon l’Office européen, les signes ne sont pas suffisamment similaires pour admettre l’opposition. Il considère que les signes sont assez différents visuellement, phonétiquement et conceptuellement pour le public pertinent. En effet, la seule terminaison -FLIX ne suffit pas à créer un risque de confusion compte tenu des premiers termes « NET » et « WEED » qui sont différents.
La renommée de Netflix au sein de l’Union Européenne n’est pas suffisamment prouvée
L’opposante savait qu’elle n’était pas très solide sur la similarité des signes. C’est pourquoi, elle a tenté d’invoquer la renommée de sa marque. Elle devait donc prouver cette renommée au sein de l’Union Européenne. Or, les pièces apportées par NETFLIX n’étaient pas suffisantes pour l’EUIPO.
D’abord, l’office a conclu à l’Inadmissibilité des preuves provenant du Royaume-Uni et des États-Unis. Il est rappelé que, conformément à l’article 8(5) du RMUE, les preuves de la renommée et de la distinctivité accrue doivent être pertinentes au moment de la décision et applicables dans l’Union européenne. Étant donné que le Royaume-Uni n’est plus membre de l’UE, les preuves relatives à ce territoire ne sont pas recevables. De même, les preuves provenant des États-Unis ne peuvent être utilisées pour démontrer la renommée au sein de l’UE.
Ensuite, l’office considère que les preuves apportées par NETFLIX pour démontrer la renommée dans l’UE sont insuffisantes. En l’occurrence, elle a présenté des statistiques impressionnantes à l’échelle mondiale, mais l’office considère que ces données n’étaient pas suffisamment spécifiques aux États membres de l’UE. Par exemple, les revenus et les abonnements présentés pour la région EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) n’étaient pas suffisamment détaillés pour extraire des données spécifiques à l’Europe.
Enfin, l’EUIPO conclut également à l’absence de preuves indépendantes et détaillées de la part de NETFLIX. Il a noté que de nombreuses preuves soumises par NETFLIX provenaient de ses propres publications et sites web, ce qui n’est pas suffisamment indépendant et objectif pour l’EUIPO. Les preuves fournies ne contenaient pas suffisamment de données indépendantes telles que des parts de marché spécifiques, des factures ou des informations précises sur la promotion et l’investissement dans l’UE.
Dans cette décision, l’Office rappelle qu’il est limité aux faits, preuves et arguments soumis par les parties et ne peut mener une enquête d’office. Par conséquent, les preuves doivent être claires et convaincantes pour conclure en toute sécurité que la marque est connue par une partie significative du public pertinent. Les éléments fournis par NETFLIX ne répondaient pas à cette exigence.
L’EUIPO doit tenir compte des raisonnements des offices nationaux lorsque les décisions sont comparables au cas d’espèce
L’Office soulève un dernier point intéressant dans sa décision. Bien qu’il n’est pas tenu par les décisions des offices nationaux, leur raisonnement et leur résultat doivent être dûment pris en compte, en particulier lorsque la décision a été prise dans l’État membre pertinent pour la procédure.
Toutefois, en l’espèce, les nombreuses décisions nationales citées par l’opposante ne sont pas comparables avec l’affaire en cause.
L’Office conclut donc en ces termes : « Malgré des décisions nationales antérieures et la reconnaissance de la marque « NETFLIX », il n’existe aucun risque de confusion entre « NETFLIX » et « WEEDFLIX WEEDFLIX » pour le public pertinent. Les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles sont suffisamment marquées pour éviter toute confusion sur l’origine commerciale des produits et services ».
Partant, l’EUIPO rejette l’opposition de NETFLIX et le signeest enregistré.
Cette décision va certainement faire l’objet d’un recours devant le Tribunal de l’Union Européenne. NETFLIX n’est pas du genre à produire un seul épisode !
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Juliette DESCAMPS
Élève-Avocat
Malaurie PANTALACCI
Conseil en Propriété Industrielle Associée
04
juin
2024
NUTELLA vs. MOZARTELLA : La bataille des tartines !
Le 5 avril 2024, la Division d’Opposition de l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) a rejeté dans son intégralité l’opposition formée par la société Ferrero S.p.A., titulaire de la célèbre marque NUTELLA contre la demande de marque européenne MOZARTELLA, déposée par John Wambua1.
La société Ferrero S.p.A., s’est opposée à cette demande, en classes 29 et 30, en invoquant notamment l’article 8 paragraphe 5 du Règlement sur la marque de l’Union européenne, qui protège les marques de renommée de l’Union européenne tout comme les marques nationales jouissant d’une renommée au sein d’un État membre, et ce même en l’absence d’identité ou de similarité entre les produits et services désignés par les signes. Cette renommée permet au titulaire de la marque antérieure renommée de s’opposer à une demande de marque identique ou similaire dont « l’usage sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice ».
Les marques NUTELLA jouissent d’une renommée en France et en Italie pour les pâtes à tartiner, désignées en classe 30
La renommée d’une marque implique qu’elle soit connue par une partie significative du public pertinent pour ses produits ou services. Dans le cas présent, la demande de marque contestée a été déposée le 02/12/2022, et l’opposante devait prouver que ses marques jouissaient déjà d’une renommée à cette date.
Les preuves doivent démontrer que cette renommée existait pour les produits spécifiques revendiqués, essentiellement les pâtes à tartiner contenant du cacao. Les documents soumis montrent un usage de la marque NUTELLA depuis 1965, avec une présence forte et continue sur le marché, des volumes de ventes élevés, et une publicité significative. Des enquêtes de marché et des articles de presse confirment la renommée de la marque, soutenue par des décisions judiciaires en France et en Italie.
Ainsi, la Division d’Opposition conclut que les marques antérieures jouissent d’une renommée en France et en Italie, pour les produits concernés, en classe 30.
Les signes sont visuellement et phonétiquement similaires à un faible degré, et ne partagent aucune similitude conceptuelle
La Division d’Opposition indique que la marque antérieure NUTELLA est distinctive et sans signification particulière. La demande contestée, quant à elle, distinctive pour le public pertinent, peut être associée aux termes « MOZARELLA/MOZARELLE » (un type de fromage) ou au compositeur Mozart.
La société Ferrero S.p.A. soutient qu’il existe des similitudes visuelles et auditives entre les signes en cause, en se fondant notamment sur des décisions antérieures de l’Office pour étayer ses arguments. La Division d’Opposition rappelle néanmoins qu’elle n’est pas liée par ses décisions antérieures, chaque cas devant être traité séparément et en tenant compte de ses particularités.
Selon l’Office, « visuellement et auditivement, les signes ont une longueur, un rythme et une intonation différents ; les marques antérieures sont composées de sept lettres tandis que le signe contesté est composé de dix lettres. Les signes coïncident dans leurs lettres finales « -TELLA ». Cependant, ils diffèrent dans les débuts plus visibles et audibles « NU » contre « MOZAR » qui sont composés de lettres complètement différentes et ont une longueur très différente. ». Ce raisonnnement se fonde notamment sur un jugement du Tribunal de l’Union Européenne selon lequel « le public n’est généralement pas conscient du nombre exact de lettres dans une marque verbale et, par conséquent, ne remarquera pas, dans la majorité des cas, que deux marques en conflit ont le même nombre de lettres ».
Par conséquent, contrairement aux arguments de l’opposant, les signes sont visuellement et phonétiquement similaires à un faible degré.
Conceptuellement, pour la partie du public qui associera le signe contesté au contenu sémantique susvisé, les signes ne sont pas conceptuellement similaires. Pour la partie du public qui n’associera pas le signe contesté à une signification, la comparaison conceptuelle n’est pas possible et l’aspect conceptuel n’influence pas l’évaluation de la similitude des signes.
La Division d’Opposition juge « peu probable » le lien mental entre les signes par le public pertinent
Les marques antérieures sont réputées, mais les signes présentent un faible degré de similitude visuelle et auditive.
Pour démontrer un risque de confusion, il faut établir que le public pertinent associera les signes en cause, « compte tenu de tous les facteurs pertinents » (le degré de similitude entre les signes, la force de la renommée de la marque antérieure, l’existence d’une probabilité de confusion de la part du public, etc.).
Pour établir un lien entre les marques, les sections pertinentes du public pour les produits et services doivent se chevaucher. Dans le cas présent, les produits appartiennent au même secteur de marché des denrées alimentaires et des boissons, mais les signes ont des différences frappantes, rendant improbable l’association par le public.
Ainsi, « malgré la similarité de marché et de distribution des produits alimentaires, les signes ont un faible degré de similitude visuelle et auditive, et une association conceptuelle n’est pas possible. La terminaison « TELLA » de « MOZARTELLA » ne sera pas perçue séparément ». Ainsi, l’opposition est rejetée car un lien mental entre les signes est improbable.
Il n’existe aucun risque de confusion entre les marques en cause, malgré la renommée dont jouissent les marques antérieures
Selon l’article 8(1)(b) du RMUE, un risque de confusion existe si le public peut croire que les produits ou services proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées.
Cette évaluation globale dépend de facteurs interdépendants tels que la similitude des signes, des produits et services, le caractère distinctif de la marque antérieure, et le public pertinent. La similitude est une condition préalable pour l’application des articles 8(1)(b) et 8(5) du RMUE. L’article 8(1)(b) nécessite un degré de similitude suffisant pour engendrer une confusion, tandis que l’article 8(5) exige seulement un lien entre les marques.
Dans ce cas, malgré une certaine renommée de la marque antérieure, les similitudes entre les signes sont jugées insuffisantes pour établir un lien ou un risque de confusion, conduisant au rejet de l’opposition en vertu de l’article 8(1)(b) du RMUE.
La décision souligne l’importance des différences distinctives dans l’évaluation de la similitude des marques et réaffirme que même des marques renommées ne peuvent pas toujours empêcher l’enregistrement de marques similaires, surtout lorsque les différences sont suffisantes pour éviter une confusion dans l’esprit du public.
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Gaëlle Bermejo
Conseil en Propriété Industrielle
(1) Décision de la Division d’Opposition, EUIPO, OPPOSITION Nо B 3 191 441, 05 avril 2024
25
janvier
2024
« RACIN PIGEON OLIMPIAD » hors du podium : la médaille d’or revient au Comité Olympique et à sa marque de renommée
Si les emblèmes olympiques font l’objet d’une protection et défense accrue (voir notre article sur les anneaux olympiques), les termes eux-mêmes ne sont pas en reste, comme l’illustre la présente affaire opposant la marque OLYMPIC à la marque RACING PIGEON OLIMPIAD.
Dans cette affaire, une société roumaine avait obtenu l’enregistrement de la marque de l’Union européenne figurative RACING PIGEON OLIMPIAD. Le Comité international olympique a alors déposé une demande en nullité, arguant une atteinte à la renommée de ses marques antérieures, notamment la marque OLYMPIC.
L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), après avoir vérifié la recevabilité des marques invoquées, va se pencher sur les trois éléments clés pour évaluer l’atteinte : la renommée de la marque antérieure, la similitude des signes et le préjudice qui découle de l’usage de la marque contestée.
Sans grande surprise, l’EUIPO conclut à la renommée de la marque OLYMPIC !
La requérante, au moyen de nombreuses preuves a fait valoir que sa marque antérieure OLYMPIC était « l’une des marques plus connues dans le monde du sport et du divertissement » jouissant « d’un prestige exceptionnel et d’une renommée exceptionnelle ».
L’EUIPO considère que les arguments et pièces apportés au débat démontrent la renommée de la marque : selon la Division, la marque OLYMPIC occupe une place majeure au sein de l’Union Européenne depuis une période suffisante et fait l’objet d’une couverture médiatique importante.
Si la similarité entre les signes reste faible, le lien mental persiste, causant un préjudice au Comité international olympique.
La Division d’annulation procède à une évaluation de la similitude entre la marque antérieure OLYMPIC et la marque contestée RACING PIGEON OLIMPIAD.
Elle analyse en détail les éléments verbaux et figuratifs des deux marques. La Division rappelle que l’élément verbal a généralement un impact plus fort sur le consommateur que l’élément figuratif, et insiste sur le fait que le seul terme de la marque antérieure OLYMPIC est similaire à l’élément le plus distinctif et dominant de la marque contestée, OLIMPIAD. Il découle de ces constatations de faibles similitudes d’ensemble entre les marques en cause.
Finalement, la (faible) similitude entre les marques est renforcée par la démonstration d’un lien mental entre les signes, entraînant un risque de préjudice pour le Comité olympique international.
En effet, l’EUIPO explique qu’il existe un risque de transfert d’image associé à la marque du demandeur, vers les produits et services contestés, laissant entrevoir une exploitation indue de la renommée et de l’excellence de la marque antérieure.
Cette affaire met en lumière les défis juridiques entourant les marques liées aux Jeux Olympiques : les jeux ne sont pas toujours Olympistes !
Juliette Danjean
Stagiaire – Pôle CPI
Baptiste Kuentzmann
Conseil en Propriété Industrielle
05
décembre
2023
LA MAISON DU CHOCOLAT JUGÉE NON-DISTINCTIVE POUR DÉSIGNER DES PRODUITS ET SERVICES VIRTUELS EN LIEN AVEC LE CHOCOLAT
Le 5 octobre 2023, la chambre des recours de l’EUIPO a confirmé la décision de refus partiel de la demande de marque de l’Union européenne LA MAISON DU CHOCOLAT n°18719890, d’avoir considéré que le signe était descriptif et dépourvu de caractère distinctif notamment pour des produits et services virtuels en lien avec du chocolat1.
La société La Maison du chocolat, spécialisée dans la fabrication de confiseries et la transformation de cacao, a déposé la demande de marque de l’Union européenne LA MAISON DU CHOCOLAT n°18719890 le 21 juin 2022 pour désigner des produits et services en classes 9, 35 et 41 auprès de l’EUIPO.
Par une décision du 23 février 2023, l’examinateur a partiellement refusé cette demande de marque au motif que le signe LA MAISON DU CHOCOLAT serait (i) descriptif de l’espèce et (ii) dépourvu de caractère distinctif.
En effet, il estime que le consommateur français (public retenu comme pertinent) est susceptible de percevoir le signe comme « un magasin sous forme de boutique maison qui vend et/ou produit du chocolat », qui viendrait, de ce fait, décrire l’espèce des produits désignés.
L’Office a notamment refusé les produits et services suivants à l’enregistrement :
– Classe 9 : « Produits virtuels téléchargeables à savoir programmes informatiques en relation avec le cacao et préparations à base de cacao, cacao en poudre, pâtes à tartiner au cacao (…) »
– Classe 35 : « Services de magasin de vente au détail en ligne proposant des biens virtuels à savoir du cacao, du cacao en poudre, des pâtes à tartiner au cacao (…) » ;
– Classe 41 : « Services de divertissement, à savoir offre en ligne de biens virtuels, à savoir du cacao et des préparations à base de cacao, du cacao en poudre, des pâtes à tartiner au cacao (…) ; »
Toutefois, ladite demande a été accueillie pour des produits et services virtuels en lien avec la pâtisserie.
La société demanderesse a formé un recours contre cette décision devant la Chambre des recours de l’EUIPO qui a, par une décision du 5 octobre 2023, confirmé la décision de l’examinateur en rappelant et appliquant les dispositions de l’article 7 §1 b et c et §2 du Règlement sur la Marque de l’Union européenne (RMUE).
En effet, une marque doit être refusée dès lors qu’elle est :
– composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir dans le commerce pour désigner l’espèce, la qualité etc … En l’espèce l’association des termes « LA MAISON DU » (qui forme à l’évidence une expression désignant une entreprise commerciale), au terme « CHOCOLAT » informe clairement les consommateurs sur l’espèce des produits et services en cause. Le consommateur percevra le signe comme un centre ou bâtiment qui fabrique/ produit/ vend du chocolat ou y trouver une expérience qui est liée au chocolat même, que cela soit dans le monde réel comme dans le monde virtuel.
– dépourvue de caractère distinctif, ne serait-ce que dans une partie de l’Union européenne. En l’espèce, la marque demandée sera considérée pas le public pertinent comme indiquant seulement que les produits et services proviennent d’une entreprise commerciale spécialisée dans le chocolat ce qui constitue un message laudatif vantant la spécialisation et le caractère unique de l’entreprise commerciale.
Dès lors, elle confirme que la demande de marque en cause est descriptive des produits et services objectés, quand bien même ces derniers soient virtuels et rejette le recours de la demanderesse. LA MAISON DU CHOCOLAT est donc enregistrée pour les produits et services restants et notamment ceux en lien avec la pâtisserie.
Ce n’est pas la première fois que la demanderesse se voit refuser l’une de ses demandes de marque à l’enregistrement pour défaut de caractère distinctif par l’Office. En effet, elle avait déjà cherché à déposer le signe LA MAISON DU CHOCOLAT en 2003 pour des produits et services en classes 30 (cacao, pâtisserie et confiserie, sauces (condiments)) et 43 (services de restauration (alimentation)) sans succès. La tentative pour des produits et services du monde virtuel se heurte finalement aux mêmes refus de l’Office.
L’Office adopte ainsi la même appréciation de la distinctivité pour les marques désignant des produits virtuels que pour les marques désignant des produits matériels. En effet, d’après la Chambre des recours, le caractère virtuel de ces produits ou services ne modifie pas la perception du signe, tant qu’ils ont un lien avec le chocolat ou le cacao.
Cette décision témoigne donc de la volonté de l’EUIPO d’adapter le droit des marques aux nouveaux enjeux du virtuel.
Margaux Maarek
Juriste
Mélissa Cassanet
Conseil en Propriété Industrielle Associée
(1) EUIPO, Chambre des recours, 5 octobre 2023, R 836/2023-2
28
novembre
2023
Champagne vs. Champaign : pour l’EUIPO, les ingrédients ne sont pas réunis en cuisine pour rejeter la demande de marque !
Le Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne (CIVC) qui représente et défend les droits de l’AOP « Champagne » constate tous les jours des dépôts de marques comportant le mot « Champagne » ou faisant référence à l’univers du Champagne.
C’est sans conteste le cas de la demande de marque de l’Union Européenne « Champaign » déposée en juillet 2022 par la société américaine Monument Grill pour des produits de cuisson, de réfrigération, etc. Cette marque a la même prononciation anglosaxonne que le mot Champagne et se présente de la manière suivante :
Fidèle à son combat, le CIVC a formé opposition contre la demande de marque litigieuse afin de tenter d’empêcher son enregistrement.
Contre toute attente, l’EUIPO, en rupture avec sa propre jurisprudence et celle de la CJUE, a rejeté l’opposition du CIVC dans une décision datée du 10 octobre dernier en considérant que : « Même si les appareils et installations frigorifiques mentionnés peuvent être utilisés pour stocker du vin, les produits litigieux et le vin couvert par l’AOP Champagne sont très éloignés en termes de nature et d’aspect physique, de méthode de fabrication/élaboration et de destination ».
L’Office ajoute que le fait que les deux termes se prononcent de façon similaire « n’est pas suffisant pour que le public puisse établir un lien clair et direct entre la demande de dépôt de marque de l’Union Européenne contestée, pour des réfrigérateurs, et le produit protégé, du vin provenant de la région de Champagne ».
Enfin, l’CJUE considère que le public ne percevra pas une signification particulière dans le terme contesté « Champaign » dans la mesure où celui-ci signifie également en vieil anglais « étendue plate de campagne » ou « étendue de terrain plat », élément qui, selon lui, est de nature à démontrer l’absence de volonté délibérée de la société américaine de parasiter l’AOP Champagne.
Même si l’Office se justifie en précisant que cette décision « n’est pas remise en cause par les nombreuses décisions citées par le CIVC étant donné que les circonstances, les faits et les éléments de preuve à l’égard desquels ces affaires ont été appréciées étaient différents de l’espèce ». On l’aura compris, cette décision vient en rupture de la jurisprudence de la CJUE en la matière.
On peut en effet citer notamment l’affaire du bar à tapas espagnol « Champanillo » (notre news sur cette affaire ici) dans laquelle la CJUE, interrogée par la Cour de Barcelone, affirme que les AOP doivent être protégées à l’encontre d’une évocation se rapportant tant à des produits qu’à des services, en cas d’incorporation partielle de l’appellation protégée, de parenté phonétique et visuelle, de proximité conceptuelle ou de similitude entre les produits couverts par l’AOP et les produits et services couverts par le signe litigieux.
L’arrêt « Champanillo » pose ainsi le principe selon lequel les AOP sont protégées vis-à-vis de signes utilisés pour désigner des produits ou des services non couverts par l’appellation « Champagne » et démontre ainsi la volonté de la CJUE de garantir aux indications géographiques une protection étendue.
La voie que vient d’emprunter l’EUIPO est toute autre. Il convient toutefois de préciser qu’il s’agit là de la position de la Division d’Opposition.
Dans une affaire similaire, l’opposition contre le dépôt d’une marque de l’Union Européenne « Champagnola » par une société tchèque en classes 30 (pains et pâtisseries) et 40 (services de boulangerie et pâtisserie) avait été rejetée par la Division d’Opposition en 2019 au motif que les produits et services désignés par la demande n’étaient pas similaires au vin de Champagne et qu’il n’y avait en l’espèce ni usage commercial ni évocation et dès lors aucun risque de confusion.
Saisie d’un recours contre cette décision par le CIVC, la Chambre de Recours a annulé la décision, le 17 avril 2020, en refusant l’enregistrement de la marque « Champagnola » en classes 30 et 40 en considérant que celle-ci est une évocation certaine du terme Champagne et qu’elle exploite la renommée de l’AOP « Champagne », peu important que les produits et services visés ne soient pas similaires.
L’affaire Champaign est, depuis le 20 octobre, dans les mains de la Chambre de Recours de l’EUIPO qui optera pour la protection des appellations ou pour la poursuite du putsch engagé par la Division d’Opposition à l’égard de la CJUE.
Alors, Champagne ou pas ?
Juliette Biegala
Juriste
Jean-Charles Nicollet
Conseil en Propriété Industrielle Associé
21
novembre
2023
Un dépôt décoiffant et controversé : une marque représentant le visage d’une femme pour des services de mannequinat est-elle distinctive ?
Le 26 octobre 2017, la société Roos Abels Holding B.V. a déposé une demande de marque figurative représentant le visage d’une femme pour couvrir les « services de mannequins et de modèles photographiques pour la publicité ou la promotion des ventes » en classe 35 et les « services de modèles et de mannequins à des fins récréatives ou de loisirs » en classe 41.
Nous rappelons qu’aux termes de l’article 7, 1° b) et c) du Règlement sur la marque de l’Union européenne du 20 décembre 1993, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif » et « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».
Un refus de l’EUIPO fondé sur l’absence de caractère distinctif : cette demande de marque ne présente aucune caractéristique particulière
En l’espèce, considérant que le signe était dépourvu de caractère distinctif à l’égard des services couverts, l’EUIPO a entièrement rejeté le 17 avril dernier cette demande de marque.
Cette décision était notamment fondée sur les constations suivantes :
– « L’image en cause ne consiste qu’en une représentation naturelle de la tête/du visage d’une (jeune) femme. Compte tenu de l’attention du public concerné, la marque demandée ne permet pas à ce public de distinguer immédiatement et infailliblement les services démandés d’apparences similaires d’une origine commerciale différente ».
– « Des images ou des photos de personnes apparaissent et sont utilisées dans le cadre de services de toutes sortes, principalement ceux liés à l’habillement et à la mode. Bien que ces images puissent représenter certaines personnes ou individus concrets, elles n’impliquent rien de plus qu’une représentation banale des personnes en général, de sorte que ces images sont comprises comme étant communes aux services en question (…) ».
– « La présente marque figurative ne présente aucune caractéristique particulière susceptible d’influencer la mémoire des consommateurs au point de distinguer les services demandés des autres. La forme de présentation n’est pas substantiellement différente d’autres représentations fidèles de la tête/du visage d’une (jeune) femme (…) ».
En désaccord avec cette appréciation, la société déposante a formé un recours contre cette décision le 16 juin 2023, faisant notamment valoir que :
– « La particularité et l’originalité sont des critères de distinction. Le visage d’un adulte est précisément l’élément du corps humain qui permet de distinguer une personne d’une autre (…). Les chambres de recours ont déjà décidé, à plusieurs reprises, que le public perçoit une image photographique d’une personne comme identifiant l’origine des produits et des services (…) ».
– « Le fait que les images de personnes soient généralement plus utilisées dans la vente ou la fourniture de produits et de services n’enlève rien au caractère distinctif de la présente demande. Tant que l’image faisant l’objet de la marque demandée est en elle-même reconnaissable et unique, elle peut servir de signe d’origine ».
– Outre le fait que le visage humain d’une personne adulte est une marque de distinction, la femme représentée est une personne connue dans le monde du mannequinat (…). Son visage est sa marque et avec son succès, elle a acquis une popularité et une renommée rachetables qui constituent un motif suffisant pour l’enregistrement de son portrait en tant que marque ».
La chambre de recours de l’EUIPO reconnait l’existence d’un caractère distinctif : ce signe est apte à remplir la fonction essentielle d’une marque
À la lumière de ces éléments, la chambre de recours a annulé la décision contestée et autorisé la publication de la demande de marque de l’UE No. 017393125 pour l’ensemble des services couverts, dans une décision rendue le 30 octobre 20231.
En premier lieu, la chambre de recours rappelle qu’il n’est pas nécessairement plus difficile d’établir le caractère distinctif de la marque figurative en cause simplement parce qu’il s’agit d’une représentation naturelle.
Elle considère en effet que « les caractéristiques particulières ou originales ne sont pas des critères du caractère distintif d’une marque, la marque en question doit permettre au public de distinguer les produits et services en cause de ceux d’autres entreprises ou personnes ».
En l’espèce, même s’il s’agit d’une représentation fidèle d’un visage de femme, cette image peut être interprétée comme une marque d’autant qu’elle n’évoque aucunement les services en cause. Ainsi, la chambre de recours considère que le public concerné percevra le signe comme identifiant l’origine des services couverts, à savoir qu’ils proviennent de la personne représentée.
En outre, la chambre de recours conteste le raisonnement de l’examinateur selon lequel, « en ce qui concerne les services demandés dans les classes 35 et 41 de mannequins et de modèles photographiques, l’image ne représenterait que la personne fournissant ces services ». Au contraire, selon elle, cette image permettra de distinguer l’origine commerciale de ces services.
Enfin, la chambre de recours déclare que le fait que la personne soit connue du public concerné n’a pas d’incidence sur son caractère distinctif intrinsèque.
A la lumière de cette décision, la chambre de recours de l’EUIPO considérerait-elle qu’un visage permet aussi facilement qu’un nom patronymique d’identifier des produits et services ?
Le cas échéant, les demandes de marques ne manqueront pas d’affluer chez les avares de célébrité… !
Gaëlle Bermejo
Conseil en Propriété Industrielle
(1) Décision de la quatrième chambre de recours du 30 octobre 2023
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